A peine Washington eut-il annoncรฉ son intention d’exclure la Turquie du programme F35, que les รฉquipes commerciales de Lockheed investissaient les ambassades amรฉricaines en de plusieurs pays europรฉens pour proposer son appareil, tout en faisant miroiter des compensations industrielles importantes. 3 pays europรฉens se dรฉclarรจrent immรฉdiatement intรฉressรฉs, la Roumanie, la Grรจce, et surtout la Pologne, considรฉrรฉe par le Prรฉsident Trump comme le bon รฉlรจve europรฉen, avec des investissements de dรฉfense dรฉpassant les 2% de PIB et visant les 3%, et une prรฉfรฉrence affichรฉe pour les รฉquipements amรฉricains.
Et Varsovie ne tarda pas ร annoncer son intention de commander initialement 32 F35A, suivit d’une commande de 36 appareils, pour remplacer les Su-22 et Mis-29 encore en service dans les forces aรฉriennes polonaises, avec une livraison dรฉbutant en 2025. Rappelons que le gouvernement Polonais a lancรฉ un vaste plan de modernisation de ses forces armรฉes, avec prรฉs de 50 Md$ qui seront investis d’ici 2026. Les 68 F35A viendront renforcer les 48 F-16 Block 52+ acquis en 2002 au dรฉtriment du mirage 2000 franรงais et du Gripen suรฉdois. Ainsi dotรฉes, les forces aรฉriennes polonaises joueront un rรดle majeur en Europe, avec 116 appareils modernes en lice, lร ou la Belgique, dont le PIB est pourtant proche de celui de la Pologne, n’en disposera que de 32. Ces derniers mois, les autoritรฉs polonaises ont รฉgalement fait l’acquisition de systรจmes Patriot PAC-3 et de systรจmes d’artillerie HIMARS, faisant du pays un des principaux clients de l’industrie de Dรฉfense US. Et les autoritรฉs industrielles amรฉricaines ne s’y sont pas trompรฉes, puisqu’elles promettent ร la Pologne de livrer ses F35A directement au standard block 4, prรฉsentรฉ comme un nouveau standard plus ouvert, plus souple, et plus performant, permettant au F35 de se rapprocher des objectifs du SCAF franco-allemand ou du Tempest britannique.
tous les acteurs et clients de l’appareil.
Mais les autoritรฉs polonaises, conscientes du poids de leurs commandes dans l’รฉconomie US, sont dรฉterminรฉes ร obtenir des compensations de la part de Washington, sur le plan industriel comme opรฉrationnel. Ainsi, des nรฉgociations ont dรฉjร รฉtรฉ entamรฉes pour rรฉcupรฉrer une partie des contrats de sous-traitance actuellement attribuรฉs ร l’industrie Turque concernant le F35, et qui reprรฉsentera ร terme 2 Md$ de chiffre d’affaires chaque annรฉe. Varsovie n’est toutefois pas la seule ร rรฉclamer ces compensations. Jerusalem a dรฉjร fait savoir qu’elle souhaitait, elle aussi, intรฉgrer le programme industriel de l’appareil, et Bruxelles attend toujours les compensations industrielles promises lors de la sรฉlection de l’avion de Lockheed l’annรฉe derniรจre. En outre, Rome a ร plusieurs reprises exprimรฉ sont mรฉcontentement du non-respect des engagements amรฉricains sur les attributions industrielles et les exclusivitรฉs que les partenaires de premier niveau devaient avoir. Enfin, des propositions de compensations industrielles auraient รฉgalement รฉtรฉ faites en Suisse, en Finlande, en Grรจce et en Roumanie par le constructeur amรฉricain. Une chose est certaine, le gรขteau n’est pas divisible ร volontรฉ …
Les autoritรฉs polonaises lient รฉgalement cette commande probable avec le projet de dรฉploiement permanent d’une brigade blindรฉe US sur son sol, projet communรฉment appelรฉ ยซย Fort Trumpย ยป dans les mรฉdias. L’objectif de Varsovie est de convaincre les Etats-Unis de dรฉplacer une partie des forces stationnรฉes en Allemagne, vers la Pologne, avec l’espoir de profiter de la mรชme position privilรฉgiรฉe qu’avait l’Allemagne fรฉdรฉrale dans l’OTAN durant la guerre froide. Le gouvernement Polonais a, ร ce titre, proposรฉ une enveloppe de 2 Md$ pour le financement des infrastructures destinรฉes ร cette force amรฉricaine. Les autoritรฉs amรฉricaines tentent de dissocier les dossiers et de prรฉsenter les programmes d’acquisition comme indรฉpendant du redรฉploiement des forces, mais en vain.
On peut toutefois s’inquiรฉter, en Europe de l’Ouest, d’une Pologne ร la fois militairement puissante, renforcรฉe d’un dรฉploiement permanent d’une force amรฉricaine consรฉquente, et dont l’hostilitรฉ envers Moscou ne cesse de croitre. De fait, la fenรชtre de nรฉgociations que tente d’exploiter le prรฉsident Macron pour prรฉvenir l’รฉmergence d’un bloc sino-russe potentiellement porteur de conflits, semble trรจs limitรฉe dans le temps, sachant qu’en outre, la prรฉsence de troupes amรฉricaines en Pologne, ร proximitรฉ de la Biรฉlorussie considรฉrรฉe comme partie intรฉgrante de la sphรจre russe par Moscou, signalerait sans le moindre doute le dรฉpart ร d’importants dรฉploiements de force russes en Biรฉlorussie, et le retour ร une logique de guerre froide par bloc. On comprend qu’au Pentagone, comme ร Bruxelles, cette perspective puisse gรฉnรฉrer certaines inquiรฉtudes …