lundi, novembre 11, 2024

Quel blindé pour assurer l’intérim du Leclerc si le programme MGCS venait à être reporté ?

Ces derniers jours ont probablement été les plus difficiles concernant le programme Main Ground Combat System, ou MGCS, destiné initialement à remplacer les Leclerc et Leopard 2 à partir de 2035. En effet, coup sur coup, plusieurs annonces ont été faites outre Rhin, laissant supposer que cette échéance ne serait plus respectée. Ainsi, selon la Bundeswehr, les blocages industriels auxquels le programme fait face aujourd’hui, interdiraient désormais une entrée en service en 2035.

Quelques jours plus tôt, Suzanne Weigand, la CEO de RENK, qui conçoit et fabrique les très critiques transmissions des chars français et allemands, a déclaré lors d’une interview que cette même échéance n’était plus souhaitable alors que la demande immédiate pour de nouveaux chars de combat vient redistribuer la physionomie du marché adressable en 2035.

Le coup de grâce a été porté en fin de semaine par Krauss Maffei Wegmann, le concepteur du Leopard 2, qui a présenté une nouvelle version 2A8 de son char, et indiqué qu’une version plus évoluée, encore désignée 2AX, était en développement pour une entrée en service d’ici à 2 ou 3 ans.

Le calendrier du programme MGCS menacé

De toute évidence, il sera bientôt impossible de continuer d’espérer que les premiers MGCS viendront remplacer les Leclerc français et Leopard 2 allemands à partir de 2035, la date de 2045 étant souvent citée outre-Rhin.

Cette échéance est même, d’un certain point de vue, probablement optimiste au regard de la réalité du reversement de marché concernant les chars lourds auquel nous assistons aujourd’hui en Europe comme dans le Monde. Comme nous l’avons évoqué dans nos précédents articles sur le sujet, un tel report viendrait mettre à mal tant l’Armée de Terre française que la Base Industrielle et Technologique Défense Terre nationale.

La première, en effet, n’a pas aujourd’hui la possibilité de renforcer ou moderniser comme il se doit son parc de Leclerc pour atteindre une telle échéance, ou du moins rien n’indique à ce jour dans la programmation militaire française que l’hypothèse ait été traitée dans sa globalité. La seconde, quant à elle, a un plan de charge optimisé avec le programme SCORPION l’amenant jusqu’en 2035, et tablait sur le programme TITAN, duquel MGCS est le pilier principal, pour prendre le relais à cette échéance.

Un retard de MGCS mettrait à mal le programme TITAN de l'Armée de Terre
Le programme TITAN de l’Armée de Terre est une évolution du programme SCORPION intégrant la composante blindée lourde

De fait, si, comme il est désormais très probable, le programme MGCS venait à être reporté sans être annulé, il sera nécessaire, pour Paris, de trouver une solution intérimaire capable de répondre simultanément aux besoins de l’Armée de Terre comme à ceux de la BITD terre, de sorte à préserver les capacités et ambitions de l’un comme de l’autre.

Vers une solution intérimaire pour l’Armée de terre

Plusieurs articles publiés sur ce site ont déjà étudié quelques options, comme le démonstrateur EMBT et sa très prometteuse tourelle développée par Nexter, voire en se tournant vers une solution exogène, comme le KF51 Panther de Rheinmetall, le K2PL polonais ou le nouveau Leopard 2AX en cours de conception chez KMW, le partenaire de Nexter au sein du groupe KNDS.

Toutefois, ces analyses reposaient sur l’étude d’une solution existante, pour en déterminer la pertinence et la soutenabilité dans l’hypothèse d’une augmentation de format, et non pour répondre à un report de MGCS. Dans cet article, à l’inverse, nous partirons des besoins, du contexte international et commercial, mais également des enseignements de la Guerre en Ukraine à ce sujet, pour établir quelle serait la meilleure réponse que pourrait apporter la BITD française.

Il n’y a de cela que quelques années, la plupart des états-majors estimaient que le char de combat était une relique du passé. Pour beaucoup, les progrès réalisés ces dernières décennies en matière de munitions antichars, mais également de munitions rôdeuses et de munitions d’artillerie ou aéroportées de précision, rendaient le char de trop vulnérable pour pouvoir jouer son rôle sur le champ de bataille. Les exemples des engagements post-guerre froide, notamment en Tchétchénie, en Irak ou en Afghanistan, tendaient à accréditer cette perception.


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Pour Aller plus loin

10 Commentaires

    • Et pourquoi pas le type 10 japonais, char moderne plus compact que le Leclerc, d’un poids de 40 à 48 tonnes selon le blindage modulaire emporté.
      Le coût d’une francisation serait largement inférieur à un effort de R&D, et serait équipé des armements et l’électronique Française.
      Une occasion d’engager une coopération avec le Japon.

  1. Pourquoi ne pas rester sur un engin de 45 tonnes avec une version combat lourd (système Ascalon de 140mm+ canon téléopéré de 25mm) et une version combat d’infanterie (50% tourelle téléopérée CTA 40mm + missiles – 50% tourelle téléopérée mitrailleuse lourde et lance grenade de 40mm + roquettes) pour la percée et le combat urbain?

    Et garder pour le gros des forces des 8×8 de 30 tonnes : version appui (avec une tourelle téléopérée de 120mm +.canon de 25mm) et version combat d’infanterie (50% tourelle téléopérée CTA 40mm + missiles – 50% tourelle téléopérée mitrailleuse lourde et lance grenade de 40mm + roquettes)

    Garder des masses raisonnables pour la mobilité operative, (grace aux protections actives) et disposer de chassis communs pour les « tanks » et « VCI » de chaque classe permet de faire des économies d’echelle et de maitriser les coûts d’acquisition, MCO et les besoins logistiques.

    Les MBT lourds sont surtout pertinents actuellement pour les pays des marches de l’OTAN, ou faute d’alternatives. Mais quelle mobilité operative et perspectives d’emploi pour ces MBT stationnés en France, en Espagne, au RU…? Et pour intervenir si nécessaire ailleurs que sur le « front de l’Est »? Arretons de preparer la guerre précédente ou actuelle et, tournons nous vers les besoins previsibles. Laissons ce marché du panzer lourd aux allemands.

    Il me semble que de nombreux pays trouveraient un avantage a ce modèle (Inde notamment) pour financer le développement ou plus tard pour équiper leurs forces.

    • 140 mm et 45 tonnes … pas sur que cela fonctionne. C’est envisageable en version chasseur de char mais la guerre en Ukraine a montré précisément que cette approche que l’on peut qualifier de conservatrice, posait de réels problèmes car les blindés n’ont pas la mobilité requise. On peut également s’interroger sur la plus value d’un tube de 140 mm lorsque l’immense majorité des engagements se font à moins de 1000 m, distance à laquelle un 105 HP est suffisant pour percer presque tout. Un 105 plus leger et plus rapide en cadence de tir comme en vitesse angulaire me semble repondre bien mieux aux enseignements de la guerre en Ukraine.

      • Concernant le calibre adapté pour le haut du spectre de la puissance de feu, Nexter laisse entrendre que sa solution Ascalon conviendrait pour des engins de moins de 50 tonnes à l’horizon 2025, avec des munitions telescopée pour le tir direct ou indirect. (si ça ne fonctionne pas on peut conserver le 120mm, qui doit garder une bonne efficacité jusqu’à 2000 metres.) Je suis assez réservé sur l’idée de baser notre modèle militaire des 20 prochaines années sur les observations en Ukraine, au risque d’avoir comme d’habitude une guerre de retard… J’espère que nous envisageons une approche plus dynamique pour prendre l’ascendant en debut de conflit sur un eventuel adversaire. Il existe en Europe, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient de vastes plaines où un contingent forcement restreint de blindés occidentaux serait soulagé de tirer partie d’une puissance de feu et d’une allonge supérieure pour défaire (sans supériorité aérienne) des masses de MBTs d’origine variées. Je souhaite de tout coeur que nous n’ayons jamais à intervenir contre une Russie revigorée et équipée par la Chine, ou contre l’Algerie, l’Egypte, l’Arabie saoudite, la Turquie, l’Iran ou un corps expeditionnaire chinois dans une zone d’interet majeur, mais c’est a cela qu’il faut se preparer. J’imagine qu’en combat urbain le 140mm avec des obus adaptés peut certainement rendre de grands services. A contrario, un char de 45 tonnes pour porter un simple 105mm HP me semble un peu surdimensionné par rapport à sa valeur ajoutée opérationnelle, même si cela rendrait la dotation en munitions et l’autonomie au combat plus confortable.

  2. Comme toujours très stimulant. A compléter par une analyse économique. La France n’a pas prévu un corps de bataille massif. Tout au plus quelques centaines d’unités ce qui rend illusoire de rentabiliser un programme d’une telle ampleur. Il me semble que dans vos précédents articles, vous évoquiez la possibilité d’acheter une base (moteur, transmission, etc. ) aux allemands et de la compléter par des éléments français (tourelle, canon, électronique , etc.). A défaut de faire le même char, pourquoi ne pas partager des briques communes qui seraient amorties sur des séries plus longues et construire deux produits différents (lourd allemand, moyen français)

    • Le problème est que les allemands avancent très vites et tout seuls sur ce sujet. Ils n’ont aucun intérêts à developper une gamme « complémentaire » ou même à soutenir son émergence. Certains éléments, comme la transmission (Renk) et probablement le moteur (MTU), seront de toute façon allemands. Mais pour accroitre la soutenabilité budgétaire, il me semble plus pertinent de tabler sur d’autres partenaires, potentiels. Il ne faut pas oublier non plus que le but est précisément de préserver les compétences industrielles, qui aujourd’hui sont clairement menacées par l’évolution du programme MGCS.

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