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Que vaut vraiment le système antiaérien et antimissile russe S-400 ?

Un rapport du 4 mars 2019 de la FOI, l’agence de Renseignement Militaire suédoise, se propose de faire un point précis sur les différents systèmes de déni d’accès mis en œuvre par les forces russes en mer Baltique.

Ce rapport traite de nombreux systèmes, comme le système antinavire K-300 Bastion, et même le missile balistique à courte portée Iskander. Ce sont, en revanche, ses conclusions au sujet du système S-400 qui sont les plus intéressantes, et, disons-le tout net, les plus contestables.

Selon ce rapport, les performances du système S-400 actuellement déployé à proximité de la mer Baltique, que ce soit sur la péninsule de Kaliningrad, ou autour de Saint-Pétersbourg, seraient largement surévaluées par les médias, mais également les militaires occidentaux. Le rapport fait reposer ses conclusions sur plusieurs points : 

  • Le missile 40N6E, celui qui a une portée effective de 400 km, ne serait pas encore en service, et les batteries de S-400 actuelles utiliseraient le missile 48N6, qui équipe, en effet, certaines versions du S-300, et dont la portée maximale n’excède pas les 250 km.
  • Les capacités de détection des radars du S-400 seraient seulement de quelques dizaines de kilomètres face à des cibles manoeuvrantes évoluant à faible altitude.
  • La Russie n’a pas fait la preuve de sa maitrise de l’engagement coopératif avec des avions de type Awacs, comme l’IL-76 et le Beriev A-50 Mainstay.

Le rapport conclut que le S-400 est avant tout utile pour engager des cibles imposantes, comme des tankers et des avions de transport, à longue distance, et qu’il pourrait être « contré relativement aisément » par les chasseurs et missiles de croisière modernes.

Le S-400 met en œuvre plusieurs types de missiles, dont le missile Favorit 40N6E2 d'une portée de 400 km
Le missile Favorit 40N6E2 (arrière-plan) atteint la portée de 400 km

Fondamentalement, les points avancés dans le rapport sont exacts. Pourtant, la conclusion que les auteurs tirent de ces limitations est, en plusieurs points, erronée, et peut engendrer une mauvaise interprétation de la réalité de la menace.

En effet, la doctrine russe n’est pas, et n’a jamais été, de considérer le S-400 comme une arme absolue répondant à l’ensemble des besoins d’engagement, nonobstant les divers types de missiles utilisés par le système lui-même.

La défense anti-aérienne russe repose, en effet, sur plusieurs systèmes aux performances complémentaires et intervenants à des distances, des altitudes et contre des cibles différentes :

  • Les systèmes à longue portée, comme le S-400 aujourd’hui, le S-300 hier et le S-500 demain, assurent l’interdiction à moyenne et haute altitude, ainsi que la protection antibalistique dans un large périmètre, à l’échelle du corps d’armée ou du théâtre d’opération, de même que la protection de sites stratégiques ou à forte valeur symbolique, comme Moscou, Saint-Petersbourg et d’autres grandes villes ou régions russes potentiellement menacées, telle la Crimée.
  • Les systèmes à moyenne portée, comme le système BUK ou le récent S-350, protègent des unités à l’échelle de la division, de 10 à 120 km de distance.
  • Les systèmes à courte portée, parfois désignés SHORAD pour Short range Air Defense, tels le système TOR-M1/2, protègent les unités à l’échelle de la brigade ainsi que les zones à forte valeur tactique, comme les sites logistiques, les postes de communication et de commandement. Ils sont complétés par de l’artillerie antiaérienne et des systèmes antiaériens d’infanterie comme les missiles Igla.
  • Les systèmes de défense à très courte portée de type CIWS, comme le Pantsir 1 et 2, ont pour fonction la protection des infrastructures contre les missiles, bombes, obus, drones et aéronefs.
  • Enfin, les avions de combat sont eux-mêmes divisés en deux catégories. Les intercepteurs comme le MIG-31 complètent directement le dispositif de defense aérienne en venant s’opposer aux appareils parvenus à franchir le rideau défensif antiaérien multicouche. Les chasseurs de supérieure aérienne, comme le Su-35s, le Su-30 ou encore le Su-27, assurent des missions de patrouille de combat, de projection de puissance et d’interdiction.

On notera que les systèmes de protection tactique comme les Sosna et Tunguska, ainsi que les missiles anti-aériens d’infanterie ou MANPAD, ne sont pas, pour leur part, intégrés à la bulle de défense antiaérienne multicouche russe, et dépendent exclusivement des unités de manœuvre qui les mettent en œuvre.

Le systeme de defense anti aerienne a moyenne portee BUK M3 est en service dans les forces russes depuis 2017 Défense antiaérienne | Archives | Défense anti-missile
Le système BUK à moyenne portée assure la protection des unités mécanisées russes à l’échelle de la division

C’est donc l’ensemble de ces systèmes, partageant leurs informations de détection et d’engagement au travers d’un réseau informatique commun, qui constitue l’efficacité de la défense anti-aérienne russe.

Dans ce dispositif, les S-400 ont pour mission d’amener les appareils d’assaut et de supériorité à voler plus bas, de sorte non seulement à consommer beaucoup plus de carburant, mais également pour les mettre à bonne distance des systèmes à moyenne et courte portée, largement moins contraints par les effets du terrain.

En outre, ils obligent les appareils de soutien, comme les ravitailleurs et les avions de veille aérienne avancée Awacs, à opérer à plus grande distance de la zone d’engagement, ce qui en réduit, de fait, l’efficacité opérationnelle.

Par ailleurs, si rien n’indique que la Russie a fait d’importantes percées en matière d’engagement coopératif surface air, elle maitrise en revanche depuis plusieurs années l’interconnexion des systèmes de défense anti-aériens.

Elle est donc en mesure de déployer des radars supplémentaires et complémentaires aux systèmes existants, par exemple, des radars à basse fréquence afin de détecter et d’engager les avions furtifs, et de partager leurs informations à l’ensemble du système d’arme.

Dès lors, même avec des missiles n’ayant « qu’une portée limitée à 250 km », ce qui est toujours supérieur, soit dit en passant, aux 200 km des derniers missiles Patriot ou aux 120 km des Aster 30, la plus grande partie de la mer Baltique resterait inaccessible aux avions de patrouille maritime, aux Awacs ou aux avions de combat des forces aériennes de l’OTAN, sauf à devoir préalablement éliminer ces batteries de S-400.

LE systeme TOR M2 Défense antiaérienne | Archives | Défense anti-missile
Le système TOR-M1/2 assure la protection à courte portée des forces russes

On le comprend, se limiter à l’analyse des forces et des faiblesses du S-400 pour en déduire l’efficacité des capacités de déni d’accès et de défense anti-aérienne russes, relève d’une mauvaise appréciation, ainsi que d’un biais malheureusement fréquent au sein des agences occidentales.

En effet, par comparaison en occident, le nombre de systèmes différents intégrés dans la défense anti-aérienne dépasse rarement le nombre de 2 : l’aviation de chasse d’une part, et un système anti-aérien à longue portée, comme le système MAMBA ou le Patriot d’autre part.

En outre, dans la doctrine russe, qui dispose de beaucoup plus de systèmes d’artillerie et lance-roquettes multiples que les forces occidentales, la supériorité aérienne n’est pas, en soi, un prérequis à la manœuvre. Il lui suffit de s’assurer que l’adversaire ne l’a pas non plus.

Dans le cas des forces occidentales, au contraire, cette supériorité aérienne, qui repose dès lors principalement sur l’aviation de chasse, est indispensable, tant pour protéger les forces terrestres et leur logistique, que pour leur apporter le surplus de puissance de feu qui leur fait défaut. 

De fait, le système S-400 est effectivement un système anti-aérien très efficace dans sa mission, même dans le contexte actuel. En outre, l’arrivée prochaine du missile 40N6 d’une portée effective de 380 km, et de nouveaux radars basse fréquence et passifs, en feront un adversaire encore plus redoutable dans les quelques années à venir.

Rappelons que les forces russes disposent de 57 bataillons équipés de ce système, soit plus de 6 500 missiles prêts à faire feu. Cela représente plus de cinq missiles par avion de combat occidental présent en Europe…

Le S-400 n’est pas, comme le conclut le rapport suédois, surestimé par les occidentaux. Il est en revanche souvent mal compris. Une fois sa mission et son contexte d’utilisation correctement intégré, il se pourrait bien qu’il soit, au contraire, encore sous-estimé par certains.

Faut-il construire à nouveau des croiseurs pour la Marine Nationale ?

Une photo apparut ce week-end sur les réseau sociaux et montrant 15 destroyers en un seul cliché à divers stade de finition dans l’Arsenal de Shangai fut largement partagée et commentée par la sphère Défense. Dans les faits, celle-ci montrait 3 destroyers de type 052 en maintenance, 8 destroyers Type 52D à divers états de finition, mais également 2 destroyers lourds type 055 à la mer en cours d’équipement, et deux autres en cours de construction. Ce nouveau batiment, jaugeant presque 13.000 tonnes et emportant plus de 120 missiles, s’il est dénommé « destroyer lourd » par la nomenclature chinoise, répond bien davantage à la définition du croiseur, comme le seront les Lider russes, dont les deux premiers exemplaires devraient entrer en service avant 2030, et qui jaugeront, selon les autorités russes, presque 19.000 tonnes en bénéficiant d’une propulsion nucléaire.

Pourquoi voyons nous réapparaitre ces bâtiments de combat de surface lourds, et ceux-ci représenteraient-ils un intérêt pour les Marines françaises et Européennes ?

Qu’est-ce qu’un croiseur ?

De façon triviale, on a tendance à classifier les bâtiments selon le critère de la jauge, c’est à dire la masse du volume d’eau que celui déplace :

  • de 1000 à 3500 tonnes, c’est une corvette
  • De 3500 à 6500 tonnes, c’est une frégate
  • De 6500 tonnes à 10.000 tonnes, un destroyer
  • Et au delà, un croiseur.

Cette classification est cependant aussi arbitraire que soumise à débat, tant ce seul critère n’est pas constitutif d’un bâtiment. Une autre définition serait de caractériser la ou les missions principales des bâtiments :

  • Une corvette est conçue pour les eaux côtières, ou pour renforcer la défense d’une unité majeure
  • La frégate est spécialisée dans l’escorte et la protection d’une unité dans un domaine particulier, comme la lutte anti-sous-marine, et dispose de capacités d’autodéfense dans les autres domaines.
  • Le destroyer est capable de protéger un bâtiment majeur dans plusieurs domaines, ainsi que de renforcer ses capacités de frappe, avec, par exemple, son artillerie et des missiles de croisières.

Dans cette classification, quel serait le rôle du croiseur ? Il s’agirait en fait d’un bâtiment disposant de la puissance de feu, de l’autonomie au combat et de la résilience pour porter seul, ou accompagner, une frapper décisive de sorte à prendre l’avantage tactique dans une zone donnée. En d’autres termes, le croiseur est, avant tout, une arme offensive, et non défensive, comme le sont les autres bâtiments.

Le déploiement e septembre 2015 du croiseur Moskva, de la classe Slava, au large de Tartous, en préambule à l’intervention russe en Syrie, représente assez bien la fonction du croiseur : en peu de temps, il avait changé la configuration du théâtre en prenant possession d’une bulle de Défense incluant la Syrie utile et une large partie des eaux entourant le pays, obligeant turcs, occidentaux et belligérants à prendre des mesures importantes et restrictives dans la poursuite de leurs opérations.

Le croiseur moderne aujourd’hui

Peu de bâtiments modernes peuvent répondre à la définition que nous avons donné de ce que doit-être un croiseur. Il y a évidemment les 2 croiseurs lourds de la classe Kirov et les 3 Slava de la marine russe, mais, même modernisés, ils ne peuvent être considérés comme des bâtiments « modernes ». La classe la plus importante de croiseurs aujourd’hui est représentée par les Ticonderoga américains, dénommés également « croiseurs Aegis ». Mais la spécialisation dans le domaine de l’escorte de porte-avions de ces bâtiments en fait davantage des destroyers lourds que des croiseurs. A l’inverse, les 3 destroyers lourds de la classe Zumwalt, eux, bien que plus léger, répondent parfaitement à cette définition fonctionnelle. Puissamment armé, rapide, manœuvrant, discrets, ce sont des armes offensives par excellence, destinés à supprimer les défenses adverses, notamment les systèmes de déni d’accès, puis de s’emparer de la zone, jusqu’à l’arriver du groupe aéronaval pour exploiter l’avantage tactique acquis.

Les Type 055 chinois répondent, eux aussi, à cette définition. Leur puissance de feu est suffisamment importante et variée pour non seulement porter la rupture, mais l’exploiter dans la durer, le temps nécessaire aux nouveaux porte-avions et bâtiments d’assauts chinois de rejoindre la zone en sécurité.

Les futurs Lider russe y satisfont également. Toutefois, le rôle de ces bâtiments sera probablement différent de ceux des marines chinoises et américaines. D’une part, la flotte russe ne dispose ni ne disposera pas de porte-avions et de bâtiments d’assauts majeurs en nombre suffisant pour exploiter ces ruptures. D’autre part, parce que la Russie est la seule a faire, pour l’heure, le choix de la propulsion nucléaire, procurant à ces futurs bâtiments une autonomie à la mer très importante, et donc une empreinte logistique beaucoup plus faible. Ces bâtiments auront donc probablement plus une fonction de type « Hit and Fade », frappe et disparition, pour éliminer ou perturber les postes de commandement, les zones logistiques et les zones de regroupement de l’adversaire. Rien n’empêchera, également, les Lider d’être utilisés dans une logique de corsaire, à l’image des croiseurs et cuirasser légers allemands durant la seconde guerre mondiale, bien que cette stratégie n’ai pas particulièrement souri à la Kriegsmarine. 

Il est cependant intéressant, et notable, de remarquer que les deux pays les plus dynamiques en matière de technologies et de stratégies de déni d’accès, Russie et Chine, sont également ceux qui privilégient le plus cette conception de croiseurs modernes. Le croiseur serait-il l’arme anti-déni d’accès par excellence ?

Un croiseur pour quoi faire ?

Depuis la seconde guerre mondiale, le porte-avions et le sous-marin se sont imposés comme les bâtiments offensifs par excellence dans les marines occidentales. L’allonge et la puissance de feu que procuraient les avions embarqués, et la furtivité du sous-marin, étaient sans comparaison avec ce que pouvait proposer un cuirasser, ou un croiseur. Petit à petit, les bâtiments de surface ont donc évolué vers un rôle d’escorteur de porte-avions et de bâtiments d’assaut.

Mais depuis quelques années, un profond changement est à l’œuvre, caractérisé par ce que l’on a coutume d’appeler le déni d’accès. La portée, l’efficacité et la précision des systèmes antinavires et anti-aériens contraignent les porte-avions à agir de beaucoup plus loin, et avec beaucoup plus de précautions que précédemment. Si les sous-marins bénéficient toujours d’une discrétion salvatrice, celle-ci est d’autant plus efficace que l’adverse n’a pas la liberté de mettre en œuvre son aviation de lutte anti-sous-marine à sa guise. Si le rôle du porte-avions et des sous-marins reste essentiel et n’est pas remis en cause, les systèmes de déni d’accès en limite cependant l’efficacité dans le temps et l’escape.

C’est précisément là que le croiseur retrouve sa place. Non seulement celui-ci est-il taillé pour prendre l’ascendant et détruire ces systèmes de déni d’accès, mais il est également en mesure d’imposer sa propre logique de déni d’accès, une fois sa mission principale accomplie.

Plus lourd, très bien armé, et puissant, le croiseur prend également le rôle de capital ship dans une Marine, ou dans un groupe naval. Il peut donc envoyer, comme un porte-avions, un message politique fort, par son simple déploiement.

Le critère économique

Si le croiseur ne remplace pas le porte-avions, il le complète à merveille, et agit même comme coefficient multiplicateur de celui-ci. Mais un tel bâtiment coute cher, et l’équation économique risque de le mettre hors de portée de toutes les marines européennes.

En effet, pour un bâtiment de 15.000 tonnes, emportant une quarantaine de missiles de croisière, une soixantaine de missiles anti-aériens, une ou deux pièces d’artillerie majeure, au mois deux hélicoptères et l’ensemble des systèmes de détection, de protection, et de drones nécessaires, le prix unitaire devrait atteindre, voir dépasser les 2,5 Md€. En d’autres termes, pour 1 croiseur, une marine pourrait s’offrir 3 destroyers de type FREMM. Or, si le croiseur, par la concentration de puissance qu’il procure, à des capacités supérieures à celles de 3 frégates, il n’en a pas l’ubiquité. Ceci explique, en grande partie, l’arbitrage souvent fait contre les bâtiments de surface combattant lourds.

Mais ce calcul est issu d’une appréciation imparfaite de la réalité économique de l’application des couts. Ainsi, si un croiseur coute à l’achat le prix de 3 frégates, il n’en coute que le prix d’une et demi à l’utilisation, du fait de l’équipage plus réduit que celui des 3 bâtiments, mais également de la maintenance plus concentrée sur des systèmes moins nombreux. Or, les couts d’exploitation et d’utilisation représentent 50% des couts réels de possession d’un bâtiment de combat. La simple application de ce facteur réduit déjà l’écart entre 3 frégates et 1 croiseurs.

Mais surtout, le retour budgétaire sur l’investissement de défense est optimum sur les couts d’acquisition, dépassant les 150% par l’application des emplois directs, indirects et induits créés, alors qu’ils ne sont que de 50% concernant les couts de personnels. Sans entrer dans des calculs fastidieux, l’application de ces paramètres montrent qu’économiquement, le solde budgétaire lié à l’acquisition et l’exploitation d’un croiseur est positif sur sa durée de vie, avec un excédant de l’ordre de 15%, alors qu’il est neutre pour 1, 2 ou 3 frégates/destroyers.

Conclusion

Les arguments en faveur du retour des croiseurs dans les inventaires des marines européennes sont donc nombreux. Disposant de capacités militaires et navales importantes, proposant une réponse au défi des systèmes de déni d’accès, complémentaire des porte-avions, le croiseur est, par ailleurs, doté d’une équation économique positive. 

Reste que, en matière industrielle comme du point de vue militaire et politique, les changements de paradigmes sont très longs à être admis, et il est peu probable qu’un programme de croiseur français ou européen n’apparaisse dans les prochaines années.

Alors que nous ne cessons de nous prévaloir de notre capacité à innover, à notre appétence pour la pensée agile et à notre flexibilité, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, ce sont la Chine et la Russie qui font la preuve de plus de ces qualités, et qui se doteront de croiseurs dans les années à venir …

L’Inde peut-elle retirer du service ses MIG21 et MIG27 d’ici 2024 ?

Sans surprise, l’affrontement entre 8 appareils indiens et 24 appareils Pakistanais ayant entrainé la destruction d’un F-16 pakistanais et d’un Mig21 indien entraine de nombreuses conséquences politiques et médiatiques dans les deux pays. Mais si le Pakistan à une politique d’acquisition d’équipements relativement cohérente et maitrisée, ordonnée par une collaboration de plus en plus étroite avec la Chine, on ne peut pas en dire autant de la politique indienne d’équipements, notamment en terme d’aéronefs de combat. 

Il faut dire qu’entre les revirements de position, les délais à rallonge, les décisions extrêmement arbitraires, et l’hyper-politisation des contrats de défense, la politique indienne dans le domaine apparaît comme l’archétype de l’inefficacité technocratique et politique.

Aujourd’hui, l’Indian Air Force exploite 6 différents types d’appareils :

  • 250 Su30MKI et 69 Mig29 pour la majorité construits sous licence et modernisés par la société d’Etat HAL
  • 57 mirage-2000-5 Mk2 construits par Dassault Aviation et modernisés en Inde
  • 139 chasseurs bombardiers Sepecat Jaguar récemment modernisés pour étendre leur durée de vie jusqu’en 2030
  • 85 Mig 27 et 125 Mig21, qui devaient originellement être remplacés par le programme MMRCA et le Tejas de facture locale.

A l’exception des Su30MKI et des Mig29 les plus récents, tous ces appareils doivent être retirés du service d’ici 2030. Le ministre de la Défense indienne a, par ailleurs, déclaré suite à la destruction d’un MIG21 abattu par un AMRAAM pakistanais, que tous les MIG21 et les MIG27 devront être retirés du service d’ici 2024.

Or, pour l’heure, les seuls appareils effectivement commandés et opérationnels pour remplacer ces retraits sont les 36 Dassault Rafale commandés en 2016, et livrés d’ici 2022, et les 18 SU30MKI et 21 MIG29 commandés récemment en urgence par l’IAF.

Le statut exact du Tejas, qu’il soit Mk1 ou II, reste imprécis. L’IAF semble tout faire pour ne pas devoir acquérir trop de ces appareils dans lesquels elle ne semble pas avoir une grande confiance.

D’ici 2030, pour maintenir les 30 escadrons actuels, l’IAF devrait donc remplacer prés de 350 appareils. La tache n’est pas insurmontable, mais l’Inde a tellement peinait à ne serait-ce qu’acquérir 2 escadrons de Rafales et quelques Tejas ces 10 dernières années, que l’IAF nourrit à juste titre de grandes inquiétudes, d’autant que, selon les objectifs stratégiques du pays, l’IAF devrait disposer de 42 et non de 31 escadrons de combat, soit prés de 200 appareils supplémentaires, afin d’être en mesure de s’opposer simultanément à la Chine et au Pakistan.

C’est d’autant plus vrais que, suite à cet incident, il est plus probable que le Pakistan accélère la transformation de sa flotte pour disposer d’équipements plus modernes, en remplaçant ses 180 mirages III et 5, ses 140 J-7 qui sont des copies chinoises du Mig21, et ses F16 qu’il peine à moderniser. De fait, si pour l’heure le pays se satisfaisait des avions de JF-17 coproduits avec la Chine, il est probable qu’il cherche rapidement à s’équiper d’appareils plus modernes, comme les Su-34 et 35, J10C et J-16 actuels, et cherchera à obtenir des appareils de générations suivantes, comme le J-20, le FC-31, le Su-57 ou un éventuel T-FX turc.

Mais si la menace pakistanaise reste maitrisable par l’IAF avec ses Su-30MKI et ses m2000, la planification actuelle ne permettra pas au pays de faire face à la Chine, ou à une modernisation Pakistanaises telle qu’évoquée.

Il est donc indispensable à l’IAF d’entamer dans des délais très courts des programmes de production, et non de sélection, de ses nouveaux appareils, ainsi que des infrastructures destinées à les recevoir et les entretenir, en tenant compte des progrès très rapide de l’industrie et de l’armée de l’air chinoise.

On comprend dès lors les pressions des autorités militaires indiennes pour commander de nouveaux Rafales, dans l’espoir de démarrer une production nationale et rapide de l’appareil sur le sol national. En effet, le Rafale peut remplacer aussi bien les mig27, les Jaguar et les mirage-2000, soit 280 appareils potentiels, à remplacer en 10 ans. En outre, l’IAF dispose déjà des infrastructures pour l’entretient d’une flotte de 150 appareils de ce type, et la formation des équipages et des équipes au sol a commencé il y a déjà 3 ans.

En outre, avec une ligne de production Rafale et une ligne de production Rafale en service, l’IAF pourra anticiper sa remontée en puissance, quelque soit les choix futurs en matière de chasseur léger pour remplacer les MIG 21, et du futur chasseur lourd de 5eme génération, qui n’entrera pas en service avant 2030, dans le scénario le plus optimiste.

Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, l’Inde ne dispose plus d’un grand nombre d’options et très peu de temps si elle veut être en mesure d’assumer sa Défense face à ses deux voisins d’ici 2030. Il est possible que l’affrontement de la semaine dernière agisse comme un électrochoc vis-à-vis de la classe politique indienne, pour prendre la mesure de la gravité de sa situation.

Google Map révèle de nouvelles bases militaires secrètes

Les nouvelles technologies n’ont parfois rien de nouveau. Une mise à jour de l’outil de cartographie de Google ainsi a révélé l’emplacement de plusieurs sites militaires taiwanais. La visualisation 3D laisse peu de place à l’imagination et dévoile en détail un site désormais anciennement secret de lancement de missiles Patriot américains ou encore le Bureau de la sécurité nationale (renseignement taiwanais). Une task force a immédiatement été formée par Taipei afin d’éviter la répétition d’un tel événement et améliorer le camouflage de ses bases militaires. En 2016 déjà, le Ministère de la Défense Taiwanais avait dû intervenir pour que l’île de Taiping en mer de Chine méridionale, ne soit plus affichée en clair sur l’outil de cartographie de Google. 

Les autorités se sont empressées de minimiser l’ampleur des révélations. Le Ministre de la Défense National Taiwanaise Yen Teh-Fa a rappelé que les informations les plus sensibles se trouvaient au sein des bâtiments, bien loin de portée des satellites de Google.  De même, l’emplacement et la configuration des sites militaires seraient amenés à changer et à rester mobile. Les révélations seraient peut-être même déjà obsolètes.

Les exemples sont néanmoins de plus en plus fréquents. Des applications pour le grand public permettent, directement ou indirectement, de localiser des sites ou activités militaires sensibles. En janvier 2018, c’était une application de cartographie d’itinéraires de course à pied qui a permis de géolocaliser des bases militaires américaines secrètes en Irak, Syrie et Afghanistan ainsi que française à Madama au Niger. Le Pentagon avait ainsi interdit l’utilisation d’application utilisant un GPS dans les zones à risques.

Thibaud Mattei

Le premier Scorpène Indien déployé suite aux tensions avec le Pakistan

Les conséquences de l’engagement qui a eu lieu la semaine dernière entre l’Inde et le Pakistan sont nombreuses, et dépassent le cadre des forces aériennes. Ainsi, le sous-marin INS Kalvari, le premier d’une série de 6 submersibles de type Scorpène construit en Inde, entré en service il y a à peine plus d’un an, a ainsi été déployé  pour sécuriser les frontières du secteur de Jammu, un des deux régions au cœur des revendications territoriales opposant Inde et Pakistan.

L’objectif est, selon les autorités indiennes, d’empêcher un déploiement naval de troupe, le Kalvari disposant de 6 tubes de 533mm pouvant tirer des torpilles et des missiles SM39 Exocet, représentant une menace très sérieuse pour tous les bâtiments de la flotte pakistanaise.

Le second bâtiment de la classe Kalvari, l’INS Khanderi, doit être livré à la Marine indienne en avril 2019, et le troisième, l’INS Karanj, d’ici la fin de l’année. 

Ce déploiement à son importance, l’Inde menant actuellement une consultation pour commander 6 sous-marins supplémentaires, disposant cette fois d’un module AIP permettant d’augmenter la durée en plongée à plusieurs semaines. Le succès industriel et opérationnel du Kalvari et des ses sisterships jouera naturellement en faveur de l’offre de Naval Group dans cette compétition stratégique.

Le renseignement militaire se met à niveau face au Big data

A l’âge informationnel, où les terroristes publient des selfies sur Facebook, où les batailles sont retransmises en direct et où Google Earth révèle des bases militaires secrètes, la quantité d’information à traiter devient, dans le sens premier du terme, inhumaine. Et « ce ne sont pas des analystes supplémentaires, qui résoudront le problème » déclare Jean-François Ferlet, directeur du renseignement militaire.

Face au mur de la Bigdata, la DRM a réuni en février, dans le cadre de l’initiative « Intelligence Campus », des experts de la recherche, de grandes entreprises et de start-up françaises afin de détecter les meilleurs outils de veille et de traitement d’informations disponibles.

La DRM n’est pas la seule agence de renseignement à capter l’innovation en externe pour tirer parti du Bigdata. La DGSI avait ainsi adopté, non sans controverse, la solution américaine Palantir en 2015, issue d’un fonds d’investissement de la CIA (IN-Q-Tel). L’entreprise américaine avait à l’époque une longueur d’avance de plusieurs années sur la concurrence.

Aujourd’hui des alternatives françaises apparaissent et laissent place à l’optimisme. Le programme Artemis, lancé en 2017 par la DGA, doit permettre dès fin-2019 l’émergence d’une solution souveraine de traitement de données et d’IA ou encore le « Cluster Data Intelligence », fruit de la collaboration de 22 entreprises françaises, qui a fait émerger une solution compétitive et française sur le marché.

Thibaud Mattei

La Chine déploie des bombardiers stratégique H-6 à moins de 500 km de Taiwan

Une photo satellite de la société ImageSat Intl. du 1ermars 2019, montre le déploiement de 4 bombardiers stratégique H-6sur la base chinoise de Xingning, distante de seulement 450 de l’île de Taiwan, créant un regain de tensions entre les deux pays, et des interrogations sur les objectifs chinois. 

En effet, si le H-6 n’est pas un avion de première jeunesse, sa cellule étant calquée sur celle du Tu-16 soviétique l’appareil é été largement modernisé par les ingénieurs chinois. Aujourd’hui, les dernières versions du H-6 peuvent mettre en œuvre des missiles antinavires à très longue portée, comme le YJ-12, capable de voler à plus de mach 4 et ayant une portée de 400km, s’ajoutant au rayon d’action de 4000 km de l’appareil lui même.

Le H-6K, entré en service en 2009, est capable d’emporter 6 de ces missiles. Avec 4 appareils de ce type, ce serait donc une puissance de frappe potentielle de 24 missiles par attaque  déployée, capable de saturer les défenses antiaériennes d’un groupe aéronaval occidental, même américain.

Ainsi, en déployant ces bombardiers à proximité de l’ile considérée comme « sécessionniste » par Pékin, l’APL serait donc en mesure de créer un périmètre de 4000 km de rayon autour de l’île dans lequel les bâtiments de surface adverses seraient potentiellement vulnérables.

Le Rafale connaît un regain de popularité en Inde suite à la perte du MIG21

Si New Dehli et Islamabad font preuve d’un volontarisme affiché pour désamorcer la crise ayant conduit à la perte d’un F-16 Pakistanais, et d’un MIG21 indien, les résultats de cet engagement, et notamment la perte du MIG21 ont mis en évidence les dangers de l’extrême obsolescence d’une grande partie de la flotte aérienne de l’IAF. 

En fin tacticien politique, le président Moodi en a profitépour tenter de mettre fin à l’instrumentalisation du contrat Rafale à des fins politiques, en déclarant que si l’Inde avait pu envoyer des Rafale à la place de Mig21, le résultat eu été tout autre, entrainant un véritable engouement populaire pour l’appareil français sur les réseaux sociaux indiens.

Cet élan avait débuté lors du premier raid indien contre les bases islamistes du Cachemire, raid effectué par des mirage2000. Même le constructeur indien HAL, au cœur du « scandale » Rafale, s’était fendu d’un communiqué pour se féliciter du succès des Mirages indiens, modernisés par ses soins, en affirmant au passage que l’entreprise avait construit les appareils, ce qui n’était pas le cas.

Des Drones militaires américains piratés et contrôlés par l’Iran

Sept à huit drones américains auraient été piratés par les forces iraniennes. Le Général de Brigade Hajizadeh, commandant de la Force aérospatiale de l’Armée des Pasdaran iraniens a déclaré avoir pénétré un centre américain de commandement et de contrôle de drones. Les Gardiens de la révolution auraient ainsi directement récolté les renseignements collectés par ces drones au-dessus de la zone syro-irakienne. Le Pentagone déclare n’avoir rien à ajouter pour l’instant. Des images prises par ces drones ont été publiées par l’armée iranienne. On voit notamment un MQ-9 Reaper au sol puis touché par une frappe aérienne. Sans doute pour éviter que sa technologie ne soit récupérée ou qu’il ne serve de trophée.

L’histoire se répète. En décembre 2011 déjà, un drone furtif américain (RQ-170 Sentinel) de Lockheed Martin avait été piraté par les forces cyber iraniennes près de Kashmar. Le gouvernement iranien avait annoncé avoir réussi à faire atterrir le drone sans le détruire. Barack Obama avait alors reconnu la capture du drone sans pour autant confirmer l’authenticité des images publiées par les forces iraniennes.     

L’incident intervient alors que la marine iranienne vient de clore un exercice naval massif « Vélayat 97» dans le détroit d’Ormuz. Les autorités iraniennes ont à plusieurs reprises menacé de bloquer les exportations de pétrole depuis le Golfe persique en réponse aux sanctions américaines. L’exploitation de cette brèche informatique permet au régime des Mollah de compléter sa démonstration de force par les armes conventionnelles et de se positionner en concurrent régional. L’outil cyber se confirme, aussi dans la région du Golfe, comme un véritable outil de puissance.

L’Iran n’est pas étranger à l’actualité cyber. En 2010, il avait été la cible d’une des plus grandes cyberattaques mondiales. Le virus Stuxnet, développé par les Etats-Unis et Israël, avait infecté plus de 200 000 postes informatiques et retardé de 1 à 2 ans le programme nucléaire iranien. 9 ans plus tard, l’Iran a appris de ses erreurs et nourris une ambition qui peut définitivement peser sur les équilibres régionaux et représenter une menace sérieuse à l’échelle mondiale. Une donnée souvent survolée … et pourtant rien de très surprenant pour un régime qui souhaite garder la mainmise sur l’information et se préserver des influences extérieures.

Thibaud Mattei

Le système S-500 russe entrera en service en 2020

Selon l’agence Tass, les premiers systèmes de défense anti-aérienne et antibalistique à longue portée S-500 entreront en service dansles forces russes dés l’année prochaine, en 2020. En outre, celle-ci recevront cette année les premiers exemplaires du nouveau système S-350, destiné à remplacer les batteries S-300 les plus anciennes, de sorte à compléter les capacités de défense multicouches en usage en Russie.

Le S-500 est un nouveau système de défense ayant des capacités de défense anti-aérienne à très longue portée, pouvant engager des appareils à 480 km, plus de 80 km au delà de la portée maximum du système S-400 actuel. En outre, il pourra mettre en œuvre des missiles antibalistiques ayant des capacités exo atmosphériques, capables d’intercepter des mobiles à une altitude dépassant les 180 km.

Le S-350 est un système mobile de défense à moyenne portée, très automatisé, son poste de commandement ne nécessite que 3 hommes pour sa mise en œuvre, et issu d’un programme conjoint avec la Corée du sud avorté. Il offre une capacité d’interception de 120 km contre les aéronefs, et peut atteindre une altitude de 30 km contre les missiles balistiques. Il remplacera les S-300PS et S-300PT, entré en service dans les années 80.

A noter que ces deux systèmes peuvent travailler de concert avec les systèmes actuels S-400, Buk et TOR, et intégrer des informations venant de radars à basse fréquence UHF.VHF pour détecter et engager des appareils furtifs comme le F-22 ou le F35.