Pyongyang a annoncé le lancement d'un nouveau sous-marin nucléaire nord-coréen, photos à l'appui. À l'instar du char M2020, de sa torpille nucléaire baptisée Tsunami, ou du satellite d'observation militaire, ce sous-marin n'est pas plus nucléaire qu'il n'est nouveau. Son armement, en revanche, c'est une autre histoire...
Le 7 septembre, les autorités nord-coréennes, au travers de l'agence de presse d'état KNCA, ont annoncé le lancement d'un nouveau submersible présenté comme un « sous-marin nucléaire tactique d'attaque ».
Si, comme c'est souvent le cas, Pyongyang a largement galvaudé et exagéré, dans sa présentation, les capacités du nouveau navire, il n'en demeure pas moins vrai qu'il représente une nouvelle menace bien réelle, avec laquelle la Corée du Sud et le Japon, ainsi que les forces américaines qui y stationnent, vont devoir composer.
Découvrez le sous-marin nucléaire nord-coréen Hero Kim Gun-ok...
« Hero Kim Gun-ok ». C'est ainsi qu'a été baptisé le nouveau sous-marin nord-coréen, dont le lancement a été annoncé ce 7 septembre par l'agence de presse KNCA. Le lancement, dont le protocole et certaines procédures ont été directement inspirées de ceux employés en occident pour lancer les sous-marins sensibles comme les SNA et SNLE, a donné lieu une diffusion publique de nombreux clichés, chose suffisamment rare pour saisir la portée de l'événement.
En effet, le Hero Kim Gun-ok n'est pas un simple sous-marin. Selon Pyongyang, il s'agirait d'un « sous-marin nucléaire tactique d'attaque », tel qu'il a été référencé par la nomenclature nord-coréenne. Les clichés diffusés montrent qu'effectivement, le navire arbore une excroissance dorsale à l'arrière du kiosque, abritant dix portes de silo de lancement vertical de missile.
Comme c'est désormais la norme, la présentation nord-coréenne est conçue pour fourvoyer l'observateur. En effet, le Hero Kim Gun-ok n'est en rien un sous-marin nucléaire, comme ceux en service en Chine, aux Etats-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Russie. Le navire s'appuie sur une propulsion conventionnelle diesel-électrique, et non sur un réacteur nucléaire.
De fait, il n'aura pas l'autonomie en plongée des sous-marins nucléaires, qui est potentiellement illimitée, même si, dans les faits, celle-ci est limitée par l'accès à la nourriture et la santé psychologique de l'équipage, de 2 à 3 mois. Il n'aura pas davantage des performances comparables, les SNA et SNLE pouvant maintenir une vitesse très élevée pendant toute la durée de la plongée, n'étant pas restreints par la charge des batteries.
Qui est en fait dérivé de la classe Romeo des années 50
Le Hero Kim Gun-ok, lui, est un modèle dérivé de la famille de sous-marin du projet soviétique 633, désignée par l'OTAN sous le nom de classe Romeo. Entrés en service à partir de 1957, ces sous-marins diesel électrique océaniques visaient à remplacer les Zulu conçus à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sur la base des 4 Type XXI allemands saisis par les forces soviétiques.
À ce titre, les Romeo, produits à plus de 135 exemplaires de 1957 à 1961 en Union Soviétique, empruntaient, eux aussi, de nombreuses avancées au Type XXI allemand, comme c'était le cas des Zulu (26 exemplaires) et des Whiskey (235 unités, record historique pour une classe de sous-marin) avant eux.
De fait, le nouveau sous-marin nord-coréen n'a pas grand-chose de nouveau, et surtout pas sa propulsion, pas davantage que ses performances nautiques ou acoustiques, qui demeureront très certainement à un niveau proche de celles des Romeo des années 50 et 60.
Détail cocasse, le floutage des hélices constaté sur les clichés publiés. Cette procédure est souvent employée lors du lancement de sous-marins modernes, et notamment des sous-marins nucléaires pour qui la forme des hélices donnent beaucoup d'informations. Elle ne sert ici, en revanche, qu'à entretenir le mythe, et non à protéger une quelconque information sensible.
Alors, le sous-marin nucléaire tactique d'attaque Héro Kim Gun-ok, va-t-il rejoindre le char de nouvelle génération M2020 ou encore le chasseur furtif Qaher-313 au firmament des fake militaires ? Oui… Et non !
En effet, si le nouveau sous-marin nord-coréen n'a rien de révolutionnaire, même à l'échelle de la Corée du Nord, ce n'est certainement pas le cas de son armement, et surtout de celui que les dix silos de lancement vertical en arrière du kiosque, permettront de mettre en œuvre.
10 silos de lancement pour missiles balistiques SLBM et missiles de croisière
Faute de référentiel visuel, il est difficile aujourd'hui d'évaluer les dimensions exactes de ces silos, et particulièrement le diamètre probable des missiles qu'ils contiennent. Toutefois, selon le spécialiste H.I Sutton, il semblerait que ceux-ci soient divisés en deux catégories. Les quatre premiers (les plus proches du kiosque) apparaissent plus imposants pour recevoir des missiles balistiques SLBM, les six silos restants, plus petits, pour accueillir des missiles de croisière.
La Corée du Nord avait déjà, dès 2021, fait la démonstration qu'elle maîtrisait les technologies pour concevoir et mettre en œuvre ces deux types de missiles à changement de milieux, pouvant par ailleurs accueillir une tête nucléaire.
Ainsi, bien qu'obsolète dans sa conception, le Hero Kim Gun-ok, une fois en service, sera tout sauf quantité négligeable pour les forces armées sud-coréennes, américaines et japonaises. Rappelons effet, qu'un sous-marin diesel-électrique, fut-il un Romeo des années 50, s'avère discret une fois en plongée sur batterie.
Il sera donc difficile à localiser et à détruire par les forces sous-marines et anti-sous-marines adverses, le cas échéant, sachant que la lutte anti-sous-marine est une activité excessivement chronophage. Dans le même temps, il ne lui faudra que quelques minutes pour qu'il lance ses missiles vers les villes sud-coréennes et nippones.
À lui seul, le Hero Kim Gun-ok peut neutraliser la doctrine 3 axes sud-coréenne
Dans le cas spécifiquement coréen, le nouveau sous-marin de Pyongyang s'avère ainsi une réponse, probablement efficace, à la doctrine « 3 axes » mise en œuvre par Séoul et ses armées depuis deux ans, pour contenir la menace nucléaire de son voisin.
Celle-ci s'appuie sur 3 actions militaires successives destinées à empêcher Pyongyang d'employer ses armes nucléaires contre la Corée du Sud, d'abord au travers de frappes de missiles préventives visant l'ensemble des positions abritant des vecteurs nucléaires nord-coréens formant le 1ᵉʳ axe. Celui-ci est suivi de la destruction en vol des derniers vecteurs restants lancés par l'adversaire (2ᵉ axe), et enfin la destruction de tous les sites stratégiques et de commandement nord-coréens par des frappes d'aviation et de missiles (3ᵉ axe).
Cette doctrine, séduisante au demeurant, trouve son efficacité probable dans l'immense avance technologique des forces armées sud-coréennes sur celles du nord. Elles disposent, par ailleurs, d'équipement en nombre suffisant pour garantir la fulgurance des destructions et créer, ainsi, la sidération nécessaire à l'enchaînement, et au succès, des trois axes.
L'arrivée du Hero Kim Gun-ok, à elle seule, suffit cependant à mettre à mal l'ensemble de cette doctrine, sauf à avoir en permanence l'assurance de pouvoir détruire le navire lors des frappes préventives du premier axe. Le sous-marin, comme les SNLE du reste, s'avère, en effet, d'avantage une arme de seconde frappe, qu'un système offensif destiné aux frappes de première intention, et sera sans le moindre doute employé comme tel par Pyongyang.
Dit autrement, en dépit de la débauche de moyens et d'ambitions technologiques engagée en Corée du Sud, depuis quelques années, pour tenter de neutraliser la menace nucléaire nord-coréenne par une capacité militaire conventionnelle, l'arrivée d'un unique « sous-marin (pas) nucléaire (pas vraiment) tactique (et plutôt de riposte que) d'attaque », semble bien devoir suffire à neutraliser l'ensemble des efforts de Séoul ces dernières années dans ce domaine.
On le voit, le Hero Kim Gun-ok est un Fake. Mais cela ne veut pas dire qu'il sera inefficace ou inutile. Bien au contraire…
Article du 8 septembre en version intégrale jusqu'au 7 octobre 2030