Lockheed Martin serait il en train de gagner son pari ? En effet, ร l’occasion de la signature de l’accord portant sur la fabrication et livraison des lots 12, 13 et 14, reprรฉsentant 478 appareils des 3 types, la planification tarifaire publiรฉe montre une baisse sensible des prix de vente de l’avion furtif du constructeur amรฉricain, la version standard F35A utilisรฉe par l’US Air Force passant largement sous la barre symbolique des 80 m$ par appareil en condition de vol. La version F35B ร dรฉcollage et atterrissage vertical, employรฉe par l’US marines Corps et la Royal Air Force (entre autres) vient tangenter les 100 m$ avec un tarif de 101 m$ pour le lot 14, alors que la version pour l’US Navy, le F35C, plus lourde et imposante que les deux autres versions, passe quand ร elle sous les 95 m$.
Lockheed Martin montre ainsi que les รฉconomies d’รฉchelle sur des รฉquipements de Dรฉfense hautement technologiques sont non seulement possibles, mais peuvent atteindre des baisses trรจs significatives. Rappelons que le F35A des premiers lots รฉtait vendus plus de 135 m$, prix auquel il fallait ajouter 10 m$ pour le moteur F135. En 5 ans, alors que la production croissait pour atteindre aujourd’hui 120 appareils par an, et se stabiliser d’ici 2 ou 3 ans ans ร 160 unitรฉs par an, le prix du F35A, mais รฉgalement des versions B et C, subirent une rรฉduction trรจs sensible de plus de 40%. Que l’on apprรฉcie ou pas l’appareil de Lockheed-Martin, cette baisse significative ne peut qu’inviter ร considรฉrer les formats de certains programmes avec une approche alternative, intรฉgrant une modรฉlisation prรฉcise du coefficient de productivitรฉ industrielle en fonction de la production industrielle garantie. Et de se demander quel serait l’impact sur le prix unitaire du Rafale, comme sur les exportations potentielles, si l’Hรดtel de Brienne lanรงait une commande de 24 appareils par an pendant 12 ans ร 15 ans…
Cette baisse de prix annoncรฉe par Lockheed Martin ne rรฉsout cependant pas l’ensemble des problรจmes tarifaires autour du F35, toute version confondue. En effet, deux facteurs continus de grever le budget des forces aรฉriennes ayant fait le choix de cet appareil. En premier lieu, la maintenance reste dramatiquement importante comparativement ร celle d’un appareil รฉquivalent, engendrant des couts ramenรฉs ร l’heure de vol dรฉpassant les 35.000 $ selon l’US Air Force, et bien davantage selon le GAO, la cours des comptes amรฉricaines, lร ou elle ne dรฉpasse pas les 10.000 $ pour un F16 ou un Gripen JAS39, et 15.000 $ pour le Rafale ou le Super Hornet, pourtant des appareils bimoteurs. Or, l’US Air Force comme le constructeur peinent ร trouver des pistes efficaces pour diminuer ce prix de revient, qui pourrait amener ร la rรฉduction du format de F35A qu’elle prรฉvoit d’acquรฉrir.
En second lieu, les F35 livrรฉs aujourd’hui, et ceux qui seront livrรฉs dans le lot 12 et 13, ne seront pas livrรฉs dans une version opรฉrationnelle dรฉfinitive, et devront donc, comme tous ceux livrรฉs jusqu’ici, soit prรฉs de 500 appareils, รชtre modernisรฉs ร grand frais pour son utilisateur. Ces couts de modernisation sont ร ce point รฉlevรฉs que l’US Air Force envisage de dรฉdier les 100 premiers exemplaires ร des missions de tests et de formation, plutรดt que de payer ร nouveau 60m$ par appareil pour les amener au standard opรฉrationnel requis.
Reste qu’avec un tarif d’acquisition sous la barre des 80m$, le F35A sera encore plus attractif sur la scรจne internationale qu’il ne l’est dรฉjร , en dรฉpit des points prรฉalablement รฉvoquรฉs. En effet, entre le standard qu’il impose pour l’engagement coopรฉratif avec les forces amรฉricaines, et l’image publique qu’il vรฉhicule, grรขce ร des campagnes de communication vers le grand public savamment orchestrรฉes, le F35 s’avรจre รชtre un choix politique payant, faute d’รชtre un choix parfaitement rationnel du point de vu budgรฉtaire ou opรฉrationnel. Mรชme pour des gouvernements de pays ayant de faibles moyens, comme la Grรจce ou la Roumanie, l’hypothรจse de pouvoir acquรฉrir une flotte de cet appareil suscite un intรฉrรชt marquรฉ, et trรจs peu d’hรฉsitation de la part des gouvernants. Lร encore, que l’on aime ou pas l’appareil, on se doit d’observer l’efficacitรฉ dont ont fait preuve les industriels amรฉricains et le Dรฉpartement d’Etat pour imposer un appareil pourtant loin d’รชtre sans faiblesse ou dรฉfaillance.