lundi, décembre 1, 2025
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Les premiers systèmes S-350 opérationnels en Russie

La Russie a commencé à déployer ses premiers systèmes S-350 Vityaz en remplacement des systèmes S-300 les plus anciens. Ce nouveau système sol/air de moyenne portée dont les performances sont proches du système SAMP/T Franco-Italien est dérivé du système coréen KM-SAM développé en coopération entre la Corée du Sud et la Russie (Almaz-Antey et Fakel).

Le premier système a été déployé près de la ville de Divnogorsk et un autre serait en cours de déploiement près de la ville d’Abakan. A terme ce sont bien l’ensemble des versions S-300PS et S-300PT-1A qui sont destinées à être remplacés par le S-350.

S 350 Actualités Défense | Défense antiaérienne | Fédération de Russie
S-350 près de Divnogorsk

Le S-350 reprend le même type de fonctionnement que les S-300/400 et peut utiliser 3 types de missiles (9M96E, 9M96E2 et 9M100) dont les deux premiers sont aussi utilisés sur le S-400. Chaque véhicule lanceur possède 12 missiles prêts au lancement, une batterie complète peu engager simultanément 16 cibles et guider 2 missiles par cible. Avec une portée maximale d’engagement de 120 Km, le S-350 s’intègre entre les systèmes S-400 et TOR avec une capacité antimissile balistique partagée avec le S-400. Il est intéressant de remarqué que la Russie garde une variété de systèmes sol/air en service. Ainsi le triplet SA-2, SA-3 et SA-5 est remplacé par le triplet S-350, S-400 et le futur S-500. Ces systèmes étant eux-même appuyés par des systèmes courte portée composés des PANTSIR et TOR. Ce panachage de système permet d’offrir à la Russie une couverture complète lui permettant de faire face à beaucoup de menaces (missiles balistiques, saturation, longue portée, courte portée, basse ou haute altitude).

Meta-Défense : premier palier atteint !

Le service Meta-Défense a désormais atteint son premier palier fonctionnel, un mois avant la date prévue par le planning de developpement.

  • Le service est désormais accessible et fonctionnel via un portail « Responsive », c’est à dire adaptant sa mise en page selon qu’il soit consulté par un ordinateur, une tablette tactile, ou un smartphone
  • La connexion au service est sécurisée via une connexion SSL
  • Les inscriptions et souscription d’abonnements en ligne sont opérationnelles, 3 formules étant proposées (étudiant à 3 € par mois, personnel à 6,5 € par mois, et pro à 24 € par mois)
  • Les applications Android et IOS sont disponibles, avec maintient des privilèges de compte, et système de notification
  • Les pages dédiées à Meta-Défense sur les réseaux sociaux sont déployées :
  • Sur LinkedIn,
  • Sur Twitter,
  • Et sur Facebook
  • N’hésitez pas à suivre ces pages et à partager les contenus pour « amorcer » la propagation sociale.
  • Les fonctionnalités de productivité ont commencé à être déployées :
  • La possibilité de prendre des notes sur chaque article
  • Les recherches croisées dynamiques, permettant de rechercher les articles répondants à plusieurs dossiers ou mots-clés (exemple « Flotte de surface » + « Russie » => « Flotte de surface russe »)

En 4 semaines, le service à déjà enregistré plus de 8000 visiteurs uniques, pour 28.000 pages vues. L’application mobile, lancée il y a dix jours (Android) et 4 jours (IOS), a été installée plus de 200 fois, et génère à elle seule plus de 800 connexions chaque jours. Au 1er juin 2019, le service avait enregistré plus de 45 souscriptions par abonnement.

Le second palier, qui nous mènera au 1er septembre, verra le déploiement de l’ensemble des outils de productivité des offres professionnelles et Premium, ainsi que l’augmentation du nombre de contributeurs, pour des analyses toujours plus pertinentes et détaillées. Les premiers services internationaux pourraient également voir le jour avant cette date.

Vous découvrir ces fonctionnalités à venir, et prendre connaissance des contenus détaillés des offres d’abonnement au service Meta-Défense, dans la rubrique Abonnements&Services : abonnement personnel et étudiant, abonnement professionnel et abonnement Premium.

Merci à tous ceux qui, par leur confiance, ont permis la réalisation de ce projet !

Fabrice Wolf
Rédacteur en Chef Meta-Defense

Les 10 points qui permettent à la Russie de surclasser l’Europe en matière de Défense

Avec un budget de La Défense de seulement 50 Md$, la Russie se classe aujourd’hui au 7eme rang des dépenses mondiales de Défense, derrière, entre autres, le Royaume-Unis, la France et l’Arabie saoudite. Pourtant, la puissance militaire russe est en 2019 à un niveau tel qu’elle représente une menace de premier rang pour l’OTAN, et nombres d’experts militaires estiment que celle-ci ne serait pas en mesure de faire face à une agression russe si elle devait se produire.

En outre, la Russie a montré, ces dernières années, une grande capacité à prendre l’ascendant technologique sur ses homologues occidentaux, dans le domaine des systèmes hypersoniques et des missiles anti-aériens, ou tout au moins à les égaler, dans le cas des blindés, des avions de combat, des hélicoptères ou des bâtiments de guerre. Comment expliquer ces faits, avec les ressources limitées dont dispose Moscou ? et comment s’en inspirer ?

1- Le plan de modernisation des équipements

La Russie dispose d’un parc d’équipements de défense pléthorique hérité de l’ère soviétique, dont plus de 30.000 chars de combat T72 et T80, 1400 avions de combat, plus de 100 bombardiers stratégiques, une trentaine de bâtiments de haute-mer et autant de sous-marins. Si la majorité de ces systèmes sont aujourd’hui obsolètes, et que beaucoup d’entre eux ne sont plus en état de fonctionner, Moscou a pris le parti d’en moderniser une partie, de sorte à disposer d’un nombre important d’équipements, s’ajoutant aux équipements de nouvelle génération qui entrent en service.

Le T72B3M est aujourdhui le principal char de combat moderne utilise par les forces russes Actualités Défense | Défense antiaérienne | Fédération de Russie
Le T72B3M dispose d’un ensemble de modernisation en faisant un char redoutable même face aux dernières versions de mbt occidentaux

Outre les équipements modernisés, les ingénieurs russes ont également développé de nouveaux équipements basés sur le socle industriel existant, de sorte à disposer de materiels neufs aux performances améliorées, mais à un prix de revient et dans des délais beaucoup plus restreint que pour ceux de nouvelles générations. C’est le cas, par exemple, du char de combat T90, des avions de combat Su34, Su35 et Mig35, ou des sous-marins à propulsion conventionnels Improved Kilo.

2- Les cycles RETEX

L’experience Syrienne, mais également ukrainienne, ont montré la mise en oeuvre, par l’état-major russe, d’un cycle de retour d’expériences court, avec des évolutions rapides et ambitieuses des équipements engagés, en fonction des défaillances, faiblesses ou insuffisances constatées. Contrairement aux européens, qui ont des cycles Retex beaucoup plus longs, la Russie a montré sa capacité à évaluer avec objectivités ses défaillances, et à la corriger dans des délais de seulement quelques années.

Ainsi, depuis quelques mois, de nombreux plans de modernisation ont été lancés concernant les hélicoptères de combat Mi28, Mi35 et Ka52, ainsi que différents types de blindés, ou les avions de combat Su24 et 25. En outre, l’Etat-Major russe a pris pour habitude de déployer les prototypes des équipements en cours de conception en zone de combat, pour en évaluer les performances réelles, mais également les contraintes d’utilisation. Ainsi, on a pu observer deux avions T-50, prototypes du programme Su57, sur la base aérienne de Hmeimim près de Damas, comme des prototypes du véhicule blindé de soutien d’infanterie BMTP Terminator 2, ou les drones terrestres Uran-6 et Uran-9, ce dernier ayant d’ailleurs démontré des performances très en deçà des attentes des militaires russes.

3- Une doctrine ne négligeant pas la force du nombre

Les deux premiers points de cette synthèse résultent de la doctrine militaire russe, qui considère que l’avantage du nombre ne doit pas être sacrifier au profit de l’avantage technologique. Alors que la grande majorité des pays de l’OTAN se satisfont désormais d’une force aérienne de moins de 100 avions de combat, et même souvent moins de 50, la Russie conserve une flotte de 1200 à 1400 avions de combat, même si beaucoup d’entre eux ne sont pas au dernier standard technologique. C’est également ce qui explique que les forces terrestres russes disposent aujourd’hui de plus de 2500 chars de combat T72B3 et T80B qui seront tous portés au standard (M), certes moins performants que les Leclerc ou Leopard 2 européens, mais disponibles dans un rapport de 1 à 5 croissant, chaque année voyant entre 150 et 200 nouveaux chars entrer en service dans les forces. Pour rappel, la France ne dispose, dans la LPM2019-2025, que de 200 chars Leclerc, l’Allemagne de seulement 370 Leopard 2, dont beaucoup ne sont, en fait, pas opérationnels, et la Grande-Bretagne de 160 Challenger-2. Le rapport de force est encore plus marqué dans le domaine de l’artillerie mobile, atteignant le ratio de 1 contre 10 face aux forces européennes.

Vostok 2018 Actualités Défense | Défense antiaérienne | Fédération de Russie
Les forces russes ont mobilisé 300.000 hommes dont plus de 120.000 déployés lors de l’exercice Vostok 2018, et plus de 30.000 véhicules

Ce sont ces rapports de forces qui, en grande partie, donnent aujourd’hui à la Russie un avantage militaire marqué sur les pays européens, qui ont, eux, fait le choix de négliger le nombre au profit des nouvelles technologies, plus performantes mais également beaucoup plus chers. Un pays comme la Belgique, par exemple, a vu sa flotte aérienne fondre pour passer de 120 appareils en 1990 à 32 avions lorsque le remplacement des F16 par le F35 sera mené à son terme.

4- Un ennemi désigné : l’OTAN

La planification russe ne considère aujourd’hui qu’un seul et unique adversaire potentiel, à savoir l’OTAN, et l’ensemble des décisions sont prises en fonction de ce seul paramètre, partant du principe que si ses forces militaires sont capables de se confronter à la plus importante force militaire mondiale, elles pourront faire face à l’ensemble des scenarii. Dès lors, les forces russes sont conçues et organisées dans une hypothèse de conflit de haute ou très haute intensité, là ou la plupart des pays européens sont, eux, venus à se spécialiser dans les conflits de faible à moyenne intensité, comme ce fut le cas en Afghanistan en Irak ou au Mali.

Plusieurs exemples flagrants illustrent ces différences, comme l’absence de systèmes de défense anti-aérienne à courte portée SHORAD au sein des forces européennes (il n’y a pas d’aviation adverse lors des conflits de faible intensité), comme les systèmes de guerre électronique, ou les systèmes d’artillerie beaucoup moins nombreux. En outre, la Russie a mené ses arbitrages technologiques en fonction de ce critère, de sorte à optimiser son avantage sur l’OTAN en cas de conflit. Comme cela a été dit précédemment, la Russie cherche à « Etre forte là ou l’OTAN est faible, et neutraliser les forces de l’OTAN là ou l’on ne peut prendre l’avantage », évitant ainsi le piège de la course aux armements en miroir qui fût la némésis de l’Union Soviétique.

5- La perception de l’intérêt temporel de l’investissement technologique

Sun Tzu a écrit « Le prince ne doit jamais négliger un avantage, si petit soit-il, dès lors qu’il ne l’affaiblit pas dans d’autres domaines ». Ce principe est méthodiquement appliqué par la planification russe, qui accepte de developper des systèmes ou d’investir dans des programmes, même si l’avantage qu’ils procureront ne sera que de courte durée. Ceci explique, d’ailleurs, la multiplicité des programmes en Russie, chacun d’eux étant destiné à apporter une avantage technologique et/ou opérationnel dans une fenêtre temporelle limitée.

A l’inverse, la planification européenne travaille sur la notion d’avantage absolu, en cherchant à developper des équipements et des programmes susceptibles de maintenir leur avantage sur une longue période. Or, il semble que, ramenée aux couts, cette approche soit moins performante que celle, moins ambitieuse, mais basée sur des cycles beaucoup plus courts, de la planification russe. Ceci explique aussi pourquoi la Russie a un avantage immédiat, mais que l’on considère que cet avantage ira diminuant dans le temps, oubliant au passage que le cycle russe est, lui aussi, glissant.

6- La planification à long terme

S’il est un facteur qui explique, en grande partie, le niveau du rapport performance/prix de l’outil de défense Russe, c’est bien la planification à long terme des GPV. Identiques à nos Lois de programmation militaire, les GPV sont, en revanche, conçus de manière beaucoup plus méthodique, systématique, et beaucoup moins politique. Ainsi, les travaux sur la prochaine GPV démarrent avant même que la GPV courante n’entre en service, chacune d’elle couvrant 10 années. Dès lors, la planification russe dispose d’une visibilité de l’ordre de 20 années pour concevoir, organiser et mettre en oeuvre son outil de Défense.

V.Poutine et Xi Jinping Actualités Défense | Défense antiaérienne | Fédération de Russie
V.Poutine comme Xi Jinping construisent leur outil de défense sur un temps long.

En outre, même lorsque le pays fait face à une crise économique, la GPV est appliquée dans sa presque totalité, pour des raisons qui seront détaillées plus avant dans cette analyse. Ainsi, en 2015 comme en 2016, le niveau des livraisons d’équipements neufs ou modernisés aux forces russes n’a pas diminué, en dépit de la crise économique qui entraina une récession sensible.

7- La perception politique de l’investissement de Défense

En effet, l’investissement de Défense est perçu d’une façon très différente en Russie et en Europe. Ainsi, en Russie, et outre les questions de défense et d’ambitions internationales, l’investissement de Défense représente un outil de pilotage de l’activité économique et industrielle du pays. L’Etat russe investi, en moyenne, 15 Md$ par an en matière d’équipements de défense, et exporte le même montant de ces équipements, permettant de financer une base industrielle et technologique de 1,2 millions de collaborateurs, elle même au coeur d’une bulle économique de prés de 10 millions de personnes. En ajoutant les effectifs militaires, et les effets économiques globaux y attenant, ce sont donc 15 millions de personnes en Russie, soit presque 10% de la population qui dépendent de La Défense, de son industrie, ses exportations, ainsi que des armées.

Le modèle économique russe considère dès lors l’investissement Défense, qui est lié aux recettes des exportations de gaz et de pétrole, comme un outil économique stratégique, par ailleurs très performant eu égard aux niveaux des exportations. Ceci explique pourquoi, même en période de crise, et alors que les recettes fiscales liées aux exportations d’hydrocarbures sont en baisse, l’investissement Défense, et notamment l’investissement industriel de Défense est, lui, maintenu. Il est bien évident que ce point de vu n’est pas partagé par les administrations européennes, considérant très souvent, et à tord, l’investissement de Défense comme un mal nécessaire économique.

8- La valeur du rouble trouble la perception de l’effort de Défense

Entre 2013 et 2014, le taux de change du rouble est passé de 1 euro pour 37 roubles à 1 euro pour 75 roubles, du fait des sanctions occidentales liées à l’annexion de la Crimée, et de la baisse des prix des hydrocarbures sur les marchés internationaux. Si cela a entrainé une inflation importante dans le pays, c’était sans comparaison avec le décrochage de sa monnaie, expliquant en grande partie la perception de la faiblesse de l’investissement russe en matière de Défense, converti en US Dollard.

La valeur du rouble, ainsi que les choix technologiques faits par la Russie, permettent au pays de produire des équipements à des tarifs beaucoup plus faibles que leurs homologues occidentaux. Ainsi, le Su35 est acquis par la Russie à 30m$ l’unité, là ou le F16V dépasse les 70 m$, pourtant un appareil beaucoup plus léger. La publication récente des éléments concernant la commande de 72 Su57 à livrer entre 2020 et 2028, permet ainsi d’évaluer le prix de l’appareil à 31 m€, soit moins de la moitié de celui d’un Rafale C, donné à 65m€, alors que le Su57 est un appareil de dernière génération, bénéficiant de très nombreuses technologies modernes. En étudiant les valeurs des contrats de Défense russe, on peut ainsi déterminer qu’à équipement de catégorie équivalente, les materiels russes sont 2 à 3 fois moins onéreux que des équipements européens. Il en va de même pour les couts de personnels des armées, très inférieurs en Russie, aux couts des militaires européens.

9- L’adhésion populaire à La Défense Nationale

Du fait de son histoire, de la mentalité slave, et d’une communication intensive et permanente en faveur de La Défense dans les médias, l’opinion publique russe soutient très massivement les efforts de Défense du pays, et ce même lors des crises économiques. L’opposition au developpement militaire, aux exportations de Défense, ou aux opérations exterieures, est très faible, voir inaudible dans le pays. Dès lors, les autorités n’ont pas de difficulté pour arbitrer en faveur de La Défense, d’autant que la majorité des parlementaires russes soutiennent sans réserves les investissements allant dans ce sens, quelque soit leur appartenance politique.

defiles 9 Mai 2019 Actualités Défense | Défense antiaérienne | Fédération de Russie
Le défilé du 9 Mai est l’occasion pour la Russie de célébrer son armée, avec un véritable engouement populaire

En outre, le président V.Poutine a fait de la puissance militaire et technologique du pays, un marqueur clé de son action. C’est dans cette optique qu’il présenta les nouveaux programmes stratégiques du pays (Kinzhal, Burevestnik, Status 6, Sarmat..) lors de sa première allocution télévisée en amont de l’élection présidentielle de 2018.

10- Son ambition internationale

Dernier critère de cette liste, les autorités russes comme la majorité de la population, adhèrent à une ambition internationale très élevée pour le pays, ambition qui passe par des forces armées de premier plan à l’échelle mondiale. Vladimir Poutine, le gouvernement, les membres du parlement, et la population, n’ont pas accepté d’être ramené au rang de « puissance régionale » par le président Obama en 2015. En quelques années, Moscou a repris un statut de puissance militaire mondiale, s’appuyant tant sur son arsenal nucléaire que sur ses capacités conventionnelles en Europe et au Moyen-Orient, ainsi que sur son statut sur le marché international des équipements de Défense.

Cette ambition est au coeur des efforts du pays pour disposer et maintenir une force militaire majeure, qui a été capable de mobiliser 300.000 hommes lors de l’exercice Vostok 2018, dont 120.000 déployés dans les plaines de Sibérie Orientale. C’est également cette ambition qui explique le rapprochement avec Pekin, comme avec Ankara. Si la Turquie venait à rompre avec Washington et l’OTAN pour se tourner vers Moscou, cela constituerait une victoire stratégique russe incontestable, dans la redéfinition de la carte géopolitique mondiale.

Conclusion

Comme nous l’avons vu, évaluer la puissance militaire de la Russie ne peut se faire par la simple prise en compte de critères triviaux, comme le budget de La Défense, ou un décrochage technologique supposé. Le pays, ces 20 dernières années, a montré une capacité avérée pour concevoir un outil de Défense très performant, ayant permis de revenir dans le concert des grandes nations mondiales, au même titre que la Chine, et les Etats-unis. Reste que le pays ne pourra pas dépasser certains seuils, comme le seuil démographique, limitant sa puissance absolue.

Quoiqu’il en soit, l’observation des raisons qui ont permis à un pays 4 fois moins peuplé, et 10 fois moins riche que l’Union européenne, de prendre l’ascendant militaire sur celle-ci, devrait nous inspirer, dans le grand bouleversement géopolitique qui démarre.

Le Etats-Unis deviennent explicites dans leurs menaces envers la Turquie

Les autorités américaines ont franchit un nouveau palier en menant désormais directement la Turquie de sanctions économiques « sévères et massives », en application de la loi CAATSA, si Ankara persistait à vouloir acquérir les systèmes S400 auprés de la Russie.

La porte-parole du Département d’Etat américain, Morgan Mortagus, a ainsi déclaré mercredi 28 « La Turquie va faire face à des conséquences très réelles et très négatives si elle persiste à vouloir acquérir les S400« , et d’ajouter « C’est très sérieux, et très ferme, et je crois que notre position a toujours été parfaitement claire sur le sujet« . Outre des sanctions économiques, la Turquie s’exposerait à l’expulsion du programme F35, pour laquelle elle a déjà payé plus de 1,2 Md$, et à un embargo sur la livraison de pièces détachées pour l’entretien de ses équipements d’origine américaine.

Coté turc, les officiels répètent la même litanie, selon laquelle la Turquie a rempli tous ses engagements vis-à-vis du programme F35 et de l’OTAN, et qu’elle n’est pas incriminable, d’autant que les S400 ne seront pas intégrés au réseau de défense aérienne de l’OTAN.

Reste que, comme nous l’avons déjà abordé, la situation devient de plus en plus inextricable, les Etats-Unis ne pouvant plus faire marche arrière, comme le président turc Receipt T Erdogan, sans altérer gravement leur crédibilité politique. L’apparition de l’OTAN dans le discours n’est pas non plus une surprise, il est probable que cela était un des objectifs du gouvernement turc depuis le début de cette crise faisant suite au coup d’Etat manqué de 2015, et au sujet duquel le président Erdogan reste convaincu d’une implication américaine.

Pour faire face aux menaces économiques et technologiques américaines, Ankara n’a dès lors d’autres options que de se rapprocher de Moscou et de Pekin, ce qui explique les nombreuses déclarations en ce sens faites ces derniers mois. N’oublions pas, cependant, qu’une alliance militaire et économique entre Moscou, Pekin et Ankara, bouleverserait profondément les rapports de forces en Europe, comme au Moyen-Orient. Il s’agirait d’une opportunité inespérée, il y a encore quelques années, pour interdir la mer noire aux bâtiments américains, et contester la puissance de l’OTAN en Méditerranée orientale. Rappelons également que la Turquie est un pays de 80 millions d’habitants, un atout de taille pour Moscou dont la plus grande faiblesse face à l’OTAN est sa faiblesse démographique. Enfin, il ne faut pas ignorer la capacité de nuisance de la diaspora turque en Europe, si les tensions entre Washington et Ankara venaient à s’étendre aux pays européens.

Quoiqu’il en soit, cette escalade sémantique n’augure rien de bon pour les années à venir.

Les Etats-Unis mènent leur offensive en Europe pour contrer le PESCO

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’administration américaine a très mal accepté la fermeté européenne au sujet de la restriction des programmes industriels de Défense de l’Union européenne aux entreprises européennes, sans permettre aux entreprises américaines d’y accéder en tant que principal contractant. Après avoir menacé ouvertement l’Union européenne de représailles si elle ne venait pas à modifier sa position, les premières mesures sont apparues, avec le programme ERIP, pour European Recapitalization Incentive Programme, qui vise à remplacer les équipements des pays membres de l’union ayant appartenu au Pacte de Varsovie, par des équipements américains.

La stratégie de l’ERIP se divise en 2 volets :

1- viser les pays de l’est de l’Union européenne, de sorte à créer une dissension au sein de l’Europe, en ayant la main mise sur les capacités de Défense et industrielle de ces pays.
2- S’assurer du choix de ces pays les équipements US en enrobants chaque offre d’une aide financière couvrant en partie les couts d’acquisition, et présentée comme une participation supplémentaire des Etats-Unis à La Défense effective de ces pays.

Ces mesures s’ajoutent à des mesures déjà en place, comme des financements directs pour la modernisation des équipements des membres de l’OTAN, et des déploiements importants et répétés de forces US, ayant un effet très positif sur les opinions publiques de ces pays, alors que les grandes nations européennes peinent à prendre leur responsabilité dans ce domaine.

Ainsi, dans le cas de la Grèce, les Etats-Unis ont accompagné le programme de modernisation des F16 de la force aérienne hellénique, d’un cout total de 1,6 Md$, d’une aide directe de 600 m$, présentée comme un engagement direct des Etats-Unis pour la Défense du pays, et perçue comme telle par les faiseurs d’opinons grecs. Ceci explique, en grande partie, pourquoi Athènes a répondu positivement lorsque les Etats-Unis ont proposé d’étendre le programme F35 à certains pays d’europe orientale. En outre, Washington a répondu à l’appel de la Grèce pour déployer des appareils de combat en 2018, alors que les tensions avec la Turquie augmentaient.

Les dernières annonces américaines ne sont pas, en soit, révolutionnaires. Les montants annoncés, 190 m$ repartis sur 6 pays européens dont 3 membres de l’UE (Grèce, Slovaquie et Croatie), ne représentent qu’une infime partie des investissements US en cours pour s’assurer la main-mise de Washington sur le continent Européen, dépassant les 7 Md$ par an. L’Europe pourrait, et devrait, faire de même, mais n’en a pas la culture diplomatique ni économique.

Ainsi, si l’Etat Français accompagnait ses offres à l’exportation de Défense vers les pays européens d’une aide financière sous la forme d’un abondement de 50% de la valeur produite sur son sol, elle disposerait d’offres très compétitives, même face aux Etats-Unis, tout en ne fermant pas la porte aux compensations industrielles. Pour les finances publiques, sachant qu’un million d’euro investi dans l’industrie de Défense en France rapporte 1,4 M€ au solde budgétaire de l’Etat, elles conserveraient un solde très positif de 90% des montants investis.

A titre d’exemple, dans ce modèle, une FTI Behl@rra, proposée à 650 m€ en fabrication France à l’export, ne « couterait » que 325 m€ à l’Etat acquéreur pour peu que le bâtiment soit intégralement construit en France, soit le prix d’une corvette. Les industriels percevraient bien les 650 m€ prévus, générant 2200 emplois directs, 2000 emplois de sous-traitance, et 1800 emplois induits, soit une bulle de 6000 emplois financée sur 3 ans. Enfin, les finances publiques enregistreraient 1 Md€ de recettes et économies sur 3 années, desquels se déduisent le 325 m€ d’abondement pour le client, soit un solde final de 675 m€, avec la quasi-assurance de remporter la compétition, et des retombées économiques positives sur le long terme, avec les programmes de maintenance attenants.

C’est évidemment précisément le calcul fait par les Etats-Unis, qui parient, probablement à juste titre, que le conservatisme européen empêchera Bruxelles, Pais ou Berlin, de faire de même ….

Systèmes d’exploitation, terres rares, composants électroniques .. Les grandes nations éliminent leurs faiblesses structurelles

Depuis quelques années, de nombreux signes laissent prédire une dégradation rapide de la situation internationale, et l’augmentation des risques de conflits, même entre grandes nations technologiques. Mais de tous ces signes, les récentes déclarations émanant de plusieurs dirigeants concernant la suppression des dépendances stratégiques sont, probablement, parmi les plus alarmantes.

Si le phénomène a pris ces derniers jours une exposition médiatique importante, avec l’interdiction d’importer des smartphones et équipements réseau du constructeur chinois Huawei décrété par les Etats-Unis, suivi de la suppression de la licence Android sur les Smartphones de la marque, il s’agit en réalité d’une lame de fond qui a pris son élan il y a plusieurs années, et qui a amené les nations miltaires et technologiques à établir des plans pour identifier, limiter puis supprimer, la dépendance stratégique vis-à-vis de produits ou de matières premières contrôlés par une nation potentiellement hostile, ou tout simplement non-amicale.

Ainsi, en Russie, les autorités ont investi dans le developpement d’un nouveau système d’exploitation, basé sur Linux, destiné à remplacer Microsoft Windows et MacOS sur les ordinateurs de l’Etat, et à terme, sur les ordinateurs du pays. Astra Linux, tel est le nom du programme, est déjà en service dans les services de renseignement et au sein des Etats-Majors russes, et pourra être plus largement diffusé lorsqu’il sera parfaitement stabilisé, sécurisé, et lorsque l’offre logiciel sera suffisante. Parallèlement, et comme c’est le déjà le cas en Chine, le pays à mis en place des infrastructures permettant aux autorités d’isoler le réseau internet du réseau national.

La Chine n’est pas en reste, et il n’aura fallut que quelques jours au N°2 mondial des Smartphones Huawei pour annoncer la prochaine mise à disposition de son propre système d’exploitation, basé sur le coeur Android, un logiciel libre comme Linux, et de porter un nombre suffisant d’applications pour rendre le service attractif auprés des utilisateurs, en Chine, comme dans le Monde. Nul doute que le parc installé de terminaux adressables du constricteur chinois, comme le choix d’un système Android, convaincra la majorité des éditeurs de logiciels de soumettre leurs programmes et jeux pour intégrer le portail de téléchargement du géant Chinois. Les délais très courts confirment que Huawei anticipait ce risque depuis longtemps, et donc que la démarche entamée par la Maison Blanche risque fort de produire des des effets contraires à ceux escomptés, en renforçant la position chinoise, tout en réduisant sa dépendance technologique.

Il en va de même au niveau des composants électroniques, eux aussi soumis à embargo par Washington. La Chine produit déjà de très nombreux composants, et peut trouver des solutions alternatives auprés de partenaires asiatiques comme la Corée du sud, qui a adopté une ligne de conduite plus souple vis-vis de Pékin.

En revanche, la menace chinoise de mettre sous embargo les matériaux issus des terres rares, risque de mettre sous tension à court terme des pans entiers de l’industrie américaine, et donc de son économie. La Chine détient aujourd’hui une position très dominante sur l’exploitation des terres rares dans le Monde, et entend bien la conserver, eu égard aux efforts fournis pour acquérir le contrôle de ces précieux éléments dans le monde, notamment en Afrique. En 2018, des experts américains et européens avaient d’ailleurs appelé à effectuer des réserves de ces matières premières, pour palier le risque qui se présente aujourd’hui. Les terres rares fournissent les éléments indispensables à la construction de composant électronique, mais également de batteries modernes, ou à la conception d’alliages indispensables à la fabrication des aéronefs et des satellites.

La Chine n’est pas la seule à disposer de terres rares, qui, en fait, ne sont pas si rares que ça. En revanche, c’est elle qui en assure la plus grande exploitation, et donc qui détient un quasi-monopole sur les éléments eux-mêmes. D’autant que l’extraction de ces minéraux et métaux est particulièrement difficile, et extrêmement polluante pour l’environnement. Dès lors, jusqu’à présent, les gouvernements occidentaux se satisfaisaient bien de la situation, n’ayant pas à assumer le passif écologique de ces extractions minières.

Pour l’heure, la Chine s’est contentée de menaces, et n’a pas mis en oeuvre une quelconque forme d’embargo. Elle sait que de telles mesures seraient de nature à dégrader rapidement et très nettement les relations avec les Etats-Unis, avec, à la clé, une réthorique guerrière pour laquelle elle n’est pas encore prête (ce qui ne sera plus le cas en 2030). Mais il est clair que désormais, toutes les nations militaires technologiques, les Etats-Unis, la Russie comme la Chine, vont rapidement consolider leur autonomie stratégique, et ce dans tous les domaines critiques.

Et l’Europe ? Comme toujours, les pays européens semblent évoluer dans une bulle déconnectée des évolutions de l’environnement stratégique internationale. Si l’Union européenne, et surtout la France, tentent de consolider leur indépendance stratégique en matière de Défense, c’est essentiellement dans l’hypothèse de tensions commerciales entre états, y compris avec les Etats-Unis. Mais les pays européens continuent de dépendre lourdement de la Russie (gaz, pétrole), de la Chine (produits manufacturés, investissements, terres rares), et des Etats-Unis (technologies numériques), de sorte qu’ils sont certains de faire face à des crises rapides et profondes, dans le cas de tensions majeures dans le Monde.

C’est probablement un des points clés qui disqualifie l’Europe du titre de grande puissance mondiale …

Les forces aériennes russes vont recevoir 20 Su35s d’ici 2020

Selon Alexey Krivoruchko, le secrétaire état à La Défense Russe, qui s’exprimait à l’occasion de sa visite de l’usine de Komsomolsk-sur-amur qui va fabriquer le Su57, les forces aériennes russes vont percevoir 20 chasseurs Su35s d’ici la fin de l’année 2020. L’information n’en est pas vraiment une, le contrat concernant la livraison de Su35s en cours laissait en effet anticiper une telle livraison qui, cumulée aux livraisons des 8 appareils destinés aux forces indonésiennes, constituent un rythme moyen de 15 appareils par an, soit le rythme de production annuel constaté depuis prés de 5 ans.

Depuis 2015, les forces aériennes russes reçoivent, en moyenne, 40 à 45 nouveaux chasseurs chaque année, composés de Su30, Su34 et Su35. Dans les années à venir, les livraisons de Su30 sont destinées à s’effacer rapidement pour céder la place au Su57, produit dans la même usine. De nouvelles commandes de Su34 et Su35 vont sans aucun doute être émises en 2020-2021, pour poursuivre le remplacement des Su24, 25 et Su27, mais également pour augmenter le parc d’appareils disponibles.

Si le rythme de 40 appareils neufs livrés chaque année était maintenant, le parc aérien des forces aériennes et aéronavales de la Russie s’établira entre 1200 et 1400 appareils de combat, soit plus que l’ensemble des forces aériennes européennes prévue en 2030, chiffre auquel il conviendra d’ajouter entre 100 et 150 bombardiers stratégiques. Dans ce domaine également, la supériorité numérique russe sur son voisin européen, pourtant 4 fois plus peuplé et 9 fois plus riche, est très marquée.

Les Etats-Unis soupçonnent la Russie de tests nucléaires, contre l’avis des organisations internationales

Selon le général Robert Ashley, directeur de l’Agence de Renseignement de la Defense (DIA) américaine, qui s’exprimait mercredi 29 Mai aura Hudson Institute, la Russie ne respecterait « probablement » pas ses engagements concernant le le Comprehensive Test Ban Treaty, auquel elle adhéra en 1996 avec la France et le Royaume-Unis, mais dont, ni la Chine, ni les Etats-Unis, n’ont ratifié le texte.

Par la suite, le général Ashley est revenu sur cette déclaration, pour préciser que si la Russie n’avait, selon toute vraisemblance, pas encore violé le traité, elle en avait la possibilité désormais, notamment sur son site de Nova-Zemlya, jouxtant le cercle polaire.

En revanche, l’organisme internationale chargé de surveiller l’application du traité, l’OTICE, et qui dispose pour cela de plus de 310 stations au travers le monde pour détecter les anomalies sismiques, nucléaires, sonores et hydro acoustiques signifiant un test nucléaire, affirme n’avoir rien détecté laissant penser que la Russie avait procédé à des tests nucléaires, si ce n’est une trainée radioactive détectée en 2015 en Europe, composée d’Iode 131, et qui fut attribuée, ultérieurement, aux essais du missile de croisière à propulsion nucléaire « Burevestnik ».

De fait, ces déclarations ressemblent beaucoup à celles concernant le système de missile russe 9M29 Novator, accusé par les Etats-Unis de ne pas respecter l’interdiction de developper des missiles de croisière et balistiques d’une portée allant de 500 à 5000 km, ou traité INF, et qui entraina le retrait des Etats-Unis de ce traité bilateral, suivi par la Russie. En effet, comme précédemment, le principal problème des Etats-Unis n’est pas la Russie, mais la Chine, qui n’a pas ratifié le traité CTBT, comme les Etats-Unis, mais dont l’opinion publique serait bien moins sensible à la reprise des essais que l’opinion américaine. Non seulement l’administration américaine veut être en mesure de répondre à des tests éventuels chinois si le cas se présentait, mais elle prend de plus conscience du danger que représenterait une alliance sino-russe d’ici quelques années, menaçant de surclasser les Etats-Unis et ses alliés dans le domaine conventionnel.

Dès lors, comme ce fut le cas dans les années 60 et 70, les Etats-Unis semblent à nouveau parier sur l’arme nucléaire pour neutraliser le déséquilibre démographique et la différence de moyens face à la Chine, la Russie, et leurs alliés.

Reste que ce n’est pas avec des déclarations aussi contestables que les autorités américaines seront en mesure d’amener à nouveau le pays et sa population dans l’état d’esprit qui fut le sien pendant la guerre froide. Les faits sont suffisamment éloquents pour faire prendre conscience des risques, sans s’enliser dans des approches aussi approximatives.

Reprise de la construction du char K2 Black Panther en Corée du Sud

Depuis une vingtaine d’année, la Corée du Sud a entrepris un ambitieux plan visant à devenir un acteur majeur de l’industrie de Défense mondiale. Le pays dépense en effet chaque année prés de 10 Md$ en acquisition d’équipements, et ses dirigeants ont fait le pari de la « préférence asiatique » pour soutenir ses équipements à l’exportation.

20 années plus tard, le pari est gagné pour Séoul. L’industrie nationale produit une grande partie de la gamme des principaux équipements de Défense modernes, allant du sous-marin AIP au porte-aéronef, du char de combat au VCI, de l’avion d’attaque et d’entrainement au programme de chasseur de 5eme génération, sans oublier un nombre important de missiles, torpilles, obus guidés et drones. Et les succès à l’exportation n’ont pas tardé à arriver, sous forme d’exportations directes, comme l’avion d’entrainement et d’attaque T50 Golden Eagle, utilisé en Thaïlande, aux Philippines et en Indonésie, de la coopération industrielle comme les frégates Jose Rizal en construction pour la marine Philippine ou les sous-marins de la classe Nagapasa Indonésien, et dans l’accompagnement industriel, comme le char de combat turc Altay, construit avec d’importants transferts de technologies sud-coréens.

Parmi tous ces programmes fructueux, le char de combat K2 Black Panther apparaissait comme l’exception qui confirmait la règle. Si les prototypes avaient donné satisfaction, et justifié la commande de prés de 250 exemplaires en deux « matchs » début 2014, ceux-ci étaient propulsés par un groupe moteur et transmission d’origine allemande. Les modèles de série du K2 devaient, eux, être équipés du moteur diesel local Doosan Infracore DV27K développant 1500 cv, et d’une transmission automatique S & T Dynamics EST15K. Malheureusement, la mise au point de ces deux éléments cruciaux fut beaucoup plus longue que prévue initialement, et le programme K2 dû être stoppé en 2017, dans l’attente d’une réponse industrielle satisfaisante. De fait, la reprise des livraisons du nouveau char sud-coréen, annoncée ce 27 Mai au cours d’une cérémonie regroupant industriels, militaires et politiques, confirme les rapports selon lesquels les éléments moteurs étaient désormais fiables et conformes aux exigences de l’Etat-major.

Cette bonne nouvelle l’est également pour la Turquie, dont le nouveau char de combat Altay dépendait grandement de l’état d’avancement du projet sud-coréen. Comme pour le K2, l’Atlas a été développé avec un groupe propulsif et une transmission allemande, et comme pour le char coréen, le cahier des charges prévoyait une autonomie stratégique complète dans la construction du nouveau char, d’autant que le Qatar a annoncé en mars 2019 son intention de commander 100 exemplaires du char turc.

La Corée du Sud, comme la Turquie, ou le Japon, apparaissent désormais comme des acteurs importants de l’industrie de Défense mondiale, phagocytant encore davantage un marché déjà sous tension entre les ambitions américaines, le retour en puissance de la Russie, et l’arrivée de la Chine. Une situation comparable à celle qui eu lieu dans les années 50, et qui vit l’apparition et la disparition rapide de nombreux acteurs, pour une recomposition du secteur qui perdura 50 années.

De fait, l’extrême dépendance des industries de Défense européennes et françaises aux exportations, risque de constituer un risque majeur pour leur pérennité à moyen-terme.

Ecologie et Défense : Même risques, même faiblesses et même solutions

L’écologie a fait une percée remarquable, et remarquée, lors des élections européennes qui viennent de se dérouler. Le mouvement écologique a su se fédérer, expliquer les menaces aux citoyens européens, pour engendrer une adhésion que l’on peut qualifier de massive dans les urnes, notamment auprés de jeunes.

Souvent perçues comme antagonistes, les problématiques Ecologiques et de Défense partagent pourtant de très nombreux points communs, expliquant le même désintérêt politique profond malgré une adhésion de façade. Surtout, elles partagent les mêmes solutions, comme nous allons le voir dans cet article.

Le risque majeur

Défense comme Ecologie partagent la notion de risque majeur, pouvant entrainer la destruction de la société, voir de la vie, à l’échelle du pays, du continent, et même de la planète. Les projections nombreuses et détaillées sur le réchauffement climatique sont incontournables pour peu que l’on fasse preuve d’un minimum d’objectivité, et les causes sont toutes, pour l’essentiel, parfaitement identifiées.

La Défense traite elle aussi d’un risque comparable. S’il est perçu comme moins inéluctable, et beaucoup plus difficilement prévisible par des outils statistiques, il est également beaucoup plus concret, un quart de la population mondiale vivant aujourd’hui en zone de guerre. Les signes d’une dégradation rapide de la paix mondiale sont également très nombreux, que ce soit au travers de l’augmentation des dépenses militaires dans le Monde, la dénonciation des traités internationaux, les rhétoriques martiales des dirigeants.

Il ne fait aucun doute, en matière d’Ecologie comme de Défense, qu’en l’absence d’une réaction massive et volontaire, les conséquences seront dramatiques, avec un calendrier qui se réduit chaque année.

Des faiblesses constitutives

Les deux domaines partagent également deux faiblesses constitutives majeures, la dichotomie temporelle entre l’effort et le résultat, d’une part, et l’absence d’événements comme preuve de succès, d’autre part. En effet, Défense comme Ecologie exigent des efforts importants et immédiats, notamment du point de vu économique, alors que leurs effets, perceptibles ou pas, ne se feront ressentir qu’au delà de plusieurs années, voir de plusieurs décennies.

Du point de vu politique, il est, dès lors, très difficile de valoriser un tel effort auprés du corps électoral qui, comme nous l’avons vu récemment, est avant tout préoccupé par des problématiques économiques à très court terme, comme le pouvoir d’achat ou l’évolution de la fiscalité.

Pire, le succès, en matière d’écologie, s’évaluera au prorata de l’absence de catastrophes écologiques, une notion très difficile à valoriser politiquement. De même, les français, comme les européens, n’envisagent plus le risque de guerre comme un risque avéré, et donc, l’absence de guerre, comme un succès.

Une même solution : l’Investissement Industriel à Valorisation Positive

La notion de Valorisation Positive a été développée afin de redonner à La Défense française et européenne des moyens compatibles avec le niveau de risque, et les besoins exprimés par les armées. D’un point de vu synthétique, il s’agit d’intégrer l’investissement industriel de l’Etat dans le domaine de La Défense dans une bulle macro-économique, articulée autours des atouts de ce pole industriel, à savoir sa très faible exposition aux importations, en y intégrant non seulement les recettes fiscales et sociales générées, mais également les économies sociales et budgétaires induites par l’investissement.

Trève de théorie , quelques chiffres seront bien plus éloquents

Aujourd’hui, lorsque l’Etat investi 1 million d’euro dans l’industrie de Défense, il finance 10 emplois au niveau des contractants directs de la base industrielle technologique de Défense. Ces 10 emplois représentent une dépense moyenne de 500.000 euro sur l’année pour les entreprises, l’autre moitié finançant le réseau de sous traitance, les investissements, les impôts, les intérêts d’emprunt et les dividendes. Du point de vu du réseau de sous-traitance, cela va créer 6,5 emplois directs, qui eux mêmes financeront toute la chaine, y compris 2,5 emplois de sous-traitance supplémentaires. Au final, 9 emplois de sous-traitance sont financés par l’investissement initial.
Nos 10 emplois directs et 9 emplois de sous-traitances , dits indirects, vont dépenser leurs revenus en consommation, investissements, épargne et taxes. La consommation va générer, sur le sol national, 8 emplois, appelés emplois induits.

Le million d’euro initialement investi aura donc financé 27 emplois annuels. Ce chiffre est avant tout lié au fait que les investissements industriels de Défense sont très faiblement délocalisables, pour des raisons évidentes de sécurité.

Or, un emploi en France rapporte en moyenne 22.000 euros de charges sociales aux organismes sociaux, et 6000 euros de taxes à l’Etat. Surtout, la conversion d’un chômeur en salarié permet à l’état d’économiser 24.000 euro par an en moyenne, provenant des indemnités chômage, des dépenses de formation, et de toutes les dépenses d’accompagnement attenantes. Au total, notre salarié représente donc un solde budgétaire positif de 52.000 euro par an, et nos 27 emplois un solde budgétaire de 1,4 M€ par an.

Dés lors, l’investissement « politique » change de nature, puisqu’il ne requiert qu’un effort de faible durée, le point d’équilibre du retour sur investissement étant atteint au bout de 4 ans, et le rendement optimum au bout de 7. En outre, il induit des résultats économiques rapides, avec notamment la baisse sensible du chômage, proportionnellement au niveau d’investissement, sans augmenter les prélèvements ni l’endettement, bien au contraire.

Comment appliquer la Valorisation Positive à l’Ecologie ?

Contrairement à La Défense, une grande partie des investissements destinés à soutenir l’effort de conversion écologique n’est pas réalisée par l’Etat, mais par les particuliers, ou les entreprises. Par ailleurs, les entreprises qui produisent batteries pour véhicules électriques, panneaux solaires, éoliennes ou matériaux d’isolation, pour n’en citer que celles-ci, ne sont pas contraintes de produire et sous-traiter en France. Dès lors, en l’état, l’efficacité économique et budgétaire de l’investissement écologique serait très inférieur à celui de La Défense, et ne permettrait pas d’atteindre le point d’équilibre budgétaire. L’application du modèle de valorisation positive nécessite donc quelques adaptations pour être efficace.

Du point de vu conceptuel, le modèle repose sur la rétribution partielle par l’Etat de taxes et d’économies budgétaires réalisées par la chaine industrielle de fabrication des équipements écologiques, comme du service associé. Cette approche privilégie la fabrication en France, et le recours à une sous-traitance française, l’aide de l’Etat étant proportionnelle aux recettes enregistrées.

Pour ce faire, l’Etat financerait chaque projet écologique à hauteur de 50% de son efficacité budgétaire constatée, de sorte que le particulier, l’entreprise ou la collectivité cliente puisse économiser une partie significative de son investissement, sans altérer la profitabilité industrielle. Surtout, si la base industrielle écologique atteint le niveau de performance de sa cousine Défense, les acquisitions seront abondées à hauteur de 70 % par l’Etat, sur la base des recettes et économies enregistrées. De quoi non seulement compenser les surcouts éventuels liés à la main d’oeuvre ou à la fiscalité française, tout en attribuant une aide très performante aux acheteurs pour les inciter dans la démarche écologique.

A noter que contrairement à La Défense, qui bénéficie d’un statut particulier en Europe, L’Etat ne pourra pas réserver ses abondements aux entreprises françaises. En revanche, dans la mesure ou l’aide est proportionnelle aux recettes, pour bénéficier de l’abondement maximum, une entreprise, même européenne, devra optimiser sa chaine de production et de sous-traitance en France.

Conclusion

On le voit, l’Ecologie et La Défense partagent de très nombreux paramètres. Surtout, les solutions qui s’appliquent à l’un, peuvent s’appliquer à l’autre, moyennant quelques adaptations conceptuelles. Toutefois, si la problématique écologique est aujourd’hui parvenue à atteindre une part significative du corps électoral, c’est aujourd’hui loin d’être le cas des problématiques de Défense, qui restent un thème réservé à un cercle restreint. En l’absence d’un effort très important de l’ensemble de l’écosystème Défense, des industriels aux armées, pour sensibiliser l’opinion publique aux menaces, aux enjeux, et aux solutions, il est illusoire d’espérer voir les dirigeants politiques changer leur perception du sujet, donc leur implication à trouver et appliquer les solutions indispensables à la protection du pays et du continent.