Alors que les 27 chefs d’État européens se sont rassemblés à Bruxelles, le 6 mars, et que de nombreux tabous ont été remis en question par les chancelleries, la question de la création d’une alliance militaire propre, articulée et commandée exclusivement par des européens, émerge à nouveau.
Pour l’heure, cette question n’est évoquée qu’à très bas bruit, et de manière indirecte, notamment pour articuler la possible intégration de l’Allemagne à un bouclier nucléaire assuré par les dissuasions françaises et britanniques, alors qu’il faudra, nécessairement, qu’une structure de commandement conjointe coordonne l’action militaire de ces trois pays, pour permettre de donner corps à cette mesure décisive.
Toutefois, si le principe semble, de prime abord, séduisant, lui donner corps sera très difficile, tant les différentes étapes à franchir, seront complexes, et nécessiteront des changements radicaux de paradigmes de la part des pays qui la rejoindront.
Quelles sont ces 5 étapes qui conditionnent, aujourd’hui, l’émergence d’une alliance militaire européenne ? Quelles seront leurs contraintes et difficultés propres ? Et dans quelle mesure, une telle initiative est-elle réaliste aujourd’hui ?
Sommaire
Créer une alliance militaire européenne, une initiative pas si naturelle que cela
Le principe de donner naissance à une alliance militaire européenne, autonome dans ses décisions comme dans ses sources d’approvisionnement en matière d’équipements de défense, n’a pas émergé il y a quelques jours, avec la remise en question de la protection américaine de l’Europe par Donald Trump, et l’évolution rapide de la menace russe.

Déjà, au début des années 50, la Communauté européenne de Défense, ou CED, fut un terrible échec pour la construction d’une Europe souveraine et autonome, en grande partie après le refus de valider le traité par le Parlement français en 1954, alors que même que la CED était une initiative lancée par Paris et Bonn en 1950. Pendant toute la guerre froide, la défense européenne ne s’est articulée que dans le cadre de l’OTAN, sous la tutelle américaine, et du Pacte de Varsovie, inféodée à l’Union soviétique.
Avec la chute du mur de Berlin, et l’éclatement du bloc soviétique qui s’en suivie, l’OTAN fédéra la presque totalité des pays européens, en à peine deux décennies, intégrant notamment les anciens membres du Pacte de Varsovie, certaines Républiques soviétiques et yougoslaves, et jusqu’à la Suède et la Finlande, après que la Russie a déclenché son opération militaire spéciale en Ukraine, en février 2022.
La situation, aujourd’hui, tout le monde la connait. Le rapprochement entre Washington et Moscou, sur fond de partage des ressources minières ukrainiennes, redessine l’ensemble de la carte géostratégique européenne, créant une profonde défiance des européens vis-à-vis de la promesse de protection américaine, elle-même taillée en brèche par le nouvel exécutif américain.
De fait, et alors que les européens se sont rassemblés, ce 6 mars, à Bruxelles, pour tenter de définir une stratégie commune pour soutenir l’Ukraine face à la Russie et au retrait de l’aide américaine, la tentation de se tourner, à nouveau, vers la création d’une alliance militaire européenne, est évoquée à demi-mots par plusieurs dirigeants européens, y compris ceux qui, jusqu’à présent, appartenaient à des pays qui y étaient le plus fermement opposé.
Étape 1 : Rassembler un socle fondateur résilient, attractif et nucléaire, pour fédérer les européens
Le sujet ne leur est pas inconnu, au-delà des références historiques. En effet, depuis 2017, le président français, Emmanuel Macron, n’avait cessé de plaider en faveur d’une telle initiative, et de l’émergence d’une véritable autonomie stratégique européenne, se substituant à la dépendance stratégique des européens envers les États-Unis.

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Merci pour cet article qui va chercher plus loin que le naïf « il faut faire l’Europe de la défense », et qui étudie les conditions pratique d’une mise en œuvre. Il le semble toutefois que la question de fond à poser par le président français est celui de la vision qui doit être réaliste (donc restrictive) et convenablement répondre aux besoins des principaux acteurs. Par exemple :
Une alliance strictement défensive, concernant uniquement le territoire européen. Pays de l’UE et « associés» (UK, Norvège, Islande…), certainement pas la Turquie ou l’Ukraine. Une structure commune de coordination avec :
– 1 commandement global y compris doctrine, plans de défense , soutien et standardisation…
– 1 commandement Nord
– 1 commandement Sud
– 1 commandement « expéditionnaire » pour coordonner d’éventuelles opérations hors Europe sur la base du volontariat uniquement.
Un directoire comprendrait les principaux pays disposant d’une masse critique : Allemagne, France, UK, Italie, Pologne, Espagne.
Cette alliance serait le pilier européen de l’OTAN et remplacerait les adhésions individuelles à l’OTAN.
Au niveau des forces terrestre on peut ensuite imaginer des Corps d’armée sous la responsabilité des principaux pays, en fonction de leurs atouts, culture et intérêts respectifs.
– corps de réaction rapide lourd, avec un cœurs français renforcés d’espagnols, mais capable d’intégrer des unités d’alerte allemandes, italienne.(atout : réactivité du Président français, soutien psychologique de la dissuasion)
– corps de réaction rapide expéditionnaire léger, avec un coeur français, mais capable d’intégrer des unités d’alerte allemandes, italienne et espagnole, anglaise etc….(atout : tradition expéditionnaire et réactivité du président)
– 3 corps blindés (= corps de bataille européen) disposant d’une relève à 100% via une force de réserve : 1 Polonais, 1 Allemand, 1 Italien, chacun renforcé des forces du benelux.
– 1 corps de réaction rapide Nord (cœur UK, intégrant diverses unités par roulement)
– 1 corps de réaction rapide Sud (cœur Espagnol, intégrant diverses unités par roulement)
– 6 corps d’armée multinationaux réparties sur le flanc est, pour permettre au delà de la défense « territoriale » la coordination des unités d’élites des pays de la zone et des unités prépositionnés (ex: Norvège/Suede/finlande avec quelques unités tournantes d’autres pays, Pays baltes et unités de réassurance prepositionnées, Pologne et unités de réassurance…etc…)
Il me semble que l’ensemble représente un exemple de « mécano » optimisé d’armées nationales indépendantes un ensemble cohérent et parfaitement dissuasif vis à vis :
– de la russie
– de la turquie
– des états unis (qui restent formellement un allié, mais qui nous respecteraient)
– d’eventuels troubles sur le flanc sud : développement de régimes islamiques, menace sur nos voies de communication ou approvisionnements, désordre provoquant des migrations massives, expansion chinoise en Afrique…
– de la Chine (car les USA seraient totalement libérés de l’Europe, et nous pourrions si besoin les appuyer avec un corps expéditionnaire, par exemple pour le contrôle des détroits entrée le pacifisme et l’ocdan indien)
Concernant le nucléaire on peut mettre à disposition des pays non dotés du « directoire » des ASMP sous double-clé.
Une dernière remarque : la politique industrielle devraitsuivre la même approche (les programmes « franco-allemands » relèvent souvent de l’idéologie) : on peut développer en bonne intelligence un char « allemand » et VCI lourd pour certains pays, et en parallèle un blindé chenillé plus léger autour de 45-48t pour la France et l’Espagne (et l’export) adapté à une doctrine de réaction rapide. L’important est de tenir compte de la cohérence d’ensemble, des atouts et besoins des principaux pays pour que chacun y trouve sa place.
a mon sens, il est encore prématuré de se livrer à un exercice aussi détaillé, avant de connaitre plus précisément le périmètre de ce que serait cette éventuelle alliance militaire européenne (qui participe, qui est cadre, quelles capacités sont concernées, quels sont les objectifs..). C’est intellectuellement stimulant, mais trot tôt.
Juste une remarque, sur cela. Vous parlez de double clé. De mon point de vue, ce terme est à bannir, car il est excessivement fallacieux, laissant supposer que chacun des protagoniste dispose de la moitié de la décision, ce qui est inexacte. Cela s’appuie sur l’image largement véhiculée par Hollywood d’armes nucléaires armées par deux clés, tournées simultanément et dans le sens contraire (histoire de simplifier), pour armer une bombe nucléaire, l’une etant détenue par les USA, l’autre par le pays hôte. Cela encore, est inexact.
Dans le cadre de la dissuasion OTAN, seuls les États-Unis ont la décision sur l’utilisation et l’armement des armes nucléaires B61, ainsi que sur la désignation des objectifs (qui revient à l’OTAN, mais comme celle-ci est dirigée par le SACEUR, un général américain… au final, tout vient de Washington). Le seul veto dont disposent, par exemple, Berlin ou La Haye, c’est d’éventuellement refuser d’utiliser ses propres aéronefs pour cela. Toutefois, ils savent aussi que s’ils refusaient de le faire, cela ne les protègerait pas pour autant de frappes nucléaires en retour de la part de Moscou.
Je ne suis justement pas d’accord, le fait d’imaginer et proposer un état futur souhaité relativement concret et opérationnel permet de prendre conscience de ce qui est possible et de la valeur ajoutée de la démarche. C’est la meilleure façon de débloquer les phases amont, pour que les acteurs puissent se projeter et rentrer dans la démarche. Et la Crance doit être force de proposition tout en tenant compte des attentes des différents pays. Parlons de « pièce à casser » dans le métier du conseil. Pour le nucléaire il me semble qu’on peut envisager de partager des ASMP en conservant le veto sur l’emploi, si ça convenait dans le cadre de l’OTAN, j’imagine que ça leur conviendra aussi. Et ce sera déjà plus crédible qu’une bombe à gravité B61! qui impose de survoler l’objectif…
oui cela a déjà été envisagé, ici, mais ASMP-A ne se met en oeuvre que sur rafale et les pays actuels porteur de la bombe B1 sont les f35 américains. je doute que les ricains reprennent leur fer à repasser aux acheteurs imprudents, qu’ils ont été ? mais bon ils peuvent essayer, un refus ne fait pas de mal !
je ne suis pas un grand enthousiaste du partage formel de la dissuasion, mais pour la symbolique et aider à la mise en place d’une architecture de défense commune ça ne me semble pas absurde de mettre à disposition (moyennant finances) un escadron de rafale et une douzaine d’ASMP pour chaque pays : polonais, allemands, italiens et espagnols.
Tout ça c’est bien.joli, mais comment vont faire tous les candidats piégés par le f35.
Un gouffre financier.
Une fois un pays engagé dans le programme F-35, il doit payer des sommes colossales pour la maintenance et les mises à jour.
Pas d’utilisation sans l’autorisation de Washington.
.Ces pays ne peuvent pas prendre de décisions militaires sans l’aval américain s’ils veulent utiliser pleinement leurs F-35.
L’OTAN reste dominée par les États-Unis, qui peuvent dicter les règles du jeu et ne tollereont pas une concurrence.
Toute tentative d’indépendance militaire européenne est affaiblie par cette dépendance.
Il va leur falloir beaucoup d’imagination pour sortir de ce piège dans lequel ils ont foncé tête baissée a la manière de l’autruche.
J’ajoute pour exemple le cas du Groenland qui va peut être en situation de conflit avec Trump dans son projet d’annexion. Je crois que 17 f35 ont été livrés et les Danois découvrent que leur utilisation est au bon vouloir de Washington. Cherchez l’erreur. Sur le ton de la plaisanterie, la France pourrait positionner un escadron de rafales aux îles Féroé ou Saint-Pierre et Miquelon!
oui en même temps, ils disent découvrir que même en les payant, globalement leurs avions ne leur appartiennent pas vraiment ? je pense qu’ils ont du lire les contrats avant , non ? les politiques essayent toujours de se dédouaner de leurs conneries, après, aux yeus de leurs électeurs, trop facile . regardez en suisse , ils commencent à se poser des questions, il est un peu tard pour se rendre compte que l’on leur a vendu du vent. quand on ne veut rien voir, ni entendre, il ne faut pas pleurer après !