Il existe, en France, une certaine délectation lorsqu’il s’agit d’observer le programme SSN-AUKUS, qui doit permettre de doter la Royal Australian Navy de sous-marins nucléaires d’attaque américains et britanniques, s’enfoncer progressivement dans une ornière qui semble inexpugnable, eu égard à la manière dont Scott Morrison, le Premier ministre australien, avait mené ses négociations secrètes avec Boris Johnson et Joe Biden, sans jamais en informer Paris, avec qui l’Australie avait une relation contractuelle stratégique.
En effet, le vieillissement des sous-marins australiens de la classe Collins, plus avancé qu’envisagé, les difficultés rencontrées par l’industrie navale américaine pour augmenter ses cadences de production au niveau requis pour autoriser la vente de Virginia à l’Australie, et la hausse ininterrompue des coûts prévisionnels de ce programme, apparaissent, pour un regard français, comme autant de retours de karma pour la Marine australienne, nonobstant le fait que l’Australie et sa marine demeurent des partenaires stratégiques de la France, notamment pour la protection et la sécurité de la Nouvelle-Calédonie.
Jusqu’à présent, rien ne semblait pouvoir éviter la catastrophe qui se profile pour la Royal Australian Navy, lorsqu’elle devra retirer du service ses sous-marins classe Collins, et que l’US Navy ne sera pas en mesure de lui céder les SNA classe Virginia promis, en 2034, faute d’une production suffisante pour les remplacer, amenant plusieurs spécialistes du sujet à envisager différents scénarios plus ou moins applicables ou satisfaisants.
Est-ce par erreur, par accident ou à dessein ? Quoi qu’il en soit, l’hypothèse émise par un sénateur américain, Mark Kelly, de faire assembler directement des Virginia par l’industrie navale australienne, pourrait bien représenter la seule porte de sortie envisageable pour Canberra, dans ce domaine, même si les défis et contraintes, pour lui donner corps, seraient loin d’être négligeables…
Sommaire
L’impasse du programme SSN-AUKUS devient de plus en plus évidente aujourd’hui
Observer, aujourd’hui, l’évolution du programme SSN-AUKUS, qui rassemble l’Australie, les États-Unis et la Grande-Bretagne, pour équiper le premier d’une flotte de sous-marins nucléaires d’attaque, et pour accompagner le dernier dans la conception du successeur des SNA classe Astute, s’apparente de plus en plus, au fil du temps, au fait de regarder un accident inévitable arriver au ralenti.

Lancé en 2021, après avoir annulé le programme de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle Swordfish Barracuda du Français Naval Group, l’alliance tripartite AUKUS entre ces trois pays, a toujours été intimement liée au programme SSN-AUKUS. Dans l’esprit de Scott Morrison, le Premier ministre australien, ainsi que de Joe Biden, le président américain, et de Boris Johnson, le Premier ministre britannique, il s’agissait, en effet, autant de créer les fondements d’une nouvelle alliance dans le Pacifique, face à la Chine, que de permettre à la Royal Australian Navy de franchir le seuil technologique et capacitaire décisif des sous-marins nucléaires d’attaque.
Si, initialement, le programme était estimé, par Canberra, à 240 Md$ AU, sur l’ensemble de la durée de vie des 3 SSN classe Virginia devant être acquis d’occasion autour de 2035, auprès de l’US Navy, des 3 SSN-AUKUS, la nouvelle classe de sous-marins nucléaires d’attaque co-développée pour succéder aux Astute britanniques à partir de 2040, et de 2 SSN-AUKUS ou Virginia neufs, en fonction des contraintes industrielles et de calendrier, le programme a rapidement vu ses coûts prévisionnels croître, pour atteindre, à présent, 340 Md$.
Pour autant, ce n’est pas la hausse du budget devant être supporté par l’Australie, qui représente néanmoins l’équivalent de l’ensemble des coûts d’acquisitions militaires annuels actuels, par ses armées, sur une période de 20 ans, qui engendre le plus d’inquiétudes sur l’ile-continent.
En effet, dès 2022, les difficultés rencontrées par l’industrie navale américaine, qui peine à livrer plus d’un SNA par an, et l’évolution des besoins de l’US Navy pour remplacer et étendre sa flotte de SNA, qui doit passer de 42 à 60 navires d’ici à 2050, firent naître des préoccupations croissantes concernant la livraison, promise par Joe Biden à l’Australie, de Virginia d’occasion, prélevés sur l’inventaire de l’US Navy, en 2034, 2035 et 2036.

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