Après l’OTAN, Taïwan veut amener son effort de défense à 5% PIB
L’annonce faite par Taïwan, de porter son effort de défense à 3,32 % du PIB dès 2026 puis à 5 % à l’horizon 2030, a immédiatement été interprétée, dans de nombreux cercles occidentaux, comme un signe de soumission directe aux exigences américaines. Le parallèle avec l’OTAN, sommée par Donald Trump d’élever ses dépenses militaires à un niveau équivalent, s’est imposé comme une évidence. Dans cette lecture instinctive, l’île ne ferait qu’appliquer à son tour les injonctions de Washington, afin de préserver la garantie de protection offerte par les États-Unis face à la menace chinoise.
Une telle perception, bien qu’intuitivement séduisante, reste pourtant insuffisante pour comprendre la portée réelle de cette décision. Car la situation de Taïwan diffère radicalement de celle des Européens. Pour ces derniers, l’élévation des budgets de défense vise essentiellement à partager plus équitablement le fardeau transatlantique. Pour Taipei, il en va de son existence même. Située à portée directe de l’Armée populaire de Libération, confrontée à un adversaire disposant de plusieurs dizaines de fois plus de ressources humaines, budgétaires et industrielles, l’île ne peut se contenter de jouer le rôle d’allié docile : elle doit survivre.
Dès lors, une question centrale s’impose : l’annonce d’un effort de défense à 5 % du PIB traduit-elle réellement une soumission aux diktats américains, ou révèle-t-elle une stratégie propre aux autorités taïwanaises, visant à prolonger leur capacité de résistance face à la montée en puissance de Pékin ? C’est cette problématique, à la croisée des perceptions et des réalités stratégiques, qu’il convient d’examiner.
Sommaire
Taipei veut amener son effort de défense à 3,32 % du PIB en 2026, et vise 5 % en 2030
L’ampleur du déséquilibre stratégique entre la République populaire de Chine et Taïwan apparaît de manière éclatante lorsqu’on compare les données fondamentales des deux adversaires potentiels. Avec 1,4 milliard d’habitants et un PIB de près de 18 750 milliards de dollars, Pékin dispose d’un réservoir démographique et économique sans commune mesure avec l’île, forte de seulement 23 millions d’habitants et d’un PIB évalué à environ 782 milliards de dollars.
En matière militaire, le contraste est tout aussi marqué : l’Armée populaire de Libération aligne 1,7 million de soldats actifs et revendique officiellement un budget annuel de défense de 225 milliards de dollars, que la plupart des analystes jugent en réalité au moins deux fois supérieur si l’on inclut les programmes hors budget et les investissements civilo-militaires (SIPRI). Face à cela, les forces taïwanaises disposent de 170 000 hommes et d’un budget de défense de 31 milliards de dollars, soit sept fois inférieur.

À ces écarts s’ajoutent des contraintes géographiques et logistiques majeures. Taïwan se situe à plus de 9 000 kilomètres de Pearl Harbor et à près de 11 000 kilomètres de Los Angeles, rendant toute intervention américaine particulièrement complexe.
Les États-Unis demeurent la seule puissance militaire disposant des moyens suffisants pour dissuader l’APL dans la région, mais projeter des forces à plus de 10 000 kilomètres de leurs bases constitue un exercice extrêmement difficile, surtout en cas de conflit de haute intensité. Le RAND Corporation a ainsi estimé que « même en mobilisant rapidement ses groupes aéronavals, Washington aurait besoin de plusieurs semaines pour concentrer des moyens crédibles autour de Taïwan » (RAND).
Pour autant, le statut insulaire de Taïwan constitue aussi un avantage stratégique non négligeable. Comme l’a souligné le Center for Strategic and International Studies (CSIS), « une invasion amphibie à grande échelle demeure l’opération la plus complexe qui soit, et la topographie de Taïwan en multiplie les difficultés ». La situation n’est pas sans rappeler celle du Royaume-Uni en 1940 et 1941, confronté aux menaces d’invasion allemandes jusqu’à l’entrée en guerre des États-Unis.
Toutefois, les parallèles trouvent vite leurs limites : la Chine de 2025, avec son appareil industriel tentaculaire et ses capacités de production de masse, ressemble davantage aux États-Unis de 1944 qu’à l’Allemagne de 1941, tandis que Taïwan n’a ni l’assise impériale ni le réseau de colonies qui permettaient alors à Londres de résister dans la durée.
Dès lors, si Taipei veut espérer continuer à exister face à l’extraordinaire puissance militaire que Pékin prépare, il devra pouvoir résister suffisamment longtemps à une éventuelle agression chinoise, afin de laisser le temps à Washington de décider d’intervenir et à la flotte américaine comme à l’US Air Force d’atteindre le théâtre d’opérations. Cette logique est explicitement mentionnée par plusieurs responsables politiques taïwanais, qui estiment que l’île doit « tenir seule au moins plusieurs semaines », pour rendre politiquement et stratégiquement possible une décision américaine d’intervention (RUSI).
C’est dans cette perspective que le nouveau gouvernement taïwanais a annoncé son intention d’augmenter son effort de défense à 3,32 % du PIB dès 2026, puis de viser 5 % à l’horizon 2030. Cet objectif répond à une double logique. D’une part, il s’agit de donner des gages à Washington en s’alignant sur l’engagement pris par les Européens de porter leurs dépenses militaires à un niveau plancher de 3 à 5 % du PIB afin de préserver l’assurance de la protection américaine.
D’autre part, il s’agit d’accroître la capacité de résistance de l’île face à une éventuelle agression militaire chinoise, de manière à restaurer le statu quo sécuritaire qui a prévalu depuis 1949, et qui est aujourd’hui directement remis en cause par l’accroissement de la puissance militaire chinoise.
Comme l’a rappelé le Brookings Institute, « la stratégie de dissuasion de Taïwan repose avant tout sur la logique de denial : rendre toute invasion si coûteuse, si longue et si incertaine que Pékin hésitera à franchir le pas ».
L’équipement des armées à renouveler, celui de la réserve à renforcer
Si l’augmentation du budget permettra à Taipei de satisfaire les attentes en matière de commandes d’équipements militaires américains, elle offrira surtout l’occasion de moderniser l’équipement des forces armées taïwanaises, qui souffrent aujourd’hui de deux faiblesses majeures : une obsolescence généralisée de nombreux matériels et une réserve encore mal taillée face à l’ampleur de la menace.

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bonjour à tous, oui belle annonce, mais sera t’elle suivie d’effets , je lisais il y a peu qu’il y avait de grosses divergences au sein du KUOMITANG, et que les lois ne se votaient pas et que cela restait (un peu comme chez nous) sans suite ! bon espérons qu’ils arriverons à trouver un terrain d’entente et que cette fois ils y arriveront. leur chemin est semé d’embuches car entre les divergences de vues, le minage de la chine de l’intérieur, leurs difficultés à se procurer des armements récents et la possibilité que « leur allié » trump ne les aident pas en cas d’attaque de la chine, il y a des raisons d’être inquiets ! mais bon ils ont raison d’y croire, cela rassure les inquiets et pour les autres ?
En mai Taiwan a fermé définitivement la dernière de ses trois centrales nucléaires.
A mon sens il s’agit d’une erreur stratégique, la dotation de l’arme atomique me semble présenter la seule dissuasion effective contre les velléités d’invasion chinoises.
Dans les années 70/80 Taiwan avait été dissuadée par l’occident de lancer un programme militaire nucléaire.
Devant la pression chinoise actuelle peut être que les instances internationales de contrôle nucléaire ne seraient plus aussi insistantes. Et qu’est ce qui aurait empêché Taiwan de lancer un programme secret à l’instar d’Israël ?
Mais ma réflexion n’est que pure uchronie puisqu’il n’y a plus de centrale nucléaire en activité à Taiwan … et je pense que Taipei va s’en mordre les doigts.
D’un autre coté, les autorités de Taïwanaises se sont peut-être dit qu’un missile bien placé sur chacune des centrales, par vengeance en cas d’échec du débarquement, serait bien plus problématique pour la survie de l’île.
Avec les dictatures, on ne sait jamais…
Des conséquences insoutenables en cas d’ agression?
Même si comparaison ne vaut pas raison, on n’ a pas le sentiment que Moscou souffre véritablement des conséquences de son agression contre l’ Ukraine.
Les » sanctions » occidentales semblent même avoir renforcé la Russie en matière d’ autonomie alimentaire..votre financière
Qui osera se priver de l’ immense marché solvable chinois pour préserver une démocratie située sur un territoire dont personne ne conteste l’ appartenance à la civilisation chinoise ?
Il me semble qu’ il faut cesser de penser la géopolitique avec en tête des critères occidentaux comme la démocratie pluraliste:le monde non occidental a pris acte de l’ affaiblissement démographique, economique, militaire et idéologique de l’ Occident et se détermine , le ressentiment au cœur, au vu des nouveaux rapports de force
Le monde d’ après 1918, celui de la domination américaine, semble devoir être remplacé par un monde multipolaire et conflictuel dans lequel Taiwan rejoindra son orbite naturelle
des conséquences insoutenables –> des pertes trop élevées pour l’APL. ca me semblait pourtant clair de la manière dont c’est exprimé.
Oui j’avais compris comme cela aussi et pourtant je n’ai qu’un modeste Bac + 2
Mais qu’est-ce qui est insoutenable pour une nation de plus de 1 milliards d’individus et dont la vie ne semble pas avoir la même valeur que pour la culture occidentale ?
Par exemple, la Russie nous a montré que 20 millions de soldats était un chiffre finalement tout à fait soutenable en 1945, et qu’elle sait encore aujourd’hui payer l’acquisition de la terre en par du sang.
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Il en nécessitait 16…
La lecture rapide demande de l’entraînement, je suis parvenu à de bons résultats sans avoir un QI particulièrement élevé…