Après les blindés, la construction navale sud-coréenne de défense va déferler sur l’Europe

Le géant de la construction navale sud-coréenne, Hanwha Ocean, vient d’annoncer une stratégie d’investissement de 1,5 Md$, pour se positionner sur un marché mondial aujourd’hui dominé par les européens.

En 2012, les exportations sud-coréennes en matière d’équipement de défense plafonnaient à 2,3 Md$ pour seulement 7 clients, dont la Turquie qui représentait à elle seule plus de 50 % de ce montant.

Dix ans plus tard, en 2022, Séoul révélait une année record concernant les prises de commande, dépassant les 17 Md$, plus du double des 7,5 Md$ de l’année précédente. Ce succès et cette croissance géométrique sont en grande partie dus aux nombreux contrats signés ces dernières années par les industriels sud-coréens en matière de véhicules blindés.

Le succès des blindés sud-coréens

En effet, les K2 Black Panther, K21 Redback, K239 Chunmoo et surtout le canon automoteur K9 Thunder, ont rencontré un succès fulgurant ces dernières années. Ils pouvaient s’appuyer pour cela sur plusieurs atouts exclusifs et concomitants.

D’abord, les blindés sud-coréens sont aujourd’hui en bien des domaines les plus évolués ou les plus récents du marché. Rappelons, en effet, que jusqu’il y a peu, américains comme européens, les traditionnels acteurs du marché des véhicules blindés en occident, avaient largement délaissé ce domaine pour se tourner vers des systèmes plus légers et plus mobiles, répondant mieux aux besoins des opérations extérieures en Afrique ou au Moyen-Orient.

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Le canon automoteur K9 Thunder a été choisi par 10 forces armées, dont 4 en Europe

De fait, à l’exception notable de l’Altay turc qui n’est pas encore opérationnel, et qui le sera uniquement grâce à d’importants transferts de technologies venus de Corée du Sud, aucun nouveau char, ni aucun nouveau système d’artillerie blindé chenillé a été conçu ces 20 dernières années en occident.

Les atouts des blindés sud-coréens

Les K2 Black Panther et K9 Thunder avaient alors devant eux un véritable boulevard commercial lorsque les tensions mondiales et les risques de conflit de haute intensité, exacerbés par la guerre en Ukraine, refirent leur apparition.

De plus, les offres commerciales sud-coréennes se sont souvent montrées attractives et particulièrement souples, que ce soit en termes de livraison rapide des équipements, comme des transferts de technologies et de capacités industrielles.

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La Pologne a signé avec la Corée du Sud un partenariat stratégique pour acquérir et produire plusieurs milliers de blindés, dont un millier de chars K2 Black Panther

Enfin, les industriels sud-coréens ont pu s’adosser à un marché national aussi dynamique que planifié avec soin, leur permettant de dimensionner efficacement leurs investissements et leurs moyens de production. Ils pourront ainsi proposer des offres alliant de courts délais, des prix compétitifs et des équipements performants, conçus pour faire face, au besoin, à la Corée du Nord et la Chine.

Ces atouts ont notamment joué pleinement leurs rôles lors des négociations avec la Pologne pour l’acquisition et la construction locale des chars K2 et K2PL, des canons automoteurs K9 ainsi que des systèmes d’artillerie à longue portée K-239 Chunmoo, dans ce qui deviendra le plus important contrat cadre d’armement terrestre de ces 30 dernières années.

Enfin, Séoul s’est souvent montré bien moins regardant concernant ses exportations d’équipement de défense que n’ont pu l’être américains et européens, particulièrement vers les pays du Moyen-Orient ou la Turquie. De fait, les industriels sud-coréens ont pu se saisir de marchés snobés par les chancelleries occidentales, et ainsi consolider sa position.

Ainsi, les blindés sud-coréens se sont fréquemment imposés là où ils ont été proposés depuis 2017, y compris en Europe face aux offres locales pourtant prédominantes jusque-là.

La construction navale sud-coréenne

Cette redoutable stratégie, contre laquelle les européens se sont régulièrement retrouvés démunis par son dynamisme et sa compétitivité, va bientôt être portée dans un autre domaine, celui de la construction navale de défense.

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Les destroyers lourds de la classe Sejong le grand (programme KDD-III Batch 1) sont parmi les plus puissants navires de surface combattants de la planète aujourd’hui.

À l’instar de ce qui fut fait dans le domaine terrestre, Séoul a construit, ces 20 dernières années, une puissante industrie navale militaire, en s’appuyant sur de juteux contrats d’importation avec de nombreux transferts de technologies, ainsi que sur le savoir-faire avéré de son industrie navale commerciale et civile.

L’objectif initial, tel qu’il a été présenté par les autorités sud-coréennes, était alors de moderniser les forces armées du pays, au travers de plusieurs programmes marqués par une part croissante de production locale.

Le super-programme KSS de sous-marins

Ce fut fait, et les progrès réalisés par l’industrie navale militaire sud-coréennes peuvent s’observer au travers des programmes itératifs comme KSS, son super-programme de sous-marins.

La première étape, baptisée KSS-I, s’étala sur un peu plus de dix ans, de 1990 à 2001. Elle permit de lancer 9 sous-marins conventionnels de la classe Jang Bogo, des Type 209/1200 de l’allemand TKMS, qui employaient alors une grande partie des équipements fournis par l’industrie allemande.

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Le programme KSS 1 était articulé autour du Type 209/1200 de TKMS

Elle fut suivie du programme KSS-II, qui permit aux industriels sud-coréens de produire les 9 sous-marins de la classe Sohn Won-yil. Dérivés du modèle Type 214 de TKMS, ces navires, entrés en service de 2007 à 2020, s’avéraient beaucoup plus performants que leurs prédécesseurs, avec notamment une propulsion anaérobie AIP. En outre, ils emportaient davantage de composants sud-coréens.

La classe Sohn Won-yil ouvrit de fait la voie à la conception et la fabrication de la classe Dosan Anh Changho au sein du programme KSS-III. Contrairement aux deux précédentes, celle-ci a été conçue en Corée du Sud, et non inspirée d’un modèle allemand. En outre, l’immense majorité de ses composants sont sud-coréens.

La construction du premier navire de la classe éponyme qui doit compter 9 navires, a débuté en mai 2016. Le Dosan Anh Changho est entré en service au sein des forces navales sud-coréennes en aout 2021. Il s’agit là d’un délai remarquablement court pour un premier sous-marin de classe, qui plus est lorsqu’il s’agit du premier sous-marin de conception locale d’un pays.

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Les sous-marins sud-coréens de la classe Dosan Anh Changho (programme KSS-III) ont été conçus en Corée du sud

En outre, les navires s’avèrent, semble-t-il, performants et discrets, et sont les premiers sous-marins à propulsion conventionnelle à être nativement équipés de systèmes de lancement verticaux K-VLS. Grâce à eux, ils peuvent mettre en œuvre six missiles de croisière Chonryong, version navale à changement de milieux du Hyunmoo-3.

La même dynamique peut s’observer autour des autres programmes navals sud-coréens, comme KDD (destroyers), FFG (frégates) et PCC (corvettes). Ces programmes ont permis aux forces navales sud-coréennes de passer d’un statut de marine de défense côtière au début des années 90, à celui de flotte de haute mer aujourd’hui.

Elle dispose dorénavant, à elle seule, de plus de navires de première ligne et de sous-marins que les marines françaises, italiennes et allemandes réunies.

L’offre, l’ambition et la stratégie de Hanwha Ocean

De fait, aujourd’hui, avec les sous-marins de la classe Dosan Anh Changho, les destroyers AEGIS de la classe Sejong le Grand, les frégates de la classe Chungnam, les corvettes Pohang ou encore les navires d’assaut de la classe Dokdo, la Marine sud-coréenne dispose d’une panoplie complète et évolutive de l’ensemble des navires de combat du moment.

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