mardi, mars 19, 2024

F-35A, Su-75, FC-31.. : quel chasseur remplacera les F-16 des Emirats Arabes Unis ?


En septembre 2020, sur fond d’accord historique entre les Emirats Arabes Unis et Israël, le président américain, Donald Trump, annonçait l’acquisition par Abu Dabi de drones Reaper, mais également d’avions de guerre électronique EA-18G Growler et surtout de 50 chasseurs de nouvelle génération F-35A, une première au Moyen-Orient. En dépit du montant pharaonique de 23 Md$ que représentait cette commande, le Congrès se montra plus que circonspect à ce sujet. Et malgré les efforts du président Trump qui, jusqu’au dernier jour de son mandat, tenta de forcer la main des parlementaires US pour avaliser la commande, celle-ci fut immédiatement suspendue par Joe Biden à peine fut-il arrivé à la Maison Blanche. Pour la nouvelle administration US, les choix émiriens, notamment en terme de déploiement du réseau 5G attribué au chinois Huawei, posaient de réels problèmes, alors que le F-35 comme le Reaper et le Growler, étaient jusque là réservés aux alliés les plus proches de Washington, membres de l’OTAN ou d’une alliance stricte bilatérale (Singapour, Japon, Australie et Corée du Sud).

Face aux atermoiements de la Maison Blanche et du Congrès US, les autorités émiliennes perdirent patience, et annoncèrent, en décembre 2021, la commande de 80 chasseurs Rafale français auprès de Dassault Aviation pour 16 Md€. Cependant, les Rafale F4 qui seront livrés aux EAU, seront destinés à remplacer les 59 Mirage 2000 commandés entre 1983 et 1997, et livrés jusqu’à la fin des années 2000. Les F-35A, eux, devaient remplacer les quelques 78 F-16 C/D Block 61 commandés en 1998 et livrés à partir de 2004. Toutefois, quelques jours après l’officialisation de la commande à la France, Abu Dabi annonça la suspension des négociations avec Washington autour du super contrat comprenant les F-35, probablement excédés par les hésitations américaines. Depuis, deux autres acteurs se dont engouffrés dans cette opportunité, le russe Rostec avec son nouveau chasseur monomoteur Su-75 Checkmate, et le chinois Shenyang avec le FC-31 Gyrfalcon, qui sert de base au développement au futur « J-35 » (désignation non officielle) qui équipera les nouveaux porte-avions de l’Armée Populaire de Libération.

F 16e block60 EAU e1677162171387 Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Les forces aériennes émiliennes alignent aujourd’hui 78 F-16 Block 61, qui est l’une des plus évolués en service, ne cédant qu’aux F-16 Block 70/72 en terme de modernité. Soyons franc, il est peut-être performant, mais il est surtout super moche …

Il faut dire qu’avec la commande de Rafale, mais également l’accélération de la recomposition géopolitique mondiale, Abu Dabi est aujourd’hui en position de force dans ses négociations. Non seulement l’Emirat a le temps de négocier au mieux de ses intérêts pendant encore plusieurs années sans devoir engager ses capacités défensives, mais il joue, désormais, un rôle politique et économique critique au Moyen-Orient et au delà, conférant à ce futur contrat une dimension géopolitique dépassant largement le seul cadre de la puissance aérienne. Et comme nous le verrons, chaque appareil, avec les contraintes et opportunités politiques, industrielles et technologiques lui étant liés, peut se prévaloir de points forts déterminants, et de points faibles significatifs.

Lockheed-Martin F-35A Lightning II

Selon les déclarations du Principal Deputy Assistant Secretary for the Bureau of Political-Military Affairs américain, Stanley Brown, en marge du salon IDEX 2023, les discussions entre les autorités américaines et émiriennes n’ont jamais cessé depuis la suspension des négociations autour du F-35 et du Reaper (le Growler ayant disparu du spectre). Toutefois, il estime également, comme le terme « discussion » et non « négociation » l’indique, qu’une telle hypothèse prendrait de plusieurs années à se concrétiser. En d’autres termes, si le F-35A demeure dans la course aux EAU, il n’est désormais plus ni le seul compétiteur, ni même nécessairement en tête de la compétition. Pourtant, l’avion de Lockheed-Martin a de nombreux atouts à faire valoir face à ses concurrents russes et chinois, en premier lieu desquels son parc installé et à venir, qui dépassera probablement les 3500 appareils d’ici au milieu de la prochaine décennie. En outre, le chasseur représentera la colonne vertébrale de l’US Air Force et du Marines Corps, ainsi que d’une majorité de forces aériennes occidentales, ce qui est une excellente garantie de pérennité et d’évolutivité. Enfin, l’appareil peut s’appuyer sur certaines caractéristiques très avancées, comme en terme de furtivité et de fusion de données, ainsi que sur un vaste panel de munitions de différents types, en faisant un appareil très polyvalent, parfaitement taillé, par exemple; pour éliminer la menace sol-air iranienne au besoin.

F 35A USAF vol couverture USAF Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire
Le F-35A a de nombreux atouts à faire valoir. Mais les contraintes opérationnelles et politiques qui l’accompagnent peuvent dissuader Abu Dabi.

Pour autant, le Lightning 2 vient également avec son lot de contraintes, la première ayant déjà été expérimentée par Abu Dabi, à savoir l’omniprésence permanente des Etats-Unis dans tous les processus liés à l’utilisation de l’appareil, y compris les plus simples, comme le fait de prendre l’air. Dit autrement, acheter le F-35, c’est également donner un pouvoir considérable à Washington dans le contrôle des opérations militaires aériennes du pays, sauf à obtenir une très improbable dérogation accordée à ce jour uniquement à Jerusalem. Cela ne pose guère de problème pour la plupart des pays de l’OTAN et les alliés de premier rang de la zone Pacifique US, mais cela peut être un critère déterminant pour Abu Dabi, qui ambitionne de jouer un rôle plus important et plus autonome dans les années à venir sur l’échiquier international. D’autre part, l’appareil est à la fois cher, si pas à l’acquisition, en tout cas à la mise en oeuvre et maintenance, et complexe, avec des taux de disponibilité encore faibles en comparaison des appareils qu’il remplace. Enfin, les compensations industrielles et technologiques autour d’une potentielle acquisition de F-35A américains seront limitées, ou tout au moins probablement très inférieures à celles proposées par Moscou et Pékin, alors que les Emirats souhaitent activement developper leur propre base industrielle et technologique défense.

Rostec Su-75 Checkmate


LOGO meta defense 70 Analyses Défense | Aviation de chasse | Construction aéronautique militaire

Le reste de cet article est réservé aux abonnés

Les abonnements Classiques donnent accès à tous les articles sans publicité, à partir de 1,99 €.


Pour recevoir la Newsletter Meta-defense

- Publicité -

Pour Aller plus loin

1 COMMENTAIRE

Les commentaires sont fermés.

RESEAUX SOCIAUX

Derniers Articles

Meta-Défense

GRATUIT
VOIR