jeudi, novembre 14, 2024

Naval Group en position de force pour le programme P75i de sous-marins AIP en Inde

La Defence Research and Development Organisation (DRDO), c’est-à-dire la DGA indienne, laissait échapper le 3 décembre 2019 que le programme national portant sur le développement d’un système de propulsion indépendante de l’air (Air Independent Propulsion (AIP) ne serait pas prêt avant 2024. Par voie de conséquence, la construction de six sous-marins dans le cadre du programme P75i pourrait enfin déboucher tandis que les sous-marins du programme P75, c’est-à-dire les Scorpène de la classe Kalvari, intégreront les systèmes AIP développés par le DRDO à chaque rénovation à « mi-vie ».

Le programme P75i a été approuvé en 2007 par le ministère indien de la Défense. Une première demande d’informations fut émise en 2008, et le conseil d’acquisition de la défense approuvait le programme en 2010. Une nouvelle demande d’informations fut alors émise sans qu’elle ne déboucha sur l’appel à propositions prévu pour 2012. En mai 2017, décision était prise que le programme P75i relèverait du chapitre 7 du Defence Procurement Procedure 2016 : les bateaux devront être construits en Inde sous transfert de technologie. Mais la mise en concurrence des chantiers est abandonnée en mars 2018 : Magazon Dock Limited qui construit les Scorpène assemblera les bateaux du programme P75i. Une troisième demande d’informations était lancée en juillet 2017. L’approbation ministérielle du programme expirait en février 2018 et fut renouvelée en janvier 2019. L’enveloppe budgétaire atteindrait entre 5 et 7,5 milliard d’euros.

Il est question d’un sous-marin à propulsion classique dont l’autonomie doit être prolongée grâce à un système de propulsion anaérobies et apte à lancer des missiles de croisière. Ces bateaux déplaceraient un tonnage 50% plus important que ceux du programme P75 (1700 tonnes), soit un déplacement en plongée de l’ordre des 2500 tonnes. Ils doivent pouvoir évoluer dans les eaux côtières (« littoral » et « shallow waters« ) et océaniques (« blue water« ) face à des oppositions anti-sous-marines et de guerre électronique denses. Dans cette optique, ils devront être aptes à soutenir des missions de lutte anti-navire et de chasse aux sous-marins, à mener des opérations des forces spéciales, de reconnaissance et surveillance (ISR), de minage et de frappes à terre (missiles de croisière naval).

Le cahier des charges du programme P75i précisent le type et le nombre d’armes emportées :

  • 18 torpilles lourdes,
  • 12 missiles de croisière naval à changement de milieu (Submarine-Launched Cruise Missile (SLCM) qui devrait être le Nirbhay,
  • un nombre indéterminé (à panacher avec les SLCM ?) de missiles de croisière anti-navire (Anti-Ship Cruise Missile (ASCM) qui devrait être le BrahMos II.

La décision du 3 décembre 2019 ne modifie pas substantiellement les plans des constructeurs de sous-marins car le cahier des charges prévoyait les deux alternatives : un système de propulsion anaérobies de facture étrangère ou bien celui conçu sous l’égide du DRDO. Par contre, la décision permettra peut être d’engager la sélection d’un ou plusieurs soumissionnaires pour la phase finale du programme. Dans cette perspective, autant le déplacement en plongée visée que le nombre d’armes à embarquer réduit les choix à seulement trois constructions : le russe Rubin Design Bureau, le français Naval group et le suédois SAAB Kockums. Peu de chances que l’Inde fasse confiance à la candidature de Navantia après le camouflé reçu aux Pays-Bas. Le choix de s’appuyer sur un système anaérobies de facture étrangère écarte a priori la candidature russe puisque le système envisagé risque d’être opérationnel après celui du DRDO.

Missile de croisiere Nirbhay Actualités Défense | Air Independant Propulsion AIP | Armes stratégiques
Le Nirbhay permettra à l’Inde de disposer d’une capacité à tirer des missiles de croisière depuis des lanceurs terrestres ou navals. Les sous-marins du programme P75i seront aptes à le tirer. D’une portée de plus de 1000 km, ce missile peut recevoir une charge conventionnelle ou nucléaire. Il assurera la parité avec la sous-marinade pakistanaise (SLCM Babur-3).

L’ultime question du programme P75i est la possible intrication de ce programme de sous-marins à propulsion classique avec le premier programme indien de Sous-marins Nucléaires d’Attaque (SNA ou Ship Submersible Nuclear (SSN) dont le lancement est attendu à l’orée de 2025. Le programme de Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins (SNLE) sont conçus sous la haute direction du DRDO et mis sur cale au chantier naval public de Visakhapatnam qui est pleinement engagé quant à la construction des S2 à S5. Naval group est le seul soumissionnaire du programme P75i à pouvoir proposer deux sous-marins – Scorpène et Barracuda – pouvant recevoir une propulsion diesel-électrique à l’autonomie étendue par un module AIP ou bien une propulsion navale nucléaire.

Reste que le système de propulsion aérobie conçu par le DRDO devrait être intégré à la coque de l’INS Kalvari en 2024 lors sa première rénovation à mi-vie après seulement six années de service à la mer, chantier avancé afin d’offrir un débouché à au programme du DRDO. Ce module AIP était attendu dès 2021 afin de pouvoir rejoindre le cinquième Scorpène avant que les retards obligent à viser la sixième unité puis le programme suivant.

Toutefois, la décision de l’agence d’armement indienne de ne pas équiper les sous-marins du programme P75i revient à dire que ce module AIP n’aura vocation à ne servir que sur les six bateaux du programme P75 (classe Kalvari). Sur le long terme, cela laisse l’Inde fasse à deux choix : continuer à développer la filière AIP dans la perspective d’équiper les sous-marins du P75i avec une nouvelle génération de module AIP ou entretenir les efforts dans l’optique de faire de l’Inde un constructeur de sous-marins capable d’exporter, à la manière de la Chine, afin de répondre aux défis géostratégiques sur ses deux façades maritimes.

En filigrane se pose donc la question de l’avenir de la sous-marinade indienne : tout nucléaire ou un panachage entre sous-marins à propulsion classique et nucléaire ?

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