Il n’y a de cela que quelques semaines, la planification française au sujet de sa flotte de chars de combat, demeurait ancrée sur un début des livraisons en 2035, visée par le programme franco-allemand Main Ground Combat System ou MGCS, qui devait permettre de remplacer les Leclerc français comme les Leopard 2 allemands à cette échéance.
Cette posture avait alors de quoi surprendre, et même inquiéter, puisque de nombreuses déclarations outre-Rhin semblaient faire état d’un probablement glissement du programme au-delà de 2040, et plus probablement de 2045.
Il y a tout juste un mois, l’acquisition par la Bundeswehr de 18 Leopard 2A8, une nouvelle version du char allemand, champion des exportations depuis le milieu des années 80, donna beaucoup de poids aux différentes déclarations allemandes au sujet du calendrier de MGCS, ceci amenant le Chef d’État-Major de l’Armée de terre, le général Pierre Schill, à envisager une possible extension de vie du Leclerc français pour atteindre cette échéance de 2045, lorsque interrogé par un député de la commission défense de l’Assemblée Nationale.
La menace du Leopard 2A8 sur le programme MGCS
Depuis cette annonce, il y a juste 2 semaines, le contexte entourant le programme MGCS a une nouvelle fois sensiblement évolué, puisque la République Tchèque a annoncé avoir mandaté sa ministre de la Défense pour acquérir 70 des nouveaux Leopard 2A8 allemands dans le cadre de la modernisation de ses armées.
En outre, plusieurs autres forces armées, notamment en Europe, avec les Pays-bas et probablement l’Italie, semblent également en lice pour acquérir le nouveau blindé de Krauss Maffei Wegmann.
Cette dynamique, pour peu qu’elle se prolonge et s’intensifie, risque fort, en effet, de bouleverser en profondeur le marché adressable export du programme MGCS lorsque le char entrera en service en 2045, tout en confortant KMW dans son ambition de concevoir une nouvelle version du char encore plus avancée, le Leopard 2AX, que l’on imagine aisément faire la synthèse du A8 et des avancées technologiques réalisées par Rheinmetall avec le KF51 Panther, ce dernier voyant les opportunités commerciales s’éloigner à mesure que les succès du Leopard 2 qui se multiplient.
Bien évidement, une telle hypothèse serait des plus problématique pour l’Armée de Terre, mais également pour Nexter et même pour le programme MGCS. En effet, si une nouvelle version hybride du Leopard 2 avec le Panther venait à émerger, il est probable que celle-ci rencontrerait un important succès sur la scène internationale.
Il s’agirait de remplacer les flottes de Leopard 2A4 encore en service, mais également en Allemagne, d’étendre le potentiel opérationnel de la Bundeswehr, et éventuellement remplacer ou moderniser les Leopard 2A6 actuellement en service vers ce standard bien plus performant.
Dès lors, même l’échéance de 2045 actuellement considérée viendrait à être menacée, puisque les nouveaux blindés livrés auront une durée de vie opérationnelle au moins égale à 30 ans, amenant l’échéance de leur remplacement au-delà de 2055.
Pour l’industrie allemande et la Bundeswehr, une telle évolution est neutre, et même positive puisqu’elle permet de se saisir à nouveau d’un marché de manière autonome avec des investissements réduits tout en conférant aux armées des matériels modernes et performants.
La France en position difficile
La situation est tout autre pour la France, qui risque fort de devoir faire face, dans des délais relativement courts, à des options concernant le devenir de sa flotte de chars comme de son industrie défense dédiée aux blindés lourds, dont aucune n’est satisfaisante, bien au contraire.
Au demeurant, ici, le Ministère des Armées comme l’Armée de Terre auront trois possibilités, prolonger les Leclerc, développer un nouveau char ou acheter un blindé sur étagère. Comme nous le verrons, chacun d’elle repose sur bien plus de contraintes que d’opportunités.
La première solution n’est autre que celle déjà envisagée par le général Schill concernant le report du programme MGCS de 2035 à 2045, à savoir l’extension de vie des Leclerc. Or, si l’hypothèse avait déjà fait plus que sourciller les spécialistes du sujet, lorsque évoquée par le CEMAT, elle n’a, pour ainsi dire, aucune chance de constituer une alternative efficace pour atteindre 2055 ou au-delà.
En effet, les blindés en service en France, peu nombreux, sont souvent sollicités, et donc éprouvés par 25 années de service. De fait, la prolongation de la flotte se fera non seulement au détriment de son efficacité, mais également de sa masse, l’attrition par usure exagérée venant éroder le parc de manière certaine au fil des années à venir.
En outre, les possibilités d’évolution du Leclerc sont limitées, sauf à procéder à une profonde refonte comme dans le cas du Leopard 2AX allemand ou du Challenger III britannique.
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