mercredi, septembre 17, 2025
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SAMP/T NG, VL MICA..: le Danemark bouleverse les règles établies au sein de l’OTAN

En décidant d’armer sa future défense antiaérienne et antimissile avec le système franco-italien SAMP/T NG, Copenhague a pris tout le monde de court. Longtemps perçu comme un partenaire quasi naturel de Washington et traditionnellement fidèle aux équipements américains, le Danemark a cette fois écarté le MIM-104 Patriot, pourtant déjà adopté par sept armées européennes.

Certes, le succès commercial est considérable pour Eurosam, MBDA, Thales et Leonardo, qui attendaient depuis des années une percée aussi symbolique dans un pays historiquement arrimé à l’OTAN par ses choix capacitaires. Mais l’importance de cet arbitrage dépasse de loin la seule dimension industrielle.

Car derrière ce choix se dessine une rupture stratégique : le Danemark, placé en première ligne face à la Russie, rompt avec une logique d’acquisition dictée d’abord par l’interopérabilité transatlantique pour privilégier un système conçu et produit en Europe. Dès lors, la décision de Copenhague n’est pas un simple incident diplomatique lié aux tensions actuelles avec Washington sur le Groenland ; elle pourrait bien constituer le premier signe visible d’une évolution beaucoup plus profonde au sein du continent.

Une évolution où les Européens, confrontés à la menace des missiles et des drones russes, commencent à privilégier leurs propres solutions de défense, au risque d’ébranler un équilibre politico-industriel transatlantique établi depuis la fin de la guerre froide.

Le Danemark va dépenser 7,7 Md€ pour construire une défense antiaérienne et antimissile globale et crédible

Durant la guerre froide, le Danemark disposait d’une défense aérienne robuste, reposant notamment sur huit batteries Hawk, réparties pour moitié autour de Copenhague sur l’île de Seeland et pour moitié dans la péninsule du Jutland. Mais comme nombre de pays européens, il avait cédé dans les années 1990 aux promesses des « dividendes de la paix ». Les Hawk furent retirés du service entre la fin des années 1990 et le milieu des années 2000, sans qu’aucun système ne vienne les remplacer. Pendant deux décennies, le ciel danois est ainsi resté largement ouvert, reposant exclusivement sur sa flotte de chasseurs et sur la couverture aérienne de l’OTAN.

Hawk danois
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Le retour des tensions en Europe a bouleversé cette approche. Avec seulement 43 000 km² et 6 millions d’habitants, le Danemark se situe à un millier de kilomètres à peine des bases navales russes de Saint-Pétersbourg et des vecteurs de frappe de la flotte de la Baltique. La vulnérabilité du pays est donc apparue de façon flagrante dès les premières salves de missiles et de drones russes en Ukraine à partir de 2022. Comme le rappelait le Financial Times, « la guerre en Ukraine a servi d’électrochoc stratégique : aucun petit État européen ne peut plus considérer que son espace aérien est protégé par la seule dissuasion collective de l’OTAN » (Financial Times).

Cette prise de conscience s’est traduite dans les chiffres. Alors qu’en 2017, Copenhague ne consacrait que 1,1 % de son PIB à sa défense, le pays en est déjà à 3 % en 2025 et prévoit d’atteindre 5 % d’ici 2035 — et peut-être même avant. Cela place le Danemark parmi les nations européennes les plus engagées, à l’égal de la Pologne, qui consacre déjà plus de 4 % de son PIB à la défense. Comme l’a souligné le Royal United Services Institute, « les États européens historiquement perçus comme des “petits contributeurs” sont désormais ceux qui accélèrent le plus vite leur effort de défense, bousculant l’équilibre traditionnel au sein de l’Alliance » (RUSI).

Depuis 2022, les programmes se multiplient : acquisition de CV90 pour épauler les Leopard 2A7, commande de canons automoteurs ATMOS et de lance-roquettes multiples PULS, achat de F-35A supplémentaires, et préparation du remplacement des frégates Absalon et Iver Huitfeldt, pourtant mises en service respectivement en 2005 et 2011. À ce rythme, la trajectoire danoise contraste fortement avec celle de nombreux alliés plus grands mais plus hésitants, comme l’Espagne ou la Belgique. Pour Defense News, « Copenhague illustre une tendance nouvelle : les pays de taille moyenne qui, confrontés à une menace directe, choisissent une réarmement rapide et massif plutôt que progressif » (Defense News).

C’est dans ce cadre que le gouvernement a annoncé une enveloppe de 7,7 Md€ destinée spécifiquement à reconstituer une défense antiaérienne et antimissile complète. L’effort est considérable : il représente à lui seul près de 2 % du PIB national, concentrés sur un seul segment capacitaire, et dépasse proportionnellement les investissements engagés par l’Allemagne dans son programme European Sky Shield. En d’autres termes, le Danemark ne cherche pas seulement à se doter d’une protection minimale, mais bien à bâtir une défense multicouche crédible, capable de contrer drones, avions, missiles de croisière et même missiles balistiques.

La position stratégique du Danemark sur la carte du théâtre européen

Il faut dire que la reconstruction d’une défense antiaérienne crédible était devenue une priorité absolue pour Copenhague. En effet, malgré sa faible superficie et une population réduite, le Danemark occupe une position stratégique unique sur le flanc nord du théâtre européen. La péninsule du Jutland et les deux principales îles de Seeland et de Fionie constituent un verrou naturel pour tout le trafic aérien, maritime et sous-marin entrant ou sortant de la mer Baltique.

base navale leningrad
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L’Indian Air Force a fait son choix : elle veut 114 Rafale supplémentaires

L’annonce par l’Indian Air Force de sa volonté d’élargir massivement sa flotte de Rafale dépasse de loin la simple logique d’acquisition. Derrière le chiffre de 114 appareils à produire localement se dessine en réalité un basculement stratégique : l’Inde ne cherche plus seulement à combler le retrait des MiG-21 ou des Jaguar, mais à devenir co-pilote industriel et technologique d’un programme appelé à structurer son autonomie aéronautique.

Ce choix s’explique par la convergence de deux dynamiques : la validation opérationnelle du Rafale lors d’engagements de haute intensité comme Sindoor, et la consolidation d’un partenariat industriel franco-indien qui, depuis trois décennies, prépare le terrain à une telle coproduction. En conséquence, l’Inde offre à Dassault et à la Team Rafale un marché de long terme, une profondeur industrielle et un relais diplomatique que la seule commande nationale française ne pouvait garantir.

Dès lors, l’enjeu dépasse la comparaison avec d’éventuels concurrents : il s’agit de mesurer comment cette décision pourrait transformer le Rafale en pivot fédérateur, à la manière du Mirage III en son temps, non seulement pour l’exportation mais pour l’avenir même de la base industrielle et technologique de défense aéronautique française.

L’Indian Air Force très satisfaite de ses Rafale lors de l’opération Sindoor

L’Indian Air Force (IAF) est restée jusqu’ici étonnamment discrète au sujet de l’opération Sindoor. Ses communiqués officiels se sont limités à rappeler que les objectifs avaient été atteints et que l’ensemble des équipages engagés étaient rentrés sains et saufs. Cette prudence de façade a immédiatement nourri les spéculations, Islamabad affirmant dans un premier temps avoir repoussé l’aviation indienne, avec l’appui discret de moyens chinois déployés au Pakistan.

Rafale C inde
L'Indian Air Force a fait son choix : elle veut 114 Rafale supplémentaires 11

Pourtant, les analyses indépendantes issues de l’OSINT sont venues progressivement dissiper ces narratifs. De fait, contrairement aux affirmations initiales de l’ISPR pakistanais, la victoire tactique de ces quatre jours d’affrontements aériens — les plus intenses depuis la fin de la guerre du Vietnam — revient bel et bien à New Delhi et à l’IAF. Comme l’a noté l’International Centre for Counter-Terrorism, Sindoor a marqué « un tournant dans la manière dont l’Inde conçoit l’usage de la puissance aérienne pour contraindre ses adversaires, au-delà du simple cadre du Cachemire ».

Dans ce contexte, les révélations publiées par la presse indienne ces dernières semaines prennent une importance particulière. Selon le Times of India, le système de guerre électronique SPECTRA du Rafale a démontré sa capacité à neutraliser les menaces posées par le missile air-air chinois PL-15. Jusqu’alors, une partie des observateurs attribuait ce succès au leurre tracté israélien emporté par l’IAF. Mais il apparaît désormais que c’est bien la suite de guerre électronique française qui a tenu tête à l’un des missiles les plus avancés de Pékin, conçu précisément pour contester la supériorité aérienne occidentale.

Ce détail, en apparence technique, est en réalité lourd de conséquences. D’une part, il conforte la crédibilité du Rafale face aux menaces sino-pakistanaises, démontrant que l’avion n’est pas seulement compétitif sur le papier, mais qu’il a su prouver son efficacité en combat réel. D’autre part, il met en lumière la pertinence du choix indien de se doter d’un appareil capable de survivre et de dominer dans l’environnement le plus contesté d’Asie.

Dès lors, la meilleure preuve de la confiance de l’IAF dans ses Rafale ne réside pas dans ses communiqués officiels, volontairement laconiques, mais bien dans la recommandation formulée au gouvernement indien : acquérir 114 Rafale supplémentaires, produits localement dans le cadre du programme « Make in India », pour répondre à ses besoins à court et moyen termes.

Le renversement narratif autour de l’opération Sindoor

Au-delà des communiqués laconiques de l’Indian Air Force, l’opération Sindoor est devenue en quelques mois un véritable champ de bataille informationnel. Immédiatement après les quatre jours d’affrontements, la presse pakistanaise et les médias d’État chinois s’étaient empressés d’affirmer que les forces sino-pakistanaises avaient tenu tête, voire infligé des revers significatifs à l’aviation indienne. Des tribunes publiées dans le Global Times insistaient ainsi sur la supposée vulnérabilité du Rafale face au missile air-air chinois PL-15, laissant entendre que la protection des avions indiens aurait reposé exclusivement sur des leurres israéliens, et non sur les systèmes embarqués français.

J-10CE Pakistan
L'Indian Air Force a fait son choix : elle veut 114 Rafale supplémentaires 12

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La Russie fait des frappes stratégiques conventionnelles son levier géostratégique contre l’Europe

Depuis plusieurs semaines, la Russie a intensifié le nombre et l’intensité des frappes stratégiques conventionnelles contre l’Ukraine, mobilisant simultanément plusieurs centaines de drones et des dizaines de missiles de croisière ou balistiques. L’ampleur et la régularité de ces attaques, visant aussi bien les infrastructures énergétiques que les centres logistiques et militaires, témoignent d’une volonté de saturation qui dépasse largement le cadre des seules opérations tactiques.

Dans le même temps, l’incursion d’une vingtaine de drones russes Geran en territoire polonais, présentée comme accidentelle par Moscou, a fait émerger une inquiétude d’une tout autre nature. Car cet épisode ne ressemble pas à une bavure technique, mais bien davantage à une levée de doute stratégique, destinée à observer la réaction des Européens et des Américains face à une violation volontaire de l’espace aérien de l’OTAN.

Dès lors, une question centrale s’impose : assistons-nous à un simple durcissement ponctuel des opérations russes, ou bien à un véritable basculement doctrinal, par lequel Moscou chercherait à faire de l’arme conventionnelle de frappe stratégique – drones et missiles – son levier principal de coercition et de dissuasion face à l’Europe, en complément de son arsenal nucléaire ?

La montée en puissance des frappes stratégiques conventionnelles russes depuis 2022

Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, l’armée russe a progressivement fait évoluer sa doctrine d’emploi des frappes conventionnelles à longue portée. Au départ, l’usage de drones Shahed-136 iraniens, rebaptisés Geran-2 par Moscou, et de missiles de croisière Kh-101 ou Kalibr relevait surtout d’un emploi opportuniste. Ces vecteurs étaient employés de manière sporadique, en riposte aux revers enregistrés sur le terrain, ou pour marquer symboliquement la profondeur stratégique ukrainienne.

Geran-2 frappes  stratégiques conventionnelles
La Russie fait des frappes stratégiques conventionnelles son levier géostratégique contre l'Europe 17

Dès 2023, toutefois, une rupture s’opère. Les frappes isolées laissent place à des campagnes coordonnées, combinant drones en essaims et salves de missiles balistiques Iskander-M ou de croisière lancés depuis la mer Noire et la mer Caspienne. L’objectif devient manifeste : saturer les défenses sol-air ukrainiennes et user leurs stocks de missiles occidentaux. Comme le souligne le Royal United Services Institute (RUSI), « la Russie a cherché à imposer une guerre d’attrition aérienne, dans laquelle chaque interception coûte plus cher à Kiev et à ses alliés qu’à Moscou ».

Ce basculement se traduit aussi par une montée en cadence industrielle. Alors que les sanctions occidentales visaient à limiter la production de missiles de précision, Moscou a réussi à contourner une partie des restrictions grâce à l’importation parallèle de composants électroniques depuis l’Asie centrale, le Moyen-Orient et la Chine. Un rapport du Center for Strategic and International Studies (CSIS) montre que la Russie a mis en place une véritable « économie grise » des semi-conducteurs, lui permettant de maintenir un flux mensuel régulier de missiles malgré les sanctions.

Dans le domaine des drones, la coopération avec l’Iran s’est révélée décisive. Le site d’assemblage d’Alabuga, documenté par le Washington Post, produit désormais plusieurs milliers de Shahed/Geran par mois, transformant un système initialement importé en une capacité industrielle domestique. À l’automne 2024, les frappes massives atteignent un seuil inédit : plusieurs centaines de drones lancés en une seule nuit, accompagnés de dizaines de missiles, démontrant une capacité de production et de stockage bien supérieure aux estimations initiales occidentales.

En conséquence, la Russie dispose aujourd’hui d’un outil de frappe conventionnelle systématique et massif, capable de maintenir un rythme soutenu. Selon l’International Institute for Strategic Studies, Moscou a produit ou remis en ligne environ 2 500 missiles de précision en 2024, tout en livrant des volumes croissants de plusieurs dizaines de millier de drones Geran-2 et de munitions rôdeuses. Cette dynamique confirme que, malgré les sanctions et les pertes, l’économie de guerre russe a réussi à pérenniser une capacité de frappe à moyenne portée qui devient centrale dans sa stratégie.

Le réveil européen et l’impasse du bras de fer conventionnel

Jusqu’en 2023, Moscou considérait encore que sa supériorité en matière de forces conventionnelles lourdes resterait décisive face à l’Europe. Une armée de 1,5 million d’hommes, appuyée par 3 000 à 5 000 chars remis en ligne, près de 1 500 avions de combat et plusieurs centaines de systèmes d’artillerie, semblait alors suffisante pour garantir un avantage opérationnel dans un affrontement majeur. Comme l’a rappelé l’OSW de Varsovie en début d’année 2024, la Russie apparaissait capable de régénérer un outil conventionnel de masse, malgré les sanctions, en s’appuyant sur ses stocks hérités de l’URSS.

Mark Rutte Donald Trump OTAN La Haye juin 2025
La Russie fait des frappes stratégiques conventionnelles son levier géostratégique contre l'Europe 18

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JL-1 : que sait-on du nouveau missile balistique aéroporté à longue portée chinois ?

La parade militaire qui s’est déroulée à Pékin le 03 septembre 2025, pour célébrer les 80 ans de la défaite japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, était un événement attendu avec fébrilité par la sphère des analystes défense occidentaux. En effet, celle-ci promettait de présenter, pour la première fois, plusieurs équipements jusqu’ici classés confidentiels par l’Armée Populaire de Libération.

Force est de constater que cette attente n’a pas été déçue : nouveaux missiles ICBM DF-61 et DF-31BL, missiles hypersoniques DF-26D et CJ-1000, missiles antinavires balistiques YJ-20, chars Type 99B et Type 100, laser à haute énergie LY-1 et versions SEAD du chasseur embarqué J-15, les premières apparitions publiques d’équipements de pointe de l’APL, se sont multipliées lors de la parade.

Parmi elles, le missile balistique aéroporté JL-1, mérite une attention toute particulière. D’abord, parce que le missile a été observé depuis plusieurs années, sous le fuselage de bombardiers H-6N de bombardement stratégique, laissant supposer que le missile et d’ores et déjà bel en bien en service.

Surtout, parce que contrairement à la Russie dont le Kinzhal est classé arme duale tactique, ou aux États-Unis dont l’ARRW est exclusivement conventionnel, le JL a été conçu comme faisant partie de l’arsenal aéroporté de la triade stratégique chinoise, qu’il soit armé d’une charge nucléaire ou d’une charge conventionnelle intégrée à son MARV.

Que sait-on du JL-1 aujourd’hui ? Quelles sont les performances comparées du missile chinois face à ses principaux homologues russes et chinois ? Son entrée en service va-t-elle influencer le rapport de force dans le Pacifique ? Et que nous dit l’arrivée de ce missile, et des nombreuses autres nouveautés présentées le 3 septembre, au sujet des compétences technologiques défense chinoises en 2025 ?

Le missile balistique aéroporté JL-1 présenté lors de la parade de l’APL du 3 septembre 2025

Le missile balistique aéroporté JL‑1, présenté pour la première fois officiellement lors du défilé militaire du 3 septembre 2025 à Pékin, s’inscrit dans un programme de développement à la fois ancien et remarquablement discret, dont la Genèse semble remonter à la seconde moitié des années 2010.

DF-61 JL-3 APL
Le JL-1 aéroporté a été présenté dans le tableau de la triade strartégique lors de la parade du 3 septembre, aux cotés de l’ICBM DF-61 et du SLBM JL-3.

Selon plusieurs analystes du Center for Strategic and International Studies (CSIS), des indices concordants, principalement sous forme d’images satellite et de clichés flous de bombardiers H‑6N circulant sur les réseaux sociaux chinois, laissaient entrevoir, dès 2020, l’existence d’un missile balistique ventral embarqué, dépourvu de désignation officielle mais associé à un développement expérimental de l’APL probablement désigné en interne comme projet à double finalité, stratégique et tactique.

Contrairement à la doctrine américaine qui privilégie la distinction stricte entre vecteurs conventionnels et nucléaires, la doctrine chinoise de frappe en profondeur repose de plus en plus sur des systèmes à capacité duale – une approche confirmée par les travaux de la Federation of American Scientists (FAS), qui considèrent le JL‑1 comme une évolution naturelle du DF‑26D, lui-même conçu dès l’origine pour pouvoir emporter indistinctement une ogive conventionnelle ou nucléaire.

Ce flou délibéré, à présent au cœur de la stratégie chinoise de déni d’accès et d’ambiguïté stratégique, rend particulièrement complexe toute tentative de réponse proportionnée par les systèmes de commandement adverses, notamment ceux des États-Unis et de leurs alliés japonais ou sud-coréens.

La trajectoire du JL‑1 reflète cette logique d’intégration progressive : il ne s’agit pas tant d’un missile fondamentalement nouveau que d’un vecteur adapté à une nouvelle plateforme, en l’occurrence le H‑6N, version modifiée du bombardier stratégique chinois intégrant un puits ventral d’emport et des capacités de ravitaillement en vol.

Ce choix technique, qui permet au missile d’être projeté à plusieurs milliers de kilomètres sans recourir à des bases avancées, suggère que le développement du JL‑1 a été conçu dès le départ pour répondre à deux exigences fondamentales : contourner les systèmes de défense balistique adverses en multipliant les axes d’entrée, et préserver une capacité de seconde frappe aérienne en cas de neutralisation des vecteurs terrestres ou sous-marins.

Il est significatif que ce missile n’ait jamais été présenté publiquement avant la parade de septembre 2025, en dépit de plusieurs années de tests probables. Aucune vidéo officielle, aucune mention dans les rapports de l’APL, ni même de publication de l’agence Xinhua n’en avait fait état, preuve du niveau de sensibilité doctrinale associé à ce programme.

Ce n’est qu’au moment où la Chine a souhaité afficher une triade nucléaire pleinement opérationnelle que le JL‑1 a été montré, aux côtés du nouveau missile SLBM JL‑3 qui arme à présent les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE/SSBN) Type 09IV, et de la version modernisée du DF‑41, dans une scénographie pensée comme un message stratégique à destination de Washington, Tokyo et Canberra.

Dès lors, le JL‑1 apparaît non pas comme une simple innovation technique, mais comme la cristallisation d’une évolution doctrinale profonde, à la croisée du conventionnel et du nucléaire, mais aussi du dissuasif et du préemptif. Un missile au developpement discret, mais dont l’apparition marque peut-être un tournant silencieux dans la manière dont la Chine envisage l’emploi de la force à distance dans un contexte de compétition de haute intensité.

Performances connues et anticipées du missile balistique aéroporté JL-1

La première apparition publique du JL‑1 interroge donc davantage les caractéristiques opérationnelles réelles de ce vecteur balistique aéroporté chinois. À ce jour, les éléments disponibles permettent uniquement de livrer une appréciation prudente articulée autour de quelques constantes structurelles connues — et de zones d’ombre auxquelles la doctrine de l’ambiguïté orchestrée contribue à maintenir le flou.

une des premières observations du missile ALBM JL-1 à bord d'un H-6N chinois
Une des premières observations du missile ALBM JL-1 à bord d’un H-6N chinois, en ocotbre 2020

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Le nouveau char Type 100 chinois : révolution capacitaire ou coup de com ?

Le 3 septembre 2025, l’Armée Populaire de Libération chinoise a levé le voile sur un nouveau char de combat désigné ZTZ‑100, ou Type 100, à l’occasion du défilé militaire célébrant le 80ᵉ anniversaire de la victoire contre le Japon. Si cette présentation publique constituait en elle-même un événement stratégique, elle a surtout marqué l’officialisation d’un programme jusqu’alors tenu dans un secret presque absolu.

En effet, avant cette date, seuls quelques clichés floutés du véhicule, alors désigné ZTZ‑201 dans les milieux spécialisés, avaient circulé sur des forums chinois au cours de l’année 2024. Le fait que ce blindé ait été intégré à la nomenclature officielle de l’APL, sous le label Type 100, indique sans ambiguïté que ce véhicule ne relève ni du simple prototype ni de la démonstration technologique isolée. En Chine, une telle désignation est strictement réservée aux systèmes validés pour présérie ou dotation (6parknews).

Dès lors, une première question se pose : pourquoi l’APL a-t-elle choisi de conserver le silence sur un programme aussi avancé, là où d’autres projets, à l’image du Type 99B, avaient bénéficié d’une médiatisation croissante dès les premières phases d’essai ? Cette stratégie de discrétion s’inscrit probablement dans une logique de signalement stratégique contrôlé, telle que décrite par les analystes du RAND Corporation.

Selon eux, la Chine utilise régulièrement des révélations maîtrisées de systèmes d’armes pour marquer des ruptures doctrinales sans nécessairement exposer leurs modalités concrètes. Par ailleurs, les publications de l’IISS sur les tendances de l’APL en matière de guerre réseau-centrée confirment cette trajectoire visant à associer innovation technologique et opacité tactique.

En conséquence, la révélation du Type 100 semble indiquer une ambition bien plus large qu’une simple vitrine industrielle : il pourrait bien s’agir du premier jalon visible d’une reconfiguration doctrinale profonde du corps blindé chinois.

Origine et trajectoire du programme ZTZ-100

Le caractère inhabituellement discret du programme Type 100, jusqu’à sa révélation publique en septembre 2025, ne relève donc pas d’un oubli communicationnel mais bien d’une stratégie maîtrisée. Pour comprendre cette logique, encore faut-il revenir à la Genèse de ce projet, dont les origines remontent, selon plusieurs sources convergentes, à la première moitié des années 2010.

Char moyen Type 23 chine
Le nouveau char Type 100 chinois : révolution capacitaire ou coup de com ? 26

Le développement du char aurait été initié dès 2012, sous la supervision de l’Institut de Recherche sur les Véhicules du Nord (n° 201), tandis que sa production aurait été confiée à l’usine de machines n° 617, en Mongolie-Intérieure (ArmesTech CN). L’ensemble du cycle de développement se serait étendu sur une dizaine d’années, mêlant recherche théorique, prototypage, essais sous voilure et intégration industrielle en circuit restreint.

Par ailleurs, certains signaux publics sont venus confirmer de manière indirecte l’existence de cette trajectoire cachée. En 2016, le programme a été furtivement évoqué dans un épisode de la série documentaire 大国工匠 diffusée sur CCTV, à travers la mention d’un « blindé de quatrième génération » doté d’un équipage réduit. Cette allusion a été reprise en 2022 dans un autre programme de la chaîne publique, 追光 (Zhuiguang), suggérant l’imminence d’un nouveau saut capacitaire dans la famille blindée de l’APL (CCTV).

Bien que ces documents n’aient jamais cité explicitement le Type 100, les éléments techniques et doctrinaux qu’ils mettent en avant coïncident avec les caractéristiques connues du véhicule révélé neuf ans plus tard.

De manière plus structurelle, tout indique que le programme n’a pas été conduit dans le cadre habituel d’une chaîne d’acquisition classique, mais qu’il a relevé d’une cellule fermée sous contrôle direct de la Commission Militaire Centrale (CMC). Cette organisation expliquerait l’absence de fuites sur la conception, et la faculté de synchroniser plusieurs filières technologiques duales — telles que l’intelligence artificielle, les capteurs civils à haute résolution, les interfaces de réalité augmentée — en un tout cohérent.

À ce titre, plusieurs publications de la China Academy of Military Sciences soulignent la montée en puissance des dispositifs de convergence civil-militaire dans le secteur terrestre, et la volonté de s’appuyer sur l’écosystème technologique national pour structurer des briques de rupture doctrinale.

Ainsi, le Type 100 apparaît moins comme une expérimentation marginale que comme un instrument de transition planifiée. Le croisement des trajectoires industrielles, documentaires et doctrinales permet d’identifier un objectif clair : tester, en conditions opérationnelles maîtrisées, une plateforme mécanisée conçue pour s’insérer nativement dans les architectures réseau-centrées portées par la nouvelle génération de brigades mécanisées chinoises.

Le fait que ces expérimentations aient été conduites sans communication publique jusqu’en 2025 n’invalide en rien leur cohérence stratégique. Bien au contraire, ce silence témoigne d’une volonté de laisser au système le temps de maturer loin des radars, avant une généralisation éventuellement progressive.

Les caractéristiques connues et anticipées du Type 100

Que savons-nous du Type 100 aujourd’hui ? À la croisée des contraintes tactiques, des ambitions industrielles et des signaux doctrinaux, il présente une configuration inédite, centrée sur la simplification de l’équipage, l’automatisation avancée et l’optimisation de la signature.

parade Type 100
Le nouveau char Type 100 chinois : révolution capacitaire ou coup de com ? 27

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Série noire pour les industries de défense françaises sur la scène internationale

Depuis quelques semaines, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour les industries de défense françaises, en particulier dans le domaine des exportations. Après une période qui a été marquée par une intensité historique touchant toutes les branches de la BITD, avec de nombreux succès pour le Rafale, les sous-marins Scorpene et Barracuda, les canons caesar ou encore les missiles Mistral 3, ce sont surtout des échecs lors de compétitions attendues qui marquent l’actualité defense française de début de l’année.

Aujourd’hui, c’est Naval Group qui semble devoir faire face à une série de déceptions commerciales à l’export. Après le prévisible échec au Canada, la semaine dernière, cela a été au tour de la Norvège d’arbitrer en faveur d’une offre concurrente, la Type 26 britannique, sur un marché pourtant étiqueté stratégique pour l’industriel français. Pire encore, c’est toute la stratégie européenne de Naval Group qui semble à prés mise à mal, alors que le Danemark et la Suède pourraient se tourner, ensemble, vers la Type 31 de Babcock.

Pourquoi la Type 26 s’est-elle imposée contre la FDI en Norvège ? Cette perception de série noire que traverse Naval group, et avec lui, l’ensemble de la BITD française, est-elle justifiée ? Surtout, cette dynamique négative est-elle purement conjoncturelle ? Ou s’inscrit-elle dans une dynamique profonde aux conséquences potentiellement funestes ?

Après le Canada, Naval Group échoue à placer ses frégates FDI en Norvège

Si l’élimination de Naval Group de la compétition pour la fabrication locale de 12 sous-marins conventionnels n’a pas représenté une grande surprise en France, ni un échec cuisant pour l’industriel qui s’était engagé a minima à Ottawa, sous pression politique, l’arbitrage d’Oslo en faveur de la frégate lourde Type 26 du britannique BAe System représente un coup dur pour celui-ci.

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Série noire pour les industries de défense françaises sur la scène internationale 32

En effet, le spécialiste français des constructions navales militaires s’était pleinement investi dans la compétition norvégienne, avec des arguments très convaincants, lui conférant de sérieuses chances de succès face à ses concurrentes. À ce titre, l’Espagnol Navantia avait été éliminé avant la phase finale, et l’Allemand tKMS s’était retiré de la compétition, pour ne pas envenimer les relations germano-norvégiennes autour des sous-marins Type 212CD, en cas d’échec. La FDI, elle, avait été retenue en finale par la Marine royale norvégienne.

En outre, Naval Group avait bâti l’offre faite à la Norvège en l’intégrant dans une stratégie globale pour les pays scandinaves, visant à doter les marines de ces pays d’une flotte de frégates interopérables homogène, aussi à l’aise en mer Baltique qu’en Atlantique Nord, tout en bénéficiant des bénéfices d’une possible production de masse..

La Marine royale norvégienne préfère la lourde frégate Type 26 pour remplacer les F100 classe Fridtjof Nansen

Pour autant, la Sjøforsvaret, la Marine royale norvégienne, s’est prononcée en faveur de la frégate lourde Type 26 de la Royal Navy, conçue et fabriquée par le britannique BAe System. Le modèle a déjà été commandé à 6 exemplaires par Londres pour former la classe City, à 6 exemplaires par Canberra pour former la classe Hunter, et jusqu’à 15 bâtiments pour la Marine royale canadienne qui formeront la classe River. À noter que chaque Marine a retenu one configuration différente pour ses navires, les bâtiments australiens et canadiens intégrants notamment le système de combat AEGIS américain.

La Type 26 était opposée, en finale, à la FDI française, plus compacte et moins onéreuse, ainsi qu’à la Constellation italo-américaine, une évolution de la FREMM classe Bergamini italienne. Bien que de taille et de capacité équivalentes, un arbitrage norvégien en faveur de la Constellation semblait peu probable pour la RNN. En effet, l’avenir exact de ce modèle au sein de l’US Navy est à présent menacé, alors que la production des bâtiments par les chantiers navals Fincantieri Marinette dans le Wisconsin rencontre d’importantes difficultés, et que la configuration et le prix exact des navires ne sont toujours pas consolidés outre-Atlantique.

La frégate Type 26 classe City de la Royal Navy

De fait, la compétition norvégienne semblait s’orienter vers un duel entre deux offres sensiblement différentes, la lourde et onéreuse Type 26 britannique, et la compacte FDI française. La frégate Type 26, proposée en configuration Royal Navy (classe City), est une frégate lourde anti-sous-marine de 150 m de long pour un tonnage en charge de 8 000 tonnes.

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Frégate Type 26 classe City HMS Glasgow

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Les F-35A Suisses pourraient couter plus cher que les 1,2 md CHF supplémentaires anticipés

Le programme des F-35A suisses a longtemps été présenté, par Berne, comme la démonstration de l’indépendance et de la rigueur helvétiques. Pourtant, depuis plusieurs mois, les révélations se succèdent, faisant peser de nombreux doutes sur la sincérité de la compétition de 2021, ainsi que sur les compétences des personnes qui ont piloté la procédure, puis les négociations contractuelles.

Après l’annonce de la victoire de Lockheed Martin, les conditions initiales tarifaires et techniques de la compétition ont été abandonnées en quelques semaines à peine, faisant passer l’enveloppe totale du programme de 4,6 à 6,1 Md CHF et réduisant le taux d’offset de 60 à 36 %. La confiance dans le processus helvétique s’en trouvait déjà sérieusement écornée.

Mais ce furent les révélations faites début 2025, concernant un nouveau surcoût budgétaire, qui firent sombrer le programme dans le chaos. En effet, en février 2025, Priska Seiler Graf, présidente de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national, a publiquement exprimé ses inquiétudes sur l’évolution budgétaire du programme, expliquant que la clause de prix fixe, placardée par le Conseil fédéral et Armasuisse en 2021 comme un totem d’invulnérabilité pour justifier leur choix en faveur du F-35A, n’était probablement pas applicable.

Quelques mois plus tard, en juin, une enquête officielle était lancée par la Commission de gestion du Conseil national suisse à ce sujet, alors que les évaluations faites du surcoût contractuel à venir évoluaient entre 600 millions et 1,2 milliard de francs suisses.

Depuis, les autorités suisses ont publiquement reconnu que cette clause « magique », permettant à Berne d’acquérir des F-35A à 79 M$ via le FMS alors que le Pentagone lui-même les achètera plus de 90 M$ en 2028, n’était pas applicable, entraînant une crise politique encore en gestation dans le pays.

Et les choses pourraient bien empirer. En effet, dans le cadre des négociations concernant le lot 18 du Lightning II, Lockheed Martin et le Pentagone ont convenu que le prix d’achat du F-35A dépasserait sensiblement l’hypothèse haute de 94 M$ par appareil, utilisée pour évaluer le surcoût maximal de 1,2 Md CHF pour la Confédération helvétique en exécution du programme.

Nul doute que ce constat va encore causer bien du tracas au Conseil fédéral, qui se démène depuis des semaines pour empêcher l’organisation d’une nouvelle votation qui l’obligerait, en cas de rejet, à annuler strictement le programme, exposant Berne à de sévères pénalités contractuelles et à l’ire de Washington.

L’affaire des F-35A Suisses se transforme en crise politique

L’affaire du F-35A en Suisse, longtemps présentée comme un choix technique rationnel et budgétairement sûr, s’est progressivement muée en une véritable crise politique depuis le début de l’année 2025. En effet, les révélations successives autour du contrat ont mis en lumière des écarts abyssaux entre les promesses faites lors de la sélection en 2021 et la réalité constatée quatre ans plus tard.

Rafale F-35 et Typhoon Royal Air Force et Armée de l'air
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À l’origine, la décision du Conseil fédéral, en juin 2021, de choisir le F-35A de Lockheed Martin plutôt que le Rafale, l’Eurofighter Typhoon ou le Gripen E, avait été justifiée par un prix unitaire particulièrement compétitif (79 M$ par appareil), une enveloppe globale maîtrisée (6 Md CHF) et un package opérationnel prétendument complet, incluant formation, munitions et maintenance. Armasuisse avait alors souligné que l’offre américaine était « la seule capable de répondre à l’ensemble des critères techniques et financiers fixés par le cahier des charges ».

Or, dès 2023, plusieurs signaux d’alerte ont commencé à apparaître. Le Contrôle fédéral des finances (CDF) avait relevé que la clause dite de “prix fixe” n’était en réalité pas contraignante, puisqu’elle dépendait des négociations annuelles entre le Pentagone et Lockheed Martin dans le cadre des Low Rate Initial Production Lots. En janvier 2025, le Conseil fédéral a dû reconnaître publiquement que cette clause ne s’appliquerait pas, ouvrant la voie à un surcoût estimé entre 600 M et 1,2 Md CHF. Pour la Neue Zürcher Zeitung, « jamais depuis l’achat des Gripen en 2014 un programme aérien n’avait autant fragilisé la crédibilité du gouvernement face à son électorat ».

À ces dépassements s’ajoutent d’autres problèmes structurels, comme la réduction drastique des stocks de munitions et de pièces détachées, volontairement fixés en deçà du seuil opérationnel requis, afin de rester dans l’enveloppe autorisée par la votation populaire de 2020. De plus, la clause d’offset industriel, initialement fixée à 60 % de retombées en Suisse, a été révisée unilatéralement à 31 % sans qu’aucune pénalité ne soit appliquée aux États-Unis. Selon Le Temps, « la réduction des compensations industrielles constitue un recul majeur pour l’économie helvétique, d’autant plus qu’elle prive le pays d’une partie du transfert technologique promis ».

Dans ce contexte, l’imposition récente par Washington de droits de douane de 39 % sur certains produits suisses a encore amplifié le malaise. Pour Politico Europe, « l’affaire du F-35 concentre désormais toutes les frustrations suisses face à une relation asymétrique avec Washington, où Berne paie le prix fort sans garantie de retour ».

Sans surprise, la confiance de la population s’érode rapidement. Plusieurs sondages réalisés début 2025 montrent que le soutien au programme F-35 ne dépasse plus 30 % de l’opinion publique, alors qu’il avoisinait 50 % en 2021. Pour la RTS, « le F-35 est devenu l’illustration d’une fracture entre élites politiques et opinion publique, rappelant les débats enflammés autour des Gripen dix ans plus tôt ». Dès lors, les appels à une nouvelle votation se multiplient, sur la base de l’argument selon lequel le mandat de 2020 – acheter une flotte pour 6 Md CHF – ne peut manifestement plus être respecté.

Les F-35A du lot 18 seront 7,5 M$ plus chers que prévu

Le scandale déjà lourd entourant l’achat des 36 F-35A suisses pourrait bien connaître un nouveau rebondissement. Jusqu’ici, l’augmentation de l’enveloppe budgétaire était évaluée à une fourchette comprise entre 600 M et 1,2 Md CHF, calculée sur la base d’un prix unitaire allant de 86 à 94 M$ par appareil, contre les 79 M$ retenus pour l’estimation initiale en 2021. Cette réévaluation constituait déjà une violation manifeste du cadre fixé par la votation populaire de 2020, qui avait strictement plafonné les dépenses à 6 Md CHF.

F-35 Factory Lockheed Martin
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Or, les données récemment publiées par le Pentagone et confirmées par Lockheed Martin pour la tranche de production LRIP 18 – celle qui concerne directement la Suisse – aggravent encore cette équation. Selon le contrat signé début 2025, le prix de base d’un F-35A est fixé à 81,2 M$… sans moteur. Avec l’ajout du turboréacteur Pratt & Whitney F135, indispensable au fonctionnement de l’appareil, le prix réel grimpe à 101,5 M$. Ainsi, le coût unitaire dépasse de 7,5 M$ la fourchette haute des estimations précédentes, et creuse mécaniquement l’écart budgétaire pour Berne (Defense News).

En d’autres termes, le surcoût global pourrait flirter non plus avec 1,2 Md CHF mais avec 1,8 Md CHF, soit 30 % de dépassement par rapport au plafond fixé en 2020. À cela s’ajoutent les coûts différés, jusqu’ici volontairement exclus du contrat helvétique : munitions air-air et air-sol, stocks de pièces détachées et réserves logistiques. Pour Breaking Defense, « le contrat suisse repose sur une illusion comptable : les chiffres initiaux ne prenaient pas en compte les dépenses incontournables liées à l’opérationnalisation de la flotte ».

Ce différentiel est d’autant plus problématique qu’il révèle l’asymétrie des négociations. Le Pentagone, principal acheteur du F-35 avec plus de 1 700 appareils prévus, obtient un tarif globalement plus avantageux que celui consenti à la Suisse. Selon un rapport du Government Accountability Office (GAO), « les acheteurs étrangers du F-35 paient en moyenne un prix supérieur de 10 à 15 % à celui des lots destinés à l’US Air Force, en raison des marges contractuelles et des frais logistiques ajoutés par le FMS ». Autrement dit, loin d’avoir bénéficié d’une négociation privilégiée, la Suisse se retrouve à payer plus cher que le Pentagone, malgré son statut de partenaire occidental fidèle.

Dans un pays où la culture politique repose largement sur la transparence et la responsabilité budgétaire, cette révélation alimente la colère de l’opinion publique. Comme le souligne Le Temps, « l’argument du prix, central dans la justification du choix du F-35, s’effondre désormais sous le poids des chiffres, plaçant le Conseil fédéral dans une position intenable ». Plusieurs parlementaires de l’Union démocratique du centre (UDC) et du Parti socialiste ont déjà demandé la convocation d’une commission d’enquête pour vérifier la sincérité des données transmises en 2021 par Armasuisse et par Lockheed Martin.

En conséquence, si Berne persiste à maintenir le cap, l’achat des 36 F-35A pourrait non seulement coûter 1,8 Md CHF de plus que prévu, mais aussi nécessiter l’ajout de crédits complémentaires pour intégrer les munitions et le soutien logistique. Pour la Neue Zürcher Zeitung, « la Suisse est confrontée à un dilemme : violer le mandat populaire de 2020 en augmentant l’enveloppe, ou se retrouver avec une flotte de chasse sous-équipée, incapable de remplir ses missions ».

Prolongement des F/A-18 suisses : cacophonie entre le Conseil fédéral et l’état-major

Face à l’explosion annoncée du coût du programme F-35A, une question centrale agite désormais le débat helvétique : fallait-il réellement exclure d’emblée la prolongation des F/A-18 Hornet actuellement en service ? Pour le Conseil fédéral et le ministre de la Défense Martin Pfister, la réponse est claire : non seulement une telle prolongation serait trop coûteuse, mais elle exposerait la flotte à une obsolescence technique et à une perte progressive de fiabilité, augmentant le risque d’accidents.

F-18 forces aériennes hélvétiques

Le gouvernement a martelé à plusieurs reprises que « le calendrier de retrait des F/A-18 est incompressible », et qu’au-delà de 2030, la flotte serait « structurellement incapable de remplir les missions de police du ciel » (Conseil fédéral).

Pourtant, cette ligne officielle se heurte à une contestation de plus en plus visible. En juillet 2025, lors d’une séance à huis clos de la Commission de sécurité du Conseil national, le chef d’état-major des forces aériennes, le général Peter Merz, aurait tenu un discours radicalement différent. Selon plusieurs sources parlementaires citées par la Neue Zürcher Zeitung, il aurait affirmé que « la prolongation des Hornet était techniquement possible et déjà pratiquée par d’autres pays alliés, y compris aux États-Unis ». Une telle extension, selon lui, permettrait de redonner jusqu’à 1 000 heures de vol supplémentaires aux cellules et aux moteurs General Electric F404, repoussant l’horizon de retrait vers 2035.

De fait, l’US Navy et l’US Marine Corps ont déjà recours à ce type de prolongation de potentiel pour leurs propres flottes de Hornet et de Super Hornet, afin de combler les retards du F-35C. Selon un rapport du Government Accountability Office, « la prolongation de la durée de vie des cellules est une pratique courante, qui permet de maintenir en ligne des appareils éprouvés à moindre coût par rapport à l’acquisition d’une nouvelle flotte ». Le Canada lui-même, voisin immédiat de la Suisse au sein de NORAD, a décidé en 2022 de prolonger ses CF-18 jusqu’en 2032, avant la livraison progressive de ses propres F-35 (Defense News).

Cette cacophonie révèle l’ampleur du malaise institutionnel. Car si la prolongation des Hornet est bel et bien envisageable sur le plan technique, elle dépend d’une autorisation américaine pour l’exportation des kits de prolongation et la certification des structures rénovées. Dans le climat actuel de tensions commerciales, marqué par l’imposition de droits de douane de 39 % contre la Suisse, rien ne garantit que Washington accepterait d’accorder ces autorisations si Berne décidait d’annuler le contrat F-35A. Pour Le Temps, « la Suisse se retrouve prisonnière de son choix : même l’alternative technique des Hornet dépend de la bonne volonté des États-Unis ».

Ainsi, la controverse autour des F/A-18 illustre un double paradoxe. D’une part, les autorités politiques justifient l’achat du F-35 en invoquant l’absence d’alternative crédible, alors même que l’état-major affirme le contraire. D’autre part, même si cette alternative était retenue, elle ne serait pas synonyme d’autonomie : la prolongation des Hornet helvétiques dépendrait elle aussi du feu vert de Washington. Pour RTS Info, « le débat n’oppose pas une solution américaine à une option suisse, mais deux solutions qui impliquent, dans tous les cas, la dépendance vis-à-vis des États-Unis ».

L’annulation du contrat F-35A entraînerait de lourdes pénalités contre la Confédération helvétique

Outre la hausse encore plus importante de l’enveloppe nécessaire à l’acquisition des 36 F-35A à périmètre constant, évoquée précédemment, une autre crise couve dans le pays, autour de ce contrat.

Industriels américains de Défense F-35 Lockheed Martin
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En effet, si les clauses garantissant, soi-disant, le prix d’achat des appareils et l’enveloppe globale du contrat passé entre Berne et le FMS ne sont plus d’actualité, les clauses de pénalité, en cas d’annulation de la commande ou de simple réduction de volume, prévues par le contrat, sont quant à elles bel et bien valides et applicables.

En d’autres termes, toute évolution du périmètre contractualisé dans ce contrat exposera la Confédération helvétique à de lourdes sanctions, qui viendraient encore alourdir le coût de l’opération. Et ce, même si cette transformation contractuelle résultait du non-respect par les États-Unis des clauses tarifaires que l’on sait à présent parfaitement indicatives, sans la moindre contrainte applicable en cas de non-respect.

Dans les procédures américaines Foreign Military Sales (FMS), le document juridique clé est la Letter of Offer and Acceptance (LOA). Or, la réglementation FMS précise explicitement que « le client étranger accepte la responsabilité des coûts de résiliation, y compris les frais de décommande auprès de la chaîne de sous-traitance », lorsque l’acheteur réduit, modifie ou annule la commande initiale (DSCA – Security Assistance Management Manual).

Autrement dit, même si la Suisse baisse le volume ou étale les livraisons, elle s’expose mécaniquement à des termination liabilities (frais de résiliation), à des charges sur coûts non récurrents (NRE) déjà engagés, et à des pénalités liées aux long-lead items commandés par le Pentagone pour le compte des clients FMS.

En outre, la Cour des comptes américaine (GAO) rappelle régulièrement que la répartition des coûts entre l’US DoD et les clients FMS intègre des marges et frais spécifiques (logistiques, gestion, revente), ce qui explique pourquoi les prix FMS sont typiquement supérieurs aux prix « US DoD » et se renchérissent encore en cas de reprogrammation ou d’annulation partielle. « Les clients FMS supportent des coûts additionnels (soutien, gestion, stocks), lesquels augmentent sensiblement lorsque la configuration ou le calendrier sont modifiés » (GAO). De fait, une renégociation helvétique pour réduire la cible de 36 appareils déclencherait vraisemblablement ces mécanismes, ajoutant des millions de dollars de frais administratifs et contractuels.

Par ailleurs, le Contrôle fédéral des finances (EFK) a lui-même alerté, dès 2023, sur la nécessité de provisionner des risques contractuels dans les grands achats d’armement, citant les aléas de change CHF/USD, l’inflation américaine de la base industrielle et la volatilité des lots de production du F-35 comme facteurs de dépassement exogènes à la Suisse. En conséquence, une tentative d’adaptation du contrat exposerait non seulement Berne aux pénalités FMS, mais aussi à un renchérissement par effets de change et d’inflation si les livraisons sont repoussées au-delà des fenêtres initiales.

D’autre part, les éléments non inclus dans l’enveloppe initiale – munitions, pièces de rechange, infrastructures et moyens de soutien – ne sont pas « optionnels » au sens opérationnel. Breaking Defense l’a souligné : « les chiffres de base, dans plusieurs contrats F-35, n’intégraient pas les dépenses incontournables de mise en service et de soutien, ce qui aboutit à une illusion budgétaire initiale ». Ainsi, si la Suisse souhaitait « corriger » la configuration pour la rendre opérationnelle, elle devrait de toute manière contracter ces volumes de soutien… qui, en cas de modification du LOA, déclencheraient aussi des frais connexes FMS.

En outre, la question des compensations industrielles (offsets) complique juridiquement toute renégociation. L’engagement public initial de 60 % d’offsets a été, de fait, révisé à 31 % sans pénalité apparente. Le Temps relevait que « la réduction des compensations industrielles constitue un recul majeur pour l’économie helvétique », et qu’un retour en arrière serait, à ce stade, très difficile sans rouvrir l’intégralité du montage contractuel. Dès lors, un retrait, même partiel, exposerait Berne à la fois aux pénalités FMS et au risque de perdre les (déjà modestes) retombées industrielles actées.

F-35 néerlandais au sol
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Enfin, le contexte politique bilatéral pèse lourd. L’imposition récente de droits de douane américains de 39 % sur certains produits suisses a détérioré le climat. Politico Europe notait que « l’asymétrie dans la relation crée un contexte peu propice aux ‘gestes commerciaux’ de Washington ». En conséquence, espérer un « accommodement » américain sur des frais de résiliation FMS, alors même que la Maison-Blanche durcit sa ligne commerciale, relève probablement du vœu pieux.

Ainsi, la fenêtre d’action juridique de la Suisse apparaît doublement contrainte : par le droit FMS américain, extrêmement protecteur des intérêts du Pentagone et de sa supply-chain, et par les engagements et annonces publiques helvétiques (prix, offsets, calendrier), désormais difficilement révisables sans coûts politiques et financiers majeurs. Pour la Neue Zürcher Zeitung, « Berne fait face à un dilemme binaire : assumer des dépassements et des crédits complémentaires, ou supporter des pénalités et un risque stratégique de rupture capacitaire ».

Dès lors, le choix de « tenir le cap » – malgré l’explosion des coûts – n’est pas seulement un pari budgétaire ; c’est, surtout, la reconnaissance implicite de l’alignement contractuel et politique qui lie désormais la Suisse au cadre FMS américain.

Pour le Conseil fédéral, il faut à tout prix empêcher l’organisation d’une nouvelle votation

Entre une opinion publique de plus en plus hostile au programme et des appels croissants, émanant aussi bien de la classe politique que des médias, en faveur d’une nouvelle votation, le Conseil fédéral helvétique se retrouve dans une position de plus en plus intenable.

En effet, la démocratie suisse repose sur un principe cardinal : les décisions de politique publique majeures, lorsqu’elles dépassent un seuil budgétaire ou stratégique, peuvent être soumises à référendum. Or, en septembre 2020, les électeurs n’avaient approuvé le principe d’un nouvel avion de combat qu’à une majorité extrêmement ténue, de 50,1 %, avec une enveloppe rigoureusement plafonnée à 6 Md CHF (Administration fédérale suisse – résultats 2020). Tout dépassement de ce cadre sape mécaniquement la légitimité du programme.

Consolidation RAfale Gripen AAE
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Ainsi, plusieurs formations parlementaires, allant du Parti socialiste (PS) aux Verts, en passant par une partie de l’UDC, ont déjà appelé à une nouvelle votation. Comme l’a rappelé Le Temps, « l’argument est imparable : le mandat de 2020 a été donné pour une enveloppe fixe, or celle-ci ne peut manifestement plus être respectée ». Les sondages publiés début 2025 confirment d’ailleurs que moins de 30 % des Suisses soutiennent encore l’acquisition du F-35A, un effondrement spectaculaire par rapport au quasi-équilibre de 2020 (RTS Info).

En conséquence, la priorité du Conseil fédéral est désormais claire : éviter qu’une telle consultation n’ait lieu, car elle conduirait quasi certainement à un rejet du programme. Pour cela, l’exécutif multiplie les manœuvres juridiques et politiques. D’une part, il argue qu’une nouvelle votation serait « redondante », puisqu’un mandat populaire a déjà été donné en 2020, même si les conditions financières ont changé. D’autre part, il cherche à obtenir du Parlement des crédits complémentaires pour absorber les dépassements de coûts, en évitant toute remise en question du contrat signé avec Washington.

Cependant, cette stratégie comporte ses propres contradictions. Pour La Tribune de Genève, « refuser une nouvelle votation au motif qu’une décision a déjà été prise revient à nier le principe même de démocratie directe, qui est pourtant au cœur du système politique suisse ». De nombreux constitutionnalistes estiment que la modification substantielle des paramètres financiers constitue précisément un cas où la souveraineté populaire doit être de nouveau consultée.

En outre, le risque d’un passage en force politique est double. D’une part, il pourrait déclencher une crise institutionnelle, opposant le Conseil fédéral au Parlement ou même aux cantons. D’autre part, il minerait durablement la confiance des citoyens dans les institutions. Comme l’a souligné la Neue Zürcher Zeitung, « l’obstination du Conseil fédéral à éviter une nouvelle consultation transforme une affaire d’armement en crise de confiance démocratique ».

Dès lors, le Conseil fédéral joue une partie à haut risque. S’il parvient à convaincre le Parlement d’autoriser des crédits supplémentaires, il pourra peut-être sauver le programme à court terme, tout en évitant un scandale politique immédiat. Mais si les pressions populaires continuent de croître, il sera de plus en plus difficile de contenir l’exigence d’un nouveau référendum.

Ainsi, la Suisse se trouve confrontée à une équation inédite : maintenir coûte que coûte le programme F-35A, au prix d’un passage en force politique, ou accepter de rouvrir le débat populaire, au risque de voir s’effondrer une décision stratégique prise il y a quatre ans. Dans les deux cas, les conséquences pour la crédibilité institutionnelle et la posture de défense de la Confédération sont considérables.

Conclusion

Au terme de cette analyse, il apparaît clairement que l’acquisition des 36 F-35A par la Suisse, présentée en 2021 comme une décision rationnelle, budgétairement maîtrisée et opérationnellement cohérente, s’est transformée en une crise politique et institutionnelle d’une ampleur inédite. Les promesses initiales – prix fixe, compensation industrielle de 60 %, stocks suffisants de pièces et de munitions – se sont toutes progressivement effondrées, laissant place à une réalité marquée par les surcoûts, la dépendance contractuelle au cadre FMS américain et l’absence de marges de manœuvre pour le Conseil fédéral.

F-35A US Air Force

En effet, les révélations de 2025 concernant la hausse du prix unitaire des appareils, qui pourrait porter le dépassement total à près de 1,8 Md CHF, les clauses de pénalités impossibles à contourner en cas de renégociation, ainsi que les divisions entre le gouvernement et l’état-major au sujet de la prolongation des F/A-18, ont mis en lumière une contradiction fondamentale : loin de renforcer l’autonomie stratégique de la Suisse, ce contrat l’a au contraire placée dans une dépendance structurelle vis-à-vis de Washington. La tentative actuelle de contenir le débat en évitant une nouvelle votation ne fait que renforcer l’impression d’un passage en force, minant durablement la confiance entre citoyens, institutions et forces armées.

Ainsi, ce qui devait constituer une vitrine de rigueur helvétique est devenu un révélateur de fragilités profondes : fragilité des procédures d’évaluation, fragilité de la négociation contractuelle, fragilité, enfin, d’un exécutif pris en étau entre la pression américaine et une opinion publique désormais majoritairement hostile. Comme l’a souligné la Neue Zürcher Zeitung, « l’affaire du F-35 n’est plus un débat technique, mais une crise de légitimité politique ».

Dès lors, une chose est certaine : la compétition pour le remplacement des F/A-18, souvent citée comme exemplaire par ses promoteurs et même par Lockheed Martin dans son communiqué de victoire, apparaît aujourd’hui comme une procédure partiale, où les biais de confirmation ont côtoyé une certaine incompétence dans l’élaboration des documents contractuels, sur fond d’une manipulation politique difficile à nier.

La véritable question, désormais, est de savoir si cette affaire conduira la Suisse à repenser en profondeur ses méthodes d’évaluation et de décision en matière d’achats stratégiques, ou si elle se contentera de gérer au coup par coup les conséquences financières, militaires et institutionnelles d’un choix qui, en l’état, compromet autant sa crédibilité budgétaire que sa souveraineté stratégique.

[armelse]

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[INVITÉ] France 1966, Grèce 1974 : ce que révèlent deux « retraits » sur les limites de l’OTAN — et sur le chemin de l’Europe vers une véritable autonomie

Introduction : Fissures dans l’édifice occidental

Depuis sa fondation en 1949, l’OTAN a été la pierre angulaire de la sécurité européenne, projetant une unité face aux menaces extérieures et inscrivant le leadership américain au cœur de la défense transatlantique. Pourtant, à deux reprises dans l’après-guerre, des alliés proches se sont retirés de sa structure de commandement militaire d’une manière qui a ébranlé l’alliance et révélé ses limites.

En 1966, la France de Charles de Gaulle a réaffirmé sa souveraineté en forçant le siège de l’OTAN à quitter son territoire. Moins d’une décennie plus tard, la Grèce a suspendu sa participation au commandement intégré de l’OTAN après que l’alliance eut échoué à empêcher l’invasion turque à Chypre.

Ces deux épisodes montrent comment les États européens ont tenté de concilier fidélité à l’OTAN et exigence d’indépendance stratégique. Ils portent également des leçons pressantes pour aujourd’hui, alors que l’Europe doit composer avec les incertitudes de la politique américaine et la nécessité de bâtir une capacité de défense crédible au sein de l’Union européenne.

La France de De Gaulle : la souveraineté avant tout

En 1966, de Gaulle stupéfia ses alliés en annonçant le retrait de la France du commandement militaire intégré de l’OTAN. Son gouvernement ordonna le départ des états-majors alliés et des forces étrangères du territoire français, contraignant l’OTAN et le SHAPE à déménager de Paris à Bruxelles.

La France ne quitta pas l’OTAN en tant que telle, mais insista sur sa pleine souveraineté, notamment en matière de dissuasion nucléaire. Pour de Gaulle, l’OTAN était devenue une extension du pouvoir de Washington, avec le risque d’entraîner l’Europe dans des guerres américaines telles que celle du Vietnam.

En affirmant le contrôle sur ses forces et en développant la force de frappe, il proclama la volonté de la France de défendre l’Occident — mais uniquement selon ses propres termes.

La Grèce et la crise chypriote : un retrait d’un autre ordre

Huit ans plus tard, la Grèce emprunta une voie similaire, mais pour des raisons très différentes. En août 1974, à la suite de l’invasion turque de Chypre, Athènes retira ses forces du commandement intégré de l’OTAN. Contrairement à la France, la Grèce n’avait ni ambitions mondiales ni arsenal nucléaire.

Invasion chypre turquie
Barges de débarquement turques sur la côte chypriote – 1974

Son retrait fut un acte de protestation, né de la frustration face à l’incapacité de l’OTAN et des États-Unis à contenir la Turquie. Le message était clair : les préoccupations sécuritaires grecques ne pouvaient être subordonnées à la politique de l’alliance. Cette position ne fut cependant que temporaire.

En 1980, dans une logique de stabilisation régionale, la Grèce réintégra la structure de commandement de l’OTAN. La France, elle aussi, y reviendrait en 2009.

Ce que ces retraits ont révélé de l’OTAN

Ces départs soulignent à la fois la résilience et les angles morts de l’OTAN. L’alliance survécut sans que sa troisième armée en importance ne soit pleinement intégrée, et elle résista au retrait d’un allié du flanc sud au plus fort des tensions de la Guerre froide. Cette élasticité témoigna de la solidité de l’OTAN. Mais ces retraits mirent également en lumière des limites structurelles.

Conçue pour dissuader l’Union soviétique, l’OTAN échoua à gérer des différends intra-alliés comme Chypre ou à accommoder les exigences de souveraineté des grandes puissances. Lorsque les intérêts nationaux se heurtèrent aux procédures de l’OTAN ou au leadership américain, les alliés choisirent l’autonomie, démontrant que la cohésion de l’alliance repose autant sur la politique que sur les structures de commandement formelles.

Enseignements pour aujourd’hui

Ces ruptures historiques résonnent encore aujourd’hui. L’OTAN demeure l’ancre de l’Europe, mais la dépendance au leadership américain comporte des risques croissants. Les vents changeants de la politique américaine, oscillant entre solidarité et approche transactionnelle, créent une incertitude sur les engagements de long terme. La guerre en Ukraine a encore accentué la dépendance européenne aux moyens américains, qu’il s’agisse de capacités industrielles, de stocks ou de moyens de soutien.

L’Union européenne a commencé à remédier à ces vulnérabilités, en lançant la Stratégie industrielle de défense européenne, en élargissant la production à travers des initiatives comme l’ASAP (Act in Support of Ammunition Production) et en approfondissant la coopération à travers la Boussole stratégique et la PESCO. Ces mesures produisent déjà des résultats, mais elles demeurent embryonnaires au regard de l’ampleur des besoins.

Construire un pilier européen plus fort

Les leçons de 1966 et 1974 suggèrent que l’Europe doit cultiver la capacité d’agir avec les États-Unis lorsque cela est possible, et sans eux lorsque cela est nécessaire. Aujourd’hui, cela implique de transformer les initiatives industrielles de l’UE en contrats de production durables, assurant un flux continu de munitions et d’intercepteurs de défense aérienne.

OTAN Rafale AAE grece exercice INIOCHOS 2023
Rafale français et grec lors de l’exercice INIOCHOS 2023 en Grèce

Cela suppose aussi que les projets de la PESCO débouchent sur des formations réellement déployables et non sur de simples cadres théoriques. Cela exige la constitution de stocks, de mécanismes de soutien et de structures de commandement qui offrent à l’Europe des options opérationnelles véritables, indépendantes de Washington. Surtout, cela requiert la volonté politique de financer ces capacités de façon cohérente, et non de les traiter comme des réponses ponctuelles aux crises.

Conclusion : Compléter, non remplacer

L’insistance de De Gaulle sur la souveraineté et la protestation grecque à propos de Chypre rappellent toutes deux que l’OTAN ne peut, à elle seule, répondre à l’ensemble des ambitions stratégiques européennes. L’alliance demeure indispensable, mais elle ne saurait se substituer à l’action politique ou à la puissance industrielle de l’Europe.

Pour naviguer dans une ère de rivalité accrue entre grandes puissances et d’incertitudes américaines, l’Europe doit bâtir une posture de défense qui complète l’OTAN tout en lui conférant l’autonomie nécessaire pour agir seule lorsque les circonstances l’exigent. Le lien transatlantique reste l’ancre de la sécurité européenne, mais seule une quille européenne renforcée permettra de maintenir le navire stable lorsque les vents atlantiques se mettront à souffler.

Ioannis Sidiropoulos, LL.M (LSE, UvA), avocat, chercheur universitaire non-résident,  Académie diplomatique de l’Université de Nicosie, chercheur senior, Strategy International Think Tank


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Sous-marins canadiens : tKMS et Hanwha Ocean en final, Naval Group éliminé

L’annonce faite par Ottawa de retenir deux finalistes pour le programme de remplacement de ses sous-marins canadiens de la classe Victoria a surpris par son équilibre autant que par ses exclusions. D’un côté, le choix attendu du Type 212CD proposé par l’allemand tKMS, héritier d’une lignée qui a dominé le marché mondial du sous-marin conventionnel depuis le Type 209.

De l’autre, l’entrée remarquée du sud-coréen Hanwha Ocean avec son KSS-III Batch 2, incarnation d’une puissance industrielle navale en pleine ascension, aujourd’hui capable de rivaliser avec la Chine sur le plan civil comme militaire. Écartés en revanche, les Français de Naval Group, récents vainqueurs aux Pays-Bas, les Suédois de Saab/Kockums et les Espagnols de Navantia.

À première vue, la sélection canadienne pourrait sembler relever d’un simple arbitrage technique : d’un côté, un modèle européen éprouvé et déjà adopté par plusieurs marines de l’OTAN ; de l’autre, une offre asiatique plus récente mais soutenue par une industrie civile titanesque et, peut-être, par une diplomatie américaine attentive. Pourtant, limiter la lecture à une confrontation entre performances ou coûts occulte l’essentiel. Car derrière ce choix se profilent des considérations bien plus profondes, à la fois stratégiques, industrielles et politiques.

En effet, pour Ottawa, ce contrat ne représente pas seulement l’acquisition de douze sous-marins, mais la refondation d’une Marine royale canadienne longtemps négligée, à un moment où la souveraineté arctique, la crédibilité au sein de l’OTAN et la dépendance structurelle vis-à-vis de Washington se rejoignent. Dans un tel contexte, les leviers de décision dépassent largement la seule comparaison entre fiches techniques : ils traduisent la volonté du Canada de choisir entre des modèles d’alliance, des logiques d’intégration et des dépendances industrielles.

Ainsi, la question centrale n’est pas tant de savoir lequel des deux finalistes, tKMS ou Hanwha Ocean, dispose du « meilleur » sous-marin sur le plan opérationnel. Elle est plutôt d’identifier quels facteurs, explicites ou implicites, ont conduit Ottawa à écarter certaines offres jugées pourtant compétitives, et à privilégier à la fois le champion incontesté du marché occidental et un nouveau venu dont la montée en puissance a été largement rendue possible par les transferts de technologies allemands eux-mêmes.

Dès lors, il convient de s’interroger : quels sont les leviers de décision qui ont formaté les arbitrages d’Ottawa en faveur du Type 212CD de l’allemand tKMS, leader historique du sous-marin conventionnel, et du KSS-III sud-coréen, porté par la première puissance navale industrielle occidentale, capable de faire jeu égal avec la Chine dans ce domaine ?

Les armées canadiennes après 50 années de sous-investissements critiques

Depuis plus de 50 ans maintenant, le Canada joue le rôle de mauvais élève de l’OTAN en matière de dépense de défense. Ainsi, si Ottawa consacrait plus de 4 % de son PIB à ses armées en 1960, au plus fort de la confrontation stratégique directe entre les États-Unis et l’Union soviétique, ce chiffre était déjà tombé à 1,8 % en 1970. Depuis, l’effort de défense est resté autour du plancher des 2 % jusqu’en 1990, pour s’enfoncer encore davantage entre 1 et 1,3 % du PIB jusqu’en 2023.

armées canadiennes
Les armées canadiennes alignent tout juste 40,000 hommes et femmes, pour une population de 41 millions d’habitant et un PIB de plus de 2,200 Md$.

De fait, en dépit de leur expérience opérationnelle et d’une réputation d’efficacité bien réelle, acquise par leur participation à de nombreux engagements en Europe, au Moyen-Orient et en Asie, les armées canadiennes ont évolué avec des moyens très limités depuis plus d’un demi-siècle. Comme le soulignait déjà le RUSI, « l’effort de défense canadien est resté structurellement en deçà des standards de l’Alliance, contraignant Ottawa à dépendre excessivement de ses partenaires pour toute opération de haute intensité ».

La Marine royale canadienne n’échappe pas à ce constat. Aujourd’hui, elle ne dispose que de 65 navires et d’un effectif opérationnel inférieur à 7 000 hommes, alors même que le pays affiche un PIB supérieur à 2 300 Md$, soit l’équivalent de celui de la France ou de l’Italie.

À titre de comparaison, l’Italie aligne 180 navires et plus de 30 000 marins, tandis que la Marine nationale française met en œuvre environ 120 navires et plus de 40 000 personnels. Cette disproportion est régulièrement dénoncée par les médias canadiens eux-mêmes : selon le Globe and Mail, « l’état de la flotte canadienne illustre le sous-investissement chronique de l’État dans la défense navale, au moment même où l’Arctique prend une importance stratégique croissante ».

En 2014, Ottawa s’était pourtant engagé, comme l’ensemble des membres de l’Alliance atlantique, à amener son effort de défense à 2 % du PIB d’ici 2025. Mais en 2025, le Canada ne cède la dernière place du classement des efforts de défense au sein de l’OTAN qu’au cas très particulier du Luxembourg, avec seulement 1,37 % du PIB consacré à ses armées. Même les pays historiquement réticents, comme la Belgique ou l’Espagne, ont fini par accélérer leurs investissements, notamment sous la pression directe de Donald Trump. Selon un rapport du NATO Parliamentary Assembly, « la pression exercée par Washington a transformé l’atteinte des 2 % en un test de crédibilité politique, plus encore que militaire ».

Comme ses camarades d’infortune, Mark Carney, le nouveau Premier ministre canadien, a dû réorienter sa politique de défense pour s’aligner sur le nouvel objectif fixé par l’OTAN : atteindre un effort global de 5 % du PIB en 2035, dont 3,5 % pour les seules armées, sous la menace explicite de Donald Trump de conditionner l’article 5 à cet engagement. Carney s’est également engagé à ce que le Canada dépasse le seuil de 2 % dès 2026, afin de restaurer la crédibilité d’Ottawa au sein de l’Alliance.

Mais le chemin sera particulièrement difficile pour les trois armées canadiennes. L’armée de terre, qui compte moins de 23 000 hommes, est dépourvue de corps mécanisé crédible et d’une artillerie digne de ce nom. La Marine, avec ses 7 000 personnels, ne dispose d’aucun navire de guerre des mines ou de soutien logistique moderne.

Quant à la Royal Canadian Air Force, elle est proportionnellement mieux dotée, avec plus de 12 000 hommes, 85 chasseurs CF-18, une trentaine de C-130 et cinq C-17 Globemaster III, mais reste privée d’avions ravitailleurs, de capacités de veille aérienne avancée ou de guerre électronique. Le New York Times notait à ce sujet que « la dépendance canadienne vis-à-vis des États-Unis pour les capacités critiques – renseignement, transport stratégique, ravitaillement en vol – réduit mécaniquement son autonomie opérationnelle ».

En conséquence, même l’arrivée massive de nouveaux crédits ne permettra pas à Ottawa de restructurer rapidement des forces armées conçues depuis des décennies pour servir uniquement de supplétif efficace aux côtés des forces américaines, en une véritable force autonome, capable de défendre les intérêts stratégiques du pays, de sécuriser l’Arctique et de participer de manière crédible à l’OTAN.

Le super-contrat du remplacement des sous-marins canadiens : un enjeu stratégique pour la Marine royale canadienne

Pour l’heure, les autorités canadiennes semblent vouloir concentrer leurs efforts sur la modernisation et la transformation de leurs forces navales et aériennes. Si la commande de 85 F-35A, annoncée en 2022, semble aujourd’hui réexaminée par Ottawa à la lumière des tensions avec Washington depuis le retour de Donald Trump au Bureau ovale, le renouvellement de la flotte de chasse n’est toutefois pas remis en question.

futur sous-marins canadiens ? TKMS Type 212CD Marine allemande norvégienne
Vue d’artiste du Type 212 CD commandé à 6 exemplaires par la Marine norvégienne ainsi que par la Bundesmarine

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Après l’OTAN, Taïwan veut amener son effort de défense à 5% PIB

L’annonce faite par Taïwan, de porter son effort de défense à 3,32 % du PIB dès 2026 puis à 5 % à l’horizon 2030, a immédiatement été interprétée, dans de nombreux cercles occidentaux, comme un signe de soumission directe aux exigences américaines. Le parallèle avec l’OTAN, sommée par Donald Trump d’élever ses dépenses militaires à un niveau équivalent, s’est imposé comme une évidence. Dans cette lecture instinctive, l’île ne ferait qu’appliquer à son tour les injonctions de Washington, afin de préserver la garantie de protection offerte par les États-Unis face à la menace chinoise.

Une telle perception, bien qu’intuitivement séduisante, reste pourtant insuffisante pour comprendre la portée réelle de cette décision. Car la situation de Taïwan diffère radicalement de celle des Européens. Pour ces derniers, l’élévation des budgets de défense vise essentiellement à partager plus équitablement le fardeau transatlantique. Pour Taipei, il en va de son existence même. Située à portée directe de l’Armée populaire de Libération, confrontée à un adversaire disposant de plusieurs dizaines de fois plus de ressources humaines, budgétaires et industrielles, l’île ne peut se contenter de jouer le rôle d’allié docile : elle doit survivre.

Dès lors, une question centrale s’impose : l’annonce d’un effort de défense à 5 % du PIB traduit-elle réellement une soumission aux diktats américains, ou révèle-t-elle une stratégie propre aux autorités taïwanaises, visant à prolonger leur capacité de résistance face à la montée en puissance de Pékin ? C’est cette problématique, à la croisée des perceptions et des réalités stratégiques, qu’il convient d’examiner.

Taipei veut amener son effort de défense à 3,32 % du PIB en 2026, et vise 5 % en 2030

L’ampleur du déséquilibre stratégique entre la République populaire de Chine et Taïwan apparaît de manière éclatante lorsqu’on compare les données fondamentales des deux adversaires potentiels. Avec 1,4 milliard d’habitants et un PIB de près de 18 750 milliards de dollars, Pékin dispose d’un réservoir démographique et économique sans commune mesure avec l’île, forte de seulement 23 millions d’habitants et d’un PIB évalué à environ 782 milliards de dollars.

En matière militaire, le contraste est tout aussi marqué : l’Armée populaire de Libération aligne 1,7 million de soldats actifs et revendique officiellement un budget annuel de défense de 225 milliards de dollars, que la plupart des analystes jugent en réalité au moins deux fois supérieur si l’on inclut les programmes hors budget et les investissements civilo-militaires (SIPRI). Face à cela, les forces taïwanaises disposent de 170 000 hommes et d’un budget de défense de 31 milliards de dollars, soit sept fois inférieur.

Armée chinoise entrainement
Après l'OTAN, Taïwan veut amener son effort de défense à 5% PIB 56

À ces écarts s’ajoutent des contraintes géographiques et logistiques majeures. Taïwan se situe à plus de 9 000 kilomètres de Pearl Harbor et à près de 11 000 kilomètres de Los Angeles, rendant toute intervention américaine particulièrement complexe.

Les États-Unis demeurent la seule puissance militaire disposant des moyens suffisants pour dissuader l’APL dans la région, mais projeter des forces à plus de 10 000 kilomètres de leurs bases constitue un exercice extrêmement difficile, surtout en cas de conflit de haute intensité. Le RAND Corporation a ainsi estimé que « même en mobilisant rapidement ses groupes aéronavals, Washington aurait besoin de plusieurs semaines pour concentrer des moyens crédibles autour de Taïwan » (RAND).

Pour autant, le statut insulaire de Taïwan constitue aussi un avantage stratégique non négligeable. Comme l’a souligné le Center for Strategic and International Studies (CSIS), « une invasion amphibie à grande échelle demeure l’opération la plus complexe qui soit, et la topographie de Taïwan en multiplie les difficultés ». La situation n’est pas sans rappeler celle du Royaume-Uni en 1940 et 1941, confronté aux menaces d’invasion allemandes jusqu’à l’entrée en guerre des États-Unis.

Toutefois, les parallèles trouvent vite leurs limites : la Chine de 2025, avec son appareil industriel tentaculaire et ses capacités de production de masse, ressemble davantage aux États-Unis de 1944 qu’à l’Allemagne de 1941, tandis que Taïwan n’a ni l’assise impériale ni le réseau de colonies qui permettaient alors à Londres de résister dans la durée.

Dès lors, si Taipei veut espérer continuer à exister face à l’extraordinaire puissance militaire que Pékin prépare, il devra pouvoir résister suffisamment longtemps à une éventuelle agression chinoise, afin de laisser le temps à Washington de décider d’intervenir et à la flotte américaine comme à l’US Air Force d’atteindre le théâtre d’opérations. Cette logique est explicitement mentionnée par plusieurs responsables politiques taïwanais, qui estiment que l’île doit « tenir seule au moins plusieurs semaines », pour rendre politiquement et stratégiquement possible une décision américaine d’intervention (RUSI).

C’est dans cette perspective que le nouveau gouvernement taïwanais a annoncé son intention d’augmenter son effort de défense à 3,32 % du PIB dès 2026, puis de viser 5 % à l’horizon 2030. Cet objectif répond à une double logique. D’une part, il s’agit de donner des gages à Washington en s’alignant sur l’engagement pris par les Européens de porter leurs dépenses militaires à un niveau plancher de 3 à 5 % du PIB afin de préserver l’assurance de la protection américaine.

D’autre part, il s’agit d’accroître la capacité de résistance de l’île face à une éventuelle agression militaire chinoise, de manière à restaurer le statu quo sécuritaire qui a prévalu depuis 1949, et qui est aujourd’hui directement remis en cause par l’accroissement de la puissance militaire chinoise.

Comme l’a rappelé le Brookings Institute, « la stratégie de dissuasion de Taïwan repose avant tout sur la logique de denial : rendre toute invasion si coûteuse, si longue et si incertaine que Pékin hésitera à franchir le pas ».

L’équipement des armées à renouveler, celui de la réserve à renforcer

Si l’augmentation du budget permettra à Taipei de satisfaire les attentes en matière de commandes d’équipements militaires américains, elle offrira surtout l’occasion de moderniser l’équipement des forces armées taïwanaises, qui souffrent aujourd’hui de deux faiblesses majeures : une obsolescence généralisée de nombreux matériels et une réserve encore mal taillée face à l’ampleur de la menace.

taiwan armée
Après l'OTAN, Taïwan veut amener son effort de défense à 5% PIB 57

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