mercredi, septembre 17, 2025
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Le Pentagone donne la priorité au F-47 de l’US Air Force face au F/A-XX de l’US Navy

Le 22 mars 2025, Donald Trump annonçait depuis le Bureau ovale la désignation du F-47 de Boeing comme futur chasseur de 6ᵉ génération de l’US Air Force, en présence du général Allvin, chef d’état-major de l’USAF. Ce choix stratégique, intervenu à l’issue du programme NGAD, marque une nouvelle victoire politique, capacitaire et industrielle pour l’US Air Force, aux dépens de l’US Navy. Depuis, les signes se sont multipliés : reports de crédits, silence radio côté naval, arbitrages budgétaires défavorables. Le F/A-XX, pourtant destiné à remplacer les Super Hornet dans les groupes aéronavals américains, est officiellement mis en pause.

Selon les déclarations croisées du Pentagone et de plusieurs sources parlementaires reprises par The War Zone, l’arbitrage ne se limite pas à un simple glissement de calendrier. Il pourrait aboutir à un recul de près d’une décennie, imposant à l’US Navy un redémarrage complet de la procédure, et laissant les porte-avions américains sans chasseur de nouvelle génération jusqu’aux années 2040. En parallèle, le F-47, devenu priorité présidentielle, pourrait entrer en service avant 2029 — à temps pour marquer le mandat du 47ᵉ président des États-Unis.

Derrière cette bascule, c’est toute la hiérarchie capacitaire américaine qui se redessine. Le choix du F-47 au détriment du F/A-XX ne dit pas seulement quelle armée domine. Il révèle aussi quelles zones géographiques, quels scénarios d’engagement et quelles postures stratégiques sont désormais privilégiés par le commandement militaire américain. Et, en filigrane, quelle place exacte Washington souhaite encore accorder à la défense de Taïwan face à l’Armée populaire de libération.

Rivalité historique entre l’US Navy et l’US Air Force

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’US Navy et l’US Air Force entretiennent une rivalité permanente pour les arbitrages industriels, doctrinaux et budgétaires autour du développement des avions de combat.

F-35C US Navy
La configuration monomoteur du F-35C n’etait pas du tout du gout de l’US Navy, mais elle lui a été imposée par le F-35A de l’US Air Force, successeur désigné du F-16, et le F-35B, successeur du Harrier 2 de l’US Marines Corps.

À plusieurs reprises, l’aviation embarquée a su imposer ses choix face à l’USAF, comme ce fut le cas dans les années 1960 avec la standardisation autour du F-4 Phantom II, puis du A-7 Corsair II, sur les ruines du programme Century Series, dont les appareils, malgré leur avance technologique, se révélèrent inadaptés aux besoins opérationnels réels. Mais depuis le début des années 2000, le rapport de force s’est progressivement inversé, au profit de l’aviation basée à terre.

Le programme F-35 est emblématique de cette dynamique. Conçu comme un chasseur multirôle commun aux trois forces (Air Force, Navy, Marines), il a, en réalité, été largement façonné selon les contraintes de la version F-35A de l’USAF, la plus simple et la plus rentable à produire. La version F-35C, embarquée, a dû composer avec des compromis de structure et de performance hérités des F-35A et B, au détriment de l’optimisation navale.

Ce déséquilibre initial a nourri un sentiment de frustration au sein de l’US Navy, qui voyait dans le programme F/A-XX une opportunité de reprendre l’initiative capacitaire sur le segment de la supériorité aérienne embarquée. Mais le choix de donner la priorité au F-47 confirme une fois de plus la domination institutionnelle de l’US Air Force au sein du Pentagone, y compris sur des enjeux stratégiques liés au domaine maritime.

F-47 vs F/A-XX : deux réponses à une même menace chinoise

Depuis 2020, la montée en puissance de l’industrie aéronautique militaire chinoise ne cesse d’inquiéter les planificateurs américains. Avec le J-20, le J-35 embarqué, et la perspective du J-35A basé à terre, Pékin est en passe de refermer l’écart technologique qui la séparait encore de Washington il y a dix ans. Les paires capacitaires se dessinent avec une inquiétante symétrie : J-20 contre F-22, J-16 contre F-15EX, J-10C contre F-16V, J-35A contre F-35A.

Du côté naval, la dynamique est similaire. Le J-15T vient défier le F/A-18E/F, le J-15D affronte le EA-18G Growler, et le J-35 vise clairement le segment occupé par le F-35C. Parallèlement, deux nouveaux appareils en développement — désignés médiatiquement comme J-36 et J-50 — sont régulièrement observés en vol depuis leur révélation publique savamment orchestrée par Pékin, les 26 et 27 décembre 2024. Leur entrée en service opérationnel dans les années à venir ne fait plus guère de doute.

J-36 Avion de combat de 6ᵉ génération CAC chine
un des tout premier cliché montrant le chasseur lourd de 6ème génération designé comme le Chendu J-36

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L’OTAN en route vers un effort de défense à 5% PIB lors du sommet de La Haye

C’est un Mark Rutte, le secrétaire général de l’OTAN, tout sourire, qui s’est exprimé devant la presse après la réunion des ministres de la Défense de l’Alliance, le 5 juin, à Bruxelles. En effet, il a obtenu de ces ministres un accord unanime concernant la feuille de route capacitaire de l’Alliance pour les années à venir, et la remontée en puissance des armées européennes qu’elle suppose, afin de faire face à l’évolution du potentiel militaire russe.

Cet accord pave, en effet, la voie pour que le sommet de La Haye, du 24 au 26 juin, devienne le sommet de la refondation et du renouveau, avec le très ambitieux objectif d’atteindre un effort de défense plancher, pour l’ensemble des membres, de 5 % du PIB, dont 3,5 % pour les seules armées, dans les quelques années à venir.

Cependant, au-delà de la confiance du secrétaire général de l’OTAN, il apparaît que l’accord demeure encore loin d’être concrétisé, même s’il semble inéluctable maintenant que les ministres ont validé cette montée en puissance capacitaire, alors que les tensions transparaissent déjà dans le discours, ou l’absence de discours, de certains de ses membres.

Sur quels aspects les ministres de la Défense de l’Alliance Atlantique se sont-ils entendus, ce 5 juin ? À quoi correspond cet objectif d’effort de défense de 5 % du PIB, d’abord réclamé par Donald Trump, puis repris par Mark Rutte ? Quelles sont les conséquences pouvant être anticipées sur la sécurité collective, une fois qu’il sera atteint ? Et comment des pays très exposés politiquement ou budgétairement, comme la Belgique, l’Italie, l’Espagne et la France, pourront-ils y parvenir ?

Les ministres de la Défense de l’OTAN se sont entendus sur la feuille de route capacitaire de l’alliance dans les années à venir pour contenir la menace Russe

Ces dernières semaines, de nombreuses déclarations, plus ou moins officielles, avaient tracé les contours des décisions qui seront prises à l’occasion du sommet de l’OTAN de La Haye, du 24 au 26 juin, aux Pays-Bas.

Mark Rutte OTAN 5 juin 5% PIB
Mark Rutte tout sourire lors de la conférence de presse qui suivit la réunion des ministres de la Défense de l’OTAN, le 5 juin à Bruxelles.

On en sait à présent beaucoup plus à ce sujet, à l’issue de la réunion ayant rassemblé, le 5 juin, les ministres de la Défense de l’Alliance atlantique, à Bruxelles. Lors de la conférence de presse donnée à l’issue de cette rencontre, le secrétaire général de l’OTAN, le Néerlandais Mark Rutte, a effectivement annoncé que l’ensemble des ministres avait avalisé le plan de reconstruction capacitaire resserré qui sera appliqué lors des quelques années à venir, et spécialement conçu pour contenir l’évolution de la menace russe.

Au sommet de La Haye, Mark Rutte proposera d’amener l’effort de défense exigé par l’OTAN à 5% PIB, dont 3,5 % pour les armées.

Cet accord ouvre la voie à un second accord, qui devrait être entériné à l’occasion du sommet de La Haye, lequel promet d’être un sommet historique. En effet, à cette occasion, les chefs d’État devraient s’entendre pour s’engager à augmenter leurs dépenses de défense, sur un calendrier resserré, à hauteur de 5 % de leur produit intérieur brut, dont 3,5 % pour la mission défense (“core defense” dans le texte), et 1,5 % pour les investissements de soutien, comme les pensions, les infrastructures et l’évolution de l’industrie de défense.

Selon Mark Rutte, les contours exacts de cet accord, notamment son calendrier et les périmètres de chacune des tranches, font encore l’objet de négociations, certains pays souhaitant notamment intégrer les actions en faveur du climat dans cette enveloppe, ou viser une échéance à 2035, et non 2032.

Pour autant, selon le secrétaire général, la trajectoire capacitaire étant d’ores et déjà fixée et validée, il ne doute pas qu’un accord final soit acquis lors du sommet. Il précise, par ailleurs, que les erreurs faites lors du sommet de 2014, ayant donné toute latitude aux États membres quant au calendrier des hausses budgétaires pour atteindre le seuil des 2 % du PIB à échéance 2025, ne seront pas reproduites, et que chaque pays devra respecter une trajectoire établie avec des échéances annuelles, pour contenir toute dérive.

Les négociations demeurent tendues pour définir les périmètres et le calendrier de ces objectifs qui bénéficient du très puissant soutien américain

Cependant, si beaucoup de ministres, à la sortie de cette réunion, affichaient une mine satisfaite lors de la traditionnelle photo de famille, certains d’entre eux affichaient davantage un visage fermé.

Pete Hegseth OTAN
Pete Hegseth, beaucoup moins souriant, lors de cette réunion…

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Le futur destroyer Type 83 de la Royal Navy, première concrétisation de la nouvelle doctrine britannique ?

Le futur destroyer Type 83 de la Royal Navy n’existe encore que sur plans. Ni sa silhouette, ni sa propulsion, ni même son nom définitif ne sont figés. Pourtant, il cristallise déjà une attention rare. Car ce navire n’est pas seulement appelé à remplacer les actuels Type 45 : il est conçu pour incarner, dans sa forme même, un changement de cap majeur dans la manière dont le Royaume-Uni pense et organise sa puissance militaire.

Annoncé dans le cadre du programme Future Air Dominance at Sea (FADS), le Type 83 est le premier grand programme naval à intégrer pleinement la nouvelle doctrine stratégique britannique publiée il y a quelques jours. Une doctrine qui se distingue par une formule aussi percutante qu’ambitieuse : la masse par la technologie. Une formule qui ne se contente pas d’opposer technologie et effectifs humains, mais qui vise à multiplier les plateformes, les capteurs et les effecteurs, sans augmenter les formats ni les charges budgétaires.

Cette approche, radicale par rapport aux logiques occidentales des cinquante dernières années, semble pourtant découler d’un constat lucide : les armées ne pourront plus reconstituer de la masse par les moyens traditionnels. Le choix britannique ne consiste donc pas à contourner cette difficulté, mais à l’embrasser. Et le Type 83, en tant que bâtiment automatisé, numériquement piloté, et doté de systèmes IA pour la gestion autonome du feu, doit en être la démonstration.

Mais une telle ambition soulève de nombreuses questions. Les échecs récents dans d’autres marines, les limites observées en matière de réduction d’équipage, et les contraintes humaines, techniques et doctrinales liées à la délégation de décision au numérique, rappellent que ce pari reste risqué. Et qu’il touche à un seuil critique : celui de la délégation de la force létale, jusque-là considérée comme un attribut strictement humain.

Dès lors, une question s’impose : le programme Type 83 est-il une ambition démesurée, voire démagogique, portée par une croyance excessive dans la promesse technologique ? Ou représente-t-il au contraire la première concrétisation réaliste et nécessaire d’un modèle de défense repensé à l’échelle d’un monde confronté à des défis inédits ?

La nouvelle doctrine Défense britannique vise la masse par la technologie

Avec la publication de sa nouvelle Revue stratégique de défense, le Royaume-Uni a engagé une refonte profonde de sa doctrine militaire. Celle-ci marque une rupture nette avec les orientations suivies depuis la fin de la guerre froide. L’OTAN redevient la priorité centrale de la stratégie de Londres, mais cette bascule va bien au-delà d’un simple réalignement diplomatique ou capacitaire. Pour la première fois, l’intégration complète de la base industrielle et technologique de défense (BITD) britannique est présentée comme un pilier opérationnel à part entière, indissociable de l’action des armées.

Keir Starmer, lors de la presentation Revue stratégique de défense britannique 2 juin 2025
Keir Starmer, lors de la presentation Revue stratégique de défense britannique 2 juin 2025

Autre changement de paradigme : les forces armées britanniques ont acté qu’il leur serait impossible de reconstituer une armée de masse appuyée sur des effectifs humains comparables à ceux du passé. Le contexte démographique, budgétaire, mais aussi technologique, rend ce retour hors de portée.

C’est précisément de cette impossibilité qu’émerge la plus grande originalité de la doctrine britannique : son pari de la masse par la technologie. Contrairement aux doctrines occidentales post-guerre froide, qui ont toutes tenté de faire de la technologie une alternative à la masse — en réduisant les formats tout en misant sur la supériorité technique —, la stratégie britannique fait un pas de plus. Elle cherche non pas à compenser la masse, mais à la recréer, autrement.

Cet objectif se traduit concrètement par la doctrine dite « 20-40-40 » de la British Army pour l’horizon 2035. Celle-ci prévoit que seulement 20 % des systèmes seront pilotés par des équipages humains, contre 80 % autonomes ou téléopérés, tout en assurant 100 % des capacités opérationnelles prévues. Autrement dit, un triplement potentiel de la masse, sans augmentation des effectifs.

C’est cette approche doctrinale radicalement nouvelle que le programme Type 83 de la Royal Navy semble vouloir incarner pour la première fois, dans le domaine naval.

Les Retex récents mettent en doute la viabilité de l’approche numérique retenue par Londres et ses Armées

L’ambition britannique de retrouver de la masse par la technologie pourrait sembler, à première vue, trop ambitieuse — voire irréaliste — si l’on se fie aux Retex récents dans ce domaine. En effet, plusieurs expériences récentes ont souligné les limites concrètes de la numérisation, lorsqu’elle vise à réduire la charge humaine ou à accroître la polyvalence des systèmes via l’automatisation.

LCS classe Independance
Le progremme LCS (ici la classe Independance de Fincantieri/Marinette Shipbuilding) a été un retentissant exemple des conséquences d’un programme aux ambitions technologiques mal maitrisées.

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[En Bref] : Spiderweb réveille l’US Air Force, le Canada et le Groenland face à l’hégémonie US, les succès du Gripen et de l’industrie défense israélienne.

Comme toujours, l’actualité Défense a été riche, ces derniers jours, et si l’ensemble des sujets ne justifient pas une analyse complète, certains sujets méritent un regard plus appuyé. C’est le cas notamment des conséquences de l’opération Spiderweb ukrainienne, contre les bases de bombardiers stratégiques russes, provoquant un électrochoc au sein de l’US Air force.

L’industrie européenne de défense a signé un nouveau succès, avec la décision officielle de la Royal Thaï Air Force de se tourner vers le JAS 39 Gripen E/F, au détriment du F-16V poussé avec insistance par Washington, alors que, dans le même temps, l’industrie de défense israélienne a annoncé une nouvelle année record, en termes de prises de commande à l’export, et ce, en majeure partie vers l’Europe.

Enfin, alors que le Canada multiplie les initiatives pour se rapprocher des Européens, notamment en matière de défense, face aux déclarations de Donald Trump, le Danemark, lui, reste dans voix, alors que le Pentagone va annoncer que le Groenland passera sous commandement américain, et non plus européen.

Introduction

Depuis quelques semaines, une série de signaux faibles — ou parfois très forts — a mis en lumière des évolutions stratégiques significatives au sein des principales puissances militaires occidentales. En effet, qu’il s’agisse des conséquences doctrinales de l’opération Spiderweb menée par les forces spéciales ukrainiennes, des ambitions industrielles israéliennes portées par l’Europe, ou encore des réorientations du Canada et des États-Unis en matière de commandement, chacun de ces événements semble indiquer que la recomposition géostratégique en cours s’accélère.

opération spiderweb
Une des captures d’ecran venant des videos diffusées par le SBU au sujet de l’opération Spiderweb. La question, à présent, et de savoir ce vers quoi se tournera Vladimir Poutine, pour répondre à une attaque directe contre un des éléments clés de sa dissuasion, même si, en l’occurence, la Russie employait depuis trois ans ses Tu-95MS, ses Tu-22M et ses A-50 pour mener des attaques conventionelles contre l’Ukraine, à l’aide de missiles de croiisère aéroportés.

Ainsi, l’attention croissante portée à la vulnérabilité des infrastructures nucléaires russes après l’attaque de drones sur leurs bases aériennes pousse désormais l’US Air Force à reconsidérer en profondeur sa propre posture défensive. Parallèlement, le Canada, dans une logique de repositionnement, cherche à s’émanciper partiellement de l’hégémonie sécuritaire américaine en s’arrimant à l’effort européen de défense, tandis qu’en Asie du Sud-Est, les succès du Gripen suédois face au F-16V américain révèlent une bascule progressive dans les rapports de force industriels et diplomatiques.

Pour autant, l’élément le plus frappant n’est peut-être pas dans ce que disent ces décisions, mais dans ce qu’elles traduisent : une montée en puissance de logiques bilatérales, asymétriques, voire unilatérales, aux dépens des grands cadres multilatéraux naguère dominants.

En effet, que les États-Unis décident d’intégrer le Groenland sans en référer à Copenhague, que l’Europe continue de nourrir, volontairement ou non, la croissance exponentielle du complexe militaro-industriel israélien sans contrepartie politique, ou que les pays asiatiques rejettent désormais les offres américaines au profit d’alternatives régionales ou européennes, tous ces éléments convergent. Ils dessinent un système international où la logique d’alliances cède progressivement le pas à celle de rapports d’intérêt tactiques, flexibles, résolument contingents.

Par conséquent, ce nouveau format « En Bref » propose une lecture croisée de cinq actualités récentes, reliées par ce fil rouge : la fragmentation accélérée du modèle stratégique occidental tel qu’il s’est construit depuis la fin de la guerre froide, et la montée en puissance d’initiatives, d’acteurs ou de doctrines qui redéfinissent — parfois sans coordination, souvent sans retour — les équilibres militaires d’aujourd’hui et de demain.

L’opération Spiderweb : un électrochoc stratégique pour l’US Air Force

L’opération Spiderweb, menée fin mai par les forces spéciales ukrainiennes contre plusieurs bases aériennes stratégiques russes, continue de produire ses effets bien au-delà du champ de bataille.

En effet, si l’ampleur exacte des pertes infligées à l’aviation stratégique russe reste difficile à établir avec certitude, les estimations avancées par Kyiv évoquent la destruction ou l’endommagement d’environ 10 à 30 % de la flotte de bombardement à long rayon d’action de Moscou, soit un coup direct porté à l’un des trois piliers de la dissuasion nucléaire russe. Mais plus encore que l’effet tactique, c’est la portée symbolique et doctrinale de l’opération qui interpelle les états-majors occidentaux.

B-52 Guam
Une Elephant walk de B-52 de l’US Air Force, sur la base de Guam. Les bombardiers stratégiques américains ne disposent d’aucune hangar suffisament grand pour pouvoir les accueillir et les protéger contre le type d’attaque observé en Russie.

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Commandes industrielles, RRS 2022…: le ministère des Armées aux abonnés absents depuis deux mois

Le 28 mai 2025, Cédric Perrin, vice-président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées au Sénat, interpellait publiquement le ministère des Armées sur un point devenu impossible à éluder : l’absence totale de commandes militaires depuis le début de l’année. Malgré les annonces, malgré l’urgence, malgré les engagements affichés, rien n’a été concrétisé. « On ne peut plus attendre », alertait-il, pointant le décalage croissant entre les discours politiques et la réalité industrielle.

Depuis deux mois, en effet, le ministère ne parle plus. Ni annonces, ni livraisons, ni précisions sur les arbitrages capacitaires à venir. Un silence d’autant plus assourdissant qu’il succède à une séquence d’alignement politique et industriel sans précédent : entre janvier et mars 2025, Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu et Emmanuel Chiva avaient dessiné, à mots clairs, les contours d’un nouveau cap stratégique pour la défense française. Revue stratégique révisée, montée en puissance des commandes, budget à 90 milliards évoqué sans détour — tout semblait indiquer que la France s’apprêtait enfin à assumer une trajectoire ambitieuse et souveraine.

Et puis, plus rien. Ni le ministère des Armées, ni la DGA, ni même la présidence n’ont depuis repris la parole. Aucun calendrier, aucune mise en œuvre, aucun signal concret n’est venu confirmer les engagements esquissés. Pendant ce temps, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Pologne, chacun à leur manière, accélèrent, investissent, et intègrent pleinement leur industrie à leur stratégie de défense.

Ce décalage, désormais impossible à masquer, soulève une question centrale : peut-on encore piloter une politique de défense en France sans trancher, enfin, la question de son financement ? Et surtout, tant que l’on considérera l’investissement militaire comme une dépense pure, la France pourra-t-elle éviter le déclassement stratégique auquel l’actuelle inertie semble nous condamner ?

Les grandes ambitions affichées par l’exécutif français pour le ministère des Armées en début d’année 2025

L’année 2025 avait commencé sous le signe de l’ambition stratégique pour la France. À l’occasion des vœux aux armées, prononcés le 8 janvier, le ministre des Armées Sébastien Lecornu livrait un premier signal : l’année à venir serait celle d’une consolidation industrielle et capacitaire, appuyée par une politique d’investissement résolue.

Macron voeux aux armées 2025
Lors des voeux aux Armées 2025, Emmanuel Macron a annoncé la révision de la Revue Stratégique 2025, qui devait être rendue à la fin du mois de mai. Début juin, aucune information n’accrédite la prochaine publciation de cette RSS 2022, et les agenda publiés du ministre des Armées comme du président de la République, ne montrent aucune indication en ce sens à court terme.

Dans un discours mesuré mais dense, il insistait sur la nécessité de tenir le cap fixé par la Loi de programmation militaire 2024-2030 (LPM), tout en appelant à un effort renforcé dans les domaines de l’innovation, de la production de munitions, et de la transformation RH au sein des armées. La ligne tracée était claire : il fallait faire plus, plus vite, et mieux.

Moins de deux semaines plus tard, lors des vœux présidentiels aux armées, le 20 janvier, Emmanuel Macron enfonçait le clou avec des mots autrement plus explicites. Non seulement le président annonçait officiellement le lancement d’une révision de la Revue stratégique 2022, mais il soulignait la nécessité d’ajuster la posture française aux réalités d’un monde « réarmé, brutal et accéléré ».

Dans la droite ligne du discours de Toulon fin 2022, mais avec un ton plus pressant, il évoquait une « mobilisation générale de la nation pour la défense », qui devait désormais s’ancrer autant dans les territoires que dans les chaînes de production. C’est également à ce moment que l’idée d’un basculement doctrinal progressif — appuyé par une montée en puissance industrielle — commençait à s’esquisser.

L’annonce présidentielle du 20 janvier a eu un effet immédiat : elle a libéré la parole. Dans les semaines qui ont suivi, les prises de position se sont multipliées, tranchant avec la prudence habituelle de la communication gouvernementale sur les questions de défense.

Le ministre des Armées Sébastien Lecornu, désormais conforté par l’initiative présidentielle, s’est montré de plus en plus offensif. Il a évoqué publiquement la nécessité d’augmenter le nombre de frégates à l’horizon 2035, d’accélérer les livraisons de Rafale pour éviter les ruptures capacitaires, et même — point particulièrement notable — de porter le budget des armées à 90 milliards d’euros, soit près de 50 % d’augmentation par rapport à l’enveloppe prévue dans la LPM votée à peine un an plus tôt.

Ministère des Armées Lecornu 90 Md€
Au micro de France Inter, le 6 mars 2025, Sébastien Lecornu était en pleine confiance, en affirmant son ambition de budget des Armées à 90 Md€ pour répondre aux enjeux.

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La Revue de Défense Stratégique britannique face au triptyque ressources humaines, robotisation et industrie en 2035

Le 2 juin 2025, le ministère britannique de la Défense publiait un document aussi inattendu que structurant : une Revue de Défense Stratégique (RDS), première du genre au Royaume-Uni. Contrairement aux exercices précédents, souvent cantonnés à la planification capacitaire ou à la stratégie diplomatique, cette revue propose une vision d’ensemble de la posture militaire britannique à l’horizon 2035, intégrant les dimensions humaines, technologiques, industrielles et doctrinales dans une approche unifiée et cohérente.

Dès les premières pages, une ligne de force émerge : la ressource humaine n’est plus considérée comme une variable à ajuster, en fonction des ambitions, mais comme un facteur structurant — voire limitant — de la stratégie de défense britannique. Faute de pouvoir reconstituer des armées de masse, le document acte un changement profond de modèle.

La réponse n’est pas de contourner la contrainte RH, mais de la dépasser par la technologie, l’automatisation et la mise en réseau systémique des moyens. Ce déplacement d’axe transforme mécaniquement le rôle de la machine, ou plus spécifiquement, du système autonome, dans la guerre moderne. Mais il entraîne aussi, par ricochet, une redéfinition complète du rôle de l’humain — combattant, opérateur, décideur — et de l’industrie, désormais placée au cœur même de la notion même de puissance.

Dès lors, une question se pose : dans un contexte stratégique où l’humain devient rare, où la technologie s’impose comme solution, et où l’industrie devient moteur : comment articuler efficacement ces trois composantes pour préserver la cohérence et la crédibilité du modèle de défense ?

Les difficultés de recrutement et de fidélisation qui handicapent lourdement les armées britanniques

Au premier abord, la situation des armées britanniques pourrait sembler relativement stable. En effet, leurs effectifs théoriques sont passés de 185,000 militaires en 2012, à 155,000 aujourd’hui, soit une réduction maîtrisée, intégrée dans une stratégie globale de transformation.

Royal Navy equipage
La Revue de Défense Stratégique britannique face au triptyque ressources humaines, robotisation et industrie en 2035 25

Pourtant, derrière cette baisse programmée, se cache une réalité bien plus préoccupante : les armées du Royaume-Uni peinent structurellement à recruter, et plus encore à fidéliser leurs personnels. Autrement dit, elles n’atteignent même plus les effectifs qu’elles s’étaient elles-mêmes fixés.

Chaque année, environ cinq mille militaires quittent les forces armées sans être remplacés. Cette hémorragie, d’abord insidieuse, est devenue un phénomène structurel, au point de remettre en cause la capacité même de la British Army, de la Royal Navy et de la Royal Air Force à assurer leurs missions dans la durée.

Pire encore, les mesures prises, ces dernières années, pour renforcer l’attractivité de la fonction militaire au Royaume-Uni — qu’il s’agisse de revalorisations salariales, d’améliorations des conditions de logement ou d’un effort renouvelé de communication — n’ont pas suffi à enrayer cette dynamique mortifère.

Les causes sont multiples. D’une part, la concurrence du secteur privé, notamment dans les métiers techniques et numériques, capte une partie du vivier de recrutement des Armées. D’autre part, les contraintes opérationnelles, le rythme des déploiements et la perception d’un avenir incertain, au sein des armées, contribuent à un désengagement progressif des nouvelles générations.

Enfin, les erreurs d’anticipation commises dans les années 2010 — période durant laquelle les effectifs avaient été drastiquement réduits pour libérer des marges budgétaires — ont laissé des cicatrices profondes, dont les armées britanniques peinent encore à se relever.

Ce constat, désormais partagé par la plupart des acteurs politiques et militaires du Royaume-Uni, a conduit à une prise de conscience stratégique que l’on retrouve dans les derniers documents officiels de planification, et qui est devenue centrale, dans la nouvelle Revue de Défense Stratégique. Mais cette prise de conscience ne suffit pas. Car derrière les chiffres, c’est la soutenabilité du modèle militaire britannique qui est aujourd’hui en jeu.

La Revue de Défense Stratégique britannique étend le concept de personnel de Défense

Le 2 juin dernier, le gouvernement britannique a publié un document inédit dans l’histoire récente du pays : une véritable Revue de Défense Stratégique, transversale et intégrée, destinée à cadrer les priorités et les moyens de la politique de défense du pays pour les années à venir.

Keir Starmer, lors de la presentation Revue stratégique de défense britannique 2 juin 2025
Keir Starmer, lors de la presentation Revue stratégique de défense britannique 2 juin 2025

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[En Bref] : 12 SSN-AUKUS, 80% de drones et des F-35A armés de bombes nucléaires américaines pour la nouvelle Revue Stratégique de Défense britannique, et les États-Unis qui menace le programme GCAP avec le F-47 au Japon…

L’actualité internationale de ces derniers jours a été marquée par une série de signaux convergents qui, chacun à leur manière, traduisent les mutations en cours dans le champ de la défense.

Qu’il s’agisse de la spectaculaire opération menée par les forces spéciales ukrainiennes à l’aide de drones FPV sur des bases stratégiques russes, de l’évolution doctrinale de la British Army, ou encore des initiatives diplomatiques et industrielles lancées par les États-Unis et le Royaume-Uni, tous ces événements révèlent une même dynamique : celle d’une accélération brutale des transformations technologiques, stratégiques et industrielles dans le domaine militaire.

Certains de ces signaux relèvent d’annonces officielles ou de revues stratégiques détaillées, d’autres, comme la proposition présumée du F-47 au Japon ou la rumeur d’un retour de la dissuasion nucléaire aéroportée britannique, restent plus incertains, mais n’en sont pas moins significatifs dans la manière dont ils traduisent les logiques d’influence, de rapport de force et de projection, que cherchent à imposer certains États.

À travers cette sélection de sujets, il ne s’agit pas ici d’en livrer une analyse exhaustive, mais de restituer, en quelques traits, les lignes de tension, d’évolution ou de rupture qui traversent aujourd’hui les doctrines militaires, les politiques industrielles de défense, ou les équilibres régionaux. Une photographie instantanée, en somme, de ces “signaux faibles” et parfois moins faibles qui annoncent les recompositions à venir.

Royaume-Uni : la Royal Navy vise une flotte de 12 sous-marins nucléaires d’attaque SSN-AUKUS

Dans une déclaration qui marque un tournant capacitaire pour la Royal Navy, le gouvernement britannique a annoncé son intention d’augmenter sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque (SSN) à douze unités, contre six actuellement en service, et sept prévus à terme.

Astute class Royal navy
Lancement du SSN Agamemnon de la classe Astute pour la Royal Navy.

L’annonce, qui s’inscrit dans le cadre du programme trilatéral AUKUS, concerne exclusivement la future classe SSN-AUKUS, dont les premières unités ne devraient entrer en service qu’à partir de 2038. Si cette ambition témoigne d’un volontarisme stratégique certain, elle s’inscrit aussi, cependant, dans une logique classique de la politique de défense britannique : celle de fixer des objectifs d’autant plus ambitieux que leur financement sera laissé à la charge des gouvernements futurs.

Pour la France, seule autre puissance européenne à disposer de sous-marins nucléaires d’attaque, cette annonce n’est pas neutre. Elle rebat les cartes de l’équilibre naval régional, au moment même où Paris renouvelle sa propre flotte autour de la classe Suffren, tout en restant, à ce stade, sur un format de six unités.

Dans un contexte marqué par le retrait progressif des capacités américaines d’Europe au profit du théâtre indo-pacifique, et face à la montée en puissance continue de la flotte russe — notamment avec les SSGN Yasen-M —, la question d’une montée en puissance parallèle des capacités françaises ne manquera pas de se poser.

Enfin, on notera que le chiffre avancé de douze unités correspond très exactement à un ajout de cinq sous-marins par rapport au plan initial — soit le même nombre que celui que l’Australie était supposée commander auprès du Royaume-Uni dans le cadre d’AUKUS. À l’heure où des interrogations émergent sur l’avenir du volet australien de ce programme, et sur un possible recentrage sur les Virginia américains, cette concordance numérique pourrait ne pas relever du seul hasard.

Indo-Pacifique : les États-Unis accentuent la pression budgétaire sur leurs alliés asiatiques

Jusqu’à présent relativement mesurés dans leurs exigences vis-à-vis de leurs partenaires de l’Indo-Pacifique, les États-Unis ont amorcé un changement de ton notable à l’occasion du Shangri-La Dialogue qui s’est tenu à Singapour le 30 mai.

Pete Hegseth et Anthony Albanese
Pete Hegseth, le Secretaire à la Défense américain, et Anthony Albanese, le premier ministre australien.

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Lockheed Martin veut s’appuyer sur l’Arabie Saoudite, les EAU et le Qatar pour developper son F-35 survitaminé

Il y a de cela quelques semaines, Jim Taiclet, le CEO de Lockheed Martin, avait surpris son auditoire avec l’évocation d’un F-35 Nascar, comme réponse potentielle au cinglant échec qu’avait représenté, le 22 mars 2025, l’attribution du programme NGAD de l’US Air Force à Boeing et son F-47.

Volontairement flou sur ce que sera ce F-35 survitaminé, son calendrier et ses technologies, le CEO américain se contenta alors d’indiquer qu’il s’agirait d’intégrer à l’appareil certaines technologies développées par l’avionneur dans la phase finale du programme NGAD, pour lui permettre d’atteindre 80 % des performances et capacités de la 6ᵉ génération, pour seulement 50 % des coûts. Restait, cependant, à ce moment-là, qu’au-delà d’un nom de barre chocolatée et d’un slogan de lessive, ce programme F-35 MKII était bien trop opaque pour s’avérer convaincant.

La nouvelle intervention de Jim Taiclet, cette semaine, à l’occasion de la Bernstein Strategic Decisions Conference, ne prête plus à sourire, ni aux petites formules journalistiques qui savent attirer l’œil.

En effet, au-delà des quelques précisions sur les capacités dont sera doté l’appareil, qui étaient, pour l’essentiel, attendues, c’est surtout la stratégie commerciale et industrielle que le plus puissant industriel de défense de la planète entend mettre en œuvre autour de ce programme, qui, si elle force incontestablement le respect, représente également une menace extrêmement tangible pour l’industrie européenne dans ce domaine, et en particulier, pour les programmes GCAP et SCAF.

Privé de 6ᵉ génération américaine, Lockheed Martin veut étendre le parc et l’attractivité du F-35 sur la scène internationale

Avec le F-117, puis le F-22, et enfin le F-35, Lockheed Martin avait raflé, dans les années 80 et 90, tous les contrats de développement concernant les avions de combat tactiques américains de 5ᵉ génération, mettant l’entreprise au sommet de la hiérarchie Défense mondiale pour de nombreuses années.

Lockheed Martin F-22 F-35A drone CCA XQ-58
F-22 et F-35A de l’US Air Force, volant aux cotés d’un drone de combat XQ-58A de Kratos

De fait, l’avionneur américain, fort de plus de 2000 commandes fermes de F-35, aborda le basculement vers la 6ᵉ génération, à partir du milieu des années 2010, avec un capital confiance au plus haut, des acquis technologiques exceptionnels, et des réserves d’investissements sans équivalent.

Fut-ce en raison d’un excès de confiance, d’une volonté de l’exécutif de rééquilibrer l’offre industrielle américaine dans ce domaine, ou en réaction aux conditions contractuelles bien trop favorables à l’avionneur concernant le F-35 ? Quoi qu’il en soit, Lockheed Martin a été descendu de son piédestal que l’US Air Force avait bâti pour lui pendant trente ans, et ce, en moins de dix ans.

B-21 Raider, F/A-XX et F-47 : une déchéance en trois actes de la plus puissante entreprise de défense de la planète

Cette déchéance, en trois actes, débuta en octobre 2015, lorsque le contrat de 21 Md$ pour la conception du futur bombardier stratégique B-21 Raider de l’US Air Force fut attribué à Northrop Grumman. Cependant, l’expérience acquise par cet avionneur dans ce domaine spécifique, avec la conception du B-2 Spirit, fut alors acceptée comme une explication plausible pour expliquer la défaite de la superstar de l’aviation militaire US depuis la présentation publique du F-117 en 1989.

Si le segment du bombardement stratégique était attribué à Northrop Grumman, personne n’imaginait, cependant, que le segment des avions de combat tactique puisse alors échapper à LM, après le très réussi F-22 Raptor, et l’immense succès commercial du F-35, et l’avionneur était universellement reconnu, jusqu’il y a peu, comme le grand favori des deux programmes de 6ᵉ génération américains dans cette catégorie : le NGAD de l’US Air Force, et le NGAD (oui, même acronyme, mais différent programme) de l’US Navy, que nous désignerons ici sous son autre appellation, le programme F/A-XX.

Il faut dire que tout semblait alors désigner LM pour ces deux contrats. D’abord, parce que Northrop Grumman n’avait plus construit d’avions de combat tactiques pour les forces aériennes américaines depuis le F-14 Tomcat. Ensuite, parce que le troisième avionneur américain, Boeing, s’était empêtré dans d’immenses difficultés industrielles et financières, caractérisées par les difficultés et retards de mise au point du ravitailleur KC-46A et de l’avion d’entraînement T-7A, nécessitant le remplacement d’une grande partie de ses cadres exécutifs.

B-21 Raider Northrop Grumman US Air Force
Northrop grummand B-21 lors de son col d’essai

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La Consolidation est-elle un rempart suffisant pour préserver l’industrie européenne de défense de l’arrivée de la bulle d’investissements d’ici à 2030 ?

Il y a quelques jours, l’Amiral Nicolas Vaujour, le chef d’état-major de la Marine nationale, lançait un nouvel appel à la consolidation industrielle européenne Défense, spécialement dans le domaine de la construction navale militaire.

Pour l’amiral français, en effet, la fragmentation actuelle de l’offre industrielle européenne représente à présent une menace, face à la recomposition rapide du marché international des armements navals, que seule une véritable stratégie de consolidation serait en mesure de contenir.

Le problème est d’autant plus pressant que, dans un avenir proche, la hausse sensible du budget des armées européennes, qui sera, selon toute probabilité, entérinée par le sommet de La Haye de juin prochain, pourrait convaincre de nombreux dirigeants politiques et industriels européens de profiter de cette manne budgétaire pour développer l’industrie militaire nationale, qu’elle soit ou non navale.

Dans ce contexte, face à la mutation brutale du marché international de l’armement, liée à l’arrivée de nouveaux acteurs venus de Corée du Sud, de Turquie ou de Chine, et au phénomène de paupérisation qui résulterait de l’explosion probable de la bulle d’investissement européenne qui se profile, quels seraient les avantages, mais aussi les faiblesses et les entraves, de la consolidation industrielle de défense ?

Pour le chef d’état-major de la Marine nationale, la consolidation devient indispensable pour l’industrie navale militaire en Europe

Ces dernières semaines, l’investissement industriel de défense a vu son statut se transformer radicalement. D’investissement paria, évité comme la peste par les investisseurs privés comme institutionnels, il y a encore quelques mois de cela, il est désormais présenté comme de moteur de la relance industrielle européenne, sur le modèle allemand qui en fait le pivot du plan de réinvestissement public de 500 Md€ voulu par le nouveau chancelier Friedrich Merz.

Sommet de Washington de l'OTAN en 2024
Sommet de l’Alliance Atlantique de Washington 2024

Exit, donc, les considérations qui handicapaient jusqu’aux transactions bancaires, les fonds de roulement et les crédits documentaires des entreprises évoluant plus ou moins près de la sphère industrielle de défense, au prétexte que la défense serait une activité « non durable », et soumise à des risques légaux.

Soudain, entre la menace russe croissante, la montée en puissance chinoise, et le retrait de plus en plus sensible de la protection américaine, il semble que la sphère politico-financière européenne soit passée de la conception « Les armes, c’est mal, ça tue des gens« , à celle « Les armes, ça tue des gens, mais quand ce sont les nôtres, elles tuent les autres, alors ça va !« 

Toutefois, il serait profondément naïf de penser que les milieux de la haute finance, à l’origine de toutes les difficultés rencontrées par les industriels de défense ces 15 dernières années, aurait été touchée par la grâce, et aurait soudainement compris le concept même de Défense.

En effet, au-delà de la prise de conscience indubitable de certains grands dirigeants politiques européens, comme Friedrich Merz en Allemagne, ou Keir Starmer au Royaume-Uni et Ursula von der Leyen à Bruxelles, ce sont, avant tout, les perspectives de profits à court et moyen termes, liées à la hausse des budgets européens de défense qui se profile avec le sommet de l’OTAN de La Haye, qui engendrent ce basculement.

Et pour cause ! Les dépenses de défense européennes devraient passer de 350 Md€ en 2025 à 500 Md€, voire 600 Md€ en 2030, dont une grande partie sera directement employée pour des investissements industriels, pour reconstruire les capacités et les stocks des armées européennes.

Faute de consolidation, l’industrie européenne de défense ne sera bientôt plus compétitive pour l’Amiral Nicolas Vaujour, chef d’état-major de la Marine nationale

Rien qu’au niveau de l’Union européenne, ce sont 150 Md€ sur quatre ans qui ont été mis sur la table par la Commission européenne, et qui seront injectés directement dans des projets visant à étendre et moderniser la production de munitions, de missiles et de systèmes de défense antiaériens en Europe, l’enveloppe ayant été validée par les ministres des Affaires étrangères cette semaine.

SNA Tourville et FDI lors essais à la mer naval Group
Frégate FDI Amiral Ronarc’h et SNA Tourville.

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Rafale et J-10CE, les deux grands gagnants des arbitrages indonésiens ?

La commande, en février 2022, de 42 avions de combat Rafale français par l’Indonésie avait déjà représenté, à ce moment-là, un petit séisme dans les équilibres internationaux du microcosme des avions de combat. En effet, Jakarta privilégia l’offre française, au détriment de ses partenaires traditionnels : la Russie — il est vrai alors sous sanctions — et les États-Unis, qui produisaient déjà d’importants efforts pour imposer le F-16V ou le F-15EX.

Si l’information obtenue par le site Intelligenceonline.fr, selon laquelle les forces aériennes indonésiennes auraient avalisé la commande de 42 J-10CE, est avérée, il s’agirait d’un nouveau séisme, encore plus puissant cette fois.

Qu’il s’agisse d’une conséquence des succès annoncés du chasseur monomoteur de Chengdu lors de l’engagement du 7 mai, notamment en revendiquant une victoire aérienne contre un Rafale indien, ou de négociations antérieures (hypothèse la plus probable) aux combats ayant opposé les forces aériennes pakistanaises et indiennes du 7 au 10 mai 2025, une telle décision marquerait, en effet, un important basculement de la position indonésienne, face à l’évidente redistribution des cartes géostratégiques mondiales, particulièrement sensibles dans le Pacifique.

Dans le même temps, des indiscrétions obtenues par le site LaTribune.fr indiquent que Jakarta pourrait signer une commande complémentaire de Rafale, à l’occasion de la visite du président Macron dans le pays cette semaine, ou de celle du président Subianto en France, le 14 juillet 2025.

Pour quelles raisons l’Indonésie pourrait-elle arbitrer en faveur du J-10CE pour moderniser ses forces aériennes ? Pourquoi la Russie et les États-Unis sortiraient-ils affaiblis d’un tel arbitrage indonésien ? Et que sait-on des négociations entre Jakarta et Paris au sujet de Rafale supplémentaires ?

Comme anticipé, le J-10CE et les avions de combat chinois sont passés à l’offensive commerciale sur le marché aéronautique mondial

Qu’on le veuille ou non, l’avion de combat monomoteur J-10CE du constructeur chinois Chengdu, ainsi que le missile PL-15, ont vu leur statut se transformer radicalement à l’issue de l’engagement du 7 mai 2025, entre les forces aériennes pakistanaises et indiennes.

J-10CE Pakistan
J-10C E Pakistanais au decollage

Ainsi, tout indique à présent qu’au moins un Rafale de l’Indian Air Force aurait été perdu à l’occasion de cet engagement, alors que les forces aériennes pakistanaises ont présenté des éléments convaincants — mais loin d’être incontestables — pour attribuer cette perte au couple formé par le J-10CE chinois et son missile air-air à longue portée, le PL-15.

Et peu importe que, lors des engagements des jours suivants, les J-10CE, JF-17 Block III et F-16 C/D pakistanais aient été dans l’incapacité de repousser les frappes massives de l’IAF, en particulier celles menées par les Rafale armés de missiles SCALP-ER et de bombes propulsées Hammer, sans enregistrer la moindre victoire aérienne supplémentaire — ce qui donne une perception beaucoup plus équilibrée, voire à l’avantage de New Delhi, de ces trois jours de combats.

En effet, l’immense majorité des articles de presse dans le monde, s’est arrêtée à cet engagement initial du 7 mai, et à la victoire aérienne BVR (Beyond Visual Range) d’un J-10CE sur un Rafale indien, obtenue avec un missile PL-15.

Le phénomène, amplifié par de fausses rumeurs probablement instrumentalisées par Pékin ou Islamabad pour nourrir la narration pakistanaise, a abouti à créer une véritable dynamique commerciale autour du chasseur monomoteur chinois, proposé en quelques semaines à peine sur tous les fronts : de l’Amérique du Sud à l’Asie, en passant par l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie centrale.

L’Indonésie pourrait commander 42 J-10CE chinois, après les 42 Rafale français

La dernière information en date, à ce sujet, a été diffusée par le site Intelligenceonline.fr, souvent bien informé, mais qui a également été à l’origine d’informations qui se sont avérées soit très exagérées, soit totalement fausses. Il conviendra donc de prendre cette nouvelle révélation avec les précautions de rigueur, sans en faire un fait tant qu’elle n’aura pas été confirmée par des voies officielles.

J-10C APL
J-10C de l’Armée Populaire de Libération, amportant deux PL-10, deux PL-15 et trois bidons

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