mercredi, septembre 17, 2025
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Le char moyen va-t-il ressusciter en Chine ?

Symbole d’un héritage militaire jugé parfois obsolète dans l’ère des guerres asymétriques et des opérations expéditionnaires, le char de bataille se retrouve désormais au sommet des préoccupations stratégiques et des programmes d’armement. Les armées européennes, longtemps tentées par des formats réduits et une dépendance accrue aux moyens aériens ou aux systèmes d’appui longue portée, multiplient les commandes de blindés chenillés lourds, convaincues que la guerre de haute intensité redeviendra la norme.

À ce sujet, l’annonce par Berlin d’un millier de Leopard 2A8 et de Leopard 3, la commande massive polonaise de K2 sud-coréens, ou encore la volonté britannique de prolonger la vie de ses Challenger, témoignent de ce retour spectaculaire d’un système d’armes que l’on disait condamné.

Pour autant, cette renaissance ne s’est pas faite sans ambiguïtés. L’image du char de bataille moderne, héritier direct du char lourd de la Guerre froide, a beaucoup souffert au fil des années. Elle a surtout été profondément ébranlée par la guerre en Ukraine, qui a rappelé de manière cruelle que les blindés occidentaux, réputés invulnérables depuis l’illusion créée par l’opération Tempête du désert en 1991, restaient eux aussi vulnérables aux missiles antichars, aux drones kamikazes et aux frappes d’artillerie modernes.

Les Leopard 2 allemands, les Challenger 2 britanniques et même les M1 Abrams américains n’ont pas échappé aux pertes, malgré leur réputation de supériorité technologique et leur blindage réputé impénétrable. Loin de constituer une rupture décisive, leur déploiement a démontré que la supériorité qualitative ne suffisait plus à garantir la suprématie sur un champ de bataille saturé de menaces.

Surtout, les chars actuellement proposés souffrent d’un handicap structurel qui dépasse les seules réalités tactiques. Devenus toujours plus lourds, toujours plus complexes et surtout toujours plus coûteux, ils ne peuvent plus être considérés comme des composantes de combat terrestre classiques, disponibles en masse pour soutenir des engagements prolongés.

Leur prix d’acquisition, dépassant aujourd’hui les 25 millions de dollars l’unité, rivalise avec celui d’un avion de combat léger. Leur maintenance mobilise des moyens colossaux, avec des chaînes logistiques particulièrement fragiles. Enfin, leur masse — souvent supérieure à 65 tonnes — limite considérablement leur mobilité stratégique comme tactique, les rendant incapables d’évoluer sur sol meuble ou d’emprunter nombre de ponts ou de voies ferrées en Europe, et intransportables par les avions de transport stratégiques en dotation dans la plupart des armées européennes.

Face à ces contraintes, les Occidentaux semblent avoir amorcé un timide retour en arrière. Avec les programmes Leopard 3 et M1E3 Abrams, qui visent un gabarit ramené à 50-55 tonnes, Berlin et Washington tentent de corriger les excès des années 2000 et 2010 qui avaient vu apparaître des blindés atteignant parfois 70 tonnes, plus adaptés aux polygones d’entraînement qu’à la réalité opérationnelle. Cependant, cette réorientation demeure partielle : il ne s’agit pas d’abandonner le paradigme du char lourd, mais simplement de le rendre plus soutenable.

La Chine a choisi une voie plus radicale. En concevant un char de combat de première ligne d’environ 40 tonnes, Pékin a ressuscité le concept du char moyen, abandonné depuis les années 1970 dans les arsenaux occidentaux et soviétiques. Plus mobile, potentiellement moins onéreux et intégrant les technologies de protection active et de communication moderne, ce blindé chinois entend démontrer qu’il est possible de rivaliser avec les MBT occidentaux non par la masse ou le blindage passif, mais par une combinaison de mobilité, de systèmes intelligents et de puissance de feu calibrée.

Dès lors, plusieurs questions cruciales s’imposent. Que sait-on réellement de ce nouveau char chinois, encore en grande partie entouré de mystère ? Le modèle du char moyen est-il crédible dans un environnement contemporain saturé de drones kamikazes et de missiles antichars intelligents ? Enfin, pourquoi un tel concept pourrait-il représenter une opportunité stratégique et industrielle pour la France, tant pour l’Armée de terre que pour sa base industrielle et technologique de défense, aujourd’hui confrontée à un risque de marginalisation croissante dans le domaine des blindés chenillés ?

L’omniprésence du char lourd dans les unités blindées mondiales depuis le début des années 90

Bien que, de l’avis de très nombreux spécialistes, ce furent les chars moyens comme le Sherman américain, le T-34 soviétique ou le Panther allemand qui jouèrent le plus grand rôle dans les engagements terrestres de la Seconde Guerre mondiale, c’est le char lourd qui s’est imposé peu après le conflit mondial au sein de l’US Army, avec l’arrivée du M47 Patton de 47 tonnes en 1952, héritier du M26 Pershing de 41 tonnes de 1944, puis du M60 de 50 tonnes en 1962, son premier véritable char de bataille, MBT dans la terminologie anglophone.

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M60A3 lors de l’exercice Reforger 85 – Les exercices Reforger permettaient aux troupes américaines de tester leur déploiement rapide et l’utilisation des matériels prépositions en Europe, aux cotés des autres forces armées de l’OTAN.

Contrairement à l’US Army, les Européens restèrent un temps fidèles au char moyen, avec des modèles comme le Centurion britannique de 43 tonnes, le Leopard allemand de 40 tonnes et l’AMX-30 français de 36 tonnes. Toutefois, après l’arrivée du M1 Abrams américain de 55 tonnes en 1980, et du Cheftain britannique de 53 tonnes en 1966, un mouvement de fond emporta les armées occidentales pour se doter de chars lourds ou MBT, avec l’apparition du Leopard 2 allemand (1972, 54 tonnes), du Challenger britannique (1983, 61 tonnes), de l’Ariete italien (1995, 55 tonnes) et du Leclerc français (1993, 55 tonnes).

Comme l’expliquait déjà Steven Zaloga, historien de référence de l’armement terrestre, ce basculement traduisait la conviction qu’« un seul char lourd, mieux protégé et mieux armé, pouvait remplacer deux chars moyens dans la logique opérationnelle occidentale ».

Le char moyen continua cependant de représenter la colonne vertébrale des divisions blindées soviétiques pendant toute la guerre froide, avec le T-54/55 de 36 tonnes en 1947, le T-64 de 39 tonnes en 1963, puis le T-72 (1973, 41 tonnes), et enfin le T-80, dernier char soviétique, de 42 tonnes à partir de 1976. Ce choix répondait, selon une analyse du SIPRI, à une volonté de privilégier la production de masse et la facilité logistique, plutôt qu’un accroissement de la protection.

La guerre du Golfe, en 1991, et sa phase terrestre, l’opération Desert Storm, sonna comme une démonstration irrévocable de la pertinence des arbitrages américains et occidentaux. En effet, les chars de bataille américains et britanniques, épaulés de leurs véhicules de combat d’infanterie, hélicoptères d’attaque et aviation de soutien, balayèrent en trois jours plusieurs divisions d’élite irakiennes équipées de T-72 et T-64 soviétiques plus légers, affichant un taux de destruction sur perte proprement exceptionnel.

Le rapport officiel du US Army Center of Military History souligne que certains affrontements virent des Abrams détruire des T-72 irakiens à plus de 3 000 mètres, sans subir eux-mêmes de pertes directes, confirmant le saut qualitatif induit par l’adoption du char lourd moderne.

En dépit de ces succès, l’avenir du char de combat semblait compromis à la fin des années 1990, sous l’action conjuguée de l’effondrement du bloc soviétique ayant entraîné la fin de la guerre froide et la dislocation du Pacte de Varsovie et de ses armées, et du désastre auquel firent face les armées russes lorsque leurs chars et blindés entrèrent dans Grozny en 1995, en pleine rébellion tchétchène. De nombreux analystes, comme Anthony Cordesman du CSIS, considérèrent alors que « l’image des blindés russes détruits rue par rue dans Grozny avait porté un coup de grâce symbolique au concept même de supériorité blindée ».

D’étendard de la puissance militaire pendant les 45 années de guerre froide, le char apparut soudain obsolète face aux munitions antichars, aux techniques de guérilla et surtout, à la disparition de la notion d’affrontement de blocs. Dès lors, toutes les armées mondiales réduisirent considérablement leurs forces dans ce domaine, les États-Unis passant de 9 000 chars en 1990 à 2 500 en 2000, l’Allemagne de presque 2 000 à seulement 450 Leopard 2, la France de 900 AMX-30B2 à moins de la moitié, et la Russie, de 12 000 T-72, T-80 et T-64, à moins de 2 000 opérationnels. Selon le Stockholm International Peace Research Institute, cette contraction fut la plus marquée de toute l’histoire contemporaine de l’arme blindée.

Pour autant, aucune force armée n’entama alors de retour vers le concept de char moyen, plus léger, plus moderne, plus rapide à produire et bien moins onéreux que le char lourd. Ce dernier était devenu, au début des années 2000, l’alpha et l’oméga de la notion même de char : quitte à en avoir beaucoup moins, les armées souhaitaient avoir le plus puissant, le mieux armé et le mieux protégé des chars.

Même le nouveau T-90 russe venait alors flirter avec les 50 tonnes, alors que Leopard 2, Abrams et Merkava dépassaient déjà allègrement les 62 tonnes en masse de combat. Et si le Type 096 chinois, entré en service en 1996, demeurait sous la barre des 47 tonnes, son successeur, le Type 99, entré en service seulement cinq ans plus tard, dépassait déjà les 52 tonnes. Comme le relevait RAND Corporation, cette montée en masse traduisait une conviction partagée : « la survivabilité du char est désormais le premier critère, reléguant la mobilité ou le coût à un rang secondaire ».

De ce moment, et jusqu’il y a peu de temps, il n’y avait guère de monde pour prophétiser un éventuel retour du char moyen dans les arsenaux des grandes armées mondiales (à part, peut-être, Meta-Défense).

Le retour du char de bataille accompagné de nouvelles technologies à partir de 2010

La perception du char a de nouveau évolué au milieu des années 2010, avec le retour des tensions en Europe, leur résurgence au Proche et Moyen-Orient, et avec la montée en puissance du choc entre la Chine et les États-Unis dans le Pacifique. À nouveau, la guerre pour laquelle il fallait se préparer, s’entraîner et s’équiper n’était plus la même, passant d’une logique contre-insurrectionnelle ou dissymétrique à un retour vers la possibilité d’une confrontation de blocs.

T-14 Armata
Parade du 9 Mai 2015 pour le 70eme anniversaire de la victoire contre l’Allemagne nazie

Pour autant, si le besoin faisait sa réapparition, la doctrine, elle, demeurait la même, et le char lourd siégeait à son sommet. Beaucoup attribuent à la Russie le premier pas dans ce domaine, avec la présentation du T-14 Armata lors de la parade militaire du 9 mai 2015.


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Rafale : l’Inde prête à transformer Sindoor en victoire stratégique

L’annonce, relayée par le Times of India, selon laquelle l’Indian Air Force pousserait à attribuer au Rafale le gigantesque programme MRFA de 114 appareils, a immédiatement retenu l’attention. En effet, une telle décision, si elle se confirmait, viendrait consacrer l’avion français comme le cœur de la stratégie aérienne indienne pour les deux décennies à venir. Elle constituerait aussi la réponse la plus éclatante aux doutes méthodiquement entretenus, depuis l’opération Sindoor de mai 2025, par Islamabad et Pékin au sujet des performances du Rafale.

Car la bataille engagée autour du chasseur français n’a pas été uniquement militaire, mais avant tout informationnelle. Les affirmations pakistanaises, largement amplifiées par la propagande chinoise et reprises sans véritable filtre par une partie des médias spécialisés, ont façonné un récit initialement défavorable à New Delhi et à son partenaire français. Pourtant, les analyses postérieures, qu’il s’agisse des frappes menées contre les infrastructures pakistanaises ou du rôle joué par les Rafale aux côtés des Su-30MKI, dressent un tableau beaucoup plus nuancé, où la supériorité pakistanaise revendiquée apparaît bien fragile.

Dès lors, l’attribution du MRFA au Rafale prendrait une dimension qui dépasse la simple logique capacitaire. Pour Dassault Aviation, il s’agirait d’un succès industriel et commercial sans équivalent depuis les grandes heures du Mirage. Pour Paris, ce serait l’affirmation de sa capacité à proposer une alternative crédible face aux pressions américaines comme aux ambitions chinoises. Pour New Delhi enfin, ce choix marquerait la volonté d’affirmer une autonomie stratégique et de répondre à la double contrainte sino-pakistanaise par une montée en gamme rapide de ses moyens.

Ainsi, loin de confirmer les récits de fragilité diffusés à l’issue de Sindoor, ce contrat potentiel consacrerait au contraire le Rafale comme l’avion de combat européen le plus exporté des cinquante dernières années. Mais il poserait aussi une question de fond : la France saura-t-elle transformer ce succès en tremplin durable, alors qu’elle ne disposera pas d’un chasseur pleinement furtif avant 2045 et que l’avenir du SCAF demeure plus incertain que jamais ?

Opération Sindoor et la bataille du récit médiatique

L’opération Sindoor, qui opposa du 7 au 11 mai 2025 les forces aériennes indiennes et pakistanaises, n’a pas seulement été un affrontement militaire. Elle a constitué, dès ses toutes premières heures, une bataille informationnelle et médiatique d’ampleur internationale. En effet, les premiers communiqués officiels émis par Islamabad, soutenus presque immédiatement par Pékin et relayés intensivement par de nombreux canaux numériques, ont imposé un récit largement favorable au Pakistan dans la plupart des médias spécialisés et généralistes, y compris occidentaux. Dans ce narratif, l’Indian Air Force aurait subi de lourdes pertes, en particulier avec la destruction présumée d’un Rafale par un J-10CE armé de missiles PL-15, victoire aussitôt présentée comme décisive et irréfutable.

J-10CE Pakistan
Bien que profondément contreversé, le discours sino-pakistanais autour de l’engagement du 7 mai lors de l’opération Sindoor de l’Indian Air Force, demeure la version dominante dans la pression internationale

Très rapidement, ce récit s’est enraciné dans les articles de référence en langue anglaise, de la presse asiatique aux médias européens. L’influence de la communication pakistanaise a été considérablement amplifiée par la force de frappe numérique de ses relais, en particulier sur les réseaux sociaux, où l’on a vu se multiplier des vidéos de propagande et des analyses « techniques » massivement diffusées par des comptes proches de la sphère sino-pakistanaise.

Comme l’a relevé Defence24, de nombreux articles se sont alors alignés sur ces affirmations initiales, reflétant davantage les éléments de langage d’Islamabad que des constats objectifs vérifiables sur le terrain. Dès lors, cette « empreinte narrative » s’est avérée si profonde que les démentis ultérieurs n’ont jamais véritablement réussi à rééquilibrer la perception générale du conflit.

Pourtant, les données disponibles demeurent infiniment plus nuancées. Certes, la perte d’un Rafale indien ne semble plus faire débat parmi les spécialistes, mais les circonstances exactes de ce crash restent indéterminées. Aucune source indépendante n’a pu confirmer la version pakistanaise d’un engagement victorieux du J-10CE contre l’appareil français. L’Indian Air Force, comme à son habitude, a reconnu des pertes, sans en préciser le détail, tout en insistant sur le fait que tous les équipages étaient rentrés sains et saufs (The Hindu). De son côté, Dassault Aviation est restée scrupuleusement muette, suivant une ligne de discrétion traditionnelle en cas de pertes de matériels exportés.

En parallèle, les frappes indiennes menées les 7, 9 et 10 mai contre des installations militaires pakistanaises racontent une tout autre histoire. Les dégâts infligés à plusieurs sites stratégiques, confirmés par des images satellites publiées par le Center for Strategic and International Studies, témoignent d’une efficacité opérationnelle contrastant fortement avec l’image d’une aviation indienne prétendument décimée. Plusieurs analystes indiens ont même souligné que ces frappes, préparées et exécutées par des Rafale en coordination avec des Su-30MKI, démontraient au contraire la valeur ajoutée de l’appareil français en termes de pénétration, de frappe de précision et de supériorité informationnelle (Times of India).

Cependant, cette réalité tactique est demeurée largement en arrière-plan du récit dominant. En effet, les premières heures de la confrontation ont fixé le cadre médiatique, et les corrections apportées ultérieurement n’ont jamais eu le même retentissement. C’est là un phénomène bien documenté dans les conflits modernes : la première version qui circule, surtout si elle est relayée par une communication offensive et parfaitement calibrée, tend à devenir la « vérité médiatique » durable, même si elle est ultérieurement contredite par des faits objectivement vérifiables (Reuters). L’opération Sindoor illustre donc parfaitement ce que l’on appelle aujourd’hui la bataille du récit ou information dominance.

L’impact de ce biais initial a été d’autant plus renforcé par la passivité relative de New Delhi et de Paris. Alors qu’Islamabad multipliait les communiqués triomphants, soutenus par des relais médiatiques chinois, l’Indian Air Force se contentait de communiqués laconiques, et le gouvernement français, comme Dassault, gardaient obstinément le silence. Ce choix de retenue, destiné à ne pas alimenter la polémique et à éviter les surenchères, a paradoxalement contribué à figer l’image d’une défaite indienne. Il faudra ainsi plusieurs semaines, et de nombreux recoupements techniques et stratégiques, pour que les experts commencent à déconstruire le récit initial. Mais, entre-temps, le mal était profondément fait.

En définitive, l’opération Sindoor a révélé avec acuité l’ampleur de la vulnérabilité narrative de l’Inde et de ses partenaires. Dans un monde saturé d’informations instantanées et de campagnes d’influence coordonnées, le temps long de l’analyse militaire ne parvient plus à rivaliser avec l’impact immédiat des messages calibrés pour les réseaux sociaux. L’affaire démontre ainsi que les batailles d’aujourd’hui ne se gagnent pas seulement dans le ciel ou sur le terrain, mais aussi – et peut-être surtout – dans la sphère cognitive, où se forgent durablement les perceptions et, parfois, les illusions stratégiques.

La situation capacitaire critique de l’Indian Air Force

L’Indian Air Force aborde l’année 2025 dans une situation particulièrement tendue. Avec le retrait programmé des derniers escadrons de MiG-21 Bison prévu pour septembre 2025, sa flotte de combat sera ramenée à seulement 29 escadrons, soit environ 500 à 520 appareils opérationnels.

MIG21 Bison Indian Air force
Les derniers MIG-21 indiens seront retirés du service en septembre 2025, laissant l’Indian Air Force avec seulement 29 escadrons de combat, contre 42 estimés necessaires.

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La Suisse reste fidèle au F-35 en dépit des tensions avec Washington

Le 13 août 2025, le Conseil fédéral helvétique a confirmé publiquement ce que beaucoup soupçonnaient depuis longtemps : la fameuse clause de garantie tarifaire, présentée en 2021 comme un verrou contractuel protégeant l’achat suisse de F-35A, est en réalité inapplicable. Dans un autre contexte, cette annonce aurait pu nourrir un débat national enflammé sur l’opportunité de maintenir un contrat entaché de surcoûts potentiels, alors même que d’autres scandales – comme la réduction drastique du stock initial de munitions – fragilisent déjà le programme. Mais à Berne, la ligne reste inchangée : on achètera le F-35, quitte à en réduire le nombre.

Cette persistance interroge, d’autant que la relation bilatérale avec Washington traverse une zone de turbulences. L’imposition par les États-Unis de droits de douane de 39 % sur plusieurs produits suisses, qualifiée de mesure « inamicale » par de nombreux analystes, ajoute une dimension politique défavorable à un dossier déjà chargé. Dans ces conditions, l’option d’un report, d’une renégociation ou même d’une remise en compétition pourrait sembler évidente. Pourtant, c’est l’inverse qui se produit.

Au-delà des moqueries qui ne manqueront pas d’être faites sur la prévisibilité d’un tel scénario – la Suisse s’enfermant dans un choix où elle perd sur tous les tableaux – il convient de s’interroger sur les ressorts réels de cette décision. Pourquoi persister à acquérir un appareil dont le coût unitaire grimpe, dont les conditions d’exploitation imposent une dépendance technologique totale aux États-Unis, et dont la mise en service a déjà nécessité des compromis capacitaires significatifs ?

Et la question dépasse largement le cas helvétique. Car Berne n’est pas seule : du Danemark à la Belgique, du Royaume-Uni à l’Allemagne, la fidélité européenne au F-35 semble inébranlable, même dans un contexte défavorable. Alors pourquoi les Européens se détournent-ils systématiquement des avions européens, parfois pourtant performants et compétitifs à l’export, pour leur préférer l’appareil américain ? C’est à cette double interrogation que cet article entend répondre.

Le ministre de la défense suisse reconnaît la non-applicabilité de la clause de prix garantis du contrat F-35

Le scandale couvait depuis plusieurs mois ; il est désormais ouvertement reconnu par les autorités helvétiques : la fameuse clause de garantie tarifaire, largement mise en avant lors de la sélection du F-35A en 2021, s’avère in fine non contraignante pour les États-Unis. Contrairement à ce qu’avaient martelé à l’époque le Département fédéral de la défense, alors dirigé par Viola Amherd, et l’agence d’acquisition Armasuisse, Washington n’est pas tenu de maintenir le prix unitaire fixé initialement à 79 M$ sur la durée du contrat.

F/A-18 Hornet forces aériennes helvétiques
Le remplacement des F-18 et F-5 des forces aériennes helvétiques ne peut désormais plus être reporté.

Ainsi, il est fort logique que les États-Unis refusent de vendre à Berne des appareils qu’ils paient eux-mêmes 87 M$ (tarif 2025 selon le Pentagon Selected Acquisition Report), voire davantage, en absorbant la différence à leurs dépens. Cette position américaine était pourtant prévisible : dès 2021, le Contrôle fédéral des finances suisse avait averti que la clause de prix garanti ne reposait sur aucune obligation ferme dans le Foreign Military Sales Act ; ses alertes furent totalement ignorées par les autorités.

Dans un communiqué officiel du 13 août 2025, le Conseil fédéral reconnaît désormais l’inapplicabilité de cette clause, tout en tentant d’en imputer la responsabilité à l’intransigeance américaine. Cette ligne de défense paraît fragile, d’autant que plusieurs signaux d’alerte avaient également été relayés dans la presse spécialisée, comme le Tages-Anzeiger et Defense News, dès l’annonce du choix du F-35.

Les conséquences budgétaires sont lourdes : la votation populaire de 2020, remportée avec une très courte majorité de 50,2 %, avait donné mandat au gouvernement pour renouveler la flotte de chasse dans une enveloppe de 6 Md CHF, strictement plafonnée. Or, les autorités admettent aujourd’hui que, si le contrat était exécuté en l’état, un surcoût de 600 M à 1,2 Md CHF viendrait s’y ajouter.

Cette fourchette interroge : au prix actuel de 87 M$, l’augmentation pour 36 appareils serait d’environ 250 M CHF, et même à 94 M$, elle ne dépasserait pas 470 M CHF. Cette incohérence, pourtant majeure, n’a curieusement pas été soulevée par la presse helvétique, révélant un manque d’examen critique face à un dossier à très forte sensibilité politique.

Mais reste déterminé à acquérir le F-35, quitte à en réduire le volume

Malgré la remise en cause de la clause tarifaire et les surcoûts désormais admis, Berne reste fermement décidée à acquérir le F-35A pour équiper ses forces aériennes. Lors d’une conférence de presse le 15 août 2025, le ministre de la Défense, Martin Pfister, a explicitement reconnu que la Suisse pourrait devoir réduire le nombre d’appareils commandés, passant en dessous des 36 prévus initialement, afin de rester dans le cadre légal fixé par la votation de 2020 (RTS Info). Ce scénario n’est pas inédit : le Canada, confronté à une hausse similaire des coûts unitaires, envisage lui aussi de réduire sa commande de F-35A de 88 exemplaires tout en repoussant certaines livraisons pour contenir son budget (Defense News).

F-35A US Air Force
dès l’annonce de la victoire du F-35A en Suisse, des voix s’étaient élevées, à Bernes, pour mettre en cause la fragilité des clauses contractuelles présentées comme sûres par les autorités suisses.

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Bundeswehr + Industrie : l’ascension méthodique de l’Allemagne au sommet de la défense européenne en 2029

En l’espace de quelques années, Berlin a engagé une transformation de la Bundeswehr d’une ampleur inédite depuis la fin des années 1950. Ce qui, au départ, relevait d’un rattrapage capacitaire après des décennies de sous-investissement, s’est progressivement mué en un projet cohérent, structuré et assumé : faire de la montée en puissance des armées allemandes le socle d’une ambition de leadership industrielle et européen.

En effet, l’Allemagne n’entend plus seulement combler ses propres lacunes. En dimensionnant ses programmes et son industrie pour répondre aux besoins de l’ensemble des armées européennes, elle place sa base industrielle et technologique au centre de la chaîne logistique et opérationnelle du continent. Ce positionnement repose sur des investissements massifs, une anticipation fine des évolutions de marché et une capacité à nouer les partenariats nécessaires dans les domaines où elle était encore en retard.

Ainsi, l’ambition nationale se double désormais d’une stratégie européenne explicite : devenir le pivot opérationnel de la défense du continent et le leader technologique de son industrie d’armement. La logique est simple mais implacable : répondre rapidement et massivement aux besoins exprimés par les alliés, imposer ses standards, et garantir sur plusieurs décennies la disponibilité, l’interopérabilité et la compétitivité des armements « made in Germany » au sein des armées européennes.

Cet article propose d’examiner comment Berlin, en combinant vision stratégique, puissance industrielle et opportunités géopolitiques, est en train de s’imposer comme l’architecte de la future défense européenne.

Un basculement budgétaire historique en faveur de la Bundeswehr

Depuis 2020, l’évolution des budgets de défense en Europe a marqué un tournant spectaculaire, au point de redessiner l’équilibre stratégique du continent. En effet, alors que la France affichait encore un budget supérieur à celui de l’Allemagne en 2020 – 37,5 Md€ contre 33,2 Md€ –, Berlin a, en moins de cinq ans, non seulement comblé l’écart, mais largement dépassé Paris. En 2025, le budget allemand atteint 95 Md€, soit près du double de celui de la France, qui plafonne à 50,5 Md€ (OvertDefense).

Olaf Scholz Bundeswehr
la bundeswehr du patienter jusqu’à l’offensive russe contre l’ukraine en fevrier 2022 pour que les autorités du pays, et le chancelier Olaf Scholz, prennent effectivement la mesure du changement d’époque et des menaces.

Cette dynamique résulte directement du tournant stratégique annoncé par Olaf Scholz en février 2022, connu sous le nom de Zeitenwende, confirmant une augmentation massive et durable des crédits militaires (Meta-Défense). À présent, sous l’influence des pressions américaines et du nouveau chancelier Merz, l’Allemagne prévoit d’atteindre 108,2 Md€ en 2026, puis 161,8 Md€ en 2029, soit une hausse de plus de 70 % par rapport à 2025, et de 387% par rapport à 2020. Ce chiffre place Berlin sur une trajectoire de réarmement sans précédent depuis son réarmement au debut des années 1950.

Par comparaison, la France, malgré sa Loi de Programmation Militaire 2024-2030 ambitieuse, passerait de 57,2 Md€ en 2026 à 72 Md€ en 2029 (Meta-Défense). L’écart relatif entre les deux pays à l’horizon 2029 serait similaire à celui séparant aujourd’hui la France des Pays-Bas. Comme le souligne l’analyste Christian Mölling de la DGAP, « ce n’est pas seulement une différence de moyens, c’est un changement de catégorie stratégique pour l’Allemagne » (DGAP).

En conséquence, Berlin se positionnera non seulement comme première puissance militaire européenne en termes de budget, mais aussi comme troisième puissance mondiale derrière les États-Unis et la Chine, devançant nettement la Russie, l’Inde, l’Arabie Saoudite et le Royaume-Uni. Une telle progression rebat les cartes de la hiérarchie internationale et confère à l’Allemagne un poids politique accru au sein de l’OTAN et de l’Union européenne.

Or, cette montée en puissance ne résulte pas d’une simple conjoncture, mais bien d’un choix stratégique assumé. En allouant une part croissante de son PIB à la défense – en s’alignant sur l’effort de défense de 3,5% PIB fixé lors du sommet de l’OTAN de La Haye – Berlin répond à la fois à la menace russe à l’Est et au désengagement progressif des États-Unis du théâtre européen. Comme l’a affirmé le ministre de la Défense Boris Pistorius, « l’Allemagne doit redevenir capable de défendre non seulement son territoire, mais aussi ses alliés » (DefenseNews).

Par ailleurs, la structure de cette hausse budgétaire diffère de celle observée dans d’autres pays européens. Alors que la France ou la Grande-Bretagne concentrent encore une large part de leurs crédits sur le maintien en condition opérationnelle et les dépenses de personnel, l’Allemagne a planifié une proportion croissante d’investissements directs dans les équipements et infrastructures. Cette orientation traduit une volonté explicite de moderniser rapidement la Bundeswehr et d’augmenter son interopérabilité avec les forces alliées.

Ainsi, l’écart budgétaire croissant ne se limite pas à un indicateur financier : il préfigure un basculement du leadership militaire européen vers Berlin laissé par l’inexorable retrait américain. Et, compte tenu de la tendance, il sera d’autant plus difficile pour les autres grandes nations européennes de combler ce retard que l’Allemagne bénéficie désormais d’une dynamique industrielle et politique cohérente avec ses ambitions.

Une Bundeswehr réarmée mais sans explosion des effectifs

Si le budget de la Bundeswehr va plus que quadrupler entre 2020 et 2029, cette montée en puissance ne se traduira pas par une augmentation proportionnelle des effectifs. En effet, selon les projections officielles et les scénarios actuellement à l’étude, les forces armées allemandes ne devraient croître que de 30 % dans l’hypothèse d’une simple extension des forces actives et de la réserve, et au maximum de 80 % en cas de réintroduction d’une conscription « choisie » (Meta-Défense).

Eurofighter Luftwaffe
si la trajectoire de croissance de la Deutsche Marine et de Das Heer ont dejà été établie, celle de la Luftwaffe reste encore floue, en partie en lien avec le statut incertain du programme SCAF.

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Quelles conséquences de la suspension partielle des exportations d’armes vers Israël par l’Allemagne ?

L’annonce faite par le chancelier Friedrich Merz de suspendre partiellement les exportations d’armes vers Israël a déclenché, en Allemagne comme à l’étranger, une couverture médiatique aussi massive qu’immédiate. En associant le nom du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à celui de Berlin dans un contexte de tensions à Gaza, les titres de presse ont rapidement brossé l’image d’une Allemagne se posant en pilier fort d’une Europe qui, sur la scène internationale, peine de plus en plus à se faire entendre.

Cette perception, largement relayée, donne à croire que Berlin aurait décidé d’assumer un rôle de puissance normative, capable de peser sur les choix stratégiques israéliens. En effet, le cadrage médiatique de l’annonce a mis en avant son caractère supposément ferme et inédit, laissant entendre que l’Allemagne s’apprêtait à engager un bras de fer politique avec l’un de ses partenaires historiques les plus proches.

Pourtant, derrière la rhétorique officielle, se posent rapidement plusieurs questions. Que recouvre exactement cette suspension annoncée ? Quelle en est la portée réelle, tant en termes économiques que militaires ? Et surtout, quels facteurs ont véritablement conduit le gouvernement allemand à prendre une telle décision, au-delà de l’affichage public ?

Car, à y regarder de plus près, cette initiative pourrait bien avoir moins à voir avec une volonté de pression sur Jérusalem qu’avec la nécessité de préserver la coopération technologique et stratégique qui lie, depuis des décennies, l’Allemagne et Israël. Dès lors, plutôt qu’un signal de rupture, la suspension annoncée s’apparenterait davantage à une manœuvre destinée à contenir les pressions politiques internes, tout en protégeant les fondements d’un partenariat jugé essentiel par Berlin.

C’est à l’examen précis de cette mesure, de son contexte et de ses véritables implications que s’attache cet article, afin de distinguer, au-delà du bruit médiatique, ce qui relève du geste politique calculé et ce qui pourrait constituer une inflexion réelle dans la relation stratégique germano-israélienne.

Le soutien militaire discret mais constant de l’Allemagne vers Israël depuis 1955

Depuis la reprise des relations diplomatiques entre la République fédérale d’Allemagne et Israël en 1955, Berlin a mis en place un soutien militaire qui, bien que longtemps demeuré discret pour des raisons diplomatiques évidentes, s’est inscrit dans la durée comme une constante de sa politique étrangère (BBC). Dès lors, cette relation a été perçue par les autorités allemandes comme un prolongement direct de la responsabilité historique vis-à-vis de la Shoah, et comme un impératif moral incontournable, indépendamment des alternances politiques.

rencontre Ben Gourion Konrad Adenauer 1960
Rencontre entre Konrad Adenauer et David Ben-Gourion en 1960.

Dans un premier temps, cette coopération s’est matérialisée par des accords bilatéraux confidentiels, visant à fournir des matériels spécifiques et une assistance technique ponctuelle. En effet, l’environnement régional d’Israël dans les années 1950 et 1960, marqué par une hostilité ouverte de ses voisins, imposait de préserver une certaine discrétion afin d’éviter de compromettre les relations diplomatiques de Bonn dans le monde arabe (BITS). Par ailleurs, cette posture permettait également de contourner certaines contraintes liées à la législation allemande en matière d’exportations d’armes vers des zones de conflit.

En outre, la relation germano-israélienne a rapidement pris une dimension stratégique dans le domaine naval. L’Allemagne s’est imposée comme un partenaire clé dans le développement des capacités maritimes israéliennes, notamment par la fourniture de patrouilleurs rapides et de sous-marins à propulsion classique. Ces programmes, souvent cofinancés par Berlin, répondaient non seulement aux besoins opérationnels d’Israël, mais également à une logique industrielle interne, en soutenant l’activité de chantiers navals allemands spécialisés.

De fait, ce soutien ne s’est pas limité au naval. Berlin a également fourni des munitions spécialisées et certaines technologies critiques destinées aux véhicules terrestres, contribuant ainsi à renforcer la résilience globale des forces armées israéliennes. Cette approche ciblée reflétait la volonté allemande d’intervenir sur des segments où sa valeur ajoutée technologique pouvait être déterminante, tout en évitant les transferts pouvant provoquer des tensions politiques excessives avec ses partenaires européens ou américains.

Ainsi, au fil des décennies, l’Allemagne est devenue, derrière les États-Unis, le deuxième fournisseur d’armement d’Israël, occupant une place singulière dans son écosystème de défense (BBC). Ce statut particulier repose autant sur un engagement politique assumé que sur des complémentarités industrielles évidentes, Israël offrant en retour à Berlin un accès privilégié à certaines technologies de pointe, notamment dans les domaines antimissile et des systèmes embarqués.

Or, cette position d’allié discret mais constant a façonné une relation bilatérale marquée par la stabilité et la prévisibilité. Contrairement à d’autres partenaires, Berlin n’a jamais remis en cause ce soutien, même lors de tensions internationales impliquant Israël. Dès lors, ce socle historique pèse lourdement sur toute décision allemande susceptible de limiter, suspendre ou redéfinir cette coopération stratégique, ce qui explique en partie les choix récents de Berlin dans le dossier des exportations d’armes vers Israël.

Les exportations d’armes vers Israël aujourd’hui : volumes et secteurs dominants

Les exportations allemandes d’armement vers Israël se caractérisent aujourd’hui par un volume régulier, représentant en moyenne près de 480 millions de dollars par an sur la dernière décennie. Ce chiffre, loin d’être marginal, place l’Allemagne au second rang des fournisseurs d’armes d’Israël, derrière les États-Unis. Dès lors, cette position confère à Berlin une responsabilité particulière, tant sur le plan stratégique que politique, dans le maintien de l’équilibre militaire de l’État hébreu.

sous-marin classe Dolfin TKMS Marine israélienne
Quelles conséquences de la suspension partielle des exportations d'armes vers Israël par l'Allemagne ? 18

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[En Bref] +29,5 Md€ pour la LPM 2024-2030, l’Allemagne se défie du SCAF et les Européens financent le Patriot plutôt que la SAMP/T NG…

Alors que la situation sécuritaire en Europe et au Moyen-Orient continue de se détériorer, plusieurs annonces et décisions stratégiques marquantes sont intervenues au cours des derniers jours, tant au niveau national qu’européen.

Rompant avec la trajectoire linéaire définie par la LPM 2024-2030, afin de répondre à l’accélération des tensions internationales et aux besoins capacitaires jugés urgents, le président Emmanuel Macron a annoncé une revalorisation immédiate du budget de la défense pour les années 2026 et 2027, . Cette inflexion budgétaire, bien que partielle et limitée à la fin du quinquennat, marque néanmoins un tournant dans la posture présidentielle vis-à-vis des armées.

Dans le même temps, les tensions s’aggravent entre Berlin et Paris autour du programme SCAF. Une publication du site allemand hartpunkt.de, largement relayée, accuse la France de vouloir dominer le développement du chasseur NGF. L’absence de réaction officielle française, combinée aux critiques croissantes dans la classe politique allemande, fait désormais peser une incertitude stratégique majeure sur la viabilité du projet. Cette séquence souligne une fois de plus la fragilité des équilibres politiques et industriels au cœur des coopérations de défense européennes.

Outre-Rhin, un second programme majeur se retrouve dans la tourmente : la construction des frégates F126 confiée au néerlandais Damen est la cible de critiques croissantes au Bundestag, dans un contexte de tensions industrielles et de ressentiment bilatéral après l’échec du sous-marin allemand en compétition aux Pays-Bas.

Enfin, sur le volet capacitaire urgent, l’annonce par Donald Trump d’un envoi de 17 batteries Patriot à l’Ukraine, financé par l’Europe, relance le débat sur l’autonomie stratégique, alors même que le SAMP/T NG franco-italien reste exclu des priorités industrielles de l’Union.

Ces quatre actualités dessinent une ligne de fracture nette entre intentions politiques et réalités industrielles en Europe, à l’heure où les urgences opérationnelles exigeraient au contraire clarté, cohérence et souveraineté assumée.

La France augmente ses dépenses de défense de 29,5 Md€ d’ici à 2030 pour palier les urgences

Comme attendu, le président Emmanuel Macron a profité de son discours aux armées, prononcé le 13 juillet 2025 à l’Hôtel de Brienne, pour annoncer une hausse significative des crédits de défense français à court et moyen terme. Cette annonce intervient dans un contexte sécuritaire international en rapide détérioration, et quelques mois seulement après l’appel du président à faire de la France une armée “qu’on respecte et qu’on craint” [source].

LPM 2024-2030 Rafale SCALP-EG
La hausse du budget des armées annoncée par E. Macron le 13 juillet visera avant tout à reconstituer les stocks de munitions des armées françaises, notamment en matière de missiles de croiisère SCALP-EG, avant leur remplacet par le RJ10 supersonique en 2030 (Photo F. Dosreis)

Dans la foulée de cette allocution, le ministère des Armées a publié, le 14 juillet, une nouvelle Revue stratégique 2025, venant remplacer celle de 2022. Ce document, qui conserve une approche qualitative, sans objectifs chiffrés ni engagements capacitaires, sert de fondement politique à cette inflexion budgétaire, sans pour autant constituer une véritable révision de la Loi de programmation militaire 2024–2030 (LPM).

C’est toutefois bien sur cette base que le président de la République a annoncé un ajustement à la hausse de l’exécution de la trajectoire LPM 2024-2030 pour les deux prochaines années, c’est-à-dire jusqu’au terme de son second mandat. L’accent est mis sur la reconstitution des stocks, les capacités spatiales et certains équipements critiques, sans impact direct sur le format des forces.

La LPM 2024–2030, adoptée en 2023, prévoyait une hausse progressive des crédits budgétaires : +3 Md€ par an pour les années 2026 et 2027, puis +4,2 Md€ par an pour 2028 à 2030. Le budget des armées, qui s’élève en 2025 à 50,5 Md€, devait ainsi atteindre 69,1,6 Md€ en 2030 selon la trajectoire initiale. À cette courbe, le président Macron a ajouté, pour les deux prochaines années, 3,5 Md€ supplémentaires en 2026 (portant l’augmentation à +6,5 Md€, soit un budget de 57 Md€) puis 3 Md€ de plus en 2027 (soit +6 Md€, et un budget de 63 Md€ en 2027) [source].

L’effort cumulé de ces ajustements représente 3,5 Md€ (2026) + 4 × 6,5 Md€ (de 2027 à 2030) = 29,5 Md€ supplémentaires d’ici à 2030, par rapport à la LPM en l’état. Si cette trajectoire est exécutée strictement, le budget atteindrait donc 75,6 Md€, avec une augmentation accélérée sur les premières années. Selon les projections du ministère, cela porterait l’effort de défense autour de 2,5 % du PIB à l’horizon 2030, soit une progression significative par rapport aux 2,06 % actuels.

Cette hausse budgétaire ne s’accompagne toutefois d’aucune inflexion structurelle majeure. Le président a précisé que les enveloppes supplémentaires serviraient à renforcer la capacité de réponse à court terme : remontée des stocks de munitions, investissements dans les moyens spatiaux, et relance ponctuelle de certains programmes en tension. En revanche, aucun élargissement de format n’a été acté, qu’il s’agisse du volume de forces projetables, du nombre de plateformes majeures ou du format des unités de combat.

KNDS Leclerc Evolution Eurosatory 2024
Aucune actualisation des formats actuels des forces armées a été evoquée ni dans le discours d’E. Macron ni dans la Revue Stratégique 2025, exclusivement qualitative. (Photo F. Dosreis)

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La commande potentielle de 600 Leopard 3 pour la Bundeswehr va-t-elle achever le programme MGCS ?

Si le Leopard 2A8 de KNDS-Deutschland connaît déjà un succès réel sur la scène européenne, son successeur, le Leopard 3, est d’ores et déjà en préparation. Mobilisant l’ensemble de l’industrie de défense allemande, ce char, dont l’entrée en service est prévue pour 2030, devait initialement constituer une réponse temporaire à l’évolution des menaces et intégrer les enseignements opérationnels venus d’Ukraine, en attendant l’arrivée du programme MGCS, programmée pour 2038.

Mais une annonce faite il y a quelques jours par la Bundeswehr vient rebattre toutes les cartes. L’armée allemande entend désormais disposer, à l’horizon 2040, d’une flotte de 1 000 chars modernes, appelée à évoluer aux côtés de 2 500 véhicules de combat d’infanterie, pour reconstituer le corps de manœuvre allemand autour d’une force mécanisée d’emploi.

Cette annonce, conjuguée au calendrier budgétaire annoncé et aux ambitions technologiques portées par le Leopard 3, dessine désormais un programme qui pourrait bien s’imposer comme le véritable char de combat de nouvelle génération de la Bundeswehr dès 2030 — et, plus encore, comme le fer de lance des exportations allemandes dans ce domaine en Europe pour les deux prochaines décennies.

Quelles seront les caractéristiques attendues de ce nouveau char allemand ? À quels marchés est-il destiné ? Et surtout, que restera-t-il des besoins allemands et européens en matière de char de combat, une fois le Leopard 3 déployé, s’agissant du programme franco-allemand MGCS ?

La Bundeswehr veut 1000 chars de combat et 2500 VCI face à la menace Russe

Alors que le chancelier allemand Friedrich Merz et son ministre de la Défense, Boris Pistorius, ont fermement engagé l’Allemagne dans une trajectoire de hausse rapide de l’effort de défense, soutenus en cela par une large majorité de coalition au Bundestag, la Bundeswehr disposera, d’ici à 2030, d’un budget annuel dépassant les 150 Md€, soit 3,5 % du PIB, soit plus de deux fois le budget des armées françaises prévu à cette échéance.

Puma KMW KNDS Allemagne Bundeswehr
La commande potentielle de 600 Leopard 3 pour la Bundeswehr va-t-elle achever le programme MGCS ? 27

Ce changement de moyens répond à un changement d’ambition pour Berlin. Le chancelier Merz a ainsi déclaré que l’Allemagne disposerait de « la plus puissante force armée conventionnelle d’Europe », avec en ligne de mire la Pologne, déjà engagée dans la constitution d’une force terrestre de six divisions mécanisées. Celle-ci alignera, en 2035, 1 250 chars lourds modernes, 2 000 VCI, 800 systèmes d’artillerie mobile de 155 mm, ainsi qu’un nombre équivalent de lance-roquettes multiples (source).

La Deutsche Marine fut la première à réagir à ce changement d’époque que le Zeitenwende, annoncé par Olaf Scholz en février 2022, avait amorcé. Elle a détaillé, il y a quelques semaines, ses nouvelles ambitions : disposer d’ici à 2035 de 12 sous-marins conventionnels (contre 6 aujourd’hui), de 16 destroyers et frégates lourdes (contre 10 actuellement), ainsi que de 10 corvettes et 12 chasseurs de mines. Ces unités seront accompagnées d’une vaste flotte navale et aérienne robotisée (source).

C’est désormais au tour de Das Heer, l’armée de Terre allemande, de présenter ses ambitions renouvelées. Déjà, il y a quelques jours, elle avait annoncé son intention de s’équiper de 500 blindés de défense aérienne rapprochée Skyranger 30, épaulés par une centaine de blindés équipés de missiles IRIS-T SLS, pour la couverture antiaérienne et antidrone courte portée (source).

Elle a, désormais, dévoilé son ambition en matière de capacités de manœuvre, avec l’annonce d’un besoin pour 1 000 chars de combat, ainsi que 2 500 VCI Puma et Boxer, afin de remplacer à remplacer le Marder.

Avec la centaine de Leopard 2A6 et les 150 Leopard 2A7 déjà en service, pouvant être amenés au standard 2A8, et les 144 Leopard 2A8 déjà commandés, Das Heer aura besoin, à terme, de 600 à 700 chars supplémentaires. Aux quelque 390 VCI Puma déjà en service ou commandés à ce jour, s’ajouteront plus de 400 nouveaux exemplaires, ainsi que plus de 2000 Boxer 8×8.

Ainsi, l’Allemagne égalera, voire surpassera, l’armée de Terre polonaise sur le plan des équipements lourds modernes, tout au moins dans le segment blindé de manœuvre. La dimension artillerie, en revanche, n’a pas encore été précisée par Berlin.

Il est à noter que cette nouvelle orientation allemande en matière de blindés va profondément restructurer la base industrielle et technologique de défense (BITD) allemande, tout en influençant ses partenaires européens dans leurs choix futurs.

Berlin dimensionne son outil industriel pour répondre à de nouvelles commandes de ses voisins européens

Si l’évolution des menaces à l’Est justifie sans le moindre doute la reconstruction rapide d’une armée d’emploi dimensionnée à cette échelle, pour Berlin — et en dehors de la dimension ressources humaines, qui constituera à n’en point douter le Schwerpunkt pour les planificateurs militaires — cette annonce dessine, à elle seule, les ambitions industrielles allemandes en matière de blindés lourds chenillés pour les vingt années à venir.

KNDS Deutschland Krauss-Maffei Wegmann
Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

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Programme SCAF : Non, la France n’a pas exigé 80% du NGF !

Depuis sa création en 2017, le programme SCAF — pour Système de Combat Aérien du Futur — cristallise une ambition politique et industrielle singulière : celle de concevoir, à l’échelle européenne, un avion de combat de nouvelle génération, accompagné de ses drones, de son armement, le tout évoluant au sein d’un système de systèmes. Présenté comme un pilier de la construction d’une Europe de la défense, il devait symboliser, au même titre que l’A400M ou le MGCS, la capacité des nations du Vieux Continent à s’unir face aux défis sécuritaires du XXIᵉ siècle.

Mais après sept années de négociations laborieuses, de glissements calendaires, et de tensions industrielles récurrentes, le programme SCAF est à l’heure des choix. Si la phase 1B a pu être finalisée après d’ultimes efforts industriels et politiques, les divergences structurelles, qu’elles soient doctrinales, capacitaires ou économiques, n’ont pas disparu. Elles s’exacerbent même, à mesure que l’échéance de 2045 s’impose comme un verrou stratégique incontournable pour Paris.

Derrière le rideau de communication officiel, les lignes de fracture sont désormais visibles : poids respectifs des industriels dans la gouvernance du programme, partage des technologies critiques, niveau de maturité capacitaire exigé à l’horizon 2045, compatibilité avec les contraintes nucléaires et navales françaises… autant de paramètres qui rendent chaque avancée plus délicate, et chaque compromis plus coûteux.

Dans ce contexte, l’année 2025 apparaît comme un point d’inflexion décisif. Soit les trois partenaires parviennent à restructurer en profondeur l’organisation industrielle du programme, pour préserver l’échéance de mise en service exigée par la France ; soit le programme SCAF implosera, victime des contradictions qu’il porte en lui depuis l’origine.

Ce constat lucide ne remet pas en cause l’ambition fondatrice du projet. Mais il impose d’en examiner avec précision les trajectoires possibles, les équilibres atteignables, et les conséquences de chacune des décisions à venir. Car à ce stade, le statu quo n’est plus une option.

Le programme SCAF face à l’échéance de 2045

Annoncé en grande pompe en 2017 par Emmanuel Macron et Angela Merkel, le programme de Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) visait, dès l’origine, à matérialiser une ambition européenne commune autour du développement d’un avion de combat de nouvelle génération, au-delà du Rafale français et de l’Eurofighter Typhoon germano-britannique. En 2018, la signature du premier protocole de coopération entre la France et l’Allemagne entérina cette dynamique, en fixant un objectif de mise en service à l’horizon 2040.

programme SCAF Bourget 2019
Programme SCAF : Non, la France n'a pas exigé 80% du NGF ! 32

La logique retenue à ce moment-là privilégiait une répartition industrielle équilibrée entre les deux nations, davantage fondée sur une volonté politique de démonstration d’unité franco-allemande que sur une analyse pragmatique des compétences industrielles respectives. Chaque pays devait ainsi piloter des piliers technologiques stratégiques, dans une logique dite « équipotentielle », c’est-à-dire assurant à chacun un rôle équivalent dans la gouvernance et la conception du programme, indépendamment du savoir-faire ou de l’expérience accumulée par les industriels concernés.

L’entrée de l’Espagne dans le programme, en 2019, conduisit toutefois à un premier réajustement de cette logique. En effet, il fallut renégocier l’ensemble de la répartition industrielle dans les phases amont du programme (Phase 1A, puis 1B), ce qui entraîna une cascade de retards. À cela vinrent s’ajouter les perturbations liées à la pandémie de Covid-19, ainsi qu’une série de blocages industriels, notamment entre Dassault Aviation et Airbus DS, autour du pilotage du pilier NGF (Next Generation Fighter).

Conséquence directe : l’échéance initiale de 2040 glissa mécaniquement à 2045, non sans provoquer des crispations à Paris. Ce glissement fut d’autant plus préoccupant pour les autorités françaises que cette échéance est intimement liée au calendrier stratégique de renouvellement de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire française.

En effet, cette composante repose sur deux capacités complémentaires : les Forces Aériennes Stratégiques (FAS), mises en œuvre par l’Armée de l’Air et de l’Espace, et la Force Aéronavale Nucléaire (FANu), déployée à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle par la Marine nationale. Or, les Rafale actuellement en service dans ces deux composantes devront impérativement être remplacés à compter de 2045, au risque de voir l’efficacité opérationnelle – et donc la crédibilité – de cette composante s’éroder rapidement face aux évolutions des menaces et des systèmes de déni d’accès.

Autrement dit, là où l’Espagne et l’Allemagne pouvaient tolérer un éventuel glissement calendaire en tablant sur le Typhoon, voire sur le F-35, la France, elle, n’avait aucune marge de manœuvre. Cette divergence de contrainte stratégique a profondément changé la nature du débat autour du SCAF, en particulier à partir de la fin de l’année 2024.

Face à cette impasse potentielle, Paris a donc clairement signifié à ses partenaires qu’un nouveau glissement au-delà de 2045 entraînerait une remise en cause de sa participation. La France a proposé, en contrepartie, un plan de recentrage, reposant à la fois sur un design de l’avion NGF plus contraint, et sur un retour à une répartition industrielle davantage fondée sur le principe de « Best Athlete », c’est-à-dire de pilotage par les industriels disposant de l’expertise la plus avancée sur chaque pilier critique.

Dassault Aviation a revendiqué 80% des piliers NGF pour revenir à l’échéance limite pour la France

Bien évidemment, Paris ne s’est pas contenté d’une mise en garde verbale pour rappeler l’importance capitale de l’échéance 2045. Conformément à sa tradition de négociation structurée, les autorités françaises ont présenté à leurs partenaires allemand et espagnol un plan d’action destiné à « revenir sur le trait », autrement dit, à réaligner le programme SCAF sur sa trajectoire initiale, en termes de calendrier comme de cohérence stratégique.

NGF programme SCAF
Programme SCAF : Non, la France n'a pas exigé 80% du NGF ! 33

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Vortex-D : L’avion spatial français qui pourrait rebattre les cartes de la supériorité stratégique en 2028

Lorsqu’il fut présenté une première fois par Dassault Aviation, lors du Salon du Bourget 2023, le concept d’avion spatial Vortex avait davantage suscité la curiosité que l’adhésion. Trop prospectif, trop coûteux, trop éloigné des priorités capacitaires perçues alors par le ministère des Armées, le projet fut poliment écarté. Deux ans plus tard, pourtant, c’est l’État lui-même qui monte à bord de l’aventure, avec l’annonce conjointe du lancement du démonstrateur Vortex-D. À la clé, une enveloppe modeste de 70 millions d’euros, des ambitions technologiques affirmées, et un calendrier déjà enclenché.

Ce revirement en dit long sur l’évolution des mentalités et des priorités stratégiques, tant au sein de l’Hôtel de Brienne que dans les cercles industriels. Face à l’accélération des efforts chinois et américains dans le domaine orbital, à la montée des enjeux liés à la militarisation de l’espace, et à la transformation rapide des usages civils et militaires du segment suborbital, l’idée d’un avion spatial français, réutilisable, manoeuvrant et polyvalent, n’est plus perçue comme un pari marginal — mais comme un possible atout stratégique majeur.

Le programme Vortex-D, en ce sens, ne se contente pas d’être un nouveau démonstrateur technologique : il ouvre une brèche conceptuelle, stratégique et industrielle, qui pourrait transformer durablement les équilibres capacitaires français et européens à l’horizon 2040. À condition, bien sûr, d’en comprendre les ressorts, les objectifs, et surtout le potentiel — civil, militaire, industriel, dissuasif — qui s’y rattache.

Deux ans après un refus initial, le ministère des Armées embarque à bord de l’aventure Vortex-D

Si l’annonce officielle du programme de démonstrateur Vortex-D, lors du salon du Bourget 2025, a suscité une forte attention médiatique, ce projet n’était pas une nouveauté pour les milieux de défense français. Dévoilé pour la première fois par Dassault Aviation lors du salon du Bourget 2023, en partenariat étroit avec Dassault Systèmes, ce concept d’avion spatial réutilisable avait déjà été présenté, à l’époque, aux équipes du ministère des Armées.

Vortex Dassault maquette
maquette du programme Vortex de Dassault au PAS de 2023.

Pourtant, en amont de la préparation de la Loi de programmation militaire 2024–2030, le sujet n’avait pas encore émergé comme une priorité politique ou capacitaire. À l’Hôtel de Brienne, les réflexions portaient alors sur les besoins immédiats de modernisation des forces conventionnelles, et le projet Vortex n’était pas encore sur les radars institutionnels. Les discussions initiales avec l’industriel n’avaient donc pas débouché, en 2023, sur un engagement concret de l’État.

La situation change radicalement à partir de 2024. En quelques mois, les signaux se multiplient : accélération des programmes spatiaux chinois et américains, montée en puissance des systèmes réutilisables, multiplication des démonstrateurs orbitaux, et, surtout, prise de conscience croissante du potentiel opérationnel unique d’un avion spatial dans un contexte de compétition stratégique renouvelée.

C’est dans ce climat que les équipes de Dassault Aviation et de la DGA commencent à se rapprocher à l’été 2024. Dès le départ, l’enjeu est clair : il ne s’agit pas simplement d’un exercice technologique, mais bien d’un investissement structurant dans une capacité stratégique différenciante, au croisement des domaines aéronautique, spatial, et opérationnel.

Une série d’ateliers techniques est mise en place, réunissant experts étatiques et industriels, afin de valider la cohérence, la faisabilité, et les cas d’usage du programme. Ces échanges confirment rapidement que Vortex-D coche toutes les cases d’un démonstrateur dual stratégique, avec des applications militaires, industrielles et civiles à très fort potentiel.

Vortex Lecronu trappier PAS 2025
Signature du partenarait entre le ministère des armées et Dassault Aviation autour du programme Vortex-D au Paris air show 2025. (credits photos Dassault Aviation)

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RJ10, Smart-Cruiser, Hammer-XLR… Le Rafale F5 emportera une panoplie complète d’armements de nouvelle génération

Longtemps présenté comme une évolution incrémentale, le Rafale F5 figurait dans la feuille de route de Dassault Aviation sous la forme d’une étape principalement dédiée à l’intégration de capacités spécifiques, au premier rang desquelles le missile nucléaire ASN4G, destiné à succéder à l’ASMPA-R à l’horizon 2035.

Mais à partir de 2022, cette trajectoire évolutive s’est profondément reconfigurée. Sous l’effet conjugué de l’accélération technologique dans le domaine de la défense, de la montée des menaces en Europe et ailleurs, et des enseignements tirés des conflits en Ukraine, au Moyen-Orient ou au Caucase, le programme Rafale F5 a changé de nature. D’une simple mise à jour capacitaire, il s’est transformé en véritable saut générationnel, donnant naissance à un nouveau système de combat aérien à part entière.

À l’occasion des travaux préparatoires de la Loi de programmation militaire 2024–2030, le standard F5 s’est vu enrichi d’éléments structurants : un drone de combat furtif, de nouvelles capacités collaboratives, des réservoirs conformes intégrés, et plus récemment, un turboréacteur nouvelle génération offrant 20 % de poussée supplémentaire.

Mais cette refonte de la plateforme elle-même ne pouvait suffire. Car pour exploiter pleinement les potentialités du Rafale F5 dans les conflits de haute intensité à venir, il devenait indispensable de réinventer également son armement. De nouveaux vecteurs, adaptés aux futurs engagements, aux nouvelles menaces et aux doctrines émergentes, ont donc été conçus : missiles supersoniques, munitions en essaim, bombes à longue portée, et bien sûr, l’ASN4G hypersonique.

Du RJ10 au Smart Cruiser, du MICA NG à la Hammer-XLR, en passant par la future charge nucléaire stratégique, c’est une nouvelle génération d’armes souveraines qui est appelée à équiper le Rafale F5. Mais quelles sont ces munitions ? Quelles ruptures introduisent-elles ? Et en quoi transforment-elles le Rafale en un système d’armes capable de rivaliser avec les plus puissants appareils de demain ?

Le Rafale, bien plus qu’un avion de chasse : un écosystème d’armements souverain

On compare souvent le Rafale de Dassault Aviation à d’autres appareils de même génération, tels que le Gripen suédois, le Typhoon européen ou le KF-21 sud-coréen. Mais cette comparaison, centrée sur les seules performances de vol ou l’avionique, néglige une dimension pourtant essentielle : celle de l’autonomie stratégique. Car contrairement à ses concurrents, le Rafale s’intègre dans un écosystème de combat entièrement souverain, à l’image des systèmes américains, russes ou chinois.

Rafale F5 M
Cellule, moteur, électronique, munitions… Le Rafale est un système d’arme entièrement souverain, ayant réduit au maximum ses dépendances internationales. Il se distingue très nettement, dans ce domaine, des autres appareils européens, comme le Typhoon et le Gripen. 

Là où le Gripen E/F ou le KF-21 Boramae reposent sur des moteurs américains F414, et où missiles, bombes et effecteurs sont largement issus des arsenaux de Washington (AIM-9X, AIM-120D, JDAM, HARM…), le Rafale, lui, s’affranchit de toute dépendance critique. La seule exception notable est le siège éjectable Martin-Baker, produit britannique, mais assemblé, certifié et maintenu en France, conformément aux exigences nucléaires des forces stratégiques.

Cette autonomie ne se limite pas à l’appareil lui-même. Elle s’étend à une panoplie complète d’armements air-air, air-sol et air-surface conçus, produits et modernisés en France, pour répondre aux besoins aussi bien des Forces Aériennes Stratégiques (FAS) que de la Force Aéronavale Nucléaire (FANu). Ce sont ces armes, autant que le Rafale lui-même, qui permettent à la France d’afficher une indépendance opérationnelle quasi complète.

La gamme inclut notamment :

  • le MICA de MBDA, pour les engagements air-air à courte et moyenne portée ;
  • la bombe guidée Hammer de Safran, dotée de kits de propulsion et de guidage modulaires ;
  • le missile de croisière SCALP-EG, de conception franco-britannique mais de fabrication 100 % française ;
  • et bien sûr, l’incontournable missile antinavire AM39 Exocet.

Conçus dans les années 1980 et 1990, ces armements ont été régulièrement mis à niveau. Leur efficacité éprouvée dans des contextes opérationnels variés (Afghanistan, Libye, Irak, Sahel, Levant) a largement contribué au succès du Rafale sur la scène internationale, notamment face au Typhoon et au Gripen, dont les gammes de munitions sont plus dépendantes de fournisseurs extérieurs.

Mais cette souveraineté n’a rien d’abstrait. Elle s’est révélée stratégiquement décisive à plusieurs reprises. En 2018, l’administration Trump utilisa la réglementation ITAR (International Traffic in Arms Regulations) pour bloquer un composant du SCALP-EG destiné à l’Égypte. Le but : forcer Le Caire à opter pour des F-16 plutôt que pour de nouveaux Rafale. Le contrat fut temporairement suspendu — l’Égypte engagea même des discussions avec l’Italie autour du Typhoon — jusqu’à ce que MBDA remplace le composant incriminé par une solution 100 % européenne. En 2022, l’Égypte signait une nouvelle commande pour 30 Rafale et des SCALP-EG désormais « ITAR-free ».

Rafale egypte
La commande de 30 Rafale Égyptiens complémentaires avait été un temps menacée par une manœuvre de la Maison-Blanche ayant classé un composant de navigation du missile SCALP-EG, dans la liste ITAR, pour en interdire la réexportation vers Le Caire. 

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