Les deux frappes successives menées par des drones ukrainiens contre deux bases aériennes russes accueillant des bombardiers stratégiques ou à long rayon d’action, ont très largement été commentées dans les médias. Au delà de l’évident succès des ukrainiens, qui ont endommagé au moins deux appareils, un bombardier stratégique Tu-95 sur la base d’Engels-2, et un bombardier à long rayon d’action Tu-22M3 sur la base de Dyagilevo, ceux-ci sont également parvenus à mener des frappes d’une remarquable précision à l’aide de drones transformés en missiles de croisière de facture locale, et ce sans utiliser de systèmes d’arme occidentaux. Surtout, ces deux frappes, comme celle d’aujourd’hui contre un dépôt de carburant d’aviation dans la région de Kursk, ont montré les limites de la défense anti-aérienne russe, souvent présentée avant le conflit comme à ce point efficace qu’elle pouvait entièrement verrouiller l’espace aérien du pays.
Pour mener leurs frappes, les ukrainiens ont exploité plusieurs faiblesses du dispositif russe. En premier lieu, celles-ci ont été menées, semble-t-il, par des drones de reconnaissance Tu-141 Strizh modifiés par les ingénieurs ukrainiens depuis 2014. Ce drone de 15 mètres pour une masse de 6 tonnes, est propulsé par un turboréacteur Tumansky KR-17A conférant une poussée de 2,5 tonnes, permettant à l’appareil d’atteindre une vitesse de croisière subsonique élevée de l’ordre de 1000 Km/h, sur une distance d’un millier de kilomètres. Initialement destiné à mener des opérations de reconnaissance à moyenne altitude, les Tu-141 ukrainiens auraient été modifiés pour pouvoir suivre une navigation à basse altitude, sous la barre des 1000 mètres, de sorte à évoluer sous le planché de détection des systèmes anti-aériens à longue portée russes comme les S-300 et S-400. Les équipements de reconnaissance ont, quant à eux, été remplacés par une charge militaire de puissance inconnue, que l’on peut estimer à plusieurs dizaines de kilogrammes d’explosifs à en juger par les dégâts.
Pour expliquer la précision des deux frappes ukrainiennes, deux hypothèses peuvent être avancées. D’une part, le Tu-141 a pu être équipé d’un système de localisation GPS de sorte à frapper des cibles fixes, comme c’est le cas aujourd’hui contre le dépôt de carburant de Koursk. Toutefois, dans le cas de Engels et de Dyagilevo, par deux fois, il semble que le missile ait frappé à proximité d’un camion de carburant proche d’un avion, ce qui semble très improbable sans un guidage terminal, par exemple à l’aide d’un faisceau laser mis en oeuvre à l’aide d’un drone léger par des forces spéciales évoluant à proximité, une technologie déjà mise en oeuvre sur d’autres missiles ukrainiens comme le missile antichars Skif en service depuis 2011. Mais le plus grand tour de force des frappes ukrainiennes aura été, sans le moindre doute, d’être parvenu à mettre en défaut la puissante défense anti-aérienne russe, pour frapper des bases aériennes à très haute valeur stratégique à plusieurs centaines de kilomètres des frontières ukrainiennes, comme Engels qui abrite l’essentiel de la flotte de bombardier stratégique russe.
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Merci à Olivier Dujardin pour avoir participé à cet article.
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