samedi, septembre 6, 2025

[INVITÉ] L’acquisition grecque des frégates FREMM italiennes : une opportunité stratégique, non une menace pour les intérêts français

Alors que la Grèce poursuit sa course à la modernisation navale face à l’expansion rapide du complexe militaro-industriel turc, des informations récentes faisant état de négociations entre Athènes et Rome pour l’acquisition de deux frégates FREMM italiennes de seconde main, pour la Marine hellénique, ont suscité quelques inquiétudes dans les milieux français de la défense.

De prime abord, cette acquisition pourrait sembler compromettre la relation stratégique patiemment construite entre Paris et Athènes, notamment en ce qui concerne la commande d’une quatrième frégate FDI et la perspective de chantiers navals additionnels.

Pourtant, une analyse approfondie montre qu’il s’agit là non pas d’un revers, mais d’une opportunité de renforcer les synergies de défense intra-européennes, d’approfondir la coopération trilatérale, et, au final, de consolider l’ancrage stratégique de la France en Méditerranée orientale.

L’acquisition de FREMM italiennes par la Grèce : complémentarité, non concurrence, avec les FDI françaises

L’offre portant sur les Carlo Bergamini et Virginio Fasan — deux premières FREMM de la classe italienne — répond à une urgence grecque : celle du temps. Confrontée à une modernisation accélérée de la Marine turque et à un environnement stratégique de plus en plus complexe, la Grèce a un besoin clair et immédiat de combler un fossé capacitaire croissant.

Frégate FREMM  italiennes Bergamini
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Si les frégates françaises FDI (dont trois sont déjà commandées) offrent une supériorité technologique manifeste, elles nécessitent plusieurs années de construction et de livraison. À l’inverse, les FREMM italiennes, bien que plus anciennes et moins avancées, sont disponibles immédiatement, à un coût abordable, et pleinement opérationnelles — une solution de court terme pragmatique qui permet à la Grèce de maintenir sa présence navale dès maintenant.

D’un point de vue plus large, ces unités ne concurrencent pas les FDI françaises, elles les complètent. Elles permettent de combler un vide opérationnel immédiat, tout en laissant le temps à la marine hellénique de recevoir ses unités plus avancées. Cette acquisition pourrait même renforcer l’intérêt d’Athènes pour une quatrième FDI, en stabilisant la situation à court terme et en assurant la continuité de son programme de transformation navale.

Renforcer les synergies européennes de défense

Plus stratégiquement, l’offre italienne démontre une réalité essentielle : les pays européens sont de plus en plus capables d’agir avec agilité et solidarité face à des défis sécuritaires communs. La capacité de l’Italie à libérer rapidement des frégates opérationnelles et l’avance technologique française en matière de construction navale ne s’excluent pas, elles s’additionnent, formant un socle cohérent pour une Europe de la défense plus réactive.

Marine turque Erdogan Reis
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Les défis posés par l’évolution stratégique de la Turquie — son autonomie croissante vis-à-vis de l’OTAN, ses ambitions régionales — ne sont pas seulement un problème grec. Ils concernent l’ensemble des partenaires méditerranéens et européens. Dès lors, la coopération entre la France, l’Italie et la Grèce ne doit pas être perçue comme une rivalité commerciale, mais comme une responsabilité partagée dans le maintien de la stabilité régionale.

C’est dans ce contexte que les accords de défense tripartites prennent tout leur sens. Des exercices conjoints, des programmes industriels codéveloppés, le partage du renseignement et une intégration logistique accrue permettraient une interopérabilité européenne plus fluide et plus crédible. Cela renforcerait la capacité de dissuasion régionale et affirmerait la maturité stratégique de l’Europe face à des acteurs extérieurs.

Une victoire stratégique pour la France

Les intérêts français dépassent largement la seule logique contractuelle. La France s’est toujours positionnée comme une puissance méditerranéenne majeure, dotée d’une capacité militaire et politique à intervenir dans des théâtres complexes — du Levant à la Libye. La Grèce, via le partenariat stratégique franco-hellénique, constitue un relais essentiel de cette présence et un partenaire fiable, qui partage les priorités géopolitiques françaises.

FDI Kimon Marine hellenique
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Tout renforcement des capacités navales grecques — qu’il vienne de France, d’Italie ou d’ailleurs en Europe — soutient la vision stratégique d’une autonomie européenne en matière de défense.

Il favorise une présence européenne crédible en Méditerranée orientale, améliore l’interopérabilité avec la Marine nationale et renforce la coopération industrielle sur le continent. À ce jour, la France demeure le seul partenaire capable d’offrir à Athènes des capacités de pointe en matière de défense navale et aérienne — des frégates FDI aux Rafale.

Conclusion : Voir plus grand

Plutôt que de percevoir l’accord sur les FREMM italiennes comme un revers, la France gagnerait à l’accueillir comme un signe positif. Il témoigne d’une Europe de la défense en maturation, capable de réagir de façon souple et concertée à des menaces communes. C’est un progrès stratégique, non une régression.

FDI marine hellenique
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Cet épisode souligne l’urgence pour la France d’accélérer ses propres délais d’exportation, d’innover dans son modèle industriel, et de renforcer sa coopération avec les autres puissances européennes dans une logique d’architecture de sécurité partagée. La défense de l’Europe ne repose plus sur des accords bilatéraux isolés, mais sur la cohésion multilatérale — dont le partenariat franco-grec demeure un pilier central.

En somme, soutenir les besoins urgents d’Athènes, quel que soit le fournisseur, va dans le sens des intérêts stratégiques français. Cela garantit que la Grèce demeure un partenaire crédible, compétent et confiant dans une région cruciale pour la sécurité européenne. Une marine grecque plus forte n’est pas une menace pour l’influence française : c’est un atout majeur.

Ioannis Sidiropoulos, LL.M (LSE, UvA) est avocat, ainsi que chercheur universitaire non-résident à l’Académie diplomatique de l’Université de Nicosie.

Cet article est un article « Invité », publié par Meta-Defense, publié pour étendre le débat autour des sujets de défense. Il ne reflète pas nécessairement les positions du site sur le sujet.


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4 Commentaires

  1. oui bon argumentation sur ce point. en effet si on reprend la base des fremm, même si les italiennes sont moins avancées que les françaises, elles utilisent les mêmes missiles et peuvent travailler en bonne harmonie avec les fdi. en plus si les itlaiens leur ont fait un bon prix, pourquoi pas, c’est toujours mieux que d’aller acheter de vieux bateaux américains dépassés et bon pour la ferraille.

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