A l’occasion d’une interview donnée en Décembre au journaliste Bob Woodward, pour son livre à paraitre la semaine prochaine, le président américain Donald Trump a une nouvelle fois plongé la communauté Défense américaine et mondiale dans l’expectative, lorsqu’il fit référence à une nouvelle arme nucléaire qu’il aurait développé, une arme unique qu’aucun autre pays n’aurait, selon ses dires, et qui serait déjà en service. Et d’ajouter qu’il ne pouvait en dire davantage car le sujet était confidentiel. Naturellement, depuis, les spéculations vont bon train, pour tenter de comprendre de quelle nouvelle arme nucléaire secrète le président avait-il bien pu parler.
Il faut dire que les précédentes interventions sur le sujet de la part du locataire de la Maison Blanche ont de quoi appeler à la retenue. Ainsi, en 2017, lors d’une conférence de Presse, le Président présenta le chasseur F35 Lighting II de Lockheed-Martin comme un avion « réellement invisible », selon ses termes, arguant que personne ne pouvait le voir, donc personne ne pouvait l’abattre. En 2020, il réitéra en parlant d’un nouveau missile « super-rapide » capable d’aller « 17 fois plus vite » que les missiles actuels, et qui serait prochainement en service dans les armées US. Dans les deux cas, il s’agissait naturellement d’une mauvaise compréhension de la part du Président vis-à-vis des briefing techniques qui lui avaient été faits. Le F35 n’est évidemment pas plus invisible qu’un pot de yaourt, et aucun missile américain opérationnel n’est aujourd’hui hypersonique, hormis les ICBM qui, eux, le sont depuis des décennies. Plusieurs de ses anciens collaborateurs ont, à ce titre, indiqué que le président Trump avait une grande difficulté à rester concentrer lors des ce type de briefing, ceci expliquant probablement cela.
Selon toute probabilité, le président américain faisait référence à la mise en service des nouvelles têtes nucléaires à faible charge (5 kilotonnes) W76-2 embarquées à bord de missiles Tridents mis en oeuvre pour la première fois par un sous-marin nucléaire lanceur d’engin de la classe Ohio, en février 2020. Si ces armes sont effectivement nouvelles, et que leur developpement est resté confidentiel, elles n’ont toutefois jamais été secrètes, le sujet étant déjà sur la place publique un an avant leur entrée en service. En outre, il s’agit d’un programme initié par la mandature du président Obama, et nullement par celle du Président Trump. Eu égard au passif du président élu dans ce domaine, il apparait donc probable qu’il s’était, une nouvelle fois, fourvoyé sur le sujet, en tentant de donner une peu plus de sensationnel à une information déjà éventée.
Mais lorsqu’il s’agit d’armes nucléaires, la prérogative ultime du Président des Etats-Unis qui détient sous son commandement, comme son homologie russe, presque la moitié des ogives et vecteurs nucléaires de la planète, l’incompréhension des enjeux de la dissuasion est difficile à comprendre. C’est la raison pour laquelle les spécialistes du sujet sont restés dubitatifs, s’interrogeant sur l’éventualité d’une nouvelle arme nucléaire effective dans l’Arsenal américain, peut-être pour contrer les progrès réalisés par la Russie ces dernières années dans ce domaine, comme le missile RS28 Sarmat, le planeur hypersonique Avangard, la torpille autonome nucléaire Status 6 Poseidon, ou encore le missile à propulsion nucléaire 9M730 Burevestnik.
Mais les chances qu’une arme nucléaire soit simultanément opérationnelle et entièrement secrète restent faibles. En effet, les armes de ce type sont avant tout des armes de dissuasion, destinées à empêcher l’adversaire d’agir par peur des représailles. Si ce dernier n’a pas conscience de l’existence du danger, la dissuasion ne peut avoir d’effet. Si le développement des nouveaux systèmes d’arme de dissuasion sont eux, naturellement, sous le sceau du secret, dès qu’il entre en fonction, cette confidentialité est levée, et l’arme est même mise en scène publiquement, soit par des démonstrations opérationnelles, soit par les chefs d’Etat eux mêmes, pour atteindre leurs objectifs réels. C’est ce que fit le président Putin en janvier 2019 à l’occasion d’une interview télévisée publique pour la campagne présidentielle russe, lorsqu’il présenta publiquement les nouveaux systèmes de dissuasion russes.
Reste qu’un président d’une nation nucléaire, qui plus est de la plus puissante d’entre elle, puisse ne pas maitriser le concept de dissuasion a de quoi inquiéter. Winston Churchill avait coutume de dire que le meilleur argument contre la démocratie était de discuter quelques minutes avec un électeur populaire. On peut se demander si, aujourd’hui, discuter avec un Président de la première puissance militaire et économique du Monde, ainsi que la première démocratie mondiale comme les américains aiment à se définir, n’aurait pas le même effet sur le défunt Premier Ministre britannique…