La nouvelle stratégie spatiale française déplait à Berlin

Si la nouvelle stratégie spatiale, présentée par la ministre des Armées Florence Parly, a été bien accueillie par les autorités militaires et industrielles françaises, on ne peut pas dire que ce fut le cas de l’autre coté du Rhin.

Rappelons que la Ministre à annoncé l’augmentation du budget consacré à l’espace de 700 m€ sur la période 2019-2025, portant l’effort français dans le domaine à 4,3 Md€ sur la période. L’objectif annoncé par Me Parly est de renforcer les capacités de renseignement et de communication des forces françaises, ainsi que de disposer de moyens de détection des menaces et de protection de la constellation de satellites français, par l’usage de systèmes actifs, comme des lasers embarqués, et même des armes à projectile. Par cet effort, la France veut renforcer son autonomie stratégique.

Et c’est bien cela qui créé l’émois à Berlin, la Chancelière allemande étant une fervente adepte de la coopération européenne dans ce domaine, oubliant au passage les entorses que l’Allemagne a elle-même faite aux accords de coopération spatiale franco-allemands. A ce titre, plusieurs autorités allemandes ont été visiblement désagréablement surprises de la prise de distance de Paris avec la vision de Berlin, certains n’hésitant pas à qualifier l’attitude française de « prédatrice ».

Il est vrais que les décisions françaises semblent avoir été prises de manière très unilatérale, rompant avec la tradition de concertation étendue, parfois naïve, qui fut celle du pays durant les 10 dernières années. Elle révèle également le fossé que sépare Paris et Berlin sur les questions stratégiques. La France reste, ainsi, très attachée à son autonomie de décision et d’action en matière de dissuasion nucléaire, alors que l’Allemagne maintien une position très atlantiste, la décision ultime d’utilisation de l’arme nucléaire pour protéger son territoire étant, depuis les années 50, délégué à Washington.

Mais au delà de cette divergence concernant les questions de dissuasion, cette annonce française marque également une certaine prise de distance de Paris avec la stratégie centralisatrice de Berlin en matière de Défense européenne, et représente un des exemples des divergences de plus en plus visibles dans la vision stratégique à moyen terme des deux pays.

Ainsi, les déclarations du Chef d’Etat-major, le Général Lecointre, lors de la conférence des ambassadeurs de cette année, montre que ce dernier, et l’ensemble des autorités nationales, commencent à prendre en considération le bouleversement géostratégique en cours dans le monde, et avec eux, l’augmentation des risques de conflits majeurs. Il est d’ailleurs remarquable de constater que le budget 2020, en cours de préparation, ne semble pas remettre en cause la trajectoire d’augmentation des moyens de Défense définis par la LPM 2019-2025.

Type212 allemagne Allemagne | Alliances militaires | Analyses Défense
Les forces allemandes font face à d’important problèmes de disponibilité de leurs équipements.

En Allemagne, au contraire, le Budget de La Défense est identifié comme la principale variable d’ajustement budgétaire pour absorber les variations de croissance auquel fait face le pays. Non seulement le pays a déjà clairement annoncé qu’il n’atteindrait pas le taux d’effort de Défense de 2% de PIB en 2025 imposé par l’OTAN pour se limiter à 1,5% ( permettant au passage de respecter l’équilibre des dépenses de Défense franco-allemandes en place depuis les années 50), mais désormais, il semble que même cet objectif soit remis en question, le budget étant même appelé à se contracter en 2021.

Il semble donc que les divergences franco-allemandes dépassent celles de la construction de l’effort de Défense, en prenant naissance au niveau de la perception du risque lui même, tout au moins de la communication autour de cette perception. Et cela n’a rien de surprenant. En effet, L’Allemagne est beaucoup plus exposée en cas de tensions avec certaines des menaces identifiées, comme la Russie, auprés de laquelle l’Allemagne achète plus de 35% de son gaz, créant une dépendance stratégique difficile à négocier. En outre, le pays a une très importante communauté russe de plus de 1,2 millions de résidants. Il en va de même avec la Turquie, avec plus de 2,7 millions de résidants turcs dans le pays.

Une chose est certaine, si la France et l’Allemagne ne parviennent pas à trouver une position commune et cohérente avec les menaces sur les questions de Défense, que ce soit pour la protection de l’Europe comme pour la protection de ses intérêts dans le monde, l’initiative d’Europe de La Défense se limitera à quelques coopérations européennes industrielles, et beaucoup de discussion, mais bien peu d’actions concrètes ; au plus grand plaisir des Etats-Unis, de la Chine, ou de la Russie.

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