A cause de l’épidémie de coronavirus, les puissances militaires montrent leurs muscles

La pandémie actuelle de coronavirus qui touche désormais toute la planète ne semble pas arrêter pour autant les affaires du monde. Au contraire, on pourrait même arguer que la crise sanitaire actuelle accélère un certain nombre de crises politiques et diplomatiques jusqu’à présent en sommeil. Alors que l’activité économique mondiale tourne au ralenti et que le prix du pétrole n’a jamais été aussi bas depuis le début des années 2000, certains pays y voient l’occasion de régler quelques contentieux avec leurs voisins. D’autres encore cherchent à rappeler au monde qu’ils restent sur leurs gardes par le biais de mesures de réassurances. Tous, enfin, cherchent à affirmer que leur puissance est intacte, y compris à travers des exercices et manœuvres militaires.

Sur tous les continents, c’est désormais le même schéma qui s’affiche depuis quelques semaines. Alors qu’une crise économique se profile à la suite de l’épidémie de Covid-19, certains acteurs étatiques et groupes terroristes tentent de saisir leur chance et de voir de quelle manière la situation pourrait évoluer en leur faveur. Inversement, les grandes puissances militaires et diplomatiques, notamment en Occident, cherchent à rassurer leurs populations et leurs alliés sur le maintien de leurs capacités militaires, tout en rappelant à leurs adversaires les limites à ne pas dépasser.

Les opérations continuent

De manière générale, l’épidémie de coronavirus n’a pour le moment pas stoppé massivement les opérations militaires en cours dans le monde. Si n’importe qui peut être touché par le virus Covid-19, les populations militaires – généralement jeunes et en bonne forme physique – ne sont pas spécialement à risques. Néanmoins, les soldats peuvent voir leurs capacités militaires fortement impactées et, surtout, transmettre le virus aux populations civiles avec qui ils sont en contact.

barkhane mirage 2000 MQ 9 Reaper Analyses Défense | Déploiement de forces - Réassurance | Etats-Unis
Pour le moment, les opérations aériennes françaises menées en Afrique et au Moyen-Orient n’ont pas été réduites par l’épidémie de coronavirus

Ainsi, que ce soit au Moyen-Orient ou en Afrique, les troupes européennes déployées sur place ont modifié temporairement leur mode opératoire. En Irak, notamment, les missions d’entrainement et d’encadrement du personnel de sécurité local ont été stoppées par les États-Unis et leurs alliés, qui ont redéployé une partie de leurs troupes en attendant que l’épidémie de coronavirus ne cesse dans la région. Dans le même temps, cependant, les frappes aériennes de la coalition dans la région se poursuivent, voire s’intensifient dans certains secteurs, puisque ces missions permettent d’opérer à distance de toute contamination au coronavirus.

Côté français, la Task Force Monsabert a été retirée d’Irak le 22 mars et transférée en Jordanie, mais les avions de combat et de soutien basés en Jordanie, au Qatar et aux Emirats Arabes Unis poursuivent leurs opérations contre l’État Islamique. Dans le même temps, une partie des troupes britanniques a été renvoyé au Royaume-Uni après que les missions de formation dans le Golfe Persique aient été suspendues pour une durée de soixante jours.

Au final, c’est donc surtout en Afrique que les opérations se poursuivent pour l’instant sans changement majeur. L’opération Barkhane menée par les troupes françaises et européennes dans la région sahélo-saharienne semblent ainsi se poursuivre presque normalement, qu’il s’agisse des opérations de formation des militaires locaux ou des frappes menées contre l’Etat Islamique au Grand Sahara. Des aménagements de l’organisation ont tout de même été prévus pour éviter que des soldats venus d’Europe ne transportent le virus avec eux. Malheureusement, la détection des premiers cas de Covid-19 parmi les militaires français en Afrique pourrait conduire à renforcer un peu plus les mesures de sécurité et réduire la pression portée sur les groupes terroristes locaux. Pour le moment, le déploiement de la Task Force européenne Takuba prévue cet été n’est pas encore remis en question. La situation pourrait cependant évoluer en même temps que les conditions sanitaires en Afrique.

Déstabilisation et provocations

En Afrique, le coronavirus n’est pas encore aussi répandu qu’en Europe ou en Amérique du Nord. Cependant, une généralisation de l’épidémie sur ce continent pourrait avoir des résultats désastreux sur la sécurité. De nombreux Etats africains sont déjà très fragilisés par une situation économique précaire et de nombreuses épidémies endémiques, ce qui offre bien souvent à des groupes terroristes une opportunité pour revendiquer pouvoir et territoire. C’est notamment le cas de l’Etat Islamique au Grand Sahara, qui pourrait attendre qu’une épidémie de Covid-19 s’installe durablement au Mali avant de lancer une ambitieuse campagne de déstabilisation. Pour peu que les forces de la coalition internationale se mettent d’elles-mêmes en retrait en raison des risques sanitaires, comme elles ont pu le faire en Irak, le retour au statu quo actuel après la fin de l’épidémie pourrait alors prendre plusieurs mois, voire des années.

F 16 Taiwan Analyses Défense | Déploiement de forces - Réassurance | Etats-Unis
Suite aux incursions chinoises, Taïwan a procédé à plusieurs exercices d’interception de grande ampleur

Bien entendu, il n’y a pas que les groupes armés non-étatiques qui pourraient profiter d’une pandémie de coronavirus. Pour certaines puissances régionales, le regard détourné des médias occidentaux constitue une aubaine pour tenter d’imposer avec un peu plus de force leurs vues diplomatiques. C’est particulièrement vrai en Chine, qui a procédé depuis plusieurs semaines à des manœuvres militaires agressives autour de Taïwan, au point de franchir à plusieurs reprises la ligne de démarcation intermédiaire dans le détroit de Formose.

Pour Pékin, ces manœuvres visaient initialement à exercer une pression sur Washington, puis des représailles. En effet, le 26 mars, Donald Trump promulgué le TAIPEI Act, une initiative sur la protection internationale et le renforcement des alliés de Taïwan considérée comme une véritable provocation pour Pékin. Si le bras de fer qui oppose Taïwan à la Chine ces dernières semaines s’inscrit donc dans une vaste partie d’échec entre Washington et Pékin, il semble aussi évident que les démonstrations chinoises et les réactions musclées de Taïwan visent aussi à montrer que chaque adversaire dispose encore d’une puissance militaire crédible malgré la crise sanitaire qui a durement frappée la région.

Bien plus au Nord, au large du Japon, la Corée du Nord a également montré les muscles récemment en tirant plusieurs missiles balistiques à courte portée au milieu du mois de Mars. Les exercices de tir de Pyongyang ont été vivement critiqués à Séoul et Tokyo, même si tous les observateurs s’accordent à dire qu’il s’agit avant tout d’une mesure de communication plus que de provocation. Si peu d’informations filtrent de Corée du Nord, tout porte à croire que l’épidémie de coronavirus y fait rage. En procédant à un tir de missiles balistiques, Pyongyang rappelle ainsi au monde entier et à sa propre population que ses forces armées restent encore en ordre de marche.

Démonstrations de force et réassurance

Face à de tels déploiements de force, et afin de décourager d’autres pays à se lancer dans leurs propres opérations de déstabilisation, les grandes puissances militaires occidentales ont entrepris de procéder à leurs propres démonstrations de force. Nombre d’entre-elles étaient probablement prévues de longue date, notamment les démonstrations de frappes maritimes que l’US Navy a mené conjointement avec des AC-130 de l’USAF et des AH-64 Apache de l’US Army. Les exercices Pacific Pathways menés conjointement par l’US Army et la Royal Thai Army semblent pour le moment maintenus, mais ont été réduits à l’échelle de l’escouade afin d’éviter toute contamination à grande échelle. D’autres exercices, néanmoins, ont dû être annulées car ils s’avéraient trop dangereux pour les populations civiles et alliées. C’est notamment le cas de l’exercice Defender 2020, particulièrement symbolique, qui a fini par être purement et simplement annulé. Certaines mesures de réassurance, enfin, ont très probablement été improvisées.

Archives Premium

Accès réservé aux abonnés Premium

Les archives de plus de deux ans sont réservées aux abonnés Premium de Meta-Defense. Cet accès étendu permet de replacer chaque évolution dans le temps long et de suivre la cohérence des analyses.

L’offre Premium inclut l’ensemble des contenus récents et l’accès illimité aux archives.

Publicité

Droits d'auteur : La reproduction, même partielle, de cet article, est interdite, en dehors du titre et des parties de l'article rédigées en italique, sauf dans le cadre des accords de protection des droits d'auteur confiés au CFC, et sauf accord explicite donné par Meta-defense.fr. Meta-defense.fr se réserve la possibilité de recourir à toutes les options à sa disposition pour faire valoir ses droits. 

Pour Aller plus loin

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles