La Defence Research and Development Organisation (DRDO), c’est-ร -dire la DGA indienne, laissait รฉchapper le 3 dรฉcembre 2019 que le programme national portant sur le dรฉveloppement d’un systรจme de propulsion indรฉpendante de l’air (Air Independent Propulsion (AIP) ne serait pas prรชt avant 2024. Par voie de consรฉquence, la construction de six sous-marins dans le cadre du programme P75i pourrait enfin dรฉboucher tandis que les sous-marins du programme P75, c’est-ร -dire les Scorpรจne de la classe Kalvari, intรฉgreront les systรจmes AIP dรฉveloppรฉs par le DRDO ร chaque rรฉnovation ร ยซย mi-vieย ยป.
Le programme P75i a รฉtรฉ approuvรฉ en 2007 par le ministรจre indien de la Dรฉfense. Une premiรจre demande d’informations fut รฉmise en 2008, et le conseil d’acquisition de la dรฉfense approuvait le programme en 2010. Une nouvelle demande d’informations fut alors รฉmise sans qu’elle ne dรฉboucha sur l’appel ร propositions prรฉvu pour 2012. En mai 2017, dรฉcision รฉtait prise que le programme P75i relรจverait du chapitre 7 du Defence Procurement Procedure 2016 : les bateaux devront รชtre construits en Inde sous transfert de technologie. Mais la mise en concurrence des chantiers est abandonnรฉe en mars 2018 : Magazon Dock Limited qui construit les Scorpรจne assemblera les bateaux du programme P75i. Une troisiรจme demande d’informations รฉtait lancรฉe en juillet 2017. L’approbation ministรฉrielle du programme expirait en fรฉvrier 2018 et fut renouvelรฉe en janvier 2019. L’enveloppe budgรฉtaire atteindrait entre 5 et 7,5 milliard d’euros.
Il est question d’un sous-marin ร propulsion classique dont l’autonomie doit รชtre prolongรฉe grรขce ร un systรจme de propulsion anaรฉrobies et apte ร lancer des missiles de croisiรจre. Ces bateaux dรฉplaceraient un tonnage 50% plus important que ceux du programme P75 (1700 tonnes), soit un dรฉplacement en plongรฉe de l’ordre des 2500 tonnes. Ils doivent pouvoir รฉvoluer dans les eaux cรดtiรจres (ยซย littoralย ยป et ยซย shallow watersยซย ) et ocรฉaniques (ยซย blue waterยซย ) face ร des oppositions anti-sous-marines et de guerre รฉlectronique denses. Dans cette optique, ils devront รชtre aptes ร soutenir des missions de lutte anti-navire et de chasse aux sous-marins, ร mener des opรฉrations des forces spรฉciales, de reconnaissance et surveillance (ISR), de minage et de frappes ร terre (missiles de croisiรจre naval).
Le cahier des charges du programme P75i prรฉcisent le type et le nombre d’armes emportรฉes :
- 18 torpilles lourdes,
- 12 missiles de croisiรจre naval ร changement de milieu (Submarine-Launched Cruise Missile (SLCM) qui devrait รชtre le Nirbhay,
- un nombre indรฉterminรฉ (ร panacher avec les SLCM ?) de missiles de croisiรจre anti-navire (Anti-Ship Cruise Missile (ASCM) qui devrait รชtre le BrahMos II.
La dรฉcision du 3 dรฉcembre 2019 ne modifie pas substantiellement les plans des constructeurs de sous-marins car le cahier des charges prรฉvoyait les deux alternatives : un systรจme de propulsion anaรฉrobies de facture รฉtrangรจre ou bien celui conรงu sous l’รฉgide du DRDO. Par contre, la dรฉcision permettra peut รชtre d’engager la sรฉlection d’un ou plusieurs soumissionnaires pour la phase finale du programme. Dans cette perspective, autant le dรฉplacement en plongรฉe visรฉe que le nombre d’armes ร embarquer rรฉduit les choix ร seulement trois constructions : le russe Rubin Design Bureau, le franรงais Naval group et le suรฉdois SAAB Kockums. Peu de chances que l’Inde fasse confiance ร la candidature de Navantia aprรจs le camouflรฉ reรงu aux Pays-Bas. Le choix de s’appuyer sur un systรจme anaรฉrobies de facture รฉtrangรจre รฉcarte a priori la candidature russe puisque le systรจme envisagรฉ risque d’รชtre opรฉrationnel aprรจs celui du DRDO.
L’ultime question du programme P75i est la possible intrication de ce programme de sous-marins ร propulsion classique avec le premier programme indien de Sous-marins Nuclรฉaires d’Attaque (SNA ou Ship Submersible Nuclear (SSN) dont le lancement est attendu ร l’orรฉe de 2025. Le programme de Sous-marins Nuclรฉaires Lanceurs d’Engins (SNLE) sont conรงus sous la haute direction du DRDO et mis sur cale au chantier naval public de Visakhapatnam qui est pleinement engagรฉ quant ร la construction des S2 ร S5. Naval group est le seul soumissionnaire du programme P75i ร pouvoir proposer deux sous-marins โ Scorpรจne et Barracuda โ pouvant recevoir une propulsion diesel-รฉlectrique ร l’autonomie รฉtendue par un module AIP ou bien une propulsion navale nuclรฉaire.
Reste que le systรจme de propulsion aรฉrobie conรงu par le DRDO devrait รชtre intรฉgrรฉ ร la coque de l’INS Kalvari en 2024 lors sa premiรจre rรฉnovation ร mi-vie aprรจs seulement six annรฉes de service ร la mer, chantier avancรฉ afin d’offrir un dรฉbouchรฉ ร au programme du DRDO. Ce module AIP รฉtait attendu dรจs 2021 afin de pouvoir rejoindre le cinquiรจme Scorpรจne avant que les retards obligent ร viser la sixiรจme unitรฉ puis le programme suivant.
Toutefois, la dรฉcision de l’agence d’armement indienne de ne pas รฉquiper les sous-marins du programme P75i revient ร dire que ce module AIP n’aura vocation ร ne servir que sur les six bateaux du programme P75 (classe Kalvari). Sur le long terme, cela laisse l’Inde fasse ร deux choix : continuer ร dรฉvelopper la filiรจre AIP dans la perspective d’รฉquiper les sous-marins du P75i avec une nouvelle gรฉnรฉration de module AIP ou entretenir les efforts dans l’optique de faire de l’Inde un constructeur de sous-marins capable d’exporter, ร la maniรจre de la Chine, afin de rรฉpondre aux dรฉfis gรฉostratรฉgiques sur ses deux faรงades maritimes.
En filigrane se pose donc la question de l’avenir de la sous-marinade indienne : tout nuclรฉaire ou un panachage entre sous-marins ร propulsion classique et nuclรฉaire ?