mercredi, octobre 30, 2024

La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ?

Alors que Jakarta vient d’annoncer la commande de deux sous-marins Scorpene Evolved, les négociations entre Paris et New Delhi, concernant les programmes d’armement, ont connu un coup d’accélérateur depuis les élections législatives indiennes, et la nouvelle victoire de Narendra Modi.

Après les informations laissant entendre que la commande de 22 Rafale M, et de 4 Rafale Biplaces, pour la Marine Indienne, pourrait être signée d’ici à la fin de l’année 2024, c’est désormais au tour des trois sous-marins Scorpene de la classe Kalvari, de faire à nouveau parler d’eux.

En effet, la presse indienne indique que les négociations au sujet de ces trois navires, conçus par Naval Group, et construits par les chantiers navals Mazagon Docks, auraient, elles aussi, progressé, et seraient proches d’une conclusion.

Cependant, l’information la plus intéressante, relayée par la presse indienne, n’est pas le montant du contrat, ni les délais de fabrication garantis par Mazagon Dock, mais l’indiscrétion au sujet d’un nouveau système de propulsion qui équipera les nouveaux submersibles, étendant sensiblement l’autonomie et les performances des navires.

Les trois nouveaux Scorpene indiens construits par Mazagon Docks, en 6 ans pour 35.000 crores, soit 3,9 Md€

Comme les Rafale M destinés à opérer à bord des porte-avions indiens, l’annonce concernant la commande de 3 sous-marins de type Scorpene supplémentaires, pour la Marine indienne, a été faite par Narendra Modi, lors de sa visite officielle en France, en juillet 2023, à l’occasion des célébrations de la fête nationale française.

INS Kalvari
La Marine indienne va-t-elle se tourner vers le Scorpene Evolved pour ses 3 nouveaux sous-marins ? 8

Et comme pour les avions de combat, les discussions, au sujet de ces navires, semblent avoir été ralenties, et même un moment, suspendues, le temps de la campagne électorale pour les élections législatives indiennes, qui se sont tenues mi-mai et début juin 2024.

Le sujet a refait surface dans la presse indienne il y a quelques jours, alors que les chantiers navals Mazagon ont transmis leur proposition aux autorités indiennes, pour la construction locale de ces trois navires.

Rappelons que, précédemment, c’est ce même chantier naval qui, associé à Naval Group, a construit les six sous-marins formant la classe Kalvari de la Marine indienne. En 2005, les autorités indiennes avaient confié le contrat à ces deux partenaires, pour construire localement 6 sous-marins type Scorpene de 67,5 mètres avec un déplacement en plongée de 1775 tonnes.

Le premier navire, l’INS Kalvari, a été lancé en octobre 2015, et entra en service en décembre 2017. Les 5 autres navires suivirent, à raison d’une moyenne d’un nouveau navire tous les 18 mois. La dernière unité, l’INS Vagsheer, a été lancé en avril 2022, et doit rejoindre le service dans les semaines à venir.

Un nouveau contrat pour de nouveaux sous-marins, plus imposants, modernisés et disposant d’un nouveau système de propulsion

Initialement, les discussions entre Naval Group, MDL, la Marine indienne et les autorités du pays, devaient porter sur la construction de trois navires très proches des Kalvari initiaux. Il a toutefois été évoqué que les navires pourraient recevoir le nouveau système de propulsion anaérobie AIP développé par la DRDO, l’agence de l’armement indienne, dès la construction, et non lors de leur première modernisation, comme pour les six premiers navires.

Scorpene Evolved Naval group
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Toutefois, à en croire les révélations faites par la presse indienne ces derniers jours, les nouveaux sous-marins, qui constitueraient une évolution de la classe Kalvari, seront plus imposants que les modèles indiens. Surtout, ceux-ci devraient recevoir un nouveau système de propulsion, leur conférant une autonomie et des performances étendues.

Or, si les technologies AIP permettent d’accroitre l’endurance en plongée des sous-marins conventionnels, elles n’étendent pas, à proprement parler, l’autonomie, et encore moins, les performances des navires, en particulier face à des Scorpene classiques, déjà réputés disposer de capacités avancées dans ces deux domaines.

Bien évidemment, sans que ce soit cependant exprimé par les médias indiens, cette description correspondrait parfaitement à une propulsion Lithium-Ion qui, précisément, offre une autonomie accrue aux navires, ainsi que des performances, notamment en termes de vitesse de plongée, très largement supérieures aux batteries classiques, et encore davantage, face aux systèmes AIP.

De fait, la description faite ici, induit à penser que la Marine indienne pourrait s’être tournée, au fil des négociations, vers le modèle Scorpene Evolved, ou, tout au moins, vers l’utilisation de certaines de ses technologies clés, comme la propulsion lithium-ion.

Pour rappel, les Scorpene Evolved ont été présentés publiquement, par Naval Group, en octobre 2023, dans le cadre de la compétition organisée par la Marine indonésienne, pour la construction locale de deux nouveaux sous-marins. En mars 2024, Jakarta annonçait la victoire de Naval Group et PT PAL dans cette compétition, et la commande de deux Scorpene Evolved.

Un important transfert de technologies pour permettre à Mazagon de fabriquer d’autres navires avec une grande autonomie.

Bien évidemment, la technologie lithium-ion, et plus généralement, les Scorpene Evolved, représentent de nombreuses évolutions vis-à-vis des Scorpene de la classe Kalvari, plus de dix ans séparant la conception des deux variantes.

Mazagon Dock Classe Kalvari
Lancement de l’INS Vaghseer par MDL, dernier des 6 sous-marins classe Kalvari

De fait, la construction de ces nouveaux navires, par MDL, nécessiterait, une nouvelle fois, d’importants transferts de technologies, d’autant que l’Inde attend désormais qu’au moins 60 % des travaux, en valeur, soient exécutés sur le sol indien.

Or, les transferts de technologies semblent au cœur des discussions en cours entre New Delhi et Naval Group autour de ces trois nouveaux navires, à en croire les informations recueillies par la presse indienne. Ce qui tend, donc, à accréditer l’hypothèse d’un basculement du programme indien, vers le Scorpene Evolved, ou, plutôt, vers un hybride entre le Kalvari traditionnel, et le Scorpene Evolved générique de Naval Group.

Il faut dire que, là encore, à en croire la presse indienne, que le jeu en vaut la chandelle, pour Mazagon comme pour Naval Group. En effet, l’objectif affiché, pour ces transferts de technologies, serait de parvenir, à l’avenir, à construire de manière autonome, en Inde, de futurs navires de la même classe, voire d’en assurer l’évolution.

Les Scorpene Evolved, ou Kalvari Evolved, vont-ils sonner le glas du programme P75i ?

Cette ouverture s’inscrit pleinement dans la doctrine du Make in India, soutenue par Narendra Modi et sa majorité nationaliste. Elle permettrait, notamment, à MDL, de faire évoluer, à l’avenir, les six premiers Kalvari, pour les doter de batteries lithium-ion, ce qui en étendrait sensiblement les performances, ce sans passer par l’étape AIP.

INS Kalvari Naval Group Scorpene Class
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Surtout, elle ouvre un boulevard de négociation à Mazagon, avec le soutien de Naval Group, pour remplacer le programme P75i, qui prévoit de commander six nouveaux sous-marins AIP pour la Marine indienne, pour s’équiper directement de sous-marins lithium-ion, plus performants, tout en profitant d’une certaine standardisation au sein de la flotte, ce qui en facilite la maintenance, ainsi que la formation des équipages.

Cette hypothèse est d’autant plus crédible que les trois sous-marins proposés par MDL et Naval Group, s’inscrivent dans un budget global de 35000 crores, soit 3,9 Md€, ceci comprenant les transferts de technologies si importants pour Mazagon, la Marine indienne, et, surtout, pour Narendra Modi.

Ce prix s’avère, en effet, particulièrement compétitif, au point qu’il serait certainement très difficile, aux autres compétiteurs comme TKMS, Navantia, Kockums, Hanwha Ocean et Rubin, de s’aligner avec une technologie et des performances comparables.

En outre, comme pour le premier contrat Rafale indien, ce premier contrat Kalvari Evolved, porterait beaucoup des couts d’adaptation et de transfert de technologies nécessaires à cette fabrication locale, laissant supposer que les six navires à suivre, pourraient être encore plus économiques à fabriquer, donc encore plus attractifs.

Conclusion

Comme évoqué dans un précédent article, il faut, lorsqu’il s’agit d’informations relayées par la presse indienne, toujours se montrer prudent et circonspect. Toutefois, force est de constater que les informations relayées ici par plusieurs sources, semblent effectivement se recouper, et surtout se compléter pour donner un tableau final cohérent.

TKMS Type 214
TKMS propose le Type 214 AIP à la Marine indienne dans le cadre du programme P75i. Ce navire a toutefois des performances sensiblement inférieures à celles du Scorpene Evolved.

L’hypothèse de voir la Marine indienne privilégier le Scorpene Evolved, ou, comme écrit plus haut, un Kalvari Evolved, plutôt qu’un Kalvari classique ou AIP, pour ses trois futurs sous-marins, a, évidemment, beaucoup de sens et d’intérêts. En particulier, elle ne semble pas engendrer de surcouts significatifs, à en juger par les investissements évoqués en Inde, comme par le prix proposé par Naval group, aux Pays-Bas.

Reste que les négociations avec New Delhi sont toujours longues et difficiles. Pour autant, les négociateurs français, de Naval group comme de Dassault aviation, en maitrisent désormais l’ensemble des aspects, et savent donc naviguer dans les méandres politiques, militaires et industrielles du pays. Il faudra toutefois, et comme toujours, attendre davantage d’informations, et les confirmations officielles, avant de se féliciter du succès français.

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2 Commentaires

  1. Bonjour
    Assez surpris par ces articles de la Presse Indienne, forcemment « inspirées » (comme dans le Monde entier en général.. sur ces sujets , rien de specifiquement Indien)
    MDL devait incorporer la techno AIP développée par le DRDO (centre de R public Indien pour la Défense) sur les « Kalvari » 7 à 9. Cette techno de pile à combustible basée sur la techno electrolyte liquidà haute T (acide phosphorique), techno « Made in India » et d’abord présentée comme telle, n’est plus dans l’article…
    Problèmes techniques ? retard ? ou peut être la comparaison avec les batteries Li (prenant le volume réservé aux piles à C) montrant un intéret marginal désormais au prix d’une grande complexite.Gaz cryo non rechargeable à la mer par exemple. (Choix fait par les Marines Japonaise ou Néerlandaise)
    Ne pas oublier que tout systeme AIP(Stirling ou pile) met en oeuvre une oxydation /combustion donc en pratique de l’Oxygene liquide et en general de l’hydrogene liquide ou un carburant ,(reformé si les piles à c sont utilisées). Une « usine à gaz »….avec toujours une densité de puissance tres faible (les Kw pas les KwH, bref le truc qui font avancer les bateaux plus vite , vitesse au carré de la puissance à la louche..)
    Les Indiens regardent les techno AIP de Navantia et de TKMS à base de piles à C. à membranes plus modernes pourtant,…mais pas à la mer avant 10+ ans chez MDL
    déçu par leur système?, inertie pour changer de pieds?

    • Après, il faut reconnaitre que l’écart de performances entre la propulsion lithium-ion et AIP, qqs la technologie retenue, est telle, que si l’opportunité se présente, je pense qu’il n’y a pas à hésiter. D’ailleurs, on remarque qu’en Pologne et au Canada, Naval Group est médiatiquement très discret. Pourtant, ses offres sont considérées comme favorites, en tout cas en Pologne. Les prix évoqués dans la presse indienne confirment le prix des ssk lithium-ion de NG annoncés en Indonésie et aux Pays-Bas. De mon point de vue, tant que TKMS, Kockums, Navantia et Hanwah Ocean ne peuvent pas s’engager sur cette technologie (prix, délais), ca va être difficile pour eux de s’imposer.

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