Le programme de drones navals SDAM avance, mais sa planification recèle d’importantes zones d’ombre

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Le premier vol du dĂ©monstrateur VSR700 Ă©tait effectuĂ© le 8 novembre 2019 par Airbus. La loi de programmation militaire (2019 – 2025) prĂ©voit les premières livraisons Ă  partir de 2028. Pourtant, la communication institutionnelle entretenue par la Marine nationale assure que le Système de Drone AĂ©rien de la Marine (SDAM) Ă©quipera les FrĂ©gates de DĂ©fense et d’Intervention (FDI) et les Patrouilleurs d’Outre-Mer (POM) dès 2023 puis les Patrouilleurs OcĂ©aniques (PO) Ă  partir de 2024. L’avancement du programme sera-t-il demandĂ© lors de l’examen de la clause de revoyure de la loi de programmation militaire, c’est-Ă -dire en 2021 ?

Le programme SDAM est en prĂ©paration depuis le dĂ©but 2005 sous la fĂ©rule de la DGA et par l’entremise de plusieurs programmes d’Ă©tudes amont (D2AD, IND et SERVAL) visant Ă  faire Ă©merger les diffĂ©rentes briques technologiques nĂ©cessaires Ă  la mise en Ĺ“uvre d’un drone Ă  voilure tournante depuis un bâtiment Ă  la mer avec une capacitĂ© intrinsèque Ă  dĂ©coller et apponter, avec ou sans la surveillance d’un opĂ©rateur.

Dans cette optique, un drone Camcopter S-100 de l’industriel autrichien Schiebel fut expĂ©rimentĂ© Ă  la mer Ă  bord de la frĂ©gate Montcalm en 2008. Une première expĂ©rimentation opĂ©rationnelle Ă©tait menĂ©e par une Ă©quipe du le Centre d’expĂ©rimentations pratiques et de rĂ©ception de l’aĂ©ronautique navale (CEPA/10S) avec le mĂŞme drone Ă  bord du patrouilleur hauturier l’Adroit (2011 – 2015) afin d’Ă©valuer la contribution pouvant ĂŞtre apportĂ©e par un capteur dĂ©portĂ© au profit de missions de police des pĂŞches, de surveillance maritime, de lutte contre l’immigration clandestine et contre la piraterie. Un Camcopter S-100 fut acquis par la Marine nationale en 2012. Il fut perdu Ă  la mer mais remplacĂ© par l’industriel, l’enquĂŞte ayant montrĂ© sa responsabilitĂ© dans l’accident.

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Une deuxième phase de l’expĂ©rimentation Ă©tait annoncĂ©e fin 2016 pour dĂ©buter en 2017, centrĂ©e cette fois sur les contributions possibles de ce mĂŞme capteur dĂ©portĂ© qu’est le drone Ă  voilure tournante aux opĂ©rations amphibies menĂ©es depuis un Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC). Un deuxième Camcopter S-100 porteur d’un AIS Ă©tait acquis et rĂ©ceptionnĂ© fin novembre 2018 dans le cadre du marchĂ© Nouvelles CapacitĂ©s OpĂ©rationnelles (NCO) et venait renforcer le système. Le Camcopter S-100 a Ă©tĂ© essayĂ© dans cette optique pour participer Ă  l’Ă©tablissement de la situation maritime dans l’environnement opĂ©rationnel du BPC Dixmude porteur des deux drones puis pour assurer le repĂ©rage des atterrages possibles des chalands de dĂ©barquement du bord et, enfin, pour assurer le suivi et le soutien des troupes dĂ©barquĂ©es.

Le passage des phases d’expĂ©rimentation au lancement du programme SDAM avec une solution mature rĂ©pondant au cahier des charges de la Marine nationale est assurĂ© par un contrat de dĂ©veloppement de la future capacitĂ© notifiĂ© Ă  Airbus Helicopters et Naval group le 29 dĂ©cembre 2017. Les industriels disposaient au titre du marchĂ© de 45 mois pour prĂ©senter une solution opĂ©rationnelle. Le futur drone baptisĂ© postĂ©rieurement VSR700 est conçu Ă  partir de l’hĂ©licoptère Cabri G2 conçu par HĂ©licoptères Guimbal qui fut choisi prĂ©alablement par Airbus Helicopters le 20 octobre 2016 quand sa proposition pour la Marine nationale Ă©tait baptisĂ© Orka.

Cabri G2 appontage fregate Forbin Actualités Défense | Aviation de Patrouille Maritime | Budgets des armées et effort de Défense
Des essais Ă  la mer du Cabri G2 furent menĂ©s en 2017 afin d’Ă©tudier le comportement de l’appareil proprement dit dans l’optique de navaliser sa version dronisĂ©e. La frĂ©gate Forbin de la Marine nationale servait Ă  ces essais.

Le VSR700 est long de 6,2 mètres, son rotor a un diamètre de 7,2 mètres et l’ensemble est haut de 2,3 mètres. Avec une masse maximale au dĂ©collage de 700 kg, il sera en mesure de porter 150 kg de charges utiles dont un senseur Ă©lectro-optique, un rĂ©cepteur AIS et un radar de surveillance maritime. Ainsi Ă©quipĂ©, il aura une autonomie maximale de huit heures Ă  une distance de 100 miles nautiques (185,2 km) autour du bâtiment porteur, c’est-Ă -dire la portĂ©e maximale des liaisons radio. Il soutiendra une vitesse maximale de 185 km/h, possĂ©dera une vitesse de croisière de 165 km/h et aura un plafond de 6000 mètres.

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Le dĂ©monstrateur optionnellement pilotĂ© dĂ©veloppĂ© Ă  partir d’un Cabri G2 modifiĂ© effectua des vols autonomes dès mai 2017 avec un opĂ©rateur embarquĂ© afin d’assurer la sĂ©curitĂ© des essais. Le premier vol non-pilotĂ© et entièrement autonome Ă©tait rĂ©alisĂ© par le dĂ©monstrateur en 2018.

Le prototype sortit du hangar en 2019. Il bĂ©nĂ©ficie d’un carĂ©nage aux lignes amĂ©liorĂ©es du point de vue aĂ©rodynamique et d’un compartiment pour loger les charges utiles. Il rĂ©ussit ses premiers vols en toute autonomie le 8 novembre 2019. Il s’agissait d’opĂ©rations de dĂ©collage et d’atterrissage avec des vols d’une durĂ©e maximale de 10 minutes. L’aĂ©ronef, au nom de la sĂ©curitĂ©, Ă©tait retenu par des câbles de 30 mètres. Le prototype Ă©tait prĂ©parĂ© dans l’optique de mener un vol libre et d’ouvrir progressivement mais totalement son domaine de vol. Les industriels se fĂ©licitèrent de la bonne tenue du calendrier du programme, ce qui laissait augurer un rĂ©sultat final Ă  la hauteur des attentes et au rendez-vous demandĂ© par les termes du marchĂ©.

La finalitĂ© du contrat notifiĂ© le 29 dĂ©cembre 2017 est l’embarquement d’un système dĂ©monstrateur du SDAM Ă  bord d’une FREMM et d’un Porte-HĂ©licoptères Amphibie (PHA, nouvelle dĂ©nomination des BPC au 1er janvier 2019) en 2021 Ă  partir desquels le prototype devra ĂŞtre en mesure d’effectuer des dĂ©collages et appontage en toute autonomie, sans l’intervention d’un opĂ©rateur.

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Le rendez-vous opĂ©rationnel se conjugue avec l’agencement programmatique de la loi de programmation militaire (2019 – 2025). Dans le cadre du plan Mercator 2030, le chef d’Ă©tat-major de la Marine nationale, l’Amiral Christophe Prazuck a dĂ©clarĂ© vouloir 900 Ă  1200 drones sur tous les segments dont un drone pour chaque bateau d’ici Ă  2030.

L’Amiral Christophe Prazuck prĂ©cisait mĂŞme que ce serait pour un petit bateau, un petit drone et pour un gros bateau, un gros drone. Il a aussi dĂ©clarĂ© que chacune des quinze frĂ©gates de premier rang bĂ©nĂ©ficierait d’un SDAM et que le système serait au rendez-vous de la rĂ©ception de la première FDI en 2023. Plus largement, le cahier des charges des six POM devant ĂŞtre rĂ©ceptionnĂ©s entre 2023 et 2025 exigeait la facultĂ© Ă  opĂ©rer un drone aĂ©rien de 700 kg, en l’occurence un SDAM. MĂŞme les futurs PO basĂ©s en mĂ©tropole (Brest et Toulon) devraient aussi ĂŞtre Ă©quipĂ©s du SDAM sans oublier les trois PHA soit un total de 34 bâtiments.

VSR700 missions Actualités Défense | Aviation de Patrouille Maritime | Budgets des armées et effort de Défense
Airbus Helicopters propose d’intĂ©grer un large Ă©ventail de charges Ă  bord du VSR700 permettant d’envisager que le drone accomplisse d’autres missions, outre celles demandĂ©es par la Marine nationale. Il est Ă  se demander si le programme SLAMF pourrait s’intĂ©resser Ă  l’ajout de ce drone Ă  la panoplie des robots devant constituer les effecteurs du système de guerre des mines.

La loi de programmation militaire (2019 – 2025) comprend un objectif de livraison de quinze SDAM Ă  partir de 2028, la prĂ©cĂ©dente programmation ambitionnait l’annĂ©e 2023 pour dĂ©buter les livraisons. Force est de constatĂ© qu’il est Ă©voquĂ© des « systèmes » sans que soit prĂ©cisĂ© le nombre de vecteurs et de charges disponibles. Il s’agirait de comprendre que chaque SDAM serait pourvu de toutes les charges citĂ©s mais que chaque système ne comprendrait qu’un seul vecteur.

Il existe donc un monde entre le dĂ©but de l’expĂ©rimentation Ă  la mer du SDAM dès 2021 qui correspond au lancement du programme et la livraison du premier systme en 2028. Il serait espĂ©rĂ© que l’examen de la clause de revoyure de la loi de programmation militaire en 2021 permette d’avancer la commande des premiers systèmes, au mieux, Ă  2026. Une pĂ©riode d’expĂ©rimentation Ă  la mer permettrait de faire gagner en mâturitĂ© le système mais cinq annĂ©es Ă  cet effet paraissent excessives. Cela reviendrait Ă©galement Ă  admettre que les POM demeureront sans aucun moyen aĂ©rien jusqu’en 2028 au pire, 2026 au mieux. Les FDI pourront compter, quant Ă  elles, sur le recentrage de la flotte de NH90 NFH CaĂŻman Marine au seul profit des frĂ©gates de premier rang grâce Ă  la location d’une flotte intĂ©rimaire d’hĂ©licoptères en remplacement des Alouette III et d’une partie des AS.365 Dauphin.

Aussi, la cible programmatique de quinze SDAM paraĂ®t bien Ă©loignĂ©e des 34 bâtiments devant bĂ©nĂ©ficier de cette nouvelle capacitĂ© opĂ©rationnelle. MĂŞme avec une disponibilitĂ© technique opĂ©rationnelle, il s’agira de choisir quels bâtiments pourvoir, sans oublier que certains d’entre eux ne sont pas basĂ©s en mĂ©tropole et donc que des dĂ©tachements devront ĂŞtre crĂ©Ă©s outre-mer sans qu’il soit possible de les dĂ©placer d’un point Ă  l’autre de la planète au grĂ© des embarquements.

Ce grand Ă©cart du programme SDAM obligera Ă  un nĂ©cessaire Ă©claircissement des prioritĂ©s de la stratĂ©gie des moyens de la Marine quant Ă  la volontĂ© qui lui est prĂŞtĂ©e d’acquĂ©rir peut ĂŞtre trois NH90 NFH CaĂŻman Marine supplĂ©mentaires, de bĂ©nĂ©ficier du lancement du programme HIL dont les premières livraisons interviendront en 2026 pour la Marine avec une cible de 49 machines et donc la cible du programme SDAM qui paraĂ®t trop basse eu Ă©gard aux ambitions dĂ©clarĂ©es.

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