Les autorités japonaises semblent privilégier la thèse de la désorientation spatiale concernant les raisons ayant entrainé le crash d’un F35A des forces d’autodéfense nipponnes le 9 avril de cette année. Malgré le faible nombre d’éléments recueillis, la cellule et le moteur de l’appareil gisant par plus de 1000 mètres de fond dans le Pacifique, les enquêteurs nippons ont été en mesure de retracer les derniers moments, du vol du Akinori Hosomi, qui perdit la vie dans l’accident.
L’accident serait survenu lors d’une descente en virage rapide, amenant l’avion de 31.000 à 15.000 pieds, précédant la perte de contact et le crash 15 secondes plus tard, sans qu’il n’y ai eu de message d’alerte, ni de tentative d’éjection du pilote. La luminosité crépusculaire et la météo lors de l’accident, ainsi que la fatigue résultante des deux engagements air-air simulés précédant l’accident, tendent en effet à envisager cette hypothèse.
Reste que le major Hosomi était un pilote très expérimenté de 41 ans, avec 3200 heures de vol sur avion d’arme, dont 60 sur F35, et que la courbe descendante n’est pas la position la plus susceptible de créer une illusion sensorielle, même fatigué. On peut dès lors se demander comment un pilote de ce calibre, et un appareil bardé de capteurs et de systèmes comme le F35, peuvent conjointement perdre la notion de leur position spatiale alors qu’ils évoluent en vitesse transsonique au niveau 150 …
D’autres hypothèses, comme l’hypoxie ou la panne électrique totale, semblent également possibles, mais écartés par les enquêteurs. Il est vrais qu’elles ont l’inconvénient majeur de mettre en cause l’appareil, et non le pilote, alors que le pays vient d’officialiser la commande d’une centaine de F35 supplémentaires. Rappelons que le F35 a, à plusieurs reprises, été cloué au sol aux Etats-Unis en raison de mauvais fonctionnement de la production d’oxygène pour le pilote, entrainant des hypoxies en vol. Dans ces conditions, et considérants le faible nombre d’éléments tangibles dans les mains des enquêteurs, les conclusions peuvent apparaitre précipitées, d’autant qu’elles satisfont à des objectifs politiques.
Les spécialistes russes de la guerre électronique du district militaire Centre seraient parvenus, selon un article de l’agence TASS, à developper une architecture permettant de rendre opaque aux ondes électromagnétiques une zone donnée. Concrètement, le système serait en mesure d’interdir toutes communications électromagnétiques, y compris satellites, rendant la zone impraticable pour les drones, les missiles de croisières, les IED et les aéronefs. Le système peut également neutraliser, si besoin, les communication des services d’infovalorisation du champs de bataille, comme le système français SCORPION.
Pour ce faire, les ingénieurs militaires russes ont associé les capacités de 3 systèmes de guerre électronique en dotation dans les forces. Le véhicule de reconnaissance électromagnétique Borissoglebsk assure la détection et la classification des signaux sur la zone, alors que le Krasuhka assure le brouillage des bandes de fréquence identifiées, et R330ZH Zithel est en charge du brouillage des communications satellites, et des signaux de géolocalisation.En procédant de cette manière, ils ont créé ce qu’ils désignent comme un « Aspirateur » électromagnétique, s’étendant sur un rayon de 30 km autours des équipements de guerre électronique.
Le système de brouillage électromagnétique Krasuhka-4
A noter que ces équipements de brouillage, disponibles en petit nombre dans les forces russes, ont majoritairement été affecté aux unités de la façade occidentale russe, dans l’enclave de Kaliningrad, aux abords de la mer Baltique, et face à la Pologne. Des équipements de ce type ont également été identifiés en Syrie, ainsi que dans le Donbass.
Le système de brouillage satellite R-330ZH Zhitel
Cette annonce montre également l’implication des forces russes dans l’évolution et l’optimisation des équipements, déjà très sensible dans les programmes de modernisation en cours basés sur les RETEX des engagements en Syrie. Il s’agit là d’une évolution majeure dans les forces russes, conséquences de la professionnalisation partielle en cours, permettant d’avoir des personnels très qualifiés dans les unités.
Le Pentagone est parvenu à un accord avec le constructeur Lockheed-Martin concernant l’acquisition du lot 12 de l’avion F35A destiné à l’US Air Force, soit 478 appareils au tarif unitaire de 81,35 m$, soit une baisse de 8,8% vis-à-vis du lot 11, qui était à 89 m$. En outre, les lots 13 et 14 sont actés pour passer sous la base des 80m$, soit 72 m€. La production de F35 va elle atteindre les 160 appareils par an, la moitié étant destiné à l’US Air Force.
A ce tarif, le F35A s’aligne sur le prix « Fly Away condition » du Rafale C, et sera plus de 15 m€ moins cher qu’un Eurofighter Typhoon. En Europe, seul le Gripen de Saab aura un prix d’acquisition inférieur, un argument de poids pour la communication de Lockheed, notamment vis-à-vis des pays et opinions publiques européennes.
Mais il ne faut pas s’y tromper, le F35A reste un appareil cher, et même très cher. En effet, son entretien très complexe engendrent des couts de maintenance très supérieurs à ceux de ses homologues européens. Là ou un Rafale C coute, selon la Cours des Comptes, hors acquisition, moins de 10.000 € par heure de vol, le F35A coute lui, selon l’US Air Force, plus de 40.000 $. Or, malgré des efforts importants, ce cout ne semble pas baisser, et l’US Air Force communique désormais sur un objectif de cout à 30.000 $, soit 27.500 € par heure de vol, sachant que rien ne garanti qu’un tel niveau sera atteint. De fait, sur la durée de vie de l’aéronef, soit 6000 heures de vol, un F35A aura couté plus de 250 m€, là ou un Rafale ne coutera lui que 130 m€. De fait, dans le meilleur des cas, la possession du F35A coutera prés du double de celle d’un Rafale.
Il reste donc des arguments à faire valoir par le consortium Rafale pour positionner son appareil dans les années à venir, d’autant que le standard F4 va réduire l’écart technologique entre les deux appareils (alors que le F35 restera, lui, un monomoteur …). Mais il ne faut pas sous-évaluer l’impact que représente le prix d’achat de l’appareil américain sur les opinions publiques, un argument de poids qui s’ajoute à l’argument « 5eme génération » , malgré le caractère artificiel de cette classification.
En matière de communication, la Chine, comme la Russie, aime bien recycler ses informations de sorte à maintenir un flux de publication créant un sentiment de grand dynamisme. C’est le cas aujourd’hui avec un article publié par le site d’Etat Global Times, titrant sur l’invulnérabilité des radars d’alerte avancée côtiers chinois face aux systèmes anti-radars.
En effet, les forces chinoises ont déployés le long de la cote du pays un ensemble d’infrastructures radars de type haute fréquence, utilisant le principe des ondes de surface, permettant au système de détecter des aéronefs au delà de l’horizon, et ce malgré la rotondité de la terre. Elles présentent en outre la particularité d’être peu sensible aux technologies de furtivité employées aujourd’hui, permettant de détecter un appareil furtif à grande distance. Enfin, comme le souligne l’article, les bandes de fréquences employées par ces radars les rendent « indétectables » par les missiles anti-radars actuels, spécialisés pour suivre des faisceaux dans des bandes de fréquences beaucoup plus élevées.
Ceci dit, cette technologie est loin d’être dénuée de défaut, ni nouvelle. L’Union Soviétique avait déjà déployé un radar de ce type pour assurer la détection avancée de la Péninsule de Kola dans les années 80. Par ailleurs, elle manque cruellement de précision, au point qu’il est difficile, voir impossible, de diriger un missile sur la base des informations remontées par ce système. Enfin, elles nécessitent des infrastructures lourdes, par nature peu mobile. Dès lors, nul besoin d’un missile anti-radar pour en venir à bout. La position de chaque radar étant connue, un ou plusieurs missiles de croisière sont parfaitement apte à éliminer le système.
La France a été pionnière en matière de radars transhorizon, avec le radar Nostradamus développé par l’ONERA, et capable de détecter n’importe quel aéronef, y compris furtif, dans une bande située entre 700 et 2000 km autour des infrastructures. Ce programme a été suivit en 2009 par le programme STRADIVARIUS, utilisant cette fois les ondes de surface. Thales propose par ailleurs un système de défense côtière basé sur cette technologie. L’Australie et le Canada utilisent également des radars de ce type pour assurer la détection des vastes zones qui les entourent
Alors que les autorités suisses évaluent les performances et spécificités des appareils en compétition pour le remplacement de ses F5 et F18, chaque constructeur, épaulé par leur pays d’origine, tente de faire valoir les atouts de son offre. Dans ce Maelstrom d’informations, il est parfois difficile de faire la part des choses, et de déterminer de façon objective quel appareil correspondrait le mieux aux besoins des forces aériennes suisses pour les 40 années à venir. Pour cela, nous allons évaluer chaque appareil et chaque offre y attenant, dans une grille d’analyse de 10 critères objectifs, abordants les aspects opérationnels, techniques et politiques de chaque offre. Nous étudierons donc l’offre suédoise de SAAB avec le JAS 39 E/F Gripen, Le Dassault Rafale F4 français, le Typhoon d’Eurofighter, le Boeing A/F 18 Super Hornet et le Lockheed-Martin F35A.
1- Manoeuvrabilité de l’appareil
La Suisse est un théâtre très spécifique pour exercer une supériorité aérienne, et un éventuel soutien aérien. Quiconque a jamais eu la chance de voir la dextérité des pilotes de mirage III ou de F5 helvétiques évoluant dans leurs montagnes en sera convaincu. Dès lors, la manoeuvrabilité est un facteur essentiel pour un avion de combat en Suisse, l’appareil étant amené à évoluer dans un environnement très montagneux, et très complexe, souvent à proximité des sommets. Dans ce domaine, deux appareils se caractérisent pour leur capacité à manœuvrer en basse et moyenne altitude, à proximité du sol, à sa voir le Gripen et le Rafale, obtenant la note de 5. Le Typhoon étant initialement conçu pour la haute altitude, sa manoeuvrabilité en basse et moyenne altitude est inférieure, comme le F18, qui ne bénéficie pas de la conception aéronautique des Eurocarnard, plus manoeuvrante, obtiennent la note de 4. Le F35 n’est pas un avion manoeuvrant, il n’a pas été conçu pour cela, et ses performances dans ce domaine sont inférieures à celle d’un F16. Il est crédité de la note de 2.
Dassault Rafale en configuration frappe distante, avec 2 missiles de croisières SCALP, 2 Mica EM Et 2 mica IR d’autodéfense.
2- Rusticité
La stratégie de défense de la Suisse diffère de celles des autres pays européens, n’étant pas intégré dans une alliance comme l’OTAN, et disposant d’une protection physique naturelle, les Alpes. De fait, les forces aériennes suisses ont pris pour habitude de déployer leurs appareils en petit groupes, répartis sur divers pistes plus ou moins conçues pour cela. Les images des F5 marqué d’une croix blanche sortant d’une montagne pour décoller d’une portion d’autoroute sont connus de tous. De fait, la rusticité de l’appareil, à savoir sa capacité à être mis en oeuvre et entretenu à partir d’une base et d’une piste sommairement aménagée, par une équipe technique restreinte, est un paramètre clé dans cette évaluation.
Dans ce domaine, les avions embarqués, comme le Rafale, et le F18, disposent d’un avantage de conception primordial, étant par nature conçu pour être entretenu dans un environnement très contraint (le porte-avions), et s’appuyant sur une structure renforcée, pour encaisser les appontages très violents, permettant un déploiement à partir de pistes sommaires. Le Rafale F4 a un avantage sur le F18, nécessitant deux fois moins d’hommes pour son entretien que l’avion américain. Il est crédité d’une note de 5, le F18 de 4. Moins performants dans ce domaine, le Gripen et le Typhoon reçoivent une note de 3. Le F35A est crédité de la note de 1, nécessitant le plus d’hommes et d’heures de maintenance par heure de vol, et surtout, nécessitant une interconnexion internationale numérique pour le logiciel ALIS, peu adaptée à la stratégie Suisse.
3- Capacités de Détection et de communication
Contrairement aux appareils de l’OTAN qui évoluent la majeure partie du temps sous le contrôle d’un Awacs, les appareils suisses doivent évoluer avec leurs propres moyens de détection et de communication, ne pouvant s’appuyer que sur le réseau de radars au sol pour compléter leur capacité de détection. Dans ce domaine, le F35A est évidemment le mieux placé, avec une note de 5, l’appareil étant en soit un petit awacs grâce à ses équipements de détection, de traitement du signal, et d’échange des données avec les autres F35 et le sol. Les 4 autres appareils ont des performances comparables dans ce domaine, inférieures à celles du F35, mais suffisantes pour les besoins de La Défense suisse. Ils sont tous les 4 crédités de la note de 3.
Le Lockheed-Martin F35A dispose des meilleurs performances en matière de détection/communication.
4- Furtivité et non détection
Nous terminons ce panel dédié aux performances structurelles des appareils avec la Furtivité, au sens de la capacité qu’a l’appareil à se rendre difficilement détectable, de sorte à prendre l’avantage sur un adversaire potentiel. Dans ce domaine, comme précédent, le F35A a l’avantage, la furtivité étant un des atouts majeurs de l’avion, largement mis en avant par son constructeur. Il est naturellement crédité d’une note de 5. Les Gripen, Super Hornet et Typhoon disposant de systèmes de détection infrarouge performants, ils peuvent évoluer sans émission électromagnétique, et se fier à leur IRST pour détecter un appareil adverse. Ils sont donc crédités d’une note de 2, n’ayant un avantage que dans ce domaine. Le Rafale dispose lui aussi d’un IRST performant, couplé au système PSECTRA, lui permettant d’évoluer passivement. Surtout, l’avion est conçu pour évoluer a grande vitesse très prés du sol, ce qui représente un avantage notable pour éviter la détection adverse, surtout dans un environnement comme les Alpes Suisses. Il est donc crédit d’une note de 3.
5- Appui Aérien Rapproché (CAS)
Intéressons nous désormais aux capacités opérationnelles de chacun des appareils, et pour commencer, aux capacités d’apporter un soutien aérien rapproché aux forces au sol. Dans ce domaine, le Rafale F4 obtient la meilleure note de 5, pour plusieurs raisons. C’est l’appareil qui dispose de la plus importante autonomie au dessus de sa cible, et de la plus importante capacité d’emport de munitions. Sa conception bi-moteur le rend plus sûr pour évoluer à basse ou très basse altitude, d’autant qu’il dispose d’un système de suivi de terrain et anti-collision très performant. Enfin, sa structure renforcée, héritage de l’avion embarqué qu’il est, lui permet de faire des évolutions très serrées à basse altitude, même lourdement chargé, critère déterminant pour le CAS. Le Gripen est un excellent appareil d’appuis, bien que moins performant que le Rafale du fait de sa légèreté, et de sa configuration monomoteur, il reçoit une note de 4. Comme le F18, bimoteur et résistant, mais qui souffre d’une autonomie plus réduite au dessus de la cible. Le Typhoon n’est pas optimisé pour cette mission, et s’il est bimoteur, la configuration de ses entrées d’air annule ce bénéfice à basse altitude, la perte d’un moteur pouvant engendrer un pompage sur le moteur restant. Il est crédité d’une note de 3. Comme le F35, qui, s’il représente incontestablement des capacités d’appui excellentes, n’a qu’une autonomie réduite, et une capacité d’emport est contrainte pour maintenir sa furtivité. En outre, sa configuration monomoteur est un désavantage marqué dés lors que l’appareil doit évoluer à proximité du sol, comme l’est sa faible manoeuvrabilité.
Cockpit du JAS 39 E/F Gripen
6- Défense Aérienne et Police du Ciel
Dans le domaine de la Défense Aérienne, le Typhoon s’impose sur les autres concurrents, étant le seul appareil conçu initialement dans cet optique. Il dispose d’un plafond et d’un taux de monté supérieur, d’excellentes capacités de détection, notamment un très bon IRST, et peu emporter un nombre élevé de missiles air-air Meteor, ASRAAM, AMRAAM. Il est naturellement crédité d’une note de 5. Le Rafale le suit, avec une note de 4, grâce à sa capacité à mettre en oeuvre le missile MICA NG, parfait complément du Meteor. En outre, par sa rusticité, il permet d’obtenir une excellente disponibilité, paramètre clé pour la police du ciel. Les performances du Gripen n’égales pas celles du Rafale au standard F4, de même que celles du F18 Super Hornet, qui pour l’heure n’emporte pas le missile Meteor. Ils sont tous deux crédités d’une note de 3. Le F35 n’est pas un appareil de défense aérienne. Son IRST n’est pas optimisé pour l’Air Air, sa disponibilité est médiocre, et ses capacités d’emports limitées dés lors que l’appareil veut rester furtif. Il reçoit la note de 2.
7- Guerre électronique
L’environnement opérationnel dans les décennies à venir nécessitera d’importants moyens de guerre électronique, tant pour brouiller les signaux adverses que pour résister à leurs brouillages. Dans ce domaine, le F35 a une fois de plus l’avantage, de part ses nombreux effecteurs et son importante capacité de traitement du signal. Il est crédité de la note de 5, comme le F18, non pas que le Super Hornet soit plus performant que les autres dans ce domaine, mais nous prenons ici en compte la possibilité pour la Confédération Helvétique d’acquérir quelques EA18 Growler pour traiter ce domaine. Rafale, Typhoon et Gripen sont peu performants dans ce domaine, et ne disposent que de systèmes d’autodéfense. Ils sont crédités de la note de 2.
EA18 Growler, version de guerre électronique du F/A 18 Super Hornet
8- Indépendance politique
Pour finir cette analyse, portons notre attention sur les aspects politiques et budgétaire des offres proposées par les constructeurs, et les pays d’origine des appareils. En premier lieu, la Suisse étant un pays neutre, les aspects liés au respect de l’indépendance politique et technologique sont essentiels dans l’évaluation des propositions faites. Dans ce domaine, Rafale et Typhoon, reposant sur des technologies propriétaires et garantissant l’autonomie stratégique à la Suisse, sont les plus performants, avec une note de 5. Le Gripen et le Super Hornet ont une note de 4, car soumis aux autorisations d’exportation très fluctuantes des Etats-Unis (50% du Gripen est d’origine américaine, dont son moteur). Le F35 n’est crédité que d’une note de 2, car l’appareil est conçu pour un contrôle centralisé venant des Etats-Unis avec le logiciel ALIS. En choisissant le F35, la Suisse ne serait plus ni indépendante, ni neutre.
9- Interopérabilité militaire
Bien que la Suisse soit neutre, elle inter-agit militairement fréquemment avec ses voisins, la France, L’Allemagne, L’Italie et l’Autriche. Le F35, par ses moyens de communication, est le plus efficace dans ces missions, d’autant que l’ensemble des voisins de la Suisse sont membres de l’OTAN, et donc utilisent des protocoles OTAN pour communiquer. Il est crédité de la note de 5, alors que les 4 autres obtiennent la note moyenne de 3. A noter que la France propose une Interopérabilité plus avancée en matière de Police du Ciel, l’offre française intégrant un partage de responsabilité de cette mission au dessus du sol helvétique, en temps de paix.
Conçu initialement pour La Défense aérienne, le Typhoon peut désormais emporter un vaste panel de munitions Air-Sol.
10- Le prix
Dernier critère, et non des moindre, le prix est déterminant dans le choix que fera la Confédération Helvétique, dont la votation de 2017 a montré que si les Suisses, sont prêts à investir pour défendre leur indépendance, ils sont également attentifs à la dépense publique. Dans ce domaine, le JAS 39 obtient la note de 5, l’appareil ayant le prix d’acquisition le plus faible, de l’ordre de 60 m€ par appareil, et le prix à l’heure de vol le plus faible, donné à 7000€. Le Rafale et le F18 Super Hornet sont crédités de la note de 4, car les couts de possession sont sensiblement équivalent, avec un prix d’acquisition de 70 m€, et un prix à l’heure de vol de l’ordre de 10.000 €. Le Typhoon obtient la note de 3, étant plus cher à l’achat de 10 m€ que le Rafale, et le prix à l’heure de vol atteignant 13.000 €. Le F35 est crédité de la note de 2, bien que 1 soit plus appropriée. En effet, si le prix d’acquisition est désormais ramené au niveau du Typhoon, le prix à l’heure de vol reste incroyablement élevé, dépassant les 30.000 €. En outre, les évolutions de versions sont également très excessives, la mise au standard opérationnel des 100 premiers F35 étant évalué à plus de 65 m€ par appareil, soit le prix d’un Gripen.
Synthèse
Il est temps désormais de faire la synthèse des notes portées, et expliquées, dans cette analyse. Nous n’utiliserons pas de coefficients de modération entre les critères, dans la mesure ou chacun d’eux représente un critère objectif et crucial à prendre en considération.
JAS 39 E/F
Rafale F4
Typhoon (de)
F18 E/F
F35A
Manoeuvrabilité
5
5
4
4
2
Rusticité
3
5
3
4
1
Detection/communication
3
3
3
3
5
Furtivité
2
3
2
2
5
CAS
4
5
3
4
3
DA
3
4
5
3
2
GE
2
2
2
5
5
Indépendance
4
5
5
4
2
Interopérabilité
3
3
3
3
5
Prix
5
4
3
4
2
TOTAL
34
39
33
36
32
Conclusion
Nous le voyons, le Rafale F4 obtient un total sensiblement plus élevé que les autres appareils. Il obtient des notes supérieures à la moyenne dans 9 des 10 critères, et obtient la meilleure note dans 4 des critères dont 2 ex-aequo.
Le Super Hornet F18 arrive second, avec 36 points, mais uniquement si la Suisse décidait d’acquérir quelques Growler, et soit autorisée à la faire par le FMS.
Le Gripen reste un choix cohérent, l’appareil obtenant un score de 35, et le meilleur score dans les critères prix et manoeuvrabilité (ex aequo avec le Rafale).Il n’a que 2 critères sous la moyenne.
Le Typhoon suit avec 33 points, handicapé par son prix plus élevé, et son ADN spécialisé pour La Défense Aérienne.
Le F35A clos ce panel, avec 32 points, 20% moins performant que le Rafale dans ce classement. Si le F35 est le plus performant dans 4 domaines, dont 1 seul ex-aeqo avec le F18 Growler si acquis, il a également 5 notes sous la moyenne, fermant le classement sur chacun de ces critères. Sans aucun doute, le F35A représenterait, par sa configuration, son prix, des performances, le choix le moins cohérent avec la réalité opérationnelle et politique helvétique.
À quelques jours de l’ouverture du salon du Bourget 2019, le programme SCAF, qui est au cœur des ambitions franco-allemandes pour les 50 prochaines années en matière d’aéronautique militaire, a investi les médias, non avares de superlatifs à son sujet.
Pourtant, ce programme ne manque pas de risques, dont les inquiétudes sur la coopération industrielle franco-allemande à long terme, ou les incertitudes technologiques, le Chef d’Etats Major de l’Armée de l’Air admettant lui-même que l’environnement technologique en 2045 ne pouvait pas être envisagé aujourd’hui.
En outre, le SCAF, considéré comme une menace par l’industrie militaire US très attachée à la protection de son marché européen, est également une cible pour des facteurs externes, ceci expliquant l’empressement US à verrouiller ses clients européens avec son F35, dont la durée de vie opérationnelle dépassera 2060.
Au-delà de ces risques, communs à la majorité des programmes militaires ambitieux, le programme SCAF, par sa nature, et les paradigmes qui sous-tendent le projet, porte aussi des stigmates beaucoup plus problématiques, générant potentiellement des dangers importants pour l’industrie de Défense française et européenne, comme pour les capacités opérationnelles des forces armées des pays y participant.
1- Le danger du programme SCAF pour l’Europe de la Défense ;
Le SCAF est aujourd’hui présenté comme le programme phare de la construction de l’Europe de La Défense, en fédérant deux des plus importantes industries aéronautiques de l’Union, et par ses ambitions susceptibles de maintenir technologiquement l’Europe au niveau des grandes nations militaires.
Mais, cette ambition est antinomique avec le format retenu pour le programme, à savoir un appareil destiné à remplacer les Typhons allemands et espagnols, et les Rafales français.
En effet, dans l’Union européenne, seuls 6 pays parmi les plus riches, sur 28 pays membres, se sont équipés de ces deux appareils, dont les prix à l’achat comme à l’utilisation les mettent hors de portée de nombreuses bourses.
En outre, le choix d’un appareil unique entrave de nombreux processus, qu’ils soient technologiques ou industriels, faisant peser un risque sur l’entière flotte aérienne des pays concernés.
Le F35 américain est conçu pour éliminer l’industrie de Défense Européenne, selon E.Trappier, président du GIFAS
2- Le danger pour le maintien des compétences industrielles
En se concentrant sur un unique avion de combat, épaulé il est vrais par des drones de tailles variables, le SCAF oblige à un découpage strict des capacités industrielles des entreprises européennes participantes.
Dans la mesure où les industries françaises, allemandes et espagnoles ont des compétences communes, et que le SCAF couvrira l’ensemble des besoins des forces ariennes de ces trois pays, il semble évident que certains industriels, ayant développé des compétences de pointe au fil des années, vont devoir perdre le bénéfice de ce savoir, car l’équipement aura été confié à un autre pays pour des raisons de partage industriel.
En d’autres termes, les perdants de la répartition industrielle du SCAF risquent fort d’être amenés à disparaitre de ces marchés, ce qui représente une forme de consolidation industrielle européenne forcée bien peu efficace.
Par ailleurs, cela obérera les capacités de la France, qui aujourd’hui est en mesure de concevoir et de fabriquer seule un appareil de combat, à envisager la conception d’un appareil complémentaire au SCAF, ou devant lui succéder, de façon autonome.
Ainsi, alors que les programmes Tornado et Typhoon permirent aux industries européennes de monter en compétences, le programme SCAF risque fort de contraindre l’industrie française à abandonner des compétences indispensables à la conception d’un système aérien, et donc de ne pouvoir, à l’avenir, envisager la conception d’un nouvel appareil qu’en partenariat avec les autres pays européens.
Sous couvert d’indépendance stratégique vis-à-vis de Washington, le SCAF construit, dans son format actuel, la dépendance stratégique française vis-à-vis de ses partenaires européens, au premier rang desquels, l’Allemagne.
3- Le danger technologique ;
Le programme SCAF est basé sur un paradigme bien connu en matière de gestion de l’innovation, consistant à partir d’une page blanche et de l’anticipation des besoins à venir, pour définir un projet détaché des contraintes passées, n’ayant plus de raisons d’être à l’avenir.
C’est la définition même du programme de rupture que la DARPA ou Google pratiquent régulièrement. Or, si la démarche à de nombreuses vertus, c’est également, et de très loin, la plus risquée, car propice à un technologisme excessif, et une ambition parfois déconnectée des réalités technologiques et opérationnelles.
C’est la raison pour laquelle, dans les portefeuilles des investisseurs technologiques institutionnels, comme les fonds de pension américains, ce type de produit ne représente qu’une faible part des investissements, agissant comme un joker potentiel, mais non nécessaire.
Il est d’ailleurs remarquable de constater que le programme F35 reposait, et repose toujours, sur ces mêmes paradigmes, comme le programme du destroyer Zumwalt, ou de l’hélicoptère Comanche, des programmes américains partageant une caractéristique importante, la dérive phénoménale des couts de mise au point.
Si l’US Army et l’US Navy ont su mettre un terme à l’hémorragie financière représentée par ces programmes, l’US Air Force a maintenu à bout de bras le F35, en faisant le plus onéreux de l’histoire des Etats-Unis, pour un appareil qui commence à peine, après plus de 400 exemplaires construits, à mener des missions opérationnelles, et dont les couts de maintenance restent deux fois plus élevés que prévu.
Le destroyer Zumwalt et le LCS de la classe Independance, deux exemples de programmes pilotés par un technologisme excessif
Notons également que ce paradigme est l’exact opposé des recommandations faites par le GIFAS en 2016 sur la conduite de la R & D et de la production aéronautique militaire française, qui reposaient sur des cycles de démonstrateurs destinés à developper et à fiabiliser les technologies qui auraient été, par la suite, intégrées sous forme de briques élémentaires dans la construction des prototypes et des appareils de série.
4- Le danger économique
Au-delà des aspects politiques et européens, que nous avons vu ne pas être optimum, le programme SCAF a été justifié par les autorités françaises et allemandes par l’impossibilité pour les pays européens de developper seuls un système de combat aérien du futur, tant technologiquement que budgétairement.
Ces deux postulats sont très contestables, tant la France est largement en mesure de mener le programme technologique de façon autonome, et que l’étude des retours budgétaires de l’investissement de Défense de La Défense à Valorisation Positive taille en brèche la seconde.
Mais, c’est surtout par son planning que le SCAF menace l’économique nationale française. En effet, l’Industrie de Défense a un rôle économique déterminant pour le pays, avec 200.000 emplois directs représentant 13 % de la production industrielle nationale, et des exportations moyennes atteignant 10 Md€ chaque année, indispensables à l’équilibrage de la balance commerciale du pays.
Or, les exportations du Rafale, seul appareil disponible à la vente entre aujourd’hui et 2040, deviendront sans aucun doute plus difficile après 2030, alors que la presque totalité des appareils destinés aux forces françaises aura été livrée.
Dès lors, l’industrie aéronautique militaire française, regroupant plus de 500 entreprises, n’aura qu’une perspective de production industrielle de quelques dizaines de Rafale sur la période entre 2030 et 2040, alors que le maintien d’une ligne production exige la production annuelle de 11 appareils, faisant planer de graves menaces sur le maintien des compétences industrielles et de l’emploi, comme sur les recettes sociales et fiscales liées au maintien des exportations de Défense.
D’autre part, la France, et l’Europe, seront absents des compétitions internationales pour remplacer les avions de combat entre 2030 et 2040/45, car ni le Rafale ni le Typhoon, même modernisés, seront en mesure de s’imposer face au F35 américain, au Su-57 russe ou au FC31 chinois, sans parler des programmes d’avions de « 5ᵉ génération » coréens, turques ou japonais, qui pourraient bien rendre le marché encore plus difficile qu’il ne l’est aujourd’hui.
Le Su-57 russe est d’ores et déjà disponible à l’exportation, à un tarif sans aucun doute très compétitif, l’armée de l’air russe l’achetant 32 m€ pièce.
5- Le danger pour la Défense de l’Europe ;
Si le SCAF fait peser des menaces importantes sur l’industrie et l’économie européenne, elles représentent bien peu en comparaison du danger qu’il fait peser sur les capacités de Défense françaises et européennes.
En effet, en dépit des programmes de modernisation en cours, pour le Rafale comme le Typhoon, ces appareils ne seront plus en capacité de répondre aux exigences opérationnelles des théâtres de haute intensité à partir de 2025/2030 dans leur format actuel. En effet, en l’absence de versions spécialisées pour la guerre électronique, les avions français et allemands seront très exposés face aux défenses anti-aériennes modernes comme le S400 ou le S500 russe.
Il en va de même concernant l’annulation du programme de drone de combat furtif FCAS franco-britannique, qui devait entamer sa carrière opérationnelle dès 2030, et qui devait seconder les Rafale et Typhoon dans leurs missions d’élimination des défenses en environnement contesté.
Il ne reste guère plus aux avions européens que les performances du missile METEOR et du futur missile de croisière pour pouvoir espérer porter des coups face à un adversaire technologique ou sur un territoire effectivement défendu.
Or, comme toutes les forces occidentales, les forces françaises comme allemandes dépendent pleinement des capacités d’appui de leurs aviations, par la faiblesse numérique particulièrement marquée de leurs forces terrestres. En neutralisant cette puissance aérienne, c’est donc l’ensemble des capacités défensives continentales européennes qui se trouvera très exposé, du fait du planning du SCAF.
Conclusion
Nous le voyons, en dépit de l’enthousiasme qu’il suscite, le programme SCAF n’est pas exempt de défauts qui peuvent engendrer des risques majeurs pour l’économie, l’indépendance technologique et la sécurité des pays qui y participent comme du continent européen.
Ces risques et dangers ne sont pas rédhibitoires, et des solutions existent, qui permettraient au programme de s’intégrer dans une démarche plus sûre et plus ouverte, dans tous les domaines.
Ce n’est d’ailleurs pas l’existence de ces menaces corollaires que l’absence de leur prise en compte qui aujourd’hui soulève une question, et interpelle sur les objectifs recherchés par les protagonistes du programme…
Les forces aériennes françaises et allemandes bénéficieraient très largement de disposer d’une version dédiée à la guerre électronique du Rafale/Typhoon et d’un UCAV dérivé du Neuron
En effet, parmi les solutions envisageables et applicables, il serait possible de developper rapidement une version dédiée à la guerre électronique du Rafale et du Typhoon, ainsi que de reprendre le programme FCAS basé sur le Neuron, avec un calendrier rapide, de sorte à disposer d’un triptyque avions de combat / guerre électronique et UCAV au niveau opérationnel comme commercial avant 2030.
En outre, il serait profitable de diviser le programme en deux, avec un appareil monomoteur à prix unitaire accessible aux « petits pays européens » à l’horizon de 2030, destiné à remplacer les appareils de type F16, mirage 2000 et éventuellement Mig-29, et un appareil plus lourd, à horizon, pour remplacer Rafale et Typhoon.
Cette approche permettrait, en outre, d’ouvrir plus largement le programme aux partenaires européens, tout en maintenant les compétences de l’ensemble des acteurs de la BITD européenne.
Il serait regrettable que le programme SCAF, qui se veut exemplaire de l’innovation européenne, finisse par devenir une Némésis, comme ce fut le cas, en son temps, du mirage IIIV Gerfaut, victime d’un idéologisme excessif et d’un manque de discernement dans la conduite du programme.
Après le contrat pour la conception et construction de 12 bâtiments de guerre des mines pour les Marine belges et néerlandaises, et la lettre d’intention de la Grèce pour l’acquisition de deux frégates Belh@rra, Naval Group serait parvenu à finaliser les négociations concernant l’acquisition de deux corvettes Gowind2500 par les Emirats Arabes Unis, un contrat dépassant les 700 m€.
Après une année 2018 en demi-teinte, marquée à l’export par le seul contrat pour la construction des patrouilleurs Argentins, Naval Group semble être dans une dynamique très positive depuis le début de l’année 2019, d’autant que les bâtiments acquis par Abu Dhabi seront construits sur le site de Lorient. A noter que sur le plan national, le groupe naval français a lancé le mois dernier la frégate anti-aérienne Alsace, alors que les travaux sur son sister-ship la Lorraine ont déjà débuté, là encore sur le site de Lorient, en attendant l’entame des travaux pour la construction des 5 Frégates de Défense et d’Intervention qui devraient intervenir en 2021. En parallèle, la groupe a signé le contrat pour la construction des 4 pétroliers ravitailleurs dérivés de la classe italienne Volcano destinés à remplacer les 3 BRC français, alors que le Suffren, premier sous-marin nucléaire d’attaque de la classe éponyme, est sur le point de rejoindre son site de lancement.
Ces succès expliquent pourquoi le groupe français envahit les sites de recrutement, et peine visiblement à recruter considérant l’antériorité de certaines de ses annonces. Comme la majorité des entreprises de la BITD, Naval Group souffre de la versalité des commandes publiques comme de son manque d’anticipation, rendant la gestion des formations et le pilotage RH particulièrement ardu. Ainsi, lorsque la dernière FDI aura été livrée, concomitamment au dernier pétrolier ravitailleur en 2028, le groupe fera face à une quinzaine d’années de vaches maigres, avec pour seules perspectives nationales le remplacement des frégates de surveillance (6 bâtiments), et, espérons le, des Frégates Légères Furtives, soit 5 bâtiments, ce dernier point n’étant pas pour l’heure abordé par les prévisions de format de la Marine du plan Mercator. En d’autres termes, Naval Group devra maintenir une activité de construction de surface, nécessitant au moins deux bâtiments majeurs par an, avec 6 à 11 bâtiments à construire en 15 à 20 années …
En outre, les grands chantiers européens, que ce soit TKMS en Allemagne, Fincantieri en Italie, Damen aux Pays-Bas et Navantia en Espagne, sans oublier les britanniques de BAe, font tous face à ce même problème. L’espoir de recourir à l’exportation pour couvrir le défaut d’activité, comme ce fut le cas entre 1990 et 2010, va donner lieu à une compétition féroce entre européens, d’autant que d’autres acteurs, comme la Turquie, la Corée du Sud, la Chine et la Russie, ont commencé à se positionner sur des points forts spécifiques, comme le prix, la préférence régionale ou idéologique.
En tout état de cause, la période 2025-2035 va être le théâtre de profonds bouleversements dans la construction navale militaire européenne et mondiale, la différence se faisant sur la volonté des Etats à soutenir l’activité et à renforcer significativement le format de sa propre Marine dans une planification à long terme. Période qui, rappelons le, fera également l’objet de très importantes tensions entre états, du fait du rééquilibrage stratégique mondial, notamment en matière de puissance maritime. On peut se demander, à ce titre, si l’embargo allemand sur certains pays du Moyen-Orient, comme les EAU, posant problème dans ce dossier (les moteurs MTU des Gowind2500 sont allemands), et pas d’autres, comme l’Egypte qui a obtenu l’accord pour importer 2 corvettes Meko200, n’a pas, insidieusement, pour objet de préparer cette période…
Il reste encore quelques années pour permettre à la France, et Naval Group, de passer cet écueil, encore faut-il anticiper avec objectivité les difficultés et risques à venir.
Face aux changements importants constatés en Europe, le sommet de l’OTAN de Cardiff en 2014 acta la création de la Very High Readiness Joined Task Force, une force de la taille d’une brigade mécanisée de 5000 hommes, pouvant être projetée en 2 à 5 jours, venant en complément de la NATO Reaction Force, qui elle passait de 13.000 à 40.000 hommes.
L’exercice Noble Jump 2010, qui se tient du 24 mai au 14 juin, a pour objet d’évaluer les performances de déploiement et de cooperation de cette VJTF, qui cette année rassemble des forces allemandes, néerlandaises et norvégiennes. Au lancement de l’exercice, une force mécanisée de 1700 hommes est partie de leurs bases en Allemagne avec 600 véhicules et 70 chars de combat, pour rejoindre les éléments norvégiens du bataillon Telemark autour de la ville de Zagan en Pologne. La seconde partie de l’exercice est destinée à évaluer la coopération entre les unités de cette force tri nationale.Selon les premières évaluations, d’importants progrès ont été constatés cette année vis-à-vis des années précédentes.
Si la VJTF dispose d’une puissance de feu non négligeable, son format réduit en restreint toutefois l’utilisation, de sorte à marquer l’implication et la réponse de l’OTAN dans une crise, plutôt que pour intervenir militairement, rôle dévolu à la NTF.
Les performances des systèmes de brouillage russes ont, à plusieurs reprises, posé problèmes aux forces de l’OTAN, comme aux acteurs civils évoluants à proximité des frontières russes ou biélorusses. Une des techniques favorites des systèmes de brouillage GPS russes est le « Spoofing », qui consiste à induire le système en erreur en altérant son référentiel, de sorte à créer une dérive difficile à identifier par les opérateurs, avec des risques très importants dès lors que l’on dirige un aéronef, un navire ou un tir, en se basant sur ses coordonnées erronées. Raison pour laquelle le général Mattis, alors qu’il était à la tête du département d’Etat, ordonna que l’on renforce les capacités des unités US dans un environnement fortement brouillé, rendant l’utilisation du GPS très difficile.
C’est l’objectif du système MAPS, pour Mounted Assured Positioning Navigation and Timing, capable de détecter les brouillages de type « Spoofing » portés sur les signaux GPS, de sorte à pouvoir y résister, et maintenir la précision du système, grâce à un composant reposant sur une horloge atomique assurant le recalage du signal, et donc des coordonnées fournies. Le MAPS va être déployé en Europe au sein d’unités mécanisées, de sorte à pouvoir en évaluer les performances, avant d’être potentiellement généralisé.
Malgré les tensions qui opposent depuis plus d’un an Ankara et Washington au sujet de l’achat de systèmes S400 russes de défense anti-aérienne et anti-missiles par la Turquie, les pilotes de l’armée de l’air continuaient à être formés sur F35, et les entreprises turques à fournir les pièces détachées du programme dont le pays est membre depuis le lancement. Mais avec les échéances qui se rapprochent, notamment celles des premières livraisons des systèmes à la Turquie, et face à l’intransigeance des deux protagonistes, le Pentagone se devait de réagir, et d’anticiper les probables mesures de représailles américaines contre les Turquie, notamment concernant ce programme, au delà de la suspensions des livraisons des F35A destinés aux forces turques déjà appliquée depuis 1 an.
C’est désormais chose faite, le sécrétoire à La Défense Patrick Shanahan ayant intimé l’ordre de stopper la formation des 42 pilotes stagiaires turcs sur F35 présents sur le territoire américain, et de leur donner ordre de quitter le sol US avant le 31 juillet.
Bien évidemment, la décision est accompagnée de toutes les mesures de rétropédalage requises si le gouvernement turc venait à céder aux exigences américaines, et à renoncer à acquérir les S400 russes. Sur proposition du président R.T Erdogan, faisant suite à l’ultimatum donné par les Etats-Unis, un groupe de contact destiné à « régler le problème des S400 » a été mis en place entre autorités américaines et turques. Mais à aucun moment, le président turc n’a émis l’hypothèse de renoncer à cette acquisition, devenue désormais symbolique sur le plan des politiques intérieures turques comme américaines.
Lanceur Erecteur et Radar du système S400 russe
La position turque repose sur le fait que le pays a respecté l’ensemble de ses engagements, tant vis-à-vis de l’OTAN que du programme F35, et que la décision de s’équiper du système russe relève de la souveraineté nationale. Afin de parfaire le message, le président Erdogan a par ailleurs annoncé, il y a deux semaines, son intention de faire participer la Turquie et son industrie de Défense au programme S500, le plus récent et le plus performant des systèmes anti-aériens et anti-missiles russes, déclarations corroborées immédiatement par V.Poutine.
Coté américain, la décision turque est considérée comme potentiellement dangereuse vis à vis de l’OTAN et des technologies de Défense occidentales, les systèmes russes ayant de fait accès à des informations et caractéristiques des aéronefs de l’OTAN, pouvant être utilisées par la Russie dans son face-à-face avec l’occident. En outre, il s’agit d’un camouflet vis-à-vis du Patriot PAC-3 proposé à la Turquie, mais qui a été jugé trop cher par Ankara, qui critiqua également son caractère « boite noire » laissant un immense contrôle aux autorités américaines sur le système. Raisons pour lesquelles Washington a menacé à plusieurs reprises le pays de représailles, allant de l’exclusion du programme F35 à une embargo total sur les équipements de Défense américains, accompagné de sanctions économiques en application du dispositif CAATSA. En outre, alors que la campagne présidentielle débute outre Atlantique, la fermeté est de rigueur à Washington.
Mais les conséquences de cette opposition peuvent très largement dépasser ce cadre, puisque si les Etats-Unis venaient à mettre la Turquie sous sanctions économiques hostiles, le président R.T Erdogan aurait toute légitimité et un probable soutien populaire massif pour amener le pays à quitter l’OTAN. Or, la Turquie dispose de la seconde armée en terme d’effectifs de l’Alliance Atlantique, dont elle est membre fondateur, et joue un rôle stratégique dans le contrôle du flanc sud, de la mer Noire par la main-mise sur le Bosphore, ainsi qu’au Moyen-Orient, les bases turques ayant souvent servi de socle aux actions occidentales dans la région.
En contrôlant le détroit du Bosphore, la Turquie contrôle la Mer Noire
Pire, pour être en mesure de faire face aux sanctions économiques de Washington, les autorités turques pourraient être tentées de se rapprocher de Moscou, rapprochement par ailleurs déjà bien engagé, et de Pékin. Dans un tel cas, non seulement l’alliance perdrait un allié, mais devrait faire face à un nouvel adversaire remarquablement bien positionné, et par ailleurs jusqu’ici très impliqués dans les processus militaires et technologiques de l’OTAN. De fait, les connaissances accumulées par les militaires et ingénieurs turques représenteraient une mine d’information sans commune mesure pour les forces et l’industrie de Défense russes et chinoises, susceptible d’accélérer le basculement du rapport de force en cours.
Comme nous l’avons déjà abordé, il est légitime de se demander si tel n’était pas l’objectif du président Erdogan depuis le début de cette affaire. En effet, ce dernier nourrit une rancune tenace contre l’occident et plus particulièrement les Etats-Unis et l’OTAN au sujet du coup d’état avorté de juillet 2016, qu’il estime avoir été soutenu par Washington. Si la tentation de quitter l’OTAN était forte à ce moment, le président Erdogan n’en fit rien, sachant qu’une part importante de l’armée se serait immédiatement dressée contre cette décision, voir contre lui. Depuis, le président turc a entrepris de profonds bouleversements dans les Etats-Majors militaires du pays, de sorte à écarter les officiers jugés « peu fiables » vis-à-vis du régime, tout en renforçant sa main-mise sur les instances politiques, législatives et judiciaires de pays, au travers d’une réforme constitutionnelle votée en 2017, transformant le pays d’un régime parlementaire à un régime présidentiel aux pouvoirs renforcés. Enfin, comme le fit Vladimir Poutine avant lui, R.T Erdogan s’est assuré de disposer d’un vaste soutien médiatique, tout en éliminant la majorité des médias indépendants ou d’opposition.
Image du coup d’état avorté du 16 juillet 2016 à Istanbul
De fait, la situation actuelle, et ses développements probables à venir, semblent effectivement résulter non d’un concours de circonstances, mais d’un plan méthodiquement planifié et appliqué par le gouvernement turc et son président. Et à dessein, car en sortant de l’OTAN, RT Erdogan se libère de fortes contraintes politiques et militaires, et sera alors libre d’appliquer son ambitieux projet visant à redonner à la Turquie sa puissance et ses frontières de 1912. Pour cela, il est impératif pour lui d’être en mesure d’agir librement au Proche-Orient, mais également en Europe, notamment en Thrace, sur l’ile de Chypre et en mer Egée.
Ce qui apparaissait jusqu’à maintenant comme une hypothèse de travail, semble, malheureusement, prendre corps sous nos yeux, alors que la logique créée déroule un scénario écrit de longue date.