En dépit de la crise liée à la pandémie de Covid-19, l’actualité en 2021 fut souvent marquée par certaines technologies de défense, dans un contexte géopolitique de tensions croissantes et de crises critiques. De l’annulation surprise australienne de la commande des sous-marins à propulsion conventionnelle de facture française pour se tourner vers des sous-marins nucléaires d’attaque américano-britanniques, aux missiles hypersoniques; des drones sous-marins au nouveau système de bombardement orbital fractionné chinois; ces technologies de défense, longtemps passées au second plan de la scène médiatique mondiale, se sont retrouvées à faire l’actualité, et parfois les gros titres durant cette année. Dans cet article en deux parties, nous présenterons les technologies ayant le plus marquées l’année 2021 dans le domaine de la Défense, pour en comprendre les enjeux et les applications.
1- Les Sous-Marins à propulsion nucléaire
L’annulation du contrat australien pour la conception et la fabrication de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle de type Shortfin Barracuda du français Naval Group, fut incontestablement le plus marquant des événements relatifs à la sphère défense en France cette année. Mais le choix de Canberra de se tourner vers des sous-marins à propulsion nucléaire de facture américaine ou britannique fut quant à lui le plus important événement sur la scène mondiale en 2021. En effet, pour la première fois, le tabou résultant d’un accord tacite entre les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, de vendre des sous-marins à propulsion nucléaire à une nation tiers était taillé en brèche par la décision de Joe Biden, Boris Johnson et le premier ministre Australien Scott Morrison. Et avec elle, une porte s’ouvrait sur la scène internationale pour de nombreux pays désireux, eux aussi, de s’équiper de ce type de navire offrant des performances uniques, car disposant d’une source d’énergie très importante et presque illimitée.

Depuis, si le programme australien lui-même est de plus en plus sous le feu des critiques, y compris en Australie, du fait des surcouts et des délais très importants, de toute évidence, non maitrisés à ce jour par le gouvernement australien, plusieurs pays se sont engouffrés dans la brèche ouverte par Joe Biden et ses deux acolytes, en se tournant notamment vers la France, qui dispose de technologies et de savoir-faire très adaptées pour se saisir de ce marché émergent. Reste que l’exemple donné par Canberra dans ce dossier laissera incontestablement des marques, car au delà de la Corée du Sud, de l’Inde ou du Brésil, d’autres pays pourraient chercher eux aussi à ce doter de cette capacité, en se tournant vers des partenaires moins regardants dans ce domaine, créant un emballement qui pourrait sonner le glas des efforts internationaux dans le domaine de la non-prolifération.
On peut dès lors se demander à quel point la décision américaine dans ce dossier avait été murement réfléchie, et si l’ensemble des conséquences incontestablement négatives qui en découleront furent évaluées avant de s’engager dans un tel projet aux dangers multiples, y compris pour l’Australie elle-même qui pourrait bien se voir priver de flotte sous-marine efficace pendant une dizaine d’année avant de recevoir ses premiers sous-marins nucléaires « au delà de 2040 » dans le meilleur des cas, et ce alors que les perspectives de conflits dans le Pacifique s’inscrivirent sur un calendrier bien plus ramassé.
2- Les Missiles Hypersoniques
En 2019, alors qu’il répondait aux questions des parlementaires français, le chef d’état-major de la Marine Nationale, l’Amiral Prazuck, estimait que les annonces concernant les armes anti-navires hypersoniques chinoises et russes ne devaient pas alarmer plus que de raison la représentation nationale. Selon lui, les contraintes liées à ces missiles dépassant la vitesse de Mach 5, notamment dans le domaine thermique et électromagnétique, interdisait l’emploi de systèmes de guidage qui permettraient de frapper des navires à la mer et en deplacement. Seulement 2 années plus tard, aiguillonnée par les avancées majeures venues de Russie avec les missiles 9-S-7760 Kinzhal déjà en service, et 3M22 Tzircon anti-navires qui entreront en service en 2022, la conception de missiles hypersoniques est devenue la priorité de la plupart des grandes armées mondiales, y compris, et surtout, outre atlantique, ou pas moins de 5 programmes sont en cours dans ce domaine concomitamment, avec pour objectif une entrée en service à partir de 2024.

Il faut dire que les missiles hypersoniques, notamment dans le domaine des armes anti-navires, posent de sérieux problèmes aux marines occidentales, puisqu’aucun des systèmes anti-aériens et anti-missiles actuellement en service, ou proche de l’êtrei, ne peuvent espérer intercepter un tel vecteur. En outre, de part cette extraordinaire vitesse qui parfois dépasse les 8000 km/h, soit plus de 2 km à la seconde, les délais entre la détection et l’impact pour espérer mettre en oeuvre une quelconque contre-mesure sont considérablement réduits. D’autre part, les délais de vol étant très courts, les chances de pouvoir échapper à un tir par la manoeuvre ou la vitesse entre le moment de la détection et l’arrivée du missile sont également fortement diminuées. Enfin, au delà de la charge militaire transportée par ces armes, qui peut être parfois nucléaire dans le cas du Kinzhal russe ou du DF-26 chinois, l’énergie cinétique dégagée à l’impact du missile sur sa cible est le plus souvent suffisante pour disloquer la cible, sauf dans le cas de très grands navires comme les porte-avions.

En d’autres termes, avec une portée de plusieurs centaines à plusieurs milliers de kilomètres, les missiles hypersoniques apparaissent, pour un temps au moins, les maitres du champs de bataille aéronaval, ainsi que l’arme de prédilection des frappes préventives. Pour y répondre, les occidentaux ont lancé deux types de programmes. En premier lieu, ils entreprirent de se doter eux-aussi de missiles équivalents, dans une logique de dissuasion réciproque. D’autre part, plusieurs programmes ont été lancés en vue de se doter de capacités d’interception anti-missiles susceptibles de détruire ces menaces en vol avant qu’elles n’atteignent leurs cibles, comme dans le cas du programme TWISTER européen. Reste que, pour au moins quelques années, Moscou et Pékin disposeront à compter de 2022, de la capacité de repousser les forces navales occidentales au delà d’un périmètre élargi, sans que celles-ci n’aient capacité à s’en préserver. Il s’agit, sans le moindre doute, d’un avantage tactique majeur concédé par les occidentaux à leurs deux grands rivaux géopolitiques, qui risque fort d’avoir des conséquences importantes dans les années à venir.
3- La competition F-35 vs Rafale
Depuis une dizaine d’années, les compétitions dans le domaine des avions de combat au sein de la sphère occidentale élargie, se résumaient à un plébiscite du F-35 de Lockheed-Martin, les autres concurrents, qu’il s’agisse du Boeing Super Hornet, du Gripen suédois, de l’Eurofighter Typhoon et du Rafale français, étant en règle générale condamnées à se saisir des quelques miettes laissées par l’entreprise américaine, et le departement d’Etat américain. Cette année vit toutefois les événements évoluer d’une toute autre manière. En effet, pour la première fois, les prises de commande à l’exportation du Rafale de Dassault Aviation ont dépassé, avec 146 appareils en 5 contrats, celles du F-35 américain qui n’en totalise que 100 sur deux contrats. Il est vrai que, dans les deux cas du succès du F-35 en Suisse et en Finlande, l’appareil américain s’est imposé face au Rafale et aux 3 autres concurrents, alors que les contrats Rafale ont tous été signés lors d’accord directs entre Etats. Mais il n’empêche que cette année, et pour la première fois depuis bien longtemps, ce n’est pas le F-35 qui s’impose dans le palmarès des exportations d’avions de combat sur la planète.
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