Avec le salon du Bourget, l’actualité Défense a été marquée ces derniers jours par une série d’annonces industrielles, politiques et capacitaires, dont les implications méritent d’être examinées au-delà des communiqués. Si toutes ne justifient pas une analyse approfondie, plusieurs d’entre elles éclairent des dynamiques lourdes en matière d’autonomie, d’innovation ou de projection.
Ainsi, Safran a confirmé que son turboréacteur M88 T-REX équipera bien le Rafale F5, consolidant un jalon essentiel de l’évolution de l’appareil tout en assurant la préservation du savoir-faire national en propulsion. En parallèle, la France et l’Espagne ont trouvé un accord pour maintenir active la ligne d’assemblage de l’A400M à Séville jusqu’en 2029, et renforcer son potentiel capacitaire dans le segment stratégique, alors que, dans le même temps, Airbus anticipe la hausse des cadences de livraison de ravitailleurs A330 MRTT, pour répondre aux besoins émergents.
Toujours à Paris, le ministère des Armées a confirmé sa préférence pour l’avion-radar suédois GlobalEye, ouvrant la voie à une refonte de la posture française d’alerte avancée, et marquant une inflexion vers une filière de souveraineté européenne dans le segment AWACS.
Dans ce même contexte de compétitions capacitaires, Eurofighter a annoncé son intention de doubler la production annuelle du Typhoon, en réponse à une demande européenne et export encore incertaine — une annonce à lire aussi comme un contre-discours face à la montée en cadence de Dassault. Plus en amont, Thales a dévoilé une coopération avec Skydweller Aero autour d’un drone solaire haute altitude, capable d’assurer une surveillance maritime permanente sur des zones critiques, et potentiellement amené à renforcer les dispositifs SURMAR autour des câbles et routes sous-marines.
Enfin, Boeing a reconnu être en discussion pour relancer la production du C-17 Globemaster III, alors que les besoins en logistique lourde augmentent en dehors du soutien américain. Une possible renaissance industrielle qui pourrait rebattre les cartes dans le segment stratégique lourd à l’horizon 2030.
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Le turboréacteur T-REX équipera bien le Rafale F5
Longtemps discret, parfois même considéré comme incertain, le programme de turboréacteur T-REX développé par Safran vient de franchir une étape décisive. À l’occasion du Salon du Bourget 2025, les représentants du motoriste français ont confirmé que ce dérivé survitaminé du M88 équipera bien le futur standard F5 du Rafale, actuellement en phase de développement avancé chez Dassault Aviation. Cette annonce confirme une évolution attendue, mais jusqu’ici non formellement actée, de la chaîne propulsive du chasseur français, et constitue un jalon majeur dans l’évolution du programme Rafale à l’horizon 2030.
[En Bref Spécial Bourget] : T-REX pour Rafale F5, Airbus A400M et A330 MRTT, Saab GlobalEye, Boeing C-17 et Skydweller 5
L’existence du programme T-REX a été rendue publique pour la première fois à l’automne 2024, à l’occasion d’auditions parlementaires sur le suivi de la Loi de Programmation Militaire. Les responsables de Safran y avaient expliqué travailler sur une évolution profonde du M88, destinée à en améliorer significativement les performances — notamment avec un objectif d’augmentation de poussée de 20 %, à dimensions et masse constantes. Officiellement, le moteur reste dans l’enveloppe physique du M88-4E, mais intègre des matériaux plus résistants, une chambre de combustion optimisée, un nouveau système de régulation numérique à haut rendement — tout en augmentant la puissance électrique disponible à bord, pour alimenter les nouveaux systèmes et le traitement numérique largement accru de l’appareil.
D’un point de vue technique, cette évolution est capitale pour accompagner le Rafale vers son standard F5. L’intégration d’un moteur plus puissant est largement considérée comme indispensable pour compenser l’alourdissement prévisible du chasseur, lié à l’ajout de nouveaux capteurs (radar AESA à balayage étendu, système de guerre électronique, traitement collaboratif de données), d’une connectivité augmentée, et de la mise en œuvre future de drones de combat légers, prévus dans l’architecture Rafale. Une augmentation de poussée de 20 % permettrait ainsi de préserver, voire d’améliorer, le rapport poussée/masse du Rafale, garant de sa manœuvrabilité et de sa capacité de survie face à des adversaires de nouvelle génération.
Mais derrière cette justification opérationnelle se cache un autre enjeu, plus stratégique : la préservation du savoir-faire industriel national en matière de motorisation de chasse. Le programme SCAF, censé porter un nouveau moteur de génération 6 développé par Safran et MTU Aero Engines, a pris un retard considérable. Dans ce contexte, le T-REX apparaît comme un garde-fou : un moteur intermédiaire, directement utilisable sur le Rafale, et permettant à Safran de maintenir ses compétences critiques en propulsion militaire, en attendant un hypothétique déblocage du SCAF.
Le problème, cependant, est que le programme T-REX ne figure dans aucun des financements prévus par la Loi de Programmation Militaire 2024–2030. Sa prise en charge relève donc, à ce stade, probablement des investissements propres de Safran. Seule une réintégration du programme dans une trajectoire budgétaire étatique claire permettrait de garantir qu’il puisse accompagner l’entrée en service du Rafale F5 à l’horizon 2030.
La France et l’Espagne sauvent la ligne de production de l’A400M jusqu’en 2029
Menacée de fermeture depuis plusieurs mois en raison du désengagement progressif de plusieurs clients export — notamment l’Allemagne, qui a réduit ses volumes initiaux — la ligne d’assemblage final de l’A400M, implantée à Séville, en Espagne, vient de bénéficier d’un sursis décisif. À l’occasion du Salon du Bourget 2025, la France et l’Espagne ont signé une lettre d’intention visant à étaler leurs commandes d’A400M sur plusieurs années supplémentaires, afin de garantir l’activité de la chaîne de production jusqu’à fin 2028, voire 2029.
[En Bref Spécial Bourget] : T-REX pour Rafale F5, Airbus A400M et A330 MRTT, Saab GlobalEye, Boeing C-17 et Skydweller 6
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Comme souvent, l’actualité Défense a été particulièrement dense ces derniers jours. Si tous les sujets ne justifient pas une analyse approfondie, certains méritent néanmoins un éclairage plus appuyé tant ils illustrent des dynamiques stratégiques en cours, ou à venir.
Ainsi, à Londres, le chef d’état-major britannique a jeté un pavé dans la mare en évoquant l’ambition de doter le Royaume-Uni de 7 000 missiles de croisière, bouleversant les équilibres capacitaires conventionnels dans une logique de dissuasion renforcée. Au Salon du Bourget, Pékin a choisi de frapper les esprits en exposant le J-35A, chasseur de 5ᵉ génération destiné à l’export, alors même que l’appareil n’est pas encore officiellement intégré dans les forces aériennes chinoises.
Pendant ce temps, l’Indonésie continue d’alimenter l’incertitude stratégique en multipliant les engagements non contraignants autour de plusieurs programmes d’avions de chasse — Rafale, F-15EX, Kaan, KF-21 — dans une logique aussi bien politique qu’industrielle. Outre-Atlantique, la frégate américaine Constellation continue d’accumuler les retards et les surcharges, au point de poser la question de la capacité de l’US Navy à concevoir des navires de combat en dehors du gabarit des destroyers lourds.
Enfin, au Bourget toujours, ArianeGroup a dévoilé pour la première fois son concept de missile balistique MRBM “Deep Strike”, jetant les bases d’une capacité européenne de frappe conventionnelle de précision à très longue portée, en dehors du cadre nucléaire.
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Le Royaume-Uni veut 7 000 missiles de croisière pour renforcer sa dissuasion conventionnelle
Lors d’une audition devant la commission de la Défense de la Chambre des Communes, le chef d’état-major des armées britanniques, l’Amiral Sir Tony Radakin, a déclaré que la constitution d’un stock de 7 000 missiles de croisière représentait « l’un des changements les plus importants » introduits par la récente Revue stratégique de défense britannique. Selon lui, cet arsenal conventionnel massif vise à offrir au Royaume-Uni une capacité de riposte graduée bien plus crédible face aux menaces de haute intensité, en particulier celles posées par la Russie.
En Bref : 7000 missiles de croisière pour les armées britanniques, le J-35A chinois à l'offensive, l'Indonésie retourne vers le KF-21 Boramae... 11
« Nous ne sommes pas aussi létaux que nous le souhaiterions », a-t-il affirmé, avant de préciser : « si vous montez l’échelle des moyens, vous avez Storm Shadow, puis Tomahawk, et ensuite il y a un grand saut vers l’arme nucléaire. » Pour l’Amiral Radakin, l’enjeu est donc de multiplier les “rangs sur l’échelle” pour disposer de réponses efficaces avant d’atteindre le seuil nucléaire. Le chiffre de 7 000 missiles vise justement à doter les forces britanniques d’une masse critique de frappe conventionnelle, susceptible de soutenir une posture de dissuasion crédible face à un conflit majeur.
Le haut-gradé a également présenté cette décision comme une « cristallisation » des réformes qu’il juge « urgentes » à mettre en œuvre dans le cadre de la transformation de l’outil militaire britannique. Interrogé par les députés sur les mesures les plus concrètes de la revue stratégique, Radakin a clairement désigné ce programme de missiles de croisière comme la priorité numéro un des forces armées.
Selon UK Defence Journal, ces 7 000 munitions devraient combiner un stock élargi de missiles existants — comme les Storm Shadow et les Tomahawk — à de nouveaux systèmes de frappe longue portée qui pourraient être produits au Royaume-Uni dans les années à venir. Des annonces complémentaires sur les modalités d’intégration de ces armements aux plateformes de la Royal Navy et de la Royal Air Force sont attendues d’ici la fin de l’année.
Toutefois, cette ambition soulève plusieurs interrogations. Quel équilibre sera trouvé entre les différentes catégories de missiles ? Le Tomahawk, d’une portée de 2 500 km, coûte environ 4 millions de dollars pièce. Le Storm Shadow, plus abordable (environ 1,2 M€), plafonne à 500 km de portée. Quant aux drones d’attaque longue portée de type one-way, leur coût très bas (50 000 à 250 000 $) est contrebalancé par une grande vulnérabilité aux défenses adverses.
La question de l’architecture logistique est également cruciale : où et comment seront stockés ces armements ? Quels seront les volumes disponibles en état opérationnel ? Quelles plateformes les mettront en œuvre ? Autant de points clés qui conditionneront la crédibilité réelle — et non seulement symbolique — de cette montée en puissance capacitaire.
Le J-35A chinois entre en scène à l’export — mais encore sous forme de maquette
Lors du Salon du Bourget 2025, la Chine a surpris en mettant en avant non pas son chasseur léger J-10CE, récemment médiatisé suite aux tensions indo-pakistanaises, mais une maquette grandeur nature de son nouveau chasseur de 5ᵉ génération : le J-35A. Cette version terrestre du chasseur embarqué J-35, développé par Shenyang Aircraft Corporation, a été présentée comme un système de combat multi-rôle furtif destiné à concurrencer directement les F-35 américains et les avions européens de nouvelle génération.
J-35A au salon aéronautique de Zhuhai
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À l’occasion du Salon du Bourget 2025, le groupe allemand Rheinmetall, plus habitué du salon Eurosatory, a annoncé la signature d’un partenariat stratégique avec l’entreprise américaine Anduril, portant sur la production et la commercialisation en Europe des missiles de croisière Barracuda et des drones de combat Fury. Cette annonce a rapidement attiré l’attention, tant elle illustre une nouvelle étape dans la dynamique de diversification et d’expansion du groupe allemand.
Après la signature surprise en 2023 d’un contrat stratégique avec Lockheed Martin, portant sur la production en Allemagne de fuselages centraux pour les F-35A acquis par la Luftwaffe, il s’agit d’un nouveau signal fort. Non seulement Rheinmetall renforce ses capacités industrielles transatlantiques, mais il démontre aussi sa volonté d’accélérer encore sa transformation, dans une industrie européenne de défense en pleine recomposition.
Rheinmetall, dont les performances boursières, industrielles et commerciales dépassent aujourd’hui celles de la plupart de ses concurrents européens, entend bien s’imposer comme le nouveau leader continental de l’industrie de défense d’ici à 2030, avec un objectif de 40 Md€ de chiffre d’affaires. Cette ambition est portée par une croissance exceptionnelle depuis 2018, une stratégie d’investissement audacieuse, et une vision industrielle en rupture avec les modèles traditionnels encore largement en vigueur en France, au Royaume-Uni ou en Italie.
Souvent honni dans l’Hexagone pour son rôle d’obstruction dans le programme franco-allemand MGCS, et critiqué pour sa stratégie d’éviction progressive de KMW dans les grands projets blindés, Rheinmetall n’en incarne pas moins un modèle inédit de développement, mêlant agressivité industrielle, captation des flux transatlantiques et capacité à anticiper les mutations structurelles du marché mondial de la défense.
Mais cette stratégie, si elle s’avère objectivement efficace pour les investisseurs et le groupe industriel lui-même, sert-elle réellement les intérêts de l’Allemagne ? Et plus largement, est-elle compatible avec les enjeux d’autonomie stratégique européenne que Berlin prétend vouloir défendre ? En d’autres termes, Rheinmetall est-il le levier d’une Europe de la défense en renouveau, ou bien le cheval de Troie d’une dépendance stratégique renforcée vis-à-vis des technologies extra-européennes ?
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Rheinmetall en route pour devenir le premier groupe industriel de défense européen d’ici à 2030
En septembre 2024, lors de la présentation des résultats semestriels, le CEO de Rheinmetall, Armin Papperger, affichait un large sourire. Le groupe allemand enregistrait alors la plus forte croissance de toute la base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne depuis 2018, avec un chiffre d’affaires passé de 3,4 Md€ à 6,1 Md€ entre 2018 et 2023 — une progression de près de 80 %, à comparer avec une moyenne de 20 % pour l’ensemble du secteur en Europe, et 40 % pour le second du classement, l’italien Leonardo.
Depuis son arrivé à la tete de l’entreprise, Armin Papperger a fait progresser le Ca de Rheinmetall de plus de 120 % (2012->2025)
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Depuis la fin de la guerre froide, les armées américaines ont largement dominé la scène militaire mondiale, tant par leur budget que par leur technologie et leur capacité à intervenir rapidement sur l’ensemble du globe. Pourtant, derrière cette façade de puissance, une fragilité structurelle est venue s’installer au sein du Pentagone, à mesure que les échecs programmatiques, les dérives budgétaires, les réorientations doctrinales et les ruptures stratégiques se sont multipliés au fil des années.
Cette fragilité, qui puise ses racines bien avant le mandat de Donald Trump, a fini par produire une forme d’instabilité de fond dans la planification militaire américaine, comme en témoigne l’impressionnante liste de programmes arrêtés, annulés ou profondément remaniés : hélicoptères FARA et Comanche, destroyers Zumwalt, programme OMFV, modernisation du M1A2 SEPv4, ou encore le programme de drone armé MQ-25 partiellement redimensionné.
Ces échecs ne sont pas seulement des erreurs d’ingénierie : ils témoignent d’une difficulté croissante à construire une vision stratégique cohérente et stable dans la durée, condition pourtant indispensable pour maintenir la supériorité militaire sur les plans technologique, capacitaire et opérationnel.
Cette instabilité s’est d’ailleurs manifestée jusque dans les programmes pourtant menés à leur terme, mais à des conditions particulièrement problématiques. Le F-35, programme de chasseurs multirôle considéré comme le plus ambitieux de l’histoire militaire américaine, en est un exemple frappant : initialement prévu pour remplacer une large gamme d’appareils dans les forces aériennes américaines et alliées, il a vu ses coûts exploser, ses performances contestées, et ses délais démultipliés.
Il en va de même pour le programme Sentinel (remplaçant les ICBM Minuteman III), la frégate Constellation ou encore les nouveaux sous-marins de classe Columbia : tous partagent le même symptôme d’un écart croissant entre les ambitions affichées et les capacités réelles à les mettre en œuvre, tant du point de vue industriel que budgétaire.
C’est dans ce contexte déjà fortement fragilisé que le retour de Donald Trump à la présidence américaine, en janvier 2025, vient injecter un nouveau facteur d’incertitude. La construction du budget 2026 des armées américaines, pilotée par la Maison-Blanche et transmise au Pentagone, en offre une illustration spectaculaire : derrière les annonces de hausse budgétaire impressionnante (+15 % sur le volet défense, soit 960 Md$), on observe des arbitrages d’une radicalité inédite, des renoncements massifs, des contradictions internes, et surtout, une opacité de méthode qui déroute jusqu’aux représentants républicains du Congrès.
Le contraste avec la Chine ne saurait être plus brutal. Alors que Pékin déroule, année après année, une planification militaire cohérente, progressive et résolue, les États-Unis semblent, eux, s’enfoncer dans une spirale d’improvisation stratégique. Comme le soulignait Meta-Défense dans un article d’août 2024 intitulé “Le Pentagone, machine à perdre face à la Chine”, « l’accumulation des revers programmatiques et le brouillard doctrinal dans lequel baignent les armées américaines accentuent leur vulnérabilité face à une puissance chinoise qui n’a, elle, jamais perdu de vue son objectif stratégique principal : supplanter les États-Unis dans le rôle de puissance militaire dominante du XXIe siècle ».
Loin de représenter une simple inflexion de la trajectoire militaire américaine, le projet de budget 2026 présenté par l’administration Trump pourrait bien constituer une rupture profonde, voire une déstructuration silencieuse du modèle militaire américain lui-même. De l’US Air Force à l’US Navy, en passant par l’US Army et les alliances structurantes dans le Pacifique, c’est l’ensemble de l’architecture stratégique américaine qui se retrouve mise sous tension, dans un contexte international marqué par une instabilité croissante, des conflits interétatiques majeurs impliquant plusieurs puissances nucléaires, et la montée en puissance progressive — mais méthodique — de la Chine.
C’est à l’analyse de cette rupture que le présent article se consacre, en retraçant la logique du budget 2026, ses arbitrages les plus significatifs, ses effets politiques et industriels, et la recomposition stratégique qu’il pourrait bien précipiter… au profit d’un adversaire patient, mais implacable.
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Un budget 2026 de rupture des armées américaines : plus massif… mais plus chaotique que jamais
Annoncé en avril 2025 par la Maison-Blanche, le projet de budget de défense des États-Unis pour l’année fiscale 2026 (qui débute en octobre) a immédiatement provoqué un vif débat au sein de la communauté stratégique américaine. En façade, ce budget constitue un effort sans précédent depuis la guerre froide : à hauteur de 960 milliards de dollars pour le seul Département de la Défense — soit une hausse de plus de 15 % par rapport à 2025 —, il marque un retour en force de la logique de puissance par l’investissement militaire.
Que restera-t-il des armées américaines après Trump face la Chine ? 18
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Le 1ᵉʳ juin 2025, dans le cadre de l’opération Spiderweb, quatre bases aériennes russes ont été la cible d’une attaque coordonnée impliquant plusieurs dizaines de petits drones FPV (First Person View), lancés depuis des camions stationnés à proximité des aérodromes. Selon certaines sources, une cinquième base aurait également été visée dans l’Extrême-Orient russe, où un camion transportant des drones fut intercepté. Un autre véhicule similaire a par ailleurs été arrêté, ce qui laisse penser que le nombre de cibles initiales était probablement plus élevé.
Cette opération, d’une ampleur sans précédent, aurait nécessité plus d’un an et demi de préparation, selon les autorités ukrainiennes elles-mêmes. L’objectif semblait clair : infliger un coup sévère à l’aviation stratégique russe.
Que savons-nous réellement de cette attaque ? Et surtout, quelles leçons peut-on en tirer ?
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Les faits : que savons nous de l’opération Spiderweb
Le dimanche 1ᵉʳ juin 2025, plusieurs semi-remorques transportant chacun deux petits mobile-homes se sont discrètement déployés à proximité de bases aériennes russes. Ces mobile-homes avaient été modifiés pour dissimuler, dans un faux plafond, des drones FPV équipés de charges militaires. Les toits, escamotables automatiquement, étaient recouverts de panneaux solaires, probablement destinés à maintenir les batteries des drones en charge jusqu’au moment du lancement.
Selon les premiers éléments de l’enquête, ces installations auraient été modifiées sur le territoire russe, dans un hangar, avant d’être embarquées à bord des camions. Il est également tout à fait plausible que les drones aient été assemblés directement sur place, afin de limiter les risques de détection. De même, rien n’exclut que les charges militaires aient été confectionnées en Russie.
Les chauffeurs russes de ces camions ne semblaient pas informés de la véritable nature de leur cargaison. Leur seule consigne : se rendre à un emplacement précis à une heure donnée.
À l’heure convenue, les toits des mobile-homes se sont ouverts automatiquement, libérant les drones FPV. Quatre bases aériennes russes, dont certaines situées à plus de 4 000 kilomètres du territoire ukrainien, ont ainsi été attaquées quasi simultanément.
À l’issue de l’opération, les mobile-homes se sont auto-détruits, probablement pour effacer toute trace du matériel utilisé et compliquer les investigations.
[Debriefing] Spiderweb : Tempête de drones sur l'aviation stratégique russe 28
Mobiles-homes servant de cache aux drones
[Debriefing] Spiderweb : Tempête de drones sur l'aviation stratégique russe 29
Le Bilan des attaques et conséquences opérationnelles sur l’aviation stratégique russe
L’analyse croisée des images diffusées par les autorités ukrainiennes et des images satellites disponibles permet de dresser un premier bilan des pertes infligées à la flotte aérienne stratégique russe :
Base aérienne de Dyagilevo : aucune destruction visible sur les images satellites postérieures à l’attaque, malgré la diffusion par les Ukrainiens de séquences montrant l’approche de drones vers quatre bombardiers Tu-22M. Il semble que les frappes aient manqué leur cible.
Base aérienne de Belaya : trois bombardiers stratégiques Tu-95 ont été détruits, un autre a été endommagé. Quatre Tu-22M ont également été détruits.
Base aérienne d’Olenya : quatre Tu-95 ont été détruits ainsi qu’un avion de transport An-12.
Image satellite de la base d’Olenya
Base aérienne d’Ivanovo : tentative d’attaque contre deux appareils de détection aérienne An-50, mais sans succès, en raison d’un dysfonctionnement des charges militaires.
Bilan confirmé de l’opération Spiderweb
7 Tu-95 détruits
1 Tu-95 endommagé
4 Tu-22M détruits
1 An-12 détruit
Ce bilan, bien qu’impressionnant, reste en deçà des revendications ukrainiennes initiales. Treize appareils détruits ou endommagés représentent toutefois un succès tactique indéniable, tant sur le plan opérationnel que symbolique. Pour autant, il serait excessif d’y voir un tournant stratégique.
En effet, cette attaque, bien que spectaculaire, ne modifiera pas significativement le cours du conflit. La perte d’environ 10 % des bombardiers stratégiques russes reste insuffisante pour réduire la capacité de Moscou à frapper l’Ukraine en profondeur comme l’a démontré la Russie dès le 6 juin suivant. D’autant plus que les bombardiers ne sont plus le vecteur privilégié des frappes russes.
Les missiles de croisière, qu’ils soient tirés depuis les airs, la mer ou la terre, sont aujourd’hui moins utilisés, car la défense antiaérienne ukrainienne parvient à en intercepter la majorité. La Russie privilégie désormais d’autres moyens : les drones kamikazes GERAN-2, les missiles balistiques hypersoniques Iskander-M et Kinzhal, beaucoup plus difficiles à intercepter et capables d’opérer des frappes précises.
En matière de dissuasion nucléaire, les pertes subies ne constituent pas un revers majeur. Si les Tu-95MS font partie de la composante aéroportée de la triade nucléaire russe, celle-ci repose désormais en grande partie sur les Tu-160M, dont le nombre est en augmentation.
Si l’impact immédiat sur le front est limité, si ce n’est nul, la Russie ne peut se permettre de voir de telles opérations se répéter. Cette attaque met en lumière une vulnérabilité préoccupante dans la protection de ses actifs stratégiques, et affaiblit, à terme, la crédibilité de sa dissuasion conventionnelle.
Que nous apprennent les vidéos diffusées par les Ukrainiens ?
Les autorités ukrainiennes ont diffusé une vidéo de plus de quatre minutes, compilant les séquences filmées par plus d’une trentaine de drones ayant attaqué les aéronefs russes. Ces images sont très instructives à plus d’un titre, car elles nous en disent un peu plus sur le mode opératoire utilisé et ses limites.
Tout d’abord, les vidéos montrent des images nettes, sans interférences, qui s’interrompent brutalement juste avant l’impact, lorsque la charge militaire fonctionne. Ces caractéristiques indiquent l’utilisation d’une liaison numérique fonctionnant très près du sol. Cela signifie que, même sous l’aile d’un appareil, le drone reste en intervisibilité avec l’antenne de réception et d’émission.
Drone en vol sous l’aile d’un TU-95 armé de missiles KH-101
Ensuite, on peut constater sur les vidéos que de nombreux drones manquent leur cible. En effet, plusieurs séquences sont opportunément interrompues au montage, alors que le drone approche à haute vitesse sur une trajectoire visiblement incompatible avec une collision. Les images montrent également plusieurs petits incendies autour des aéronefs visés, ce qui semble indiquer que d’autres drones se sont écrasés à proximité, sans atteindre leur objectif.
Les approches à haute vitesse paraissent mal maîtrisées, avec des difficultés pour le pilote à corriger la trajectoire à temps. À l’inverse, les approches lentes et prudentes semblent avoir donné de bien meilleurs résultats. Cela pourrait être la conséquence de la latence dans la transmission des données, où l’image renvoyée à l’opérateur arrive avec un léger retard par rapport à la position réelle du drone.
Ces deux éléments renforcent l’hypothèse d’un pilotage via le réseau GSM, avec une latence moyenne en 4G comprise entre 40 et 100 ms, à laquelle s’ajoutent 3,33 µs par kilomètre de distance entre l’émetteur et le récepteur. Il faut également prendre en compte les délais liés à la compression/décompression des images et au buffering, qui peuvent allonger considérablement le temps de réaction. Au total, la latence effective peut largement dépasser la seconde.
Le choix du GSM pour piloter les drones est à la fois cohérent et pertinent. C’est une solution légère, peu coûteuse, et capable d’assurer une liaison de bonne qualité sur de très longues distances, y compris depuis l’Ukraine. Elle présente aussi l’avantage d’être extrêmement difficile à détecter par les systèmes de guerre électronique, car totalement noyée dans le trafic téléphonique ordinaire. Ce mode de transmission est donc à la fois fiable et discret. En revanche, il implique un temps de latence qui peut s’avérer difficile à maîtriser pour le pilotage en temps réel.
Les vidéos montrent également que certaines charges militaires n’ont pas explosé à l’impact. On peut voir des drones se poser et glisser sur les aéronefs sans provoquer d’explosion, la séquence étant alors interrompue par le montage vidéo. Ce scénario est notamment observable sur le radôme de deux avions radar A-50.
Il semble, par ailleurs, que ces deux appareils n’étaient pas opérationnels, compte tenu de l’état visiblement dégradé de leurs radômes et surtout de l’absence de moteurs. De plus, cette partie n’est pas la plus pertinente à cibler sur ce type d’avion radar, surtout s’agissant de systèmes d’ancienne technologie. En effet, il abrite uniquement l’antenne à balayage électronique qui est entièrement mécanique, tandis que les composants critiques — génération du signal, traitement des données, électronique — se trouvent dans la cellule de l’appareil.
Ce type d’antenne est relativement simple à réparer et relativement peu coûteux à remplacer si nécessaire. L’impact opérationnel d’une telle attaque sur ces appareils, dans cet état, reste donc très limité.
Drone n explosé posé sur l’aile d’un TU-95
Drone non explosé posé sur le radar d’un A-50
On peut également observer que les revêtements en pneus disposés sur les avions jouent un rôle de protection non négligeable contre les explosions de petites charges militaires, comme celles utilisées par ces drones. Dans un cas précis, les images montrent un Tu-22M déjà recouvert de pneus ayant été visé une première fois, sans subir de dommages significatifs. Il est ensuite ré-attaqué par un autre drone, preuve que la première tentative n’avait pas atteint l’effet escompté.
Bien que la disposition de pneus sur les aéronefs ait d’abord été pensée pour perturber l’analyse automatique des images satellites par les IA, les observations tendent à montrer qu’une telle protection, si elle repose sur plusieurs couches de pneus densément répartis, peut également suffire à absorber une grande partie de l’onde de choc et à limiter les dégâts structurels face à des munitions de faible puissance.
TU-22M protégé par des pneus
Si certains appareils attaqués, comme les A-50, n’étaient visiblement pas opérationnels, d’autres l’étaient bel et bien. Plusieurs Tu-95 visés et détruits étaient en effet armés de missiles KH-101 sous voilure.
Une autre vidéo publiée montre le trajet complet d’un drone, de son lancement depuis un camion jusqu’à l’attaque d’un bombardier TU-22M. Elle se révèle particulièrement instructive, notamment sur la distance relativement importante entre le point de lancement et la base elle-même. Cette distance est parcourue à une vitesse soutenue, 20 m/s (soit 72 km/h) si on en croit l’indication sur l’écran.
On y observe également que le drone n’est pas le premier à atteindre la cible : plusieurs appareils sont déjà en feu, ce qui indique que les drones ont été lancés successivement, et non simultanément. Cela suggère qu’un nombre réduit de pilotes pilotaient l’ensemble, les drones étant pris en main les uns après les autres. On remarque enfin que, dès son arrivée au-dessus de la base, le pilote réduit fortement la vitesse et prend de l’altitude afin de repérer une cible. Il met quelques secondes à la localiser, probablement gêné par les épaisses fumées émanant des aéronefs déjà en feu.
Drone a pleine vitesse se dirigeant vers les fumées dégagées par les appareils déjà en feu
Ces images permettent également d’écarter certaines hypothèses publiées ici ou là. Les drones étaient tout simplement pilotés en direct par des opérateurs bien humains : l’intelligence artificielle n’a joué aucun rôle dans cette mission. Le nombre de cibles touchées aurait pu être bien plus important si les pilotes avaient mieux maîtrisé la latence induite par une liaison GSM, peut-être en raison d’un manque d’entraînement préalable. De même, la faible fiabilité des systèmes de mise à feu a contribué à limiter les dégâts.
D’une certaine manière, on peut considérer que les Russes ont eu de la chance. Les conséquences limitées de cette attaque tiennent davantage aux aléas techniques et aux dysfonctionnements rencontrés qu’à l’efficacité des mesures de protection. Cela dit, l’utilisation de pneus comme protection peut s’avérer utile, à condition d’en déployer en quantité suffisante. De plus, la dispersion des aéronefs opérationnels, parmi des appareils hors service, permet de semer le doute chez l’attaquant et de diluer les effets d’une frappe.
Des zones d’ombre subsistent toutefois. Sur les quatre bases attaquées, seules deux ont réellement subi des dommages. Les deux autres ont bien été visées, mais sans grand succès. Ce sont justement les deux bases les plus éloignées du front qui ont été les plus touchées. Cela soulève une question : ces bases éloignées étaient-elles considérées comme suffisamment sûres pour justifier une protection moindre ? À l’inverse, les bases plus proches de l’Ukraine auraient-elles été mieux défendues, réussissant ainsi à repousser les attaques ?
Il serait intéressant de connaître le dispositif de protection russe ayant permis, le cas échéant, de repousser efficacement ces frappes. D’autant plus que chaque base semble avoir été attaquée selon un schéma identique : des drones lancés depuis deux petits mobile-homes, soit un nombre similaire de vecteurs — environ 32 drones à chaque fois.
Ou bien est-ce justement le lancement étalé dans le temps qui a permis à des passants d’intervenir et d’empêcher le décollage d’autres drones, en plaçant des pierres dessus, comme cela a été filmé ? Ce scénario pourrait expliquer pourquoi certaines bases ont été moins touchées : tout simplement parce qu’un nombre réduit de drones a pu effectivement décoller.
Conclusion
Cette opération ukrainienne restera comme un modèle d’action asymétrique en profondeur sur le territoire adverse. Non pas que ce type d’attaque par petits drones soit une nouveauté — Daech en avait déjà ouvert la voie depuis longtemps — mais une opération de cette ampleur, synchronisée et décentralisée à ce point, constitue une première par sa complexité.
Cette attaque montre à quel point les bases aériennes, mais aussi d’autres sites stratégiques, peuvent être vulnérables à des frappes de ce type, qui ne nécessitent ni moyens technologiques lourds ni infrastructures sophistiquées. Elle ouvre la voie à des opérations encore plus simples, où l’action pourrait être totalement externalisée.
Un commanditaire pourrait rémunérer des exécutants dans un pays tiers, leur confier la fabrication locale de drones similaires, puis la conduite d’attaques sur des cibles prédéterminées, sans intervention directe. Cela permettrait d’agir de manière totalement anonyme, ajoutant une forte ambiguïté sur l’identité réelle de l’assaillant et limitant considérablement les possibilités de riposte.
Cette attaque soulève également des questions quant à l’utilisation du réseau de téléphonie mobile pour le guidage de drones d’attaque. Le réseau GSM doit-il désormais être considéré comme une technologie duale, avec toutes les contraintes que cela implique ? Faut-il envisager de restreindre ou de brouiller la couverture GSM autour des bases militaires et des sites sensibles ? Autant de questions auxquelles il faudra répondre, en analysant précisément le rapport bénéfice/risque, les conséquences économiques, ainsi que l’acceptabilité d’une éventuelle privation de service.
Cette attaque représente un sérieux camouflet pour la Russie, même si ses conséquences sont surtout symboliques, touchant à son image et à son prestige. C’est un grand succès de communication pour l’Ukraine, bien que son impact militaire concret reste limité. Néanmoins, cet événement constitue un avertissement qui ne s’adresse pas uniquement à Moscou : la question n’est plus de savoir si ce type d’attaque peut se reproduire ailleurs, mais quand.
D’ailleurs, les Israéliens ont adopté une tactique assez similaire lors de leur opération « Rising Lion », dans la nuit du 13 juin 2025 contre l’Iran. Des unités spéciales infiltrées en territoire iranien ont utilisé des drones FPV pour neutraliser des systèmes de défense sol-air, ouvrant ainsi la voie aux frappes de l’aviation et des missiles israéliens. Ils ont également visé plusieurs lanceurs de missiles sol-sol.
Cette menace devient désormais incontournable. Plus personne ne pourra prétendre ne pas avoir été averti. Ces opérations ont nécessité une préparation minutieuse — et l’on peut légitimement se demander combien d’autres sont déjà planifiées. Qu’il y en ait d’autres en cours ou non, il ne fait aucun doute que ces modes d’action inspireront de nombreux acteurs à l’avenir.
Cet article est un Article Invité, en accès gratuit. Il ne reflète pas nécessairement la position de Meta-Defense sur les questions traitées, mais apporte une analyse complémentaire pertinente sur certaines questions liées à l’actualité Défense.
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Parmi les nombreuses innovations dévoilées à l’occasion de l’édition 2025 du salon du Bourget, le nouveau drone d’attaque à longue portée OWE (One-Way Effector), développé par le missilier européen MBDA, se distingue tout particulièrement depuis l’ouverture du salon par l’intérêt médiatique considérable qu’il suscite, tant en Europe qu’à l’international.
Ce drone, développé en fonds propres par l’industriel, vise à répondre à un double défi stratégique majeur pour les armées européennes : d’une part, le durcissement des dispositifs de déni d’accès (A2/AD) mis en place par plusieurs puissances adverses, et d’autre part, la prolifération des drones longue portée à bas coût produits en masse, comme les Geran-2 russes (dérivés des Shahed-136 iraniens), qui ont démontré leur efficacité contre les infrastructures ukrainiennes.
Bien que MBDA soit resté relativement discret sur les performances techniques détaillées de son drone, il a néanmoins mis en avant une caractéristique tout à fait remarquable et inédite : la possibilité d’en produire jusqu’à 1 000 exemplaires par mois, en cas de besoin, grâce à une architecture industrielle spécifiquement conçue pour une montée en cadence rapide.
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Le drone d’attaque à longue portée OWE de MBDA, présenté au salon du Bourget 2025
C’est incontestablement l’une des grandes surprises de cette édition 2025 du salon du Bourget. MBDA, le missilier européen déjà connu pour des systèmes d’armement avancés comme les missiles de croisière SCALP-EG/Storm Shadow, le MdCN (Missile de Croisière Naval), ou encore le futur missile franco-britannique FMC en développement, a dévoilé un nouveau drone d’attaque à longue portée. Ce drone, qualifié de “one-way” ou à usage unique, s’inscrit dans la lignée des armes d’attrition visant à saturer les défenses ennemies par le nombre.
Comme le montre cette illustration diffusée par MBDA, le drone OWE a été imaginé à des fins tactiques, notamment pour neutraliser les systèmes de déni d’accès de l’adversaire, afin de libérer des espaces de manoeuvre pour l’aviation de combat.
Désigné sous l’acronyme OWE, pour One-Way Effector, l’engin est propulsé par un petit turboréacteur. Développé depuis décembre 2024 sur fonds propres, il est conçu pour emporter à une vitesse de croisière d’environ 450 km/h une charge militaire de 40 kg, destinée à neutraliser ou détruire son objectif par impact direct.
Pour l’heure, MBDA est resté très économe en informations concernant les détails technologiques embarqués. On ignore encore tout du système de navigation du drone, notamment s’il repose sur des signaux satellitaires classiques (GPS/Galileo/GLONASS), ou s’il est capable de navigation inertielle ou de vol à très basse altitude avec suivi de terrain, comme le font les missiles de croisière développés par le même industriel.
De la même manière, aucun renseignement n’a été communiqué sur les options de guidage terminal, qu’il s’agisse d’un autodirecteur optique, radar ou infrarouge, ni sur la possibilité d’intégrer une liaison de données permettant à un opérateur humain de conserver le contrôle décisionnel jusqu’à l’impact, un principe essentiel à la doctrine française actuelle en matière d’emploi des drones d’armement.
Un système conçu pour être produit à 1 000 exemplaires par mois lors d’un conflit actif
Malgré le peu de détails techniques divulgués, la présentation du OWE a immédiatement attiré l’attention des observateurs spécialisés comme du grand public, y compris outre-Atlantique. La raison est simple : la véritable rupture apportée par ce drone ne réside pas tant dans ses performances pures, encore floues à ce stade, que dans son positionnement industriel. MBDA a en effet conçu ce système avec une ambition particulièrement marquée : celle de pouvoir en assurer une production de masse, jusqu’à 1 000 unités par mois, si les circonstances opérationnelles l’exigent.
L’indsutrie russe produirait plus de 2000 drones d’attaque à longue portée Geran par mois, sur le site d’Alabuga.
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Le salon du Bourget n’a pas encore débuté que Dassault Aviation focalise déjà une grande partie de l’attention médiatique. Pour représenter le Rafale F5, le futur standard de son avion de combat attendu pour 2030, l’avionneur français y a envoyé un Rafale B de l’Armée de l’Air et de l’Espace., la version biplace du chasseur qui comporte trois versions : C monoplace, B biplace, et M Marine, embarqué à bord du porte-avions Charles de Gaulle..
Mais le B envoyé à Paris n’est pas tout à fait le même que les appareils en service en France, en Grèce, en Égypte ou en Inde. Celui-ci arbore, en effet, deux réservoirs conformes, préfigurant l’une des capacités évoquées il y a deux ans pour le Rafale F5. Pour enfoncer le clou, Dassault a envoyé, pour accompagner son Rafale New Look, ce qui ressemble beaucoup au Neuron, 12 ans après la première apparition du démonstrateur de drone de combat furtif lors du salon du Bourget 2013 — là encore, pour présenter une vision de ce que sera le futur standard F5.
Bien évidemment, la présentation de ces appareils par Dassault Aviation invite à toutes les spéculations autour du Rafale F5, dont les contours exacts sont toujours inconnus, en particulier sur certains aspects cruciaux comme la furtivité de l’appareil et le turboréacteur T-REX, deux des points déjà évoqués publiquement par les industriels français de la Team Rafale.
Mais cette offensive de l’avionneur français n’a pas pour seul but de générer un intérêt médiatique. Elle s’inscrit surtout dans un contexte de recomposition très rapide du marché mondial des avions de combat, d’accélération du tempo technologique mondial de défense, et d’un ministre des Armées qui, pour la première fois, semble plus critique que protecteur vis-à-vis du programme SCAF, face aux difficultés qui se dessinent à nouveau avec la fin de la phase 1B.
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Le Rafale B01 présenté avec des réservoirs conformes au Salon du Bourget 2025
Le salon Paris Air Show (le salon n’ayant pas résisté à l’anglicisation de son nom), qui se déroule du 16 au 22 juin au Bourget, est le plus important salon international aéronautique, avec le salon britannique de Farnborough. Ils sont d’ailleurs apparus presque simultanément à l’après-guerre, 1948 vs 1952 (même si le salon aéronautique de Paris remonte à 1909). Les deux salons rythment, depuis, l’histoire aéronautique mondiale, se partageant, une année sur deux, l’attention de l’ensemble de la sphère aéronautique mondiale, qu’elle soit civile ou militaire.
Vue aérienne du salon du Bourget de 1973 : vous avez 1à secondes pour trouvers l’étendard IV, la Gazelle, le Falcon 10 et le Viggen. Top, c’est parti …1,2…
Pour les avionneurs et grandes entreprises européennes, et plus particulièrement françaises, ce salon est l’occasion de présenter les nouveaux modèles et nouvelles avancées technologiques, autant pour créer un intérêt médiatique que pour susciter l’intérêt des éventuels futurs clients mondiaux.
L’édition 2025 du PAS ne manquera pas de nouveautés et d’annonces, dans le domaine civil, avec des annonces de commandes de transporteurs Airbus, Boeing, Embraer et Bombardier, attendues des compagnies indiennes, saoudiennes ou encore marocaines. Mais, indubitablement, l’édition 2025 verra surtout le retour de la Défense comme pilier majeur du salon.
Dans ce domaine, l’avionneur Dassault Aviation, fleuron de la BITD française, et ses partenaires de la Team Rafale ont mis les petits plats dans les grands, provoquant l’émoi médiatique avant même que le salon ne débute, avec l’arrivée du Rafale B01 équipé de réservoirs conformes.
Rafale avec réservoir fuselage ? Drone UCAV Neuron ? Drone MALE AAROK ?
Pour rappel, un réservoir conforme est un réservoir de carburant additionnel ajouté directement sur la cellule de l’appareil, et non de manière pendulaire, comme c’est le cas des bidons que l’on observe à présent presque systématiquement sur les avions de combat modernes, comme le Rafale, le Typhoon, le Gripen ou le Super Hornet.
Or, ces bidons ont deux inconvénients majeurs. Ils augmentent sensiblement la traînée (la résistance à l’air) et entravent donc les performances de l’appareil en termes de plafond, de vitesse et d’accélération. En outre, ils augmentent la section radar, modifient le centrage du chasseur, et créent des contraintes parfois importantes sur la cellule, ce qui limite les capacités d’évolution du chasseur, tout en le rendant plus facilement détectable.
En outre, et contrairement à ce qui est parfois avancé, ces bidons supplémentaires ne sont pas toujours largables, comme c’était le cas des bidons équipant les chasseurs d’escorte de la Seconde Guerre mondiale comme le P-51, le P-47 ou le P-38, qui permettaient aux pilotes alliés de larguer les bidons pour retrouver toute l’agilité et les performances de leur chasseur avant d’engager un combat.
Le reservoir conforme n’est pas une nouveauté sur Rafale. Il était déjà présenté par Dassault Aviation sur le B01 dès 2001. Toutefois, la présentations de cette option, 24 ans plus tard, préfigure sans doute possible, l’arrivée du Rafale F5.
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À la sortie de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, le 5 juin à Bruxelles, son secrétaire général Mark Rutte affichait une confiance évidente. Selon lui, pour donner corps à l’accord capacitaire entériné par les 32 ministres présents, il n’y avait d’autre choix que d’accepter une élévation de l’effort de défense plancher de chacun des membres à 5 % du PIB d’ici à 2030 ou 2032, soit 3,5 % pour les armées elles-mêmes, et 1,5 % pour les infrastructures, le redéploiement et la transformation capacitaire de l’industrie de défense, et le durcissement de la résilience, au travers de la sensibilisation des opinions publiques.
Pourtant, depuis, si certains pays se sont pleinement engagés à respecter cette trajectoire, spécialement en Europe du Nord et de l’Est, avec l’Allemagne et la Pologne en chefs de file, pour beaucoup d’autres membres, l’objectif budgétaire fixé par Mark Rutte, mais aussi par Donald Trump, est loin de susciter l’enthousiasme.
Ainsi, en début de semaine, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, a laissé entendre qu’il n’hésiterait pas à prendre des « décisions courageuses », si les seuils des 3,5 % et 1,5 % visés par l’OTAN étaient imposés à ses membres, laissant supposer que Madrid pourrait, par exemple, sortir du commandement intégré, comme le fit la France en 1966.
D’autres pays, comme le Portugal, l’Italie et même la Grande-Bretagne, s’ils valident la nécessité d’augmenter leurs efforts de défense respectifs, demeurent en revanche beaucoup plus réservés quant aux seuils évoqués par l’OTAN et leur application.
Pour la France, empêtrée dans une crise budgétaire sans précédent, le sujet est d’autant plus complexe que Paris se voyait déjà, par sa dissuasion et ses armées d’emploi expérimentées et aguerries, comme le pivot capacitaire de cette alliance européenne en construction. Pour autant, les déclarations, ou plutôt les non-déclarations du ministre des Armées, lors de l’interview du 6 juin, laissent entendre que la France envisage bel et bien de se désolidariser de cette dynamique OTAN voulue par Mark Rutte, et surtout par Washington.
Si, comme l’exigent les codes politiques modernes, toutes les postures nationales semblent avant tout dictées par des considérations nationales et électorales, on constate toutefois un grand absent dans ce débat occidental : d’où viennent ces valeurs exigées par l’OTAN ? Sont-elles justifiées du point de vue des besoins de défense nationaux et collectifs ? Et sont-elles raisonnables, en particulier lorsqu’elles sont adossées à un calendrier aussi raccourci ?
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Pourquoi faut-il augmenter l’effort de défense des membres de l’OTAN, spécialement en Europe ?
En premier lieu, il convient d’étudier, pour répondre à ces questions, la validité des postulats ayant amené les dirigeants de l’OTAN à s’engager dans cette voie controversée. Ces postulats sont au nombre de deux. Le premier est l’inexorabilité du retrait de la protection conventionnelle américaine de l’Europe, annoncée fermement par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche, et avant cela, lors de sa campagne électorale, mais engagé, dans les faits, depuis le pivot vers le Pacifique engagé par Barack Obama, à partir de 2014.
Le retrait des forces américaines conventionnelles d’Europe, une trajectoire inévitable ?
Pour de nombreuses capitales européennes, accepter de se conformer aux exigences de l’OTAN, c’est avant tout accepter de répondre favorablement aux exigences formulées par Donald Trump depuis janvier 2025. À ce moment, alors président élu des États-Unis, il avait annoncé que les États-Unis retireraient leur engagement de protection militaire aux pays membres de l’OTAN ne consacrant pas 5 % de leur PIB, ou plus, à leur effort de défense.
Le retrait des forces américaines convetionelles américaines d’Europe, est à présent presque inévitable.
Et de fait, les pays les plus exposés face à la Russie en Europe — la Pologne, les Pays baltes et les pays de la péninsule scandinave — ont tous annoncé qu’ils se conformeraient aux exigences de l’OTAN, et par transitivité, à celles de la Maison-Blanche. Même si, depuis, il est apparu, dans le discours des officiels américains, et en particulier de Pete Hegseth, le secrétaire à la Défense, que la protection qui sera garantie par les États-Unis à l’OTAN tendra à se concentrer avant tout sur les moyens de dissuasion, et non sur les moyens conventionnels.
En dépit d’une certaine forme de déni décroissant, observée surtout dans les capitales des pays européens les plus exposés, au sujet de l’inexorable retrait progressif de la protection conventionnelle américaine, ce postulat est à présent de plus en plus assimilé et validé en Europe, de manière unilatérale.
L’évolution de la puissance militaire russe et la menace qu’elle représentera pour les pays européens à partir de 2028
Le second postulat concerne l’évolution de la menace conventionnelle russe, dans les années à venir, au point de représenter, dès 2028, une menace existentielle pour les membres de l’OTAN dans leur ensemble. Et celui-ci est beaucoup moins consensuel que le premier.
En effet, pour certaines capitales, en particulier pour Budapest et Bratislava, la réalité de la menace russe vis-à-vis de l’OTAN est ouvertement remise en cause. Interrogé sur une chaîne d’information continue, il y a quelques jours, Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, a ainsi déclaré que cette menace était fantasmée par l’OTAN, la Russie n’ayant tout simplement pas les moyens d’agresser militairement l’Europe, alors qu’elle ne parvient pas à prendre l’ascendant sur l’Ukraine.
À l’inverse, beaucoup de services de renseignement occidentaux, et non des moindres, comme le BND allemand, alertent sur l’évolution très rapide des capacités militaires russes, maintenant que la restructuration économique et industrielle du pays a été achevée, surtout une fois la guerre en Ukraine terminée.
Dans ce cas, qui croire ? Laissons la croyance à ceux qui ont la foi, pour nous concentrer sur ce que nous savons. Ainsi, en dépit des sanctions économiques et politiques sévères imposées par l’Europe, les États-Unis et leurs alliés proches, comme l’Australie ou le Japon, l’effondrement politique, budgétaire ou même capacitaire du régime russe, et de ses armées, semble bien plus éloigné que jamais. Il en va de même pour l’isolement et la mise à l’index de la Russie sur le plan international.
Suite à la retraite des forces russes deployées en Ukraine sur la ligne Surovikine, à l’été 2022, l’industrie russe de défense a été entièrement restructurée pour supporter un engagement long basé sur l’attrition.
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Après avoir négligé l’investissement militaire pendant près de vingt ans, avec un effort de défense avoisinant à peine 1,1 % du PIB entre 2015 et 2017, le Danemark s’est aujourd’hui engagée dans une ambitieuse reconstruction de ses capacités militaires. Le Parlement a autorisé, en février dernier, une hausse spectaculaire de l’effort de défense au-delà de 3 % du PIB. Pour ce faire, 50 milliards de couronnes danoises supplémentaires, soit environ 7 milliards d’euros, seront alloués aux budgets des Armées 2025 et 2026.
Les chantiers sont nombreux pour ramener les armées danoises au niveau opérationnel requis. Parmi eux, la reconstruction des capacités antiaériennes fait l’objet d’une attention particulière. Le pays, situé à seulement 250 kilomètres de Kaliningrad et à 500 kilomètres des frontières russo-biélorusses, se trouve clairement dans la zone de portée des missiles de croisière, balistiques, et drones d’attaque russes.
Ce programme de reconstruction a été segmenté en trois phases. La première, consacrée à la très courte portée (SHORAD), s’est traduite par l’acquisition de 16 tourelles Skyranger 30 de Rheinmetall et de 250 missiles Mistral 3 français. C’est désormais la tranche intermédiaire qui vient d’être arbitrée, dans l’attente du volet à longue portée et antibalistique, opposant le SAMP/T NG au Patriot PAC-3 MSE.
Pas moins de dix industriels européens, turcs et israéliens avaient répondu à la demande d’information danoise pour cette composante intermédiaire. L’arbitrage, rendu public le 10 juin, surprend autant par sa portée européenne que par son audace. Le Danemark a en effet retenu non pas un, mais trois systèmes sol-air différents, tous européens.
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Trois systèmes antiaériens à courte et moyenne portée pour le Danemark et ses armées, d’ici fin 2026
La décision danoise concernant le renforcement de sa défense antiaérienne à courte et moyenne portée a été dévoilée ce 10 juin. Elle se distingue par une approche inédite, reposant sur la sélection de trois systèmes distincts : l’IRIS-T SLM allemand, le VL MICA franco-européen, et le NASAMS norvégien. Ces systèmes seront livrés et mis en service d’ici à la fin de l’année 2026, dans le cadre d’un plan d’urgence destiné à protéger la population et les infrastructures critiques du pays.
En choisissant ces trois systèmes complémentaires, tous issus de l’industrie européenne de défense, Copenhague opte pour une réponse à la fois rapide et diversifiée à la menace aérienne, dans une conjoncture régionale particulièrement tendue. L’ensemble représente un investissement global de 6 milliards de couronnes danoises, soit environ 800 millions d’euros. Deux des systèmes (IRIS-T SLM et VL MICA) ont été achetés, tandis que le NASAMS a été loué.
Un système IRIS-T SLM de l’allemand Diehl Defence
Le premier système sélectionné par les armées danoises est l’IRIS-T SLM de l’industriel allemand Diehl Defence. Ce système a démontré toute son efficacité en Ukraine depuis deux ans, et a été adopté par plusieurs armées européennes, dont l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, la Slovénie, l’Estonie, la Lettonie ou encore la Suisse. Il s’appuie sur le missile IRIS-T, dérivé du missile air-air éponyme équipant notamment les Eurofighter de la Luftwaffe.
Lancement d’un missile IRIS-T SLM
L’IRIS-T SLM atteint une portée de 40 kilomètres, avec un plafond d’interception de 20 kilomètres. Le missile, d’un poids de 110 kilogrammes, est accéléré par un booster additionnel, et guidé initialement par liaison de données, avant que son autodirecteur infrarouge ne prenne le relais pour la phase terminale. Il emporte une charge explosive de 11,4 kilogrammes, mise à feu par une fusée de proximité.
Le système repose sur un radar AESA TRML-4D de Hensoldt, en bande G, donné pour une portée de détection de 250 kilomètres, avec un plafond de suivi de 30 kilomètres. Chaque lanceur embarque 8 missiles prêts au tir, montés sur des camions tout-terrain 8×8.
L’IRIS-T SLM fait partie des trois piliers de l’Initiative européenne Sky Shield, aux côtés du Patriot américain et du système antibalistique Arrow 3 israélien. Il est par ailleurs interopérable avec le système SHORAD Skyranger 30, dont Copenhague a déjà commandé 16 exemplaires.
Un système VL MICA du franco-européen MBDA
Le second système retenu par les armées danoises est le VL MICA, développé par le missilier franco-européen MBDA. Comme l’IRIS-T SLM, il s’agit d’un système sol-air à courte et moyenne portée, conçu autour d’un missile air-air existant, en l’occurrence le MICA, utilisé notamment par les Rafale et Mirage 2000.
Contrairement à l’IRIS-T SLM, qui emploie un booster spécifique pour répondre aux exigences du tir sol-air, le VL MICA met en œuvre le missile tel qu’il équipe les avions de combat, dans des versions à autodirecteur infrarouge ou radar actif, selon les besoins exprimés. Cette configuration permet une grande modularité d’emploi, sans modification structurelle du missile.
Gros plan dur l’autodirecteur d’un VL MICA en capsule navale de lancement verticual. Qu’il soit naval ou aérien, le système VL MICa a été conçu pour répondre aux attaques saturantes, en permettant le lancement de 6 missiles en 6 secondes, contre 6 cibles différentes.
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La fin de semaine dernière s’annonçait prometteuse en matière d’annonces liées à l’effort de défense en Europe. En effet, à l’issue de la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, le 5 juin à Bruxelles, le secrétaire général de l’Alliance, Mark Rutte, a confirmé son ambition d’obtenir, lors du sommet de La Haye du 24 au 26 juin, un accord portant le seuil minimal d’investissement des pays membres de 2 % à 3,5 % du PIB à l’horizon 2030-2032, assorti de 1,5 % supplémentaires pour les infrastructures, l’industrie et les missions liées à la défense.
Et de fait, les annonces n’ont pas tardé. À travers toute l’Europe, chefs de gouvernement et ministres concernés se sont empressés de présenter leurs engagements : l’Allemagne promet 60 000 militaires supplémentaires, l’Italie envisage un porte-avions à propulsion nucléaire, et la Grande-Bretagne s’engage sur une trajectoire audacieuse de masse par la technologie, potentiellement décisive.
On pouvait donc espérer que l’interview accordée par le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, le 6 juin en Normandie aux chaînes du groupe TF1, viendrait enfin éclairer la position française. Malheureusement, comme depuis maintenant plus de trois mois, aucun élément concret n’a été annoncé. Rien, sinon une impression de plus en plus nette : la France semble bel et bien vouloir se tenir à l’écart des ambitions européennes…
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Pour le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, la puissance militaire ne s’exprime pas en points de PIB
Interrogé sur LCI lors des commémorations du 6 juin, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, est revenu sur les déclarations faites par le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, à l’issue de la réunion des ministres de la Défense de l’Alliance, le 5 juin à Bruxelles.
Le ministre des armées n’a pas que la parole rare, s’agissant d’obtenir une interview. Il a aussi la parole floue, lors de ces interview…
Pour le secrétaire général de l’Alliance, l’accord capacitaire signé ce jour-là par l’ensemble des ministres constitue une étape essentielle. Mais selon lui, cet accord n’aura de réelle portée qu’à condition d’être complété, lors du sommet de La Haye prévu du 24 au 26 juin, par un second engagement, budgétaire cette fois, afin de porter l’effort de défense minimal à 3,5 % du PIB d’ici 2030 ou 2035, et même à 5 % si l’on inclut les 1,5 % d’investissements supplémentaires dédiés aux infrastructures, à l’industrie de défense et aux missions spécifiques.
C’est justement cette distinction que la France semble aujourd’hui vouloir tracer très nettement. Sur l’accord capacitaire, aucun problème — Paris y souscrit pleinement. Mais dès lors qu’il s’agit de transposer cet engagement capacitaire en trajectoire budgétaire contraignante, la position change du tout au tout. L’interprétation française devient alors limpide : l’OTAN ne dicte pas le budget de la France.
Interrogé à ce sujet, Sébastien Lecornu n’a donné aucun chiffre précis sur l’évolution de l’effort de défense national, ni sur sa potentielle adaptation aux ambitions annoncées par l’OTAN. Bien au contraire, dans un exercice de contorsion sémantique de plus en plus fréquent, il a reconnu que la France devra, probablement, dépenser davantage pour ses armées à l’avenir… tout en réintégrant immédiatement cette hausse dans la continuité de l’effort engagé depuis 2018, à travers la loi de programmation militaire 2019-2025, puis la LPM actuelle, couvrant la période 2024-2030.
Autrement dit, et entre les lignes, on comprend que la France n’a pas l’intention, en l’état actuel des choses, de sortir de la trajectoire budgétaire établie par la LPM 2024-2030, laquelle prévoit un budget de 67 milliards d’euros en 2030. Ce qui représente un effort de défense équivalent à environ 2,2 à 2,3 % du PIB — bien en-deçà du seuil de 3,5 % proposé par l’OTAN, et encore plus éloigné des 5 % si l’on tient compte des investissements annexes.
Pour le ministre des armées, la Marine nationale executerait 700 jours de mer par an, au profit de l’OTAN. Cependant, sans dénominateur ou élément de comparaison, ce nombre n’est guère parlant.
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