vendredi, septembre 5, 2025

U212 NFS : l’alliance germano-italienne de Fincantieri et tKMS pour contrer le Scorpene Evo de Naval Group

Alors que le marché des sous-marins conventionnels semble devoir se cristalliser autour d’une confrontation entre le U212 NFS germano-italien et le Scorpene Evo français, la domination technologique, dans ce domaine, n’est plus suffisante pour s’imposer sur la scène internationale.

L’époque où un chantier national, fort de ses seules références, pouvait aligner ses plateformes sur le marché mondial est révolue. Désormais, la compétition se joue à plusieurs niveaux : performance des coques, modularité des systèmes, interopérabilité OTAN… mais aussi et surtout, agilité industrielle et stratégie de partenariat.

Dans ce contexte, l’offensive menée depuis quelques mois par le binôme tKMS–Fincantieri, autour du U212 NFS et CD, redistribue les équilibres. L’un fournit la technologie et l’héritage d’un savoir-faire reconnu dans le monde entier ; l’autre assure la présence commerciale, la capacité à adapter les offres aux marchés locaux, et l’excellence d’exécution, y compris sur des programmes complexes comme les FREMM américaines.

En face, Naval Group affiche une offre solide, structurée autour du Scorpène Evo et du Blacksword Barracuda, intégrant des briques technologiques issues de l’univers des SNA et des choix industriels audacieux comme le passage précoce aux batteries lithium-ion. Mais l’absence de partenaire européen stable, depuis l’échec du rapprochement avec Navantia en 2008, puis de Fincantieri, dix ans plus tard, pose aujourd’hui la question de la résilience commerciale à long terme du groupe français.

Car à mesure que les appels d’offres se complexifient, que les attentes des marines clientes se raffinent, et que les financements se concentrent sur les acteurs les plus intégrés, la capacité à fédérer, à partager et à projeter devient un levier décisif. Et si Naval Group ne construit pas cette alliance industrielle stratégique que le contexte impose, un autre le fera à sa place.

Le Type 209 de tKMS, et la renaissance de l’industrie sous-marine allemande

Durant la guerre froide, le marché mondial des sous-marins militaires ne comptait qu’un nombre limité d’acteurs. Outre l’Union soviétique, qui alimentait en priorité les marines communistes dotées d’une composante sous-marine, ce marché se répartissait entre les Britanniques, avec les classes PorpoiseOberon et Upholder ; la France, avec les Daphné et les Agosta ; les Néerlandais, avec les DolfijnZwaardvis et les deux versions du Walrus ; et enfin les Suédois, avec les classes côtières HajenDrakenSjöormenNäcken et Södermanland.

classe Daphné
sous-marin classe Daphné

Si les Britanniques et les Néerlandais obtinrent certains succès sporadiques à l’exportation, c’est la France, avec la classe Daphné — construite à 26 exemplaires dont 15 exportés vers quatre marines étrangères (Espagne, Portugal, Afrique du Sud et Pakistan) — qui parvint le mieux à s’imposer sur la scène internationale, en dépit de la domination exercée alors par les États-Unis avec leur programme Greater Underwater Propulsion Power Program (GUPPY).

Les sous-marins GUPPY, très imposants, mesuraient près de 95 mètres de long pour un déplacement en plongée de 2 400 tonnes. Ils donnèrent naissance aux classes Balao et Tench, produites de 1948 à 1960, et furent ensuite massivement reconditionnés et réexportés vers les marines alliées des États-Unis comme au sein de l’OTAN, alors que l’US Navy abandonnait progressivement les sous-marins conventionnels au profit exclusif de la propulsion nucléaire.

Comme de nombreux sous-marins conçus entre la fin des années 1940 et le milieu des années 1950, qu’ils soient occidentaux ou soviétiques, les GUPPY américains s’inspiraient fortement de la classe Type XXI allemande. Ce sous-marin révolutionnaire, conçu par la Kriegsmarine, mesurait 76 mètres pour 1 800 tonnes en plongée, et fut produit à 118 exemplaires entre 1943 et 1945. Le Type XXI était alors considéré, à juste titre, comme le sous-marin le plus avancé de la Seconde Guerre mondiale, notamment grâce à une vitesse en plongée exceptionnelle de 17 nœuds — bien supérieure à celle des modèles britanniques et américains contemporains.

À la fin de la guerre, les quatre principaux vainqueurs — les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Union soviétique — récupérèrent chacun un ou plusieurs exemplaires du Type XXI, ainsi que plusieurs ingénieurs allemands, qu’ils étudièrent de manière intensive. Ce transfert technologique indirect influencera fortement la génération de sous-marins développée dans les années 1950, tant en Occident que dans le bloc de l’Est.

La République fédérale d’Allemagne, quant à elle, ne fut autorisée à remettre en œuvre ses deux Type XXI restants qu’à partir de son réarmement en 1952, et de son intégration à l’OTAN en 1955. Toutefois, elle ne put véritablement redéployer une force sous-marine qu’à compter de 1960, sous des restrictions sévères en matière de tonnage et de rayon d’action.

Cela donna naissance au Type 201 (42 m / 400 t) en 1960, rapidement remplacé par le Type 205 (45 m / 400 t) en 1962, puis au Type 206 (48 m / 500 t) à partir de 1970. Ces sous-marins très compacts, conçus pour la défense côtière en mer Baltique, répondaient à la fois aux contraintes opérationnelles du théâtre local et aux restrictions imposées par les Alliés.

Type 205 BundesMarine
Type 205 de la BundesMarine.

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Pour Aller plus loin

14 Commentaires

  1. Je partage en partie votre analyse
    Ok pour les Suedois et Kockums, en esperant éviter une réédition de l’ affaire Navantia
    Mais sans mépriser qui que ce soit, Naval Group semble être aujourd’ hui le leader des fabricants de sous-marins
    Il a gagné aux Pays Bas et peut rééditer l’ exploit
    Il devrait s’ inscrire dans une alliance offensive visant notamment à augmenter ses capacités de production plutôt que se résoudre à une stratégie défensive comme l’ accord TKMS-Finantieri

    Le principal handicap de Naval Group- vous l’ avez évoqué vous-même- c’ est l’ absence de commande de la Marine nationale.

    Pour le reste le marché est mondial et Naval Group vise le Grand Large

    A ce propos, savez vous ou en est le projet d’ accord avec l’ Argentine pour la vente de trois Scorpène? Bercy, incapable d’ avoir une vision à long terme, bloque t’il toujours le processus de financement?
    Pourtant une proximité stratégique avec l’ Argentine aurait du sens..

  2. bonne réflexion fabrice et je partage (pour une fois n’est pas coutume ?) votre approche sur cet éventuel raprochement avec kockums. ce pourrait être profitable aux deux, à condition que cela ne tourne pas comme avec les espagnols qui n’y voyaient qu’un pillage de savoir faire. il est vrai qu’il y a en ce moment des essais de synergie entre la suede et la france et que cela pourrait être intéressant de consolider ceux ci. plusieurs groupes, comme vous l’aviez dit dans d’autres articles, pourraient concevoir ensembles dassault et saab sur un monomoteur , NV et kockums sur les soum et aussi frégates (fdi), il y a surement des choses à faire, à condition que les gens le veuillent vraiment ? dans le cas de fincantier et NV, si cela ne s’est pas fait, c’est tout simplement parce que c’était un marché de dupes. fincantieri apportait quoi en fait et laissait quoi en plus a NV, quedalle ! les mangeurs de spaghetti fabriquent des sousmarins sous licence allemande. le marché qu’ils font avec TKMS est aussi biaisé que ne l’était le précédent, à part que TKMS n’est pas spécialement en forme actuellement et cherche tous les moyens de revenir au niveau ou il était il y a 15/20 ans. je ne suis pas sur que ce soit le meilleur calcul pour lui, car il risque d’y perdre plus qu’il n’y gagnera au final. fincantieri est un ogre du naval, comme l’est paperger pour les chars et autres amuseries. il va siphoner le savoir faire de TKMS et dans 10 ans avec sa puissance de frappe il l’aura bouffé. c’est ce qu’ils voulaient faire de la même façon et avec NV et ensuite avec les chantiers de l’atlantique. heursement que pour une fois Macron à écouté le drian et en à gardé le contrôle. quand à faire l’article sur les fragates constellation, hum, pour le moment en 4 ans il n’y en a pas 1 qui est sortie des chantiers, la ou bientot NV en sortira 2 fdi par an. comme disent les jeunes « je voudrais pas me la pêter, mais bon ya pas photo ». trêve de plaisanterie a t’on des nouvelles de nos dirigeants à leur réunion a « den haag », vous allez nous faire un u deux articles la dessus j’espère ? bon au plaisir de vous lire.

    • ils n’ont pas besoin de nous en matière de technologie sous-marine. Les sous-marins suédois sont très largement considérés parmi les meilleurs au monde.
      Et il est très possible que le rapprochement tKMS / Fincantieri se termine par une coentreprise formelle. Mais l’état fédéral ne laissera pas tKMS se faire simplement absorber. Il va prendre une participation croissante, comme il l’a fait avec Hensoldt.

      • si leurs sous marins sont si bons, pourquoi n’en vendent ils pas à l’export, pas plus que les espagnols d’ailleurs ? à mon sens dans un raprochement entre NV et kockums (si c’était d’actualité ?) c’est plus kockums qui à a prendre de NV que l’inverse Non ?

  3. Churchill aimait dire que son pays ferait toujours le choix du grand large plutôt que l’Europe. La France aussi a une très grande tradition du grand large. Nous sommes allé de déceptions en déceptions avec l’Europe, l’épisode avec Navantia l’illustre très bien. Il serait peut être temps de se tourner vers le Grand large – et en l’occurence: l’Inde. Pour fusionner nos marchés intérieurs pour les avions de combat, les sous-marin, mais aussi pourquoi pas l’artillerie longue porté, voir même: les tanks. Les deux pays unissant leur marchés obtiennent une masse critique qui fait défaut à chaque pays pris individuellement tout en partageant les mêmes valeurs et les même exigeance d’indépendance. L’Europe: on a essayé, ça n’a pas marché, et il ne sert à rien de faire de l’acharnement thérapeutique, il est temps d’être juste pragmatique.

  4. Cet article , fort interessant certes pour nourrir le debat intellectuel, semble basé sur trois postulats:
    – il vaut toujours mieux une cooperation internationale qu’ un programme national
    – il vaut toujours mieux un programme europeen qu’ un programme national
    – quand un programme échoue, c’ est toujours la France qui est coupable a cause d’  » un exces de souverainisme »

    Aucun de ces postulats n’ est démontré

    Un simple regard sur l’ histoire récente des cooperations européennes en matiére d’ armement voit exactement le contraire

    Est ce que les programmes franco- allemands Macron-Merkel ont débouché dur de grandes réussites? Aucun n’ a prospéré laissant d’ ailleurs la France dépourvue de chars lourds et empechant la modernisation des helicoptéres

    Les autres cooperations européennes ont ete soit des echecs- proces de Naval Group contre les Espagnols etc – soit des semi-succes- programme franco- italien de fregates assez dissemblables au final..-

    Bref en appeler encore et toujours à la cooperation européenne relève de l’ idéologie et du psitacisme intellectuel

    Ce qui semble fonctionner ce sont des coopérations internationales avec des clients de la bitd francaise avec des transferts de technologie pratiqués avec circonspection.

    Mais cela Naval Group( Brésil, Inde, Indonésie…), Dassault ( Inde..) ou méme Nexter savent le faire et n’ ont guère besoin d’ encouragements…

    • Il y a 10 pays disposant du savoir-faire pour des sous-marins conventionnels : Allemagne, Espagne, France, Italie, Suède, Turquie, Corée du sud, Japon, Russie et Chine.
      Le tout pour une flotte mondiale de 200 à 220 navires. Une fois enlevés la Russie et la Chine, c’est 100 à 120 navires, pour 8 chantiers navals, soit, au mieux, 15 navires tous les 30 ans par site. En éliminant les productions à visée purement nationale, cela représente 60 à 70 navires sur le marché export adressable, sur 30 ans, soit 3 à 4 navires par an, pour 8 chantiers navals. La guerre des chantiers navals est donc inévitable, d’autant que la Chine monte en puissance sur l’export, et que la Russie revient sur la marché.
      Avec 5 chantiers navals, l’Europe est très largement surcapacitaire vis-à-vis de son marché adressable, les decisions vont donc porter sur l’optimisation des couts, et du rapport performances/prix.
      Dans ce contexte, la consolidation est indispensable, sauf à admettre, en France, que les couts des savoirs faire pour concevoir et faire evoluer les compétences indistrielles et technologiques dans ce domaine, et surtout les couts de maintient de l’outil industriel, soit entièrement adossée aux seuls SNA et SNLE français. Grosso modo, cela représenterait un doublement des couts de la flotte française.
      Dès lors, sauf à croire que nous à sommes à ce point super-forts vis-à-vis de tous les autres, que nous ferons mieux que 2 ou 3 pays européens faisant cause commune, la consolidation s’impose. Du coup, qui reste il ? la Corée du Sud et le Japon se débrouillent de leurs coté, et ont surtout une flotte nationale qui justifie à elle seule, la copétennce (18 à 22 sous-marins/pays). La Russie et la Chine, on oublie. La Turquie ? Les grecs apprécieraient beaucoup… L’Allemagne et l’Italie se sont dejà rapproché. Avec L’épisode Scorpene, Navantia n’est pas possible. Reste qui ?

      • Bien sur
        SAAB /Kockum (un rescapé du mariage qui a mal fini avec TKMS) est le maillon faible mais possede un chantier des techno et une offre moins frontale avec celle de Naval (contrairement à celle de 2010 de TKMS)
        Navantia et Saab auront du mal à survivre face aux SK, TKMS et Naval
        Saab est dejà un gros clent (Jeumont , Saft , Safran,Thales, Exail(IX Blue)..
        Naval sera t’il assez souple (Syndicats, site de Cherbourg saturé..
        Ne pas oublie que DCNS revient de loin et que les logique s industrielles existent

        • Justement, de mon point de vue, Kockums représente le vase d’expansion primaire idéal pour absorber une partie de la charge, sans l’entamer.
          Après, comme évoqué par ailleurs, intégrer un chantier naval secondaire, d’un pays qui dispose d’un important potentiel intérieur, serait le parfait complément.
          Bien évidemment, il est question de la Grèce, qui mettra, dans les années à venir, en œuvre une flotte d’au moins 8 à 12 SSK face à la Turquie.
          Au niveau de Lorient (Surface), on peut appliquer le même raisonnement avec le néerlandais Damen.
          Il ne faut pas rejeter en bloc la coopération européenne, sous prétexte que SCAF/MGCS etc. n’ont pas donné des résultats concluants.
          Des entreprises réussissent très bien dans cet exercice. C’est le cas de Thales : en France, Thales est français. Aux Pays-Bas, Thales est néerlandais. En Grande-Bretagne, Thales est britannique. En Australie, c’est une entreprise perçue comme australienne. Et la coopération fonctionne très bien. Les progrès de Thales dans le domaine des radars, sont en partie à mettre au crédit des entreprises néerlandaises rachetées par Thales. Idem pour les sonars, avec les britanniques.
          Mais la consolidation de Thales a été le fait d’une stratégie de l’entreprise, pas d’une décision politique. C’est la méthode des autorités françaises qui pêche dans ces dossiers, pas la consolidation elle-même.

    • Le « Souverainisme » est parfaitement concevable mais pas du tout compatible avec l’état de la France
      Un pays tres endetté sans marge de manoeuvre,divisé (la proportionnelle , prime aux « boutiques », indipensable pour toute majorité, un personnel politique..)?un president qui s’écoute parler dans tous les sens et sans aucune credibilité (Ukraine , puis le Liban ,le M.O….Fête de la musique lors de l’attaque US,..Renseignement Fr?)ni impact,brocardé à l’étranger.. »Macroner »(ce qui a le mérite de prouver encore son existence)
      Ce sont les Français qui l’ont voulu depuis 30/40 ans.Bosser et avoir un autre horizon que la retraite, le RSA et les 35h , les Francais le savent au fond d’eux même, mais le veulent ils pour eux, pas pour les « autres »? (« riches », « immigrés »..,hors sujet si on regarde les ordres de grandeur)

      En 1958 De Gaulle introduit une reforme financiere (retraites..20%devaluation..pouvoir d’achat?) et quitta l’Algerie.. Française.. (Oran comme à Saigon ou Kaboul…)
      2 tabous qui entrainait la 4ème.Nous avons désormais d’autres tabous (sociaux) mais « c’est avec les vaches sacrés que l’on fait les meilleurs hamburgers comme disent les Americains.

      Attention a ne pas confondre « independance  » avec uniquement « Non US , ITAR free »,(voire plus chez beaucoup de nos élites politico/mediatiques biberonné à l’Anti Americanisme primaire.. )Sommes nous independant de nos creanciers? du Golfe?des « Banlieues » (Relation Algerienne pitoyable , Salon du Bourget..). Pour un Européen sommes nous plus credible que les US..?Visiblement pas , peut être un réajustement récent du à Trump mais sans plus

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