Parmi les nombreuses initiatives non-concertées que le président D.Trump, en pleine campagne pour un second mandat, a lancé ces dernières mois, la sortie des Etats-Unis du traité Ciel Ouvert peut apparaitre comme secondaire, face à la sortie du traitée INF déjà actée, celle du traité START sur la limitation des armes nucléaires souhaitée par le président, ou le retrait des forces américaines du nord de la Syrie, avec les conséquences que l’on connait. Pourtant, cette volonté du président américain, qu’il justifie par le fait que les autorités russes ne respecteraient pas les engagements du traité, se voit, une nouvelle fois, attaquée par de nombreux sénateurs et représentants démocrates, ainsi que quelques personnalités du camps républicain.
Signé à Helsinki en 1992 par les anciens membres du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, le traité, qui rassemble 34 états, sera promulgué le 1er janvier 2002, après une ratification américaine en 1993, et une ratification russe en 2001. Depuis, huit nouveaux états l’ont rejoint, la Suède, la Finlande, les Etats Baltes et 3 états de l’ex Yougoslavie (Croatie, Slovénie et Bosnie-Herzegovine). Le traité prévoit que chaque état peut mener des vols d’inspection des infrastructures et forces militaires dans un autre pays de l’organisation, et qu’il doit, en retour, autoriser le même nombre de vols sur son territoire de la part des membres signataires. Les appareils menant ces vols peuvent être équipés de moyens d’observation vidéo, infrarouge et d’imagerie radar aux performances normées et controlées.
Selon la Maison Blanche, la Russie ne respecterait pas ses engagements en matière d’autorisation de survol, notamment en ayant, pendant plusieurs années, tergiversé sur le modèle d’appareil qu’elle pourrait utiliser pour remplacer ses Tu-154 assignés à cette mission, ou en prétextant des risques opérationnels pour dénier des autorisations de vol au dessus, par exemple, de l’enclave de Kaliningrad. De fait, l’administration américaine considère qu’elle pourrait faire un meilleur usage du quart de milliard de dollars que coute, chaque année, l’entretien des deux OC-135 dédiés à cette mission.
Pour les opposants à cette décision, le retrait des Etats-Unis du traité donnerait à la Russie une excellente excuse pour s’en retirer également, ce qui renforcerait la capacité de Moscou à déplacer des troupes et des forces, et donc d’en évaluer les risques. Ainsi, en 2015, c’est à l’occasion de ce type de vol en Ukraine que les Etats-Unis ont pu observer des forces russes redéployées dans le Donbass, et agir en conséquence. En outre, ces vols permettent de faire baisser les tensions ou de faire passer des messages, lorsque nécessaire.
Mais au delà des déclarations partisanes, et certains mêmes objectives, de la classe politique américaine sur ce sujet, on se doit de remarquer, qu’une fois encore, le président Trump entreprend une initiative qui engage l’ensemble de ses partenaires et alliés de l’OTAN, sans avoir préalablement pris ne serait-ce que la précaution de les en informer. La sortie du traité INF, justifiée par Washington par le missile 9M729 Novator russe qui ne respecterait pas les restrictions du traité, avait déjà été faite sans aucune concertation, et permet désormais à la Russie, comme aux Etats-Unis, de posséder et déployer des armes balistiques de moyenne portée et de portée intermédiaire sur le sol européen, faisant fi des enseignements de la crise des euromissiles de 1983, ou que plus aucun pays européens de l’OTAN ne dispose de ce type d’armements, qu’ils soient conventionnels ou nucléaires. De même, les menaces explicites contre le traité de limitation des armes nucléaires START, ou le traité Ciel Ouvert, ne feront qu’augmenter la capacité de menace de la Russie vis-à-vis des pays européens pour répondre au renforcement américain, alors même que cette menace était maitrisée jusqu’ici, même de manière imparfaite, par ces traités.
Une chose est certaine, la destruction méthodique de l’ensemble des traités signés à la fin de la Guerre Froide, si elle libère probablement des marges de manoeuvre aux Etats-Unis pour contenir la puissance militaire chinoise grandissante et non contrainte par ces engagements, risque de dégrader significativement et rapidement la situation sécuritaire des européens, et donc leur dépendance à la protection américaine. Au final, ce sont donc bien les européens, et nuls autres, qui seront les grands perdants de ces décisions, prises à Washington