vendredi, septembre 5, 2025

SSN-AUKUS : L’Australie va-t-elle construire des Virginia pour sortir de l’impasse de 2034 ?

Il existe, en France, une certaine délectation lorsqu’il s’agit d’observer le programme SSN-AUKUS, qui doit permettre de doter la Royal Australian Navy de sous-marins nucléaires d’attaque américains et britanniques, s’enfoncer progressivement dans une ornière qui semble inexpugnable, eu égard à la manière dont Scott Morrison, le Premier ministre australien, avait mené ses négociations secrètes avec Boris Johnson et Joe Biden, sans jamais en informer Paris, avec qui l’Australie avait une relation contractuelle stratégique.

En effet, le vieillissement des sous-marins australiens de la classe Collins, plus avancé qu’envisagé, les difficultés rencontrées par l’industrie navale américaine pour augmenter ses cadences de production au niveau requis pour autoriser la vente de Virginia à l’Australie, et la hausse ininterrompue des coûts prévisionnels de ce programme, apparaissent, pour un regard français, comme autant de retours de karma pour la Marine australienne, nonobstant le fait que l’Australie et sa marine demeurent des partenaires stratégiques de la France, notamment pour la protection et la sécurité de la Nouvelle-Calédonie.

Jusqu’à présent, rien ne semblait pouvoir éviter la catastrophe qui se profile pour la Royal Australian Navy, lorsqu’elle devra retirer du service ses sous-marins classe Collins, et que l’US Navy ne sera pas en mesure de lui céder les SNA classe Virginia promis, en 2034, faute d’une production suffisante pour les remplacer, amenant plusieurs spécialistes du sujet à envisager différents scénarios plus ou moins applicables ou satisfaisants.

Est-ce par erreur, par accident ou à dessein ? Quoi qu’il en soit, l’hypothèse émise par un sénateur américain, Mark Kelly, de faire assembler directement des Virginia par l’industrie navale australienne, pourrait bien représenter la seule porte de sortie envisageable pour Canberra, dans ce domaine, même si les défis et contraintes, pour lui donner corps, seraient loin d’être négligeables…

L’impasse du programme SSN-AUKUS devient de plus en plus évidente aujourd’hui

Observer, aujourd’hui, l’évolution du programme SSN-AUKUS, qui rassemble l’Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, pour équiper le premier d’une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque, et pour accompagner le dernier dans la conception du successeur des SNA classe Astute, s’apparente de plus en plus, au fil du temps, au fait de regarder un accident inévitable arriver au ralenti.

SSN-AUKUS Johnson Morrison Biden
Boris Johnson, Scott Morrison et Joe Biden, les trois architectes du programme AUKUS

Lancé en 2021, après avoir annulé le programme de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle Swordfish Barracuda du Français Naval Group, l’alliance tripartite AUKUS entre ces trois pays, a toujours été intimement liée au programme SSN-AUKUS. Dans l’esprit de Scott Morrison, le Premier ministre australien, ainsi que de Joe Biden, le président américain, et de Boris Johnson, le Premier ministre britannique, il s’agissait, en effet, autant de créer les fondements d’une nouvelle alliance dans le Pacifique, face à la Chine, que de permettre à la Royal Australian Navy de franchir le seuil technologique et capacitaire décisif des sous-marins nucléaires d’attaque.

Si, initialement, le programme était estimé, par Canberra, à 240 Md$ AU, sur l’ensemble de la durée de vie des 3 SSN classe Virginia devant être acquis d’occasion autour de 2035, auprès de l’US Navy, des 3 SSN-AUKUS, la nouvelle classe de sous-marins nucléaires d’attaque co-développée pour succéder aux Astute britanniques à partir de 2040, et de 2 SSN-AUKUS ou Virginia neufs, en fonction des contraintes industrielles et de calendrier, le programme a rapidement vu ses coûts prévisionnels croître, pour atteindre, à présent, 340 Md$.

Pour autant, ce n’est pas la hausse du budget devant être supporté par l’Australie, qui représente néanmoins l’équivalent de l’ensemble des coûts d’acquisitions militaires annuels actuels, par ses armées, sur une période de 20 ans, qui engendre le plus d’inquiétudes sur l’ile-continent.

En effet, dès 2022, les difficultés rencontrées par l’industrie navale américaine, qui peine à livrer plus d’un SNA par an, et l’évolution des besoins de l’US Navy pour remplacer et étendre sa flotte de SNA, qui doit passer de 42 à 60 navires d’ici à 2050, firent naître des préoccupations croissantes concernant la livraison, promise par Joe Biden à l’Australie, de Virginia d’occasion, prélevés sur l’inventaire de l’US Navy, en 2034, 2035 et 2036.

SSn Virginia construction
L’industrie navale américaine semble dans l’incapcité de retrouver les cadences de production des sous-marins nucléaires d’attaque classe Virginia d’avant-covid, ce qui représente une menace très sérieuse pour le programme SSN-AUKUS.

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12 Commentaires

  1. Cela met aussi en exergue le potentiel S.P.O.F. de Naval Group en termes de construction de sous-marin avec un seul site de construction qui restreint la production, les délais et les opportunités commerciales.
    Même si des opportunités via la délocalisation de la fabrication en ouvre d’autres.

  2. Les Australiens vont construire leurs SNA, c’est quasi acté et c’est ce qu’ils veulent.
    Après, reste de la question du coût : ça va être très cher, les chiffrages sont sans doute sous évalués.
    Reste la question de la formation : il y a déjà des soucis de recrutement sur Collins depuis des années, et de manière générale dans l’ensemble des forces armées.
    Reste la question de l’entretien : même si on suppose que les cœurs nucléaires ne seront pas rechargés (à priori ?) ça limite la durée de vie du SNA sans possibilité d’extension. Entretenir un SNA, c’est pas pareil qu’un Collins (pas les mêmes compétences).
    Bien sûr, tout cela s’entend hors armement (torpilles, missilerie).

    Mais ont-ils le choix ? Ils vont boire le calice.

  3. Le sénateur Kelly « remet une pièce dans la machine » du Concours Lépine des idées..(le fiasco des frégates Hunter devrait pourtant alerter sur les capacités des Australiens « à faire « 
    C’est surtout révélateur de l’absence de crédibilité de l’Aukus
    Pour le reste on se contentera d’attendre le prochain épisode

  4. Merci pour cet article de synthèse comme d’habitude qui incite à la réflexion. La cause de naval group est effectivement difficilement conciliable avec les conséquences de la rupture, mais Naval Group est en compétition avec quelques chances de gagner avec son offre Barracuda voire Suffren.

    Un succès du Barracuda/Suffren dans une compétition internationale majeure (Inde, Indonésie, voire Moyen-Orient) redonnerait à la France un poids stratégique décisif sur le marché des sous-marins nucléaires à propulsion LEU, hors du monopole anglo-saxon. Cela pourrait crédibilise l’option française, en prouvant sa faisabilité industrielle et diplomatique. Pour Canberra, cela pourrait servir de levier pour rouvrir officiellement le dialogue avec Paris, sans rupture frontale avec Washington (pas sùr). Dans le contexte d’un AUKUS en crise (retards, surcoûts, dépendance), un tel événement pourrait précipiter un basculement discret mais déterminant vers un scénario hybride, voire une révision

  5. Tout semble étonnant dans ce projet, déja les USA ont du mal a produire des SLA Virginia pour eux, alors pour les Australiens ca risque d etre compliqué, en plus apprendre à assembler des SLA en partant de rien,sans parler de l’opposition historique de l’Australie a tout ce qui touche au nucléaire surtout militaire!Donc le sénateur Kelly veut passer la patate chaude aux Australiens , le jeu du bonneteau atomique!

  6. je pensais que l’on avait les hommes politiques les plus cons du monde, mais bon apparemment ils font un concours . la ils ont pris une sacré longueur d’avance quand même, parce qu’ils ont déjà du mal à construire des bateaux qui flottent sans que cela coute 4 fois le prix; mais alors des sous marins et en plus nucléaires, même pas peur. bon les ricains vont les former, en plus des 200 000 qu’ils vont recruter dans leurs chantiers navals perso. en ce moment c’est la foire à la connerie, c’est à celui qui sortira la plus grosse, on se croirait dans la cour de récré en cm1. allez je vais me coucher, si c’étaient pas des alliés j’en rirais, mais là j’ai même pas envie.

  7. « L’Australie construira, à un moment donné dans le futur, des sous-marins de classe Virginia, ce qui est essentiel pour la lutte dans le Pacifique occidental. »
    Mark Kelly.

     » Dans le futur ». Cela ne semble pas être une annonce pour résoudre le pb des Australiens qui est pour maintenant. D’autant que l’Australie est à milles lieues de posséder les moyens industriels, capacitaires et humains pour construire des sm aussi sophistiqués.

    • Pardon. « mille » est invariable. La honte sur moi.
      Allez, un petit coup d’IA, c’est pas l’évangile, mais ça ‘nest pas inutile.

      I. Absence de projet de construction locale des Virginia en Australie

      À ce jour, l’Australie n’a pas prévu de construire localement des sous-marins de classe Virginia. Les trois à cinq unités prévues dans le cadre de l’accord AUKUS seront construites aux États-Unis et livrées à partir de 2032. Le programme SSN-AUKUS, basé sur un design britannique, sera quant à lui construit en Australie à partir des années 2040. Les déclarations du sénateur américain Mark Kelly, évoquant une éventuelle construction de Virginia en Australie, sont à considérer comme une perspective stratégique à long terme, sans plan opérationnel concret à ce jour.

      II. Défis industriels pour l’assemblage local de sous-marins nucléaires

      Si l’Australie envisageait de construire localement des sous-marins nucléaires, plusieurs défis majeurs se poseraient :

      Infrastructure insuffisante : Les chantiers navals d’Osborne, en Australie-Méridionale, nécessiteraient des investissements significatifs pour être adaptés à la construction de sous-marins nucléaires.

      Pénurie de main-d’œuvre qualifiée : L’Australie fait face à une pénurie de personnel qualifié dans les domaines techniques et industriels, ce qui pourrait entraver la construction locale de sous-marins.

      Transfert de technologie sensible : La construction de sous-marins nucléaires implique le transfert de technologies sensibles, soumis à des restrictions strictes, notamment de la part des États-Unis.

      III. Alternatives et implications stratégiques

      Étant donné les défis mentionnés, l’Australie pourrait envisager des alternatives pour renforcer ses capacités sous-marines :

      Prolongation de la vie des sous-marins Collins : Un projet de 6 milliards de dollars vise à prolonger la durée de vie des sous-marins Collins, bien que cela soit considéré comme un défi technique majeur.

      Acquisition de sous-marins de classe Suffren : La France propose des sous-marins de classe Suffren, qui pourraient être une alternative viable, notamment en raison de leur technologie éprouvée et de la possibilité de transfert de technologie.

      Conclusion

      La construction locale de sous-marins de classe Virginia en Australie n’est pas prévue actuellement et présenterait des défis industriels et technologiques majeurs. L’Australie devra donc s’appuyer sur des solutions alternatives pour maintenir et renforcer ses capacités sous-marines dans les décennies à venir.

      • L’IA en question semble cependant ignorer que la question de la construction de Sna en Australie est déjà tranchée, dans le cadre de ssn-aukus, puisque le plan actuel prévoit que 2 à 4 ssn-aukus seront précisément construits en Australie. Les investissements et les efforts de formation ont d’ailleurs déjà débuté, la pose de la quille étant prévue pour 2031 me semble t il.
        Donc la seule question, ici, n’est pas de savoir si l’Australie pourrait construire des Sna, mais quand,
        Cela annule également l’analyse ai concernant les propos du sénateur Kelly, puisqu’un projet à long terme n’aurait aucun sens, si la RAN et l’industrie navale australienne ont déjà entamé sa conversion aux SSN-Aukus.

      • L’autre problème qu’il ne faut pas sous-estimer est celui de la capacité de la supply chain américaine à fournir un éventuel site de construction australien. Car si les Virginia sont assemblés en Australie, les sous-systèmes (par exemple: le système de combat, la chaufferie nucléaire, les senseurs, etc) demeurent de conception américaine, et cela ne fait pas sens de tout remplacer par du matériel conçu entièrement ou fabriqué sous ilcence en Australie. Donc du coup, si Electric Boat aura un peu moins de travail, la charge pour un certain nombre de sous-traitants restera la même, avec en plus la difficulté de fournir une industrie inexpérimentée à 10.000 km.

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