Le Kremlin met la Russie sur le Pied de Guerre face à l’Occident

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Ces derniers jours, les déclarations se sont succédé en Russie, pour présenter la trajectoire que Vladimir Poutine entend donner au pays, face à l’Ukraine, et face à l’Europe. Que ce fut, ou non, provoqué par les annonces faites par le Président français, le président russe nouvellement réélu a dorénavant abattu ses cartes, quant à ses ambitions, et aux moyens dont il entend se doter, pour y parvenir.

Ainsi, avec la constitution de deux nouveaux corps armées combinées en zone ouest, face à l’Europe, l’augmentation des moyens industriels pour livrer encore davantage d’armement et de munitions aux forces, ou encore la requalification de l’Opération spéciale militaire en Ukraine, en guerre, ouvrant la voie à une nouvelle mobilisation, tout indique que la Russie est maintenant sur le pied de guerre, visant, au-delà de l’Ukraine, l’Europe elle-même.

La Russie s’apprête à s’engager davantage en Ukraine, et face à l’Europe.

« Nous sommes en guerre. Oui, cela a commencé comme une opération militaire spéciale, mais dès que cette société a été formée là-bas, lorsque l’Occident collectif y est devenu un participant du côté de l’Ukraine, c’est déjà devenu une guerre pour nous. J’en suis convaincu. Et tout le monde devrait comprendre cela, pour sa mobilisation interne « .

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Russie Dmitry Peskov
Le porte-parole du Kremlin, Smitry Peskov, a requalifié dans une interview, l’Opération spéciale Militaire en Ukraine, en guerre.

C’est ainsi que s’est exprimé le porte-parole du Kremlin, Dimtry Peskov, interrogé par le site d’information russe Arguments et Faits. Rappelons qu’il y a peu encore, le simple fait de faire référence à l’opération spéciale militaire russe, avec le terme de « guerre », était répréhensible dans le droit russe, et punit d’une peine de prison pouvant atteindre 15 ans, pour les journalistes et personnes publiques.

De fait, ce changement, dans les mots de Peskov, est tout sauf anecdotique. Non seulement désigne-t-il la Guerre en Ukraine, comme une guerre, ce qui ouvre la voie, par exemple, à la mobilisation de réservistes supplémentaires, mais il étend la notion d’ennemie à « l’Occident collectif », c’est-à-dire l’ensemble des pays du bloc occidental apportant une assistance militaire à Kyiv.

Sans entrainer directement l’ouverture des hostilités avec des pays européens, cette déclaration prépare l’opinion russe pour que le Kremlin et son président, nouvellement réélu, accélèrent la transformation du pays, au sein des institutions, tout en faisant porter la responsabilité de cette évolution, au soutien apporté par ces mêmes occidentaux à l’Ukraine.

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Vers une transformation rapide et massive des Armées russes pour prendre de vitesse l’OTAN

La déclaration du porte-parole du Kremlin, intervient au lendemain de l’annonce, par Sergueï Choïgou, de la création d’une trentaine de nouvelles unités majeures, 14 divisions et 16 brigades, ainsi que de deux Corps d’armées pour les intégrer, positionnés dans le district militaire Zapad (ouest), ainsi que dans les deux nouveaux districts militaires, celui de Leningrad, et celui de Moscou.

T-80BVM Russie Zapad 2017
T-80BVM et terminator russes durant l’exercice Zapad 2017

Ces deux corps d’armées combinées pourraient permettre aux forces russes de créer un rapport de force insoutenable en Ukraine, mais aussi, de venir menacer directement certains pays occidentaux, comme les Pays Baltes ou la Finlande.

Si la création de ces unités avait été annoncée dès 2021, sa mise en œuvre, sur la seule année 2024, comme annoncé par le ministre de la Défense russe, va nécessiter une augmentation considérable des moyens des forces armées russes.

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Ainsi, celles-ci vont devoir augmenter leurs effectifs de 200 000 à 250 000 hommes, ce qui suppose le recrutement, sur 2024, de plus de 350 000 hommes, soit presque 25 % des effectifs militaires russes aujourd’hui, en tenant compte de l’attrition des forces engagées en Ukraine à renouveler.

Ce d’autant que Dmitry Peskov a préparé le terrain à ce sujet, dans cette même intervention, appelant la population à prendre conscience que le territoire russe était dorénavant menacé, faisant référence aux frappes ukrainiennes sur Belgorod de cette semaine.

Bien évidemment, une telle augmentation ne peut être envisagée sans un recours à une nouvelle mobilisation massive de réservistes, d’autant que donner, à l’intervention en Ukraine, le statut de guerre, simplifiera leur déploiement, peut-être aussi celui des conscrits, dans cette zone de combat.

Un effort sans précédent pour l’industrie de défense russe depuis l’effondrement du bloc soviétique

À cet effort pour redimensionner les Armées, s’ajoute un effort tout aussi considérable, de la part de Moscou, pour accroitre la production de son industrie de défense. Il s’agit, pour le Kremlin, de parvenir, simultanément, à remplacer les pertes subies en Ukraine, à accroitre les moyens disponibles sur ce théâtre, et à équiper les 30 unités qui seront créées ou transformées sur l’année.

Uralvagonzavod
Usine Uralvagonzavod

Une grande partie de cet effort a été produit en 2023, avec la transformation et l’extension de cette industrie de défense, ayant engendré le recrutement de près d’un demi-million de salariés supplémentaires depuis le début du conflit. Dans le même temps, une grande partie des dirigeants occidentaux refusait de voir objectivement cette transformation.

Ceci aurait permis de considérablement augmenter les capacités de production de cette industrie, vis-à-vis de son niveau de production avant la guerre. Ainsi, en visite à Nijni-Novgorod, le ministre de la Défense russe a déclaré que les entreprises de defense de cet Oblast, avaient multiplié leurs productions de 2,5 depuis 2021.

Précédemment, il avait été évoqué, par le ministère de la Défense russe, et par le porte-parole du Kremlin, que la production de blindés, de missiles, d’obus et de nombreux autres équipements militaires, par l’industrie russe, avait été multipliée par 3, parfois par 5, sur la même période.

Ainsi, le ministère de la Défense russe avait indiqué que 1 500 chars avaient été livrés par l’industrie russe en 2023. Ce nombre, jugé crédible par les services de renseignement européens, comprend une grande partie de chars anciens rapidement modernisés, issus de réserves qui tendent à s’épuiser à moyen terme.

Uralvagonzavod
Construction de chars neufs en Russie

Toutefois, il ne représente pas le niveau de production atteint par l’industrie de défense russe en fin d’année, donc disponible en 2024, après que les efforts de modernisation ont été produits, mais une progression sur l’ensemble de l’année.

En d’autres termes, si, sur les 1 500 chars annoncés livrés aux armées russes en 2023, seuls 400 ou 500 étaient effectivement des T-90M ou des T-72B3M neufs, la production en 2024 de ce type de blindés, pourrait atteindre 600 ou 700 unités neuves, ce qui demeure considérable, même si le nombre de blindés reconditionnés, venait à diminuer.

Dans le même temps, la production d’avions de combat et de sous-marins ne semblent pas pâtir de la concentration des moyens industriels vers la production d’armement destinés au combat de mêlée, à l’artillerie et aux frappes à longue portée.

La transformation de l’économie russe pour soutenir une guerre de haute intensité de longue durée

Pour financer l’augmentation du format des Armées, d’une part, et la transformation et l’augmentation des capacités industrielles de défense, de l’autre, la Russie consacrera à ses armées, en 2024, plus de 10 % de son PIB, et 40 % de son budget fédéral.

Deux thèses s’opposent, quant à la soutenabilité, dans la durée, de cet effort. Pour les plus optimistes, Moscou a dû profondément piocher dans ses réserves budgétaires depuis le début du conflit, pour soutenir cet effort.

Ainsi, Moscou a été contraint, en 2023, de couvrir un déficit de presque 4,5 trillions de Roubles de déficits, soit 45 Md$, soit presque autant que les 55 Md$ du Fonds de secours alimenté par les recettes énergétiques, disponibles avant-guerre.

char russe detruit en ukraine
Char russe detruit en Ukraine.

Selon cette analyse, donc, la Russie pourrait être, dans un avenir proche, dans l’incapacité de soutenir son effort de défense, une fois ces réserves budgétaires asséchées, l’obligeant ainsi à réduire sensiblement ses investissements dans ce domaine, faute à risquer la banqueroute.

Les plus pessimistes, eux, estiment que les transformations, engagées depuis plusieurs années, de l’économie, auraient permis au pays de rapidement rebondir après les sanctions occidentales, comme le montre la croissance de son PIB en 2023 de 2,3 %.

En outre, le budget fédéral prévisionnel, pour 2024, ne prévoit qu’un déficit limité de 1,5% du PIB du pays, bien loin du seuil des 3 % qui pose un problème à tant de pays européens aujourd’hui, d’autant que le pays est très peu endetté, et qu’il peut se tourner vers les marchés chinois, indiens ou brésiliens des BRICS, pour se refinancer, ainsi que sur l’épargne des russes, notamment des plus riches.

Ce faisant, la Russie présenterait des données macroéconomiques solides, alors même qu’il est déjà pleinement engagé dans un conflit majeur de très haute intensité depuis deux ans. Il pourrait donc soutenir cet effort, contre l’Ukraine, ou contre d’autres, pendant plusieurs années, sans mettre en péril ses équilibres sociaux.

S’il est difficile de trancher entre ces deux hypothèses, sans une étude longue et approfondie de la transformation économique russe, force est de constater que Moscou considère, et agit, comme si cet effort était parfaitement soutenable, tant les transformations économiques et industrielles sont importantes et vont en ce sens.

Des institutions russes renforcées et une opinion publique sous contrôle étroit

Enfin, les récentes élections russes, ont démontré que le Kremlin, épaulé du FSB et des Armées, ont désormais un contrôle presque absolu du pays, et de sa population. Ainsi, en dépit d’évidentes fraudes massives lors de ces élections qui, en l’absence d’opposants, n’en étaient pas, aucun mouvement de contestation significatif n’a émergé dans le pays.

Elections russes
Résultats officiels des élections présidentielles russes

De plus, les annonces qui se multiplient depuis ces élections, ci l’augmentation du format des Armées, là la désignation de Guerre concernant le conflit en Ukraine, et les conséquences que ces annonces engendrent, concernant une très probable nouvelle mobilisation, démontrent la confiance de Vladimir Poutine quant à sa main mise sur l’ensemble des rouages du pays et de ses institutions, plus fortes et centralisées que jamais, sans jamais craindre la contestation.

La période 2027-2030 sera-t-elle celle de tous les dangers en Europe ?

Les projections qu’entrainent les récentes déclarations de l’exécutif russe, ainsi que l’analyse des fondements militaires, industriels, économiques et sociaux, qui les sous-tendent, n’appellent guère à l’optimisme.

En effet, tout indique que les armées russes sont engagées dans une phase de transformation rapide, alors que le pays, lui, se structure pour soutenir économiquement, industriellement, budgétairement et humainement, cette transformation dans la durée.

Il est très probable qu’initialement, au moins jusqu’à l’automne 2024, les moyens seront concentrés vers l’Ukraine, avec pour objectif de créer un rapport de force positif suffisant pour provoquer l’effondrement du dispositif défensif du pays.

Leclerc Armée de terre
Les Européens ont quelques mois pour réagir, pour être au rendez-vous de 2026

Au-delà, et pendant l’année 2025, les armées russes se doteront de capacités supplémentaires de manœuvre, susceptibles de représenter, à partir de mi-2026, une capacité d’intervention contre les pays européens très significatives, de 200 000 à 300 000 hommes, soit autant que le dispositif initialement déployé pour l’offensive en Ukraine. Elle pourrait également représenter une force de relève en Ukraine, si la guerre venait à durer, en particulier si les Européens y déployaient des moyens militaires défensifs.

Enfin, si la guerre en Ukraine venait à prendre fin, avec une victoire russe, selon les ambitions russes, Moscou disposerait, après une à deux années de régénération, d’une capacité de manœuvre de plus de 600 000 hommes, en zone Zapad, représentant une menace considérable contre les européens.

De fait, à partir du milieu de l’année 2026, plus probablement de 2027 et après, les Armées russes disposeront très certainement d’une puissance militaire considérable, conçue pour être en mesure de soutenir un engagement majeur dans la durée. Et ce sont les européens qui sont désignés, sans la moindre ambiguïté désormais, comme l’adversaire de la Russie.

Conclusion

Par ces annonces successives venues de Russie, depuis quelques jours, le Kremlin agit désormais de manière parfaitement claire et visible. Sans le moindre doute, Moscou se prépare, à marche forcée, à un conflit majeur en Europe, d’abord pour vaincre l’Ukraine, puis contre l’OTAN, par l’action militaire directe ou, plus probablement, par la menace, en exhibant un rapport de force trop déséquilibré.

Deux alternatives s’offrent donc aux européens, sachant que 2027 est aussi la date avancée par les analystes américains, concernant le début du pic de tensions avec la Chine dans le Pacifique, obligeant les armées américaines à concentrer leurs moyens sur ce théâtre.

Sommet Européen de Bruxelles
Sommet Européen de Bruxelles

La première serait de renforcer, très rapidement, les armées européennes et ukrainiennes, en libérant les ressources budgétaires nécessaires, et en mobilisant les moyens industriels, économiques et sociétaux, pour transformer rapidement les armées européennes, ce dans tous les domaines, y compris en matière de dissuasion.

Ce faisant, les Européens, ou tout au moins une partie d’entre eux, viseraient alors pleinement le pat stratégique, pour s’engager dans une nouvelle guerre froide, avec les risques et niveaux d’investissements de défense, que ce statut engendre.

La seconde consisterait à rester dans la trajectoire actuelle, en pariant sur l’impossibilité, pour le pouvoir politique russe, de soutenir, dans la durée, un tel effort, en attendant qu’un événement intérieur vienne provoquer l’effondrement du régime. Cette position requiert cependant de s’en remettre pleinement à la dissuasion, qu’elle soit française et britannique ou partagée dans le cadre de l’OTAN.

Quoi qu’il en soit, les dirigeants européens doivent savoir, désormais, qu’ils ne pourront plus plaider la surprise, si la situation venait à encore se détériorer dans les mois et années à venir, et que les européens se retrouvent sans moyens pour la contenir.

Article du 22 mars en version intégrale jusqu’au 28 avril 2024

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5 Commentaires

  1. et voila vous recommencez a relayer la propagande russe
    pour info, les Anglais qui sont toujours tres bien informés en terme d’espionnage estiment a 300 la livraison des blindées pour 2023 ……………on est loin des 1500 annoncé par les Russes

  2. le bloc Russie-Chine s’arme à vitesse grand V depuis plus de 10 ans à présent et nos cher courageux dirigeants européens regarde de manière apathique « ah oui, mais non c’est sans danger, mais ce n’est pas bien…. jamais ils n’oseront », concernant la détermination de ces mêmes, le fameux plan des 1 millions de munitions, dont l’Europe à a peine été capable d’en honorer la moitié… les faits, rien que les faits, « les dividendes de la paix » nous avons depuis 30 ans une génération de politiques (dignes héritiers des Daladier et Chamberlain) n’ayant absolument pas été en mesure de se remettre en question tant sur le plan économique (budgets établis comme si nous étions encore du temps des 30 glorieuses question croissance et revenus) que géopolitiques. Biden durant tout janvier 2022 lors des diffusions des informations du risque imminent d’attaque ou la veille de l’attaque aurait annoncé l’envoi de troupes Américaines et de l’OTAN avec un accord de défense de KIEV, jamais Poutine (alias StaPoutler) n’aurait attaqué, au lieu de cela la veille Biden annonce « jamais un soldat américain n’ira mourir en Ukraine », résultat pour poutine = feu vert et il ne s’est pas laissé prier pour le faire, le lendemain il y allait gaiement. les politiques depuis 2014 ont très bien vu l’évolution, le pire c’est les cassandres des Pays Baltes crient sur tous les toits depuis 2004, le menace de poutine. malgré cela et les 2 ans de guerre nos politiques semblent tomber des nues, il y a des paroles, mais pas d’action concrète, comme le souligne bien souvent Difesa online, nous regardons et nous ne serons pas prêt le jour J, juste constater la déferlante en regardant et disant « je ne comprend pas comment cela à pu se produire » effectivement comme vous l’avez dit « qu’ils ne pourront plus plaider la surprise, si la situation venait à encore se détériorer dans les mois et années à venir, et que les européens se retrouvent sans moyens pour la contenir » malheureusement c’est ce qui profile… aucun Homme d’Etat d’envergure étant actuellement au pouvoir dans tout l’Occident…. pour finir merci pour ce site et vos posts (si parfois un peu trop chauvin), étant binational je retiens que la coopération de l’industrie de défense est aujourd’hui nécessaire et vitale et surtout que l’on se décide à lui donner les moyens pour notre défense au lieu d’afficher nos divisions (dont poutine, Xi et même les américains se délectent) sans quoi nous reviendrons 30 ans en arrière au mieux ou nos enfants parlerons russe au pire.

  3. Bonjour Fabrice,

    Il est vrai que l’avenir n’est pas radieux.
    Nos dirigeants commencent un réarmement mais il est clairement insuffisant. Néanmoins, pensez vous que 600 000 hommes seraient suffisants pour battre l’OTAN qui même sans les États Unis reste selon moi une alliance sur le papier assez solide. Quant aux chars Russes et les chars de manière général leur nombre est il si vital qu’en 40 par exemple au vu des développement des drones ?

    Avez vous entendu également parlé d’un éventuel rehaussement du budget militaire en France ?

    • Bonjour Jordan
      Le problème avec l’OTAN, c’est que l’on a tendance à additionner les capacités de l’ensemble des pays, pour imaginer sa puissance militaire globale. Or, c’est un leurre. Par exemple, jamais la France n’engagera hors de ses frontières plus d’une division, et de 60/70 avions de combat, soit moins de la moitié de ses forces de mélée. Idem pour tous les pays, sauf les frontaliers.
      Donc, oui, 600 000 hommes, ce serait un gros problème. Par pour arriver à Bilbao, mais pour prendre les pays baltes, certainement.
      Pas d’information concernant le rehaussement des budgets militaires français à ce jour.

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