Marché unique de la Défense : L’Union européenne va-t-elle mettre la France au pied du mur en 2025 ?
Depuis quelques semaines, face aux contours tracés par la Commission européenne, concernant la création d’un marché unique de la Défense, dans le cadre du programme EDIP, l’écosystème défense français est en ébullition.
Cette initiative d’Ursula von der Leyen s’appuie, en effet, sur la création d’un marché unifié, en Europe, destiné à encadrer les grands programmes d’équipement des armées, pour en accroitre la part européenne, aujourd’hui très insuffisante, et pour en améliorer l’application, avec des prix et des délais réduits, ainsi qu’une meilleure interopérabilité.
Pour Paris, cependant, une telle trajectoire marquerait la fin de l’Autonomie stratégique française, héritée du gaullisme, et des prérogatives nationales dans les arbitrages en matière d’équipement de défense, avec le risque, très réel, de voir l’industrie de défense française se dissoudre dans un bloc européen qui n’aurait pas, dans le même temps, atteint l’autonomie stratégique lui-même.
En effet, du côté de la commission comme d’une grande majorité de pays européens, il est hors de question d’exclure les États-Unis et la Grande-Bretagne, de ce marché commun de l’armement, Washington étant toujours perçu comme le pivot protecteur de l’OTAN, dans toutes les capitales européennes, sauf une, Paris.
Quels sont les ressorts à l’œuvre dans ce dossier très complexe ? La France a-t-elle les moyens de peser sur les décisions de la commission européenne dans ce dossier ? Et, quelles seraient les alternatives, pour Paris, face à une majorité européenne contre ses positions ?
Sommaire
Le constat : les européens s’équipent majoritairement de matériels militaires conçus ou fabriqués hors d’Europe
Plusieurs rapports ont émergé, ces dernières années, pour montrer la position de grande fragilité de l’Europe, en matière de défense, et plus spécialement, d’équipements de Défense. Ainsi, l’IRIS avait estimé, en septembre 2023, que les armées européennes avaient consacré 78 % de leurs crédits d’équipement pour acquérir des matériels conçus et/ou produits hors d’Europe, en 2022 et 2023, dont 65 % pour les équipements européens.

En mars 2024, le rapport du SIPRI allait dans le même sens, estimant que les importations européennes d’armement avaient connu un bond de 94 % sur la période de 2019-2023, vis-à-vis de la période précédente, 2014-2018, dont une hausse de 35 % pour les seuls matériels d’origine américaine.
Il est vrai qu’en marge de l’invasion russe en Ukraine, nombre d’armées européennes ont annoncé de très importants programmes d’acquisition de matériels militaires américains, qu’il s’agisse de systèmes de défense aérienne, de missiles, de blindés, de systèmes d’artillerie, d’hélicoptères et, surtout, d’aéronefs, en particulier l’omniprésent F-35, désormais choisi par plus de la moitié des forces aériennes européennes.
Une étude plus récente, de l’IISS, tend toutefois à modérer, un peu, ces affirmations, en estimant à seulement 52 %, la part des équipements importés pour les armées européennes, dont 34 % pour les États-Unis, depuis 2022, sur la base d’une étude plus élargie, ne se limitant pas uniquement aux programmes majeurs d’équipement.
Ce fut, toutefois, le rapport Draghi, publié en septembre 2024, qui finit de convaincre la présidente de la nouvelle commission européenne, de doter l’Union européenne d’un Commissaire dédié à la mission défense et espace, poste attribué à l’ex-premier ministre lituanien Andrius Kubilius, et de confier à son homologue estonienne Kaja Kallas, le poste de haute représentante de l’Union pour la politique étrangère et les affaires de Sécurité.
La solution européenne : un marché unique de la Défense EDIP, pour augmenter les flux d’équipement, réduire les couts et accroitre la part européenne
Pour répondre à ce constat, la présidente de la commission européenne, épaulée de ses deux alliés baltes, ont élaboré un programme visant à encadrer et harmoniser les programmes d’acquisition des équipements de défense, au sein de l’Union.

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Les italiens ont le principal centre de maintenance de F35 en Europe, les Allemands doivent trouver le moyen d’équilibre leur balance commerciale avec les USA. Paradoxalement les Allemands sont pret a tout faire pour écarter la France de projets internationaux,quitte a perdre, autant moins perdre que leur enemi historique. Trump va néanmoins vouloir (préférer) des armes 100% construits au USA par des mains américaines donc il va jouer sur la capacité à livrer rapidement contrairement a l’etape d’assemblage en europe du projet EDIP.Donc la France a une possibilité de tirer son épingle du jeu, donc la méthode du nouveau gouvernement sera importante dans ce jeu de dupes.
Bonjour à toutes et tous,
A la lecture de cet article qui personnellement je dois l’avouer m’a particulièrement déprimé; j’ai bien l’impression qu’à l’humiliation, s’ajoute le déshonneur, la soumission et la fin de nos (mes) espoirs de compter un peu dans une Europe solidaire et puissante face aux dangers de ce monde qui cherchent à nous détruire, littéralement et figurativement.
En effet, jamais nous ne pourrons convaincre les européens de fonder cette Europe puissance qu’une vraie défense européenne implique et surtout, jamais nous n’aurons été autant marginalisé, humilié et rejeté par nos voisins.
Par contre deux points semblent moins avancé dans l’article et me semblent primordiaux pour analyser la situation:
– Jamais la France n’a eu vocation et voulu « remplacer » les USA pour la défense de l’Europe. Jamais la France n’a dis vouloir et pouvoir remplacer avec ses canons, Frégates, tanks, avions, etc.. le nombre et la puissance des USA. De même, l’idée que le poids de l’armée Française serait le critère d’évaluation me semble simpliste car on ne demanderai jamais à une et une seul armée de défendre l’Europe; l’idée était que le nombre soit porté par l’ensemble des pays. Cet ensemble s’appuierai sur un marché d’armes conçues, fabriquées et utilisées par des Européens et complétés à la marge par des technologies Extra-européenes quand on aurait pas le choix. Ce marché intérieur serait mutuellement profitable à l’échelle de l’Europe tout en permettant de garder l’autonomie stratégique et politique (pas d’imposition US)
Partir du postulat que la France pour être crédible doit aligner autant de soldat que les USA en Europe ou au moins la plus grosse armée est irréaliste et ne se produira absolument jamais; c’est la combinaison de nos armées respectives, alignées et complémentaires qui ferait notre force.
– Le marché tel que proposé par Ursula Von Der Leyen n’est en réalité qu’une contrepartie à la guerre commerciale que nous livre les USA et tout autre considération n’est rien comparé à ce que les pays sous tutelle des USA sont prêts à payer pour apaiser l’impérialisme économique des US.
Tuer la BITD française et l’idée d’une Europe puissance n’est qu’un moyen comme un autre pour apaiser L’ogre US dans sa volonté de nous vassaliser en garantissant un ré-équilibrage de la balance commerciale par tous les moyens, y compris militaires.
Il me semble que cette volonté écrase toutes les autres, si nous n’étions pas autant soumis militairement collectivement aux USA, nous aurions confiance dans nos propre puissance ou capacité à la gagner et donc à ne pas accepter ce chantage US sur les taxes douanières.
A noter que je ne suis pas anti-européen ni anti-us, juste que je pense que l’Europe à les moyens de se prendre en main sans les US si elle le décide tout en continuant à être dans une alliance mutuellement profitable; les US n’ayant pas à nous imposer notre gouvernance et l’intégration politique du vieux continent.
Perdre nos spécificités défense au profit de l’Europe et dépendre encore une fois des Etats-Unis c’est la pire des solutions.
Mais que la France soit peu considérée au niveau européen en ce qui concerne la défense , nous l’avons méritée avec notre petit 2% PIB….
Tout à fait d’accord avec vous M. Wolf,
Se spécialiser sur nos quelques domaines d’excellence ( forces aéroportées , montagne, dissuasion, bombardement avec le rafale scalp/ASMP A , groupe amphibie et PAN , etc..) pour lesquels nos matériels sont depuis toujours adaptés.
Donc un SNLE en plus, deux SNA , un nouvel HADES et des rafales N et air ..
Mais pour cela ne faudra t’il pas sacrifier quelque chose ? Genre MBT ? On n’en fabrique plus de toute façon « Tout État fait la politique de sa géographie ».
Notre géographie , disait un grand homme, de toute façon dicte une bonne partie de nos décisions .
Nous sommes en troisième ligne à l’Est, en première pour le sud et nos territoires d’outre mer.
Il faudra attendre les nouveaux accords du sommet d’Amsterdam, pour arbitrer cela. Si la France s’engage, aux cotés des européens, à faire croitre son effort de défense à 3 % PIB, il sera possible de tout faire, en étant un peu astucieux, et moins bourrins que nos amis européens..
On en revient toujours au même problème. Là France reste un pays qui a un billet de 2ieme classe et qui veut voyager en 1ère. Quand on sortira de la mentalité exécrable d’une certaine génération de politiques et de responsables qui ne pensent qu’à nous rendre dociles et dépendant au détriment du goût du risque et de l’aventure, quand on cessera d’idéaliser les derniers de la classe pour au contraire récompenser ceux qui se donnent, on aura fait un grand pas en avant. C’est culturel et c’est des choix.
Le Gaullisme avait permis d’écarter du pouvoir bon nombre de politiciens carriéristes de la 4ieme et la 3ieme république. Il s’appuyait sur des cadres formés dans le combat. Le noyautage est revenu en force par la suite, privilégiant une forme de mandarinat qui pour se faire pardonner son incompétence achète les électeurs. Ce cycle est ancien. Les responsables en poste ne renoncent pas à leur avantages. Bref, on est revenu à l’immobilisme républicain.
Je ne vois pas d’autre solution que de battre électoralement le centre mou conservateur pour changer vraiment la situation, avec des personnes plus efficaces.
De là pourraient émerger des personnes plus crédibles, capables de s’engager et de rassurer nos partenaires.
« Encadrer et harmoniser les programmes d’acquisition d’armement », doit on comprendre qu’un pays de l’UE ne pourra pas acquérir les équipements souhaités en quantité souhaitée, au coût négocié, sans demander l’avis/ l’accord des hautes instances européennes? Ce projet d’harmonisation ne risque t-il pas de modifier les rapports de force économiques et militaires en faveur d’un pays de la zone UE en particulier?
Pas sûr que cela avantage spécialement l’Allemagne face à l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, la Pologne ou la Suède. Tous ont une grande habitude de coopérer avec l’industrie us. Par contre, la France est très nettement désavantagée par ce modèle. Pour autant, une grande majorité des européens ne voient pas de problème dans cette approche.
Pas sur que les USA soient totalement étrangers a l’émergence du projet EDIP
Les industriels français sont loin d’être tous franco-francais. KNDS, MBDA etc ont une dimension européenne, et seront donc concernés par EDIP.
Le fait que le groupe soit multinational n’implique pas un partage multinational. Ainsi, chez MBDA, les missiles français sont conçus et fabriqués en France, les misisles britanniques en italie etc.. De meme, chez KNDS, ne croyez pas une seconde que la France participe à la conception et la construction des leopard 2, des RCH155 ou des Boxer.
Il faut se retirer tout de suite de ce programme.
Vous dîtes à juste titre « s’en retirer, et être exclu de la reconstruction des armées européennes, et du marché structurant qui en découlera. ». Soyons sérieux, quand est-ce que les pays européens se sont rapprochés de la France pour la construction de leurs armées ? Peut-on se rappeler que le SAMP/T n’a pas été retenu au profit du Patriot américain pour la défense anti-aérienne ?
On pourrait citer les quelques contrats européens obtenus récemment (Grèce, Pays-Bas), mais ceux-ci restent minimes par rapport aux achats européens sur les 10 dernières années, mais il faut aussi retenir les compétitions gagnées qui n’ont mené à rien (coucou la Suisse).
Très franchement, pensons à nous et travaillons avec ceux qui nous estiment sur le plan de la Défense : Inde, Indonésie, Grèce principalement. J’ajoute également qu’il faut continuer à travailler au cas par cas, en collaboration quand elles ont du sens (SCALP, SAMP/T, FREMM etc).
Vous voulez dire à part les 4 sous-marins, les 12 hélicoptères et les 6 bâtiments de guerre des mines néerlandais, des 350 blindés, 28 Caesar et 6 chasseurs de mines belges, des 12 rafales croates, des 900 mistral vendu à 6 pays européens, et des 3, bientôt 4, frégates FDI et 24 Rafale grecs, en 4 ans, représentant 40 % de la prise de commande de l’industrie défense française sur la scène internationale depuis 2021 ? non c’est vrai, pas grand chose …
je suis d’accord avec vous monsieur Wolf, mais tempérons quand même un peu les 4 sous marins Néerlandais 1.5 Mds d’euros moins cher quand même et surment plus performants que ceux des Allemands, pour les caesar on peut en avoir 4 pour le prix d’un equivalent Allemand plus souvent en panne et on peut continuer ainsi assez longtemps. je pense que la BITD Française fait de plus en plus d’hombre à certains et qu’ils cherchent toujours et encore à l’afflaiblir par tous les moyens, quittent à en inventer car la défense ne fait pas partie des prérogatives de MMe van der leyen quoiqu’elle en pense et il va falloir le lui rappeler surement.
Une belle énumération, de jolis chiffres !
Mais sur tous les achats de défense européen, quelle part revient à la France ?
Par exemple, 36 rafales quand l’Europe vole sur avions américains c’est maigre non ?
En effet. D’u. Autre côté la France n’a pas de procédure de partage de sa dissuasion, à moins de navires en Europe que l’US Navy, à moins de chasseurs que l’US Air Force etc ….
Si nous ne parvenons pas à convaincre les européens, on doit se remettre en question, et pas faire porter la responsabilité sur les autres. Il suffit d’écouter les européens à ce sujet pour comprendre.
Le Grèce est un cas intéressant puisque nous avons signé un accord de défense avec eux. Si les Turcs les attaquent nous serons les seuls à les défendre. Les autres européens regarderont, et certains même continueront de vendre des armes aux Turcs. Dans ces conditions 24 Rafale dont 6 ont été offert et 4 FDI c’est effectivement pas grand-chose. D’autant plus que nous ne vendons pas d’armes aux ennemis de nos clients comme la Turquie ou le Pakistan.