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Le F-35 s’éloigne encore davantage des Émirats arabes unis

Début décembre 2021, les Émirats arabes unis et la France annonçaient la signature d’un contrat historique de 14 Md€ portant, entre autres, sur l’acquisition de 80 avions Rafale F4 pour remplacer les Mirage 2000-9 émiriens.

Cette décision faisait suite à la suspension, par Joe Biden, d’un contrat potentiel avec les États-Unis portant sur l’achat de 50 F-35A et 9 systèmes de drones MQ-9B Gardian, par Abu Dabi, en janvier 2021. Pour le président américain, les exigences de sécurité pour l’exportation du F-35A n’étaient, en effet, pas satisfaites par les EAU, alors qu’ils avaient attribué au chinois Huawei le contrat pour le déploiement de la 5G dans le pays.

Depuis, les F-35A émiriens se sont, à plusieurs reprises, invités dans l’actualité, qu’il s’agisse d’annoncer la reprise des négociations à ce sujet, ou pour constater l’absence évidente de progrès dans ce domaine. À ce titre, les négociations annuelles qui se sont tenues entre Abu Dabi et Washington cette semaine, ne prêtent guère à l’optimisme pour Lockheed Martin.

Le F-35 absent des négociations annuelles entre Washington et Abu Dabi

En effet, le rapport concernant ces négociations, s’il fait état d’avancées importantes dans le domaine industriel et technologique civil, ainsi qu’autour des futurs drones de conception américaine Gardian, aucune mention n’est faite concernant le chasseur furtif américain.

Trump 6 janvier 2021
Donald Trump avait signé la commande émirienne concernant, entre autres, 50 F-35A, la veille de sa passassion de pouvoir avec Joe Biden.

Rappelons que deux semaines après l’annonce de la commande des 80 Rafale auprès de la France, les autorités émiriennes avaient rendu public l’arrêt des négociations avec les États-Unis au sujet du F-35. Selon Abu Dabi, aucun progrès n’avait alors été fait en une année de négociation, après que Joe Biden a suspendu ce contrat, quelques jours après avoir pris ses fonctions.

De fait, l’absence de référence au F-35, dans ces discussions annuelles, n’est probablement pas de bon augure pour ce contrat, et peut-être pour les relations particulières qu’entretiennent les Émirats arabes unis, ainsi que l’Arabie Saoudite, avec les États-Unis, dans cette région.

Le spectre du rapprochement entre les Émirats arabes unis et la Chine

Si cette information est préoccupante pour Washington, elle n’est pas une surprise, loin de là. En effet, non seulement, le chinois Huawei a bien concrétisé le contrat portant sur le réseau 5G aux E.A.U, mais Abu Dabi et Pékin se sont rapprochés dans de nombreux domaines depuis trois ans maintenant.

Ainsi, les premiers avions d’entrainement avancé Hongdu L-15A Falcon chinois, commandés par les forces aériennes émiriennes, ont été livrés en 2023, et participent déjà à la formation et à l’entrainement de leurs pilotes de chasse.

Hongdu L-15A Falcon
Les EAU ont commandé 48 avions d’entrainement avancé Hongdu L-15A Falcon auprès de Pékin.

Mais c’est, sans le moindre doute, les négociations engagées entre les deux pays, au sujet de la construction éventuelle d’une base militaire chinoise dans le pays, pouvant accueillir des forces de l’Armée Populaire de Libération, qui tendent à empêcher tout progrès au sujet du F-35 dans ce pays.

En effet, Washington est, jusqu’à présent, spécialement attentif aux clients internationaux de l’appareil, destiné à former la colonne vertébrale de l’US Air Force, de l’US Navy et de l’US Marines Corps.

En particulier, les américains se montrent très attentifs concernant les possibles interceptions radars et électromagnétiques autour du chasseur furtif, ceci ayant, notamment, été avancé pour justifier l’exclusion de la Turquie du programme, après qu’Ankara a reçu la première batterie S-400 commandée auprès de Moscou.

Abu Dabi attend-il le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche ?

Au-delà de ces négociations avec Pékin, l’hypothèse la plus probable, pour expliquer l’absence de négociations entre Abu Dabi et Washington, au sujet du F-35, est certainement la position de favori de Donald Trump concernant les élections présidentielles américaines de novembre 2024.

Alors président sortant, après sa défaite face à Joe Biden, Donald Trump avait, en effet, signé la vente des cinquante appareils à Abu Dabi, ainsi que de F-15EX, de drones MALE gardian et de batteries Patriot, le tout pour 20 Md$.

F-1§ Block 60 EAU
Les F-16 Block 60 émiriens sont entrés en service entre 2004 et 2011.

Cette signature intervint le 21 janvier 2021, la veille de la cérémonie de passation de pouvoir avec son successeur, entrainant l’ire de l’administration entrante, d’autant que le nouveau président n’avait pas caché qu’il entendait mieux étudier le dossier, avant de se prononcer à son sujet.

Le fait que les autorités émiriennes aient décidé de jouer le jeu politique de Donald Trump, d’une part, et la décision de Joe Biden de suspendre ce contrat, une semaine seulement après qu’il avait été signé par son prédécesseur, ne constituaient certainement pas les meilleurs auspices pour celui-ci.

À l’inverse, Donald Trump aura assurément apprécié le soutien des Émirats arabes unis, à ce moment-là, et il est probable qu’il se montrera bien plus bienveillant que Joe Biden à son sujet, s’il venait à retourner à la Maison-Blanche. Dans ce contexte, on comprend qu’il est aujourd’hui préférable, pour Abu Dabi, de faire profil bas dans ce dossier, en attendant les résultats des élections américaines.

Quelles alternatives pour remplacer les F-16 émiriens sans F-35A ?

Si Trump venait à perdre les élections, en revanche, on peut penser que les chances, pour Abu Dabi, de se doter un jour du F-35A, seraient réduites. Dans cette hypothèse, plusieurs alternatives peuvent être envisagées par Abu Dabi, pour remplacer les F-16 Block 60 actuellement en service.

Entrés en service de 2004 à 2011, les 80 F-16 Block 60 émiriens, devront être remplacés à partir de 2034, quelques années après que le dernier des 80 Rafale F4, commandés en 2021, sera livré.

Su-57E et Su-75
La Russie propose à l’export le Su-57E, et le codeveloppement du Su-75 Checkmate, sans succès jusqu’à présent.

Pour les forces aériennes émiriennes, il ne fait aucun doute que le successeur du F-16 devra pleinement appartenir à la 5ᵉ génération, ou ultérieure, des avions de combat, limitant, de fait, le nombre d’alternatives possibles.

En effet, à ce jour, plusieurs programmes sont susceptibles de répondre à ce besoin. Le premier est le Su-57E russe. Les autorités russes ont longtemps tenté de séduire les EAU pour acheter des appareils nationaux, y compris en invitant Abu Dabi à participer au programme Su-75 Checkmate. Toutefois, jamais les négociations dans ce domaine n’ont abouti, en dépit des efforts produits par Moscou, probablement en raison des menaces de sanction de la législation américaine CAATSA.

Deux appareils chinois pourraient également satisfaire aux exigences, d’autant que Abu Dabi et Pékin semblent enclins à approfondir leurs relations, y compris dans le domaine militaire. Le premier est le chasseur lourd J-20. Rien n’indique, cependant, que la Chine envisage de proposer ce chasseur de premier rang, sur le marché de l’exportation.

Le second, le FC-31, est en revanche plus crédible, puisqu’il semble devoir être acquis, dans les années à venir, par le Pakistan. D’ailleurs, exception faite du « J-35 », sa version navale destinée à la Marine chinoise, le FC-31 n’est pas destiné à servir au sein des forces aériennes de l’APL.

Ce chasseur bimoteur moyen semble répondre au cahier des charges émirien, d’autant qu’il a été conçu comme une alternative au F-35A spécialement conçu pour l’exportation. En revanche, on ignore quelles sont ses véritables performances, en particulier dans le domaine de la furtivité et de la fusion de données.

De fait, l’intérêt ou, au contraire, le manque d’intérêt d’Abu Dabi pour cet appareil, dans l’hypothèse d’une victoire de J. Biden aux présidentielles US, sera certainement un bon indicateur des performances réelles du chasseur chinois.

KF-21 Borame
Bien que ressemblant au F-35A, le KF-21 Boramae sud-coréen est un appareil de la même génération que celle du Rafale, du Typhoon, du Gripen E/F ou du F-15EX.

Deux autres appareils pourraient susciter l’intérêt des forces aériennes émiriennes, le TFX Kaan turc et le KF-21 Boramae sud-coréen. À sujet de ce dernier, des rumeurs avaient annoncé, il y a quelques mois, un rapprochement entre Abu Dabi et Séoul, pour remplacer l’Indonésie défaillante dans ce programme. Elles ont, cependant, rapidement été démenties par les autorités émiriennes.

Notons que ni le Kaan, ni le Boramae, ne sont de véritables avions de 5ᵉ génération, ni l’un ni l’autre n’ayant la furtivité ou la fusion de données requises pour justifier de cette classification, il est vrai à géométrie variable. On peut cependant douter que les EAU se satisfassent d’un de ces appareils, comme alternative au F-35, d’autant que concernant Abu Dabi, les moyens budgétaires ne sont pas limitants.

Une opportunité pour les Européens ? Surtout pour la France et la Suède !

Une autre possibilité, pour les EAU, serait de se tourner à nouveau vers les Européens. Il ne s’agirait pas, ici, d’acquérir davantage de Rafale, ou de se tourner vers le Typhoon ou le Gripen, mais de rejoindre l’un des deux programmes d’avions de combat de sixième génération actuellement en conception.

En effet, au-delà des besoins concernant le remplacement des F-16 Block 60, les EAU produisent aussi d’importants efforts afin de développer leur industrie de défense, profitant, en cela, de leurs moyens financiers.

F-35A USAD
L’avenir du F-35A aux EAU semblent lié à la victoire de Donald Trump aux prochaines élections présidentielles US, en tout cas, à courts termes.

Sachant que les deux programmes européens auront nécessairement à faire face à des écueils budgétaires, il est très possible qu’Abu Dabi ouvre des portes à ce sujet, comme l’a déjà fait Riyad concernant le Tempest britannique.

Cette possibilité serait particulièrement pertinente pour la France, ainsi que pour la Suède, si tant est que ces deux puissances aéronautiques européennes, venaient à s’associer pour developper, dans le cadre du programme SCAF, un second appareil, monomoteur cette fois, plus économique et plus léger que le NGF conçu par la France, l’Allemagne, l’Espagne et la Belgique.

Cette option permettrait de faire coup triple dans ce domaine, d’abord, pour atteindre un volume de production suffisant pour justifier d’une conception dédiée, en plus de la Flygvapnet suédoise et que l’Armée de l’Air et de l’Espace française, pour dépasser les 200-250 appareils.

Elle permettrait, ensuite, de developper un appareil complémentaire du NGF, particulièrement adapté au marché export, car moins onéreux que les autres avions de 6ᵉ génération. Sachant qu’une grande partie des forces aériennes mondiales, est constituée de flottes limitées de chasseurs moyens ou légers, un positionnement exclusif, car sans concurrent annoncé, sur ce marché, ouvrirait d’importantes opportunités pour remplacer les flottes de F-16 restantes.

Rafale F4
Les EAU ont commandé en 2021, 80 Rafale F4 auprès de Dassault Aviation, dans un contrat global de 14 Md€. Il s’agit du plus important contrat d’exportation jamais signé par l’indsutrie de défense française.

Enfin, et c’est loin d’être négligeable, cette hypothèse permettrait à la France de convaincre la Suède de participer au programme SCAF, en exploitant à son plein potentiel son industrie aéronautique, car portant sur un nouvel appareil. Dans le même temps, cela garderait sous contrôle l’empreinte budgétaire pour Paris de sa participation à ce programme.

Reste à voir, désormais, si les français, et les suédois, sauront se saisir de cette opportunité, concernant les difficultés de négociations entre Washington et Abu Dabi au sujet du F-35, et sur les craintes que font peser la législation CAATSA sur les options russes et chinoises, pour s’imposer dans ce dossier.

La victoire russe en Ukraine est-elle inévitable, faute de négociations rapides ?

« Les ukrainiens ne peuvent pas gagner cette guerre, ils doivent négocier ». Ce discours envahit, depuis plusieurs semaines, le paysage médiatique et politique occidental, porté tant par des experts militaires et du renseignement, que des dirigeants politiques, en passant par des philosophes et, bien évidemment, un grand nombre de commentateurs plus ou moins compétents à ce sujet.

À entendre ces discours, parfois crédibles et argumentés, l’Ukraine n’aurait plus les moyens, aujourd’hui, de résister à la pression russe, alors que Moscou a su mobiliser ses capacités industrielles, économiques et sociales, tout en gardant sa population sous contrôle pour éviter toute opposition.

Alors, l’Ukraine est-elle effectivement condamnée, et doit-elle, dès à présent, tenter d’ouvrir les négociations avec le Kremlin ? Comme souvent, depuis le début de ce conflit, les discours, à ce sujet, ignorent certains des paramètres entourant de telles hypothèses, pour parvenir à des conclusions parfois contestables, ou, tout du moins, qui gagneraient à être plus nuancées…

Un rapport de force qui évolue en faveur de la Russie

Il est indéniable, aujourd’hui, que la dynamique en cours, dans ce conflit, est largement en faveur des Armées russes. Ceci n’a, d’ailleurs, rien de surprenant. Dès le mois de janvier 2023, les informations concernant la reprise en main, par les autorités russes, de l’outil industriel défense du pays, dessinaient des perspectives qui, faute d’une réponse massive et rapide occidentale, allaient engendrer une dégradation du rapport de forces en faveur de la Russie, à relativement court termes.

victoire russe en Ukraine se joue chez Uralvagonzavod
Dès le mois de janvier 2023, il était établi que la Russie avait transformé son outil industriel de défense pour soutenir un conflit de longue durée

De même, une fois qu’il a été clair que l’opinion publique russe demeurait sous contrôle du Kremlin, en dépit des pertes terrifiantes subies par ses armées engagées en Ukraine, il était certain que le rapport de forces humain allait rapidement évoluer en faveur des armées russes.

De fait, au premier trimestre 2023, alors que médias et politiques semblaient convaincus de l’efficacité de la contre-offensive ukrainienne à venir, les éléments qui ont depuis créé la présente situation, étaient tous connus, même si, le plus souvent, ignorés, volontairement ou non.

C’était aussi le cas de la stratégie appliquée par le Kremlin, pour remporter la victoire en Ukraine. En effet, depuis le printemps 2022, et la certitude que les pertes enregistrées, côté russe, étaient admises par l’opinion publique, il était établi que Moscou se satisfaisait d’un conflit d’attrition, tablant sur le fait que la Russie avait des moyens supérieurs pour remplacer ces pertes que l’Ukraine, alors que l’assistance occidentale serait, certainement, limitée dans le temps et que les ressources démographiques ukrainiennes étaient nettement inférieures..

Le Kremlin est-il prêt à négocier en Ukraine, alors qu’il pense pouvoir remporter une victoire totale ?

En d’autres termes, dès le début de l’année 2023, toutes les pièces étaient en place, pour comprendre que la Russie était entrée dans un conflit de longue durée, avec l’objectif d’user, et d’user encore, le potentiel défensif ukrainien, pour s’emparer de l’ensemble du pays.

À ce titre, si le Kremlin se satisfaisait de la prise d’une partie de l’Ukraine seulement, les armées russes seraient restées retranchées sur la ligne Sourovikine, qui leur permit de rétablir un taux d’échange soutenable dans la durée, face aux armées ukrainiennes, tout en protégeant le terrain conquis.

Combat à Bakhmout
Les offensives russes, comme à Bakhmout, montrent que le Kremlin ne se satisfait pas de la situation actuelle. Il est donc très improbable qu’il accepterait de négocier un quelconque statuquo.

Le fait que les armées russes aient repris l’offensive à partir d’octobre 2023, avec en particulier la prise de Bakhmut, et les poussées sur Avdiivka et Kharkiv, ne laissent guère de doutes quant aux objectifs visés par Moscou, à savoir, la conquête de l’ensemble du pays, le Kremlin étant visiblement prêt à d’immenses sacrifices pour y parvenir.

Ce premier constat tend à modérer les espoirs de négociations avancées par la plupart des voix qui les préconisent, s’appuyant sur le caractère irréversible de la dégradation du rapport de force en faveur des armées russes.

Les autorités russes sont, on le voit, persuadées du caractère inévitable de la victoire en Ukraine, qui constituerait, par ailleurs, une immense victoire sur le bloc occidental, remettant la Russie au centre de l’échiquier mondial des super-puissances, et non des puissances régionales comme elle avait été désignée par B. Obama en 2015.

Dans ce contexte, les exigences que Moscou pourraient formuler, pour cesser les hostilités, ne seront certainement pas différentes de celles attendues par une victoire par les armes, à savoir ramener l’Ukraine dans sa sphère d’influence, pour en faire un état vassal, comme la Biélorussie. Bien évidemment, sauf à être sans alternatives, donc défaits militairement, les autorités ukrainiennes n’accepteront pas de telles conditions, même sous la pression occidentale.

La victoire russe en Ukraine est-elle inéluctable, comme évoqué désormais en occident ?

Le second postulat, mis en avant pour justifier du discours préconisant la négociation avec la Russie, y compris dans une situation extrêmement défavorable, repose sur la certitude que les armées russes viendront à bout des défenses ukrainiennes et remporteront la victoire.

perte russe en Ukraine
La Russie aurait perdu près de 9000 vehicules blindés depuis le début du conflit, mais a presque integralement compensé ses pertes, notamment en puissant dans ses réserves.

Comme évoquée plus haut, cette certitude repose sur une analyse cohérente de l’évolution des rapports de force ces derniers mois. La Russie ayant produit d’importants efforts pour relancer une industrie de défense de premier plan, capable de compenser les pertes en Ukraine, et la population étant aréactive face aux pertes subies, tout indique que les armées russes ont le potentiel d’user, jusqu’à la rupture, les armées ukrainiennes.

Celles-ci rencontrent, en effet, simultanément d’importants problèmes pour renouveler les équipements perdus ou simplement utilisés, comme les blindés, les obus d’artillerie et les missiles sol-air, et des difficultés croissantes pour mobiliser dans sa propre population, elle aussi gagnée par la lassitude, et, d’une certaine manière, par le désespoir.

La conjonction de ces deux trajectoires, ascendante concernant les armées russes, décroissante pour les armées ukrainiennes, dessine une conclusion funeste pour Kyiv, marquée par l’inévitable effondrement des lignes de défense ukrainiennes face aux coups de boutoirs russes. C’est ainsi qu’est présentée la situation pour privilégier l’option de négociation. Cette démonstration est toutefois biaisée.

Elle suppose, en effet, que la situation actuelle, pourtant spécifique, en raison de la suspension, pendant cinq mois, de l’aide américaine à l’Ukraine, est appelée à perdurer sur l’ensemble de la phase finale de ce conflit.

En d’autres termes, l’ensemble des marqueurs mis en avant, ici, comme la démotivation des ukrainiens, ou le manque de moyens militaires et de munitions, pour contenir les assauts russes, sont contextuels, et sont sans caractère structurant et inévitable.

Une dynamique du rapport de force plus complexe qu’il n’y parait

Ces analyses ignorent, en revanche, d’autres aspects, plus dynamiques, susceptibles de profondément modifier la réalité du rapport de forces en Ukraine. Ainsi, si les occidentaux acceptent de modifier profondément la réalité du soutien à l’Ukraine, ce même rapport de force, et son évolution, afficheront une dynamique entièrement nouvelle, ouvrant la voie à de nouvelles options, bien plus favorables pour Kyiv.

char russe en feu
En dépit d’un rapport de force très favorable, les armées russes ne parviennent qu’à peu avancer en Ukraine aujourd’hui.

Sans chercher à présenter, ici, un catalogue de mesures à appliquer, nous étudierons cependant les effets de deux initiatives pouvant être prises, en particulier par les pays européens, pour transformer cette dynamique.

Créer un choc psychologique identique à celui de mars 2022, par la livraison rapide de nouveaux armements à l’Ukraine

La première de cette mesure, à court terme, serait de créer le même choc psychologique que celui qui intervint en mars-avril 2022, lorsqu’il devint clair que les pays occidentaux, États-Unis et Grande-Bretagne en tête, apportaient leur soutien, y compris sur le plan des équipements militaires, à Kyiv.

Cette perception permit aux armées ukrainiennes, de mobiliser sur un message de victoire possible, avec le soutien occidental, et ainsi de créer une réserve de personnels à former, sur laquelle elles construisirent leurs forces pendant deux ans.

La reproduction du choc psychologique du printemps 2022, en annonçant, par exemple, des transferts rapides et importants d’équipements majeurs puisés dans les capacités des armées européennes et américaines, pourrait, probablement, entrainer un sursaut bénéfique aussi bien dans les armées que la population ukrainienne, et inverse dans les armées russes, qui leur font face.

Char Leclerc français
Faute d’avoir réagi industriellement à temps, les européens devront probablement piocher dans l’équipement de leurs propres armées, s’ils espèrent contenir la montée en puissance rapide de la Russie.

À ce titre, la simple annonce, ces derniers jours, de l’arrivée de missiles ATACMS en Ukraine, eut un effet sensible, bien que limité dans le temps, sur le moral des combattants ukrainiens, et de leurs cadres.

Ainsi, la livraison de plusieurs batteries antimissiles Patriot et Mamba et de plusieurs batteries à courte portée IRIS-T SLM, NASAM ou MICA VL, pour protéger les villes et le front, ainsi que de nouveaux systèmes d’artillerie mobile et leurs munitions, et de nouveaux véhicules blindés, auraient certainement une influence considérable sur la dynamique en cours, notamment pour provoquer un nouveau sursaut patriotique dans le pays.

Battre la Russie à son propre jeu : produire et livrer plus d’équipements militaires à l’Ukraine que ne le fait la Russie

Dès qu’il fut établi que la Russie avait transformé son industrie de défense, pour soutenir un conflit de longue durée face à Kyiv, en janvier 2023, il était probable que la seule alternative, pour l’occident, afin de contenir l’évolution de cette menace, était de mobiliser des capacités industrielles supérieures à celles pouvant l’être en Russie.

En dépit de discours volontaire, en Europe comme aux États-Unis, aucune initiative globale allant en ce sens, n’a véritablement été prise, ce des deux cotés de l’Atlantique. Ainsi, l’Europe n’est aujourd’hui capable de produire qu’une centaine de chars lourds par an, dans le meilleur des cas, contre cinq à six fois plus par la Russie. C’est aussi le cas concernant les véhicules blindés de tous types, les munitions, les systèmes antiaériens et les missiles.

Qui plus est, une grande partie de la production occidentale, est aujourd’hui fléchée vers leurs propres armées, ainsi que vers leurs clients. On comprend, dans ce contexte, que la Russie n’a que peu de raison de douter du bienfondé de sa stratégie à moyen terme, et de sa victoire totale contre l’Ukraine.

Leopard 2 usine Krauss Maffei Wegmann
Chaine de production de Krauss-Maffei-Wegmann pour le Leopard 2

Si, à l’inverse, les occidentaux, plus spécialement les européens, venaient à se doter de capacités industrielles en miroir de celles de la Russie, acceptant son cout sur la durée de ce face-à-face, pour soutenir l’Ukraine, là encore en miroir des armées russes, les perspectives de victoire russes seraient largement comprises.

Enfin, si les ukrainiens maintenaient une posture défensive sur la ligne d’engagement, tout en harcelant par des frappes d’artillerie et de missiles la profondeur du dispositif russe, le taux d’échange en matière de perte évoluerait lui aussi sensiblement, de sorte à compenser l’avantage démographique russe dans ce conflit. À noter que, dans ce domaine, les véhicules blindés occidentaux envoyés en Ukraine ont montré des taux de survie des équipages très supérieurs à ceux de leurs homologues russes.

Au final, dans une telle hypothèse, c’est la Russie qui pourrait, relativement rapidement, devoir revoir ses propres objectifs, en admettant que ses pertes, sans gains réels, finiront par créer des remous politiques et sociaux dans le pays, venant menacer le régime.

La victoire de l’Ukraine se joue, dès aujourd’hui, dans les usines européennes

On le voit, il n’y a certainement rien d’inéluctable, aujourd’hui, dans la victoire russe en Ukraine. En fait, celle-ci n’est possible que si les occidentaux continuent de tergiverser dans leur soutien à l’Ukraine, sans qu’ils aient pris la mesure, pour s’en convaincre, de l’outil militaire considérable dont disposera Moscou, à la sortie de cette guerre, s’il venait à être victorieux.

Il convient, par ailleurs, de mettre en perspectives les conclusions de négociations entre Kyiv et Moscou, si elles devaient avoir lieu aujourd’hui, dans un contexte extraordinairement dégradé par cinq mois de suspension de l’assistance militaire américaine.

Nexter usine
Plus que jamais, l’avenir de l’Ukraine se joue dans les usines européennes aujourd’hui, et dans la capacité des européens à rapidement les transformer pour produire en mirroir des usines russes.

À l’inverse, un changement de paradigmes et d’échelle, dans le soutien occidental à l’Ukraine, aurait le potentiel de bouleverser radicalement la dynamique en cours, et même de priver le Kremlin de la stratégie appliquée depuis l’automne 2022, mais passée inaperçue jusqu’il y a peu en occident.

Reste que, pour être efficace, cet effort devra impérativement être porté par l’Europe. Non seulement est-il peu probable que l’administration Biden puisse prendre une telle initiative en pleine campagne présidentielle, mais si D. Trump venait à remporter les prochaines élections, on peut s’attendre à une baisse sensible de l’aide US à Kyiv. En d’autres termes, les annonces en ce sens faites par les États-Unis jusqu’aux prochaines élections n’auront certainement pas le pouvoir de convaincre Moscou de changer de perspective en Ukraine.

À l’inverse, si l’effort était porté en Europe, les conséquences seraient toutes autres pour Moscou, qui verrait alors sa stratégie à moyen terme pour s’emparer de l’Ukraine, et infliger une défaite cuisante à l’occident, voler en éclat.

De fait, il est probable que ce conflit, et plus généralement, l’avenir de l’Ukraine, se jouera, dans les mois à venir et dans les usines européennes, mais aussi dans les chancelleries du vieux continent, comme nous l’écrivions en février 2023. Elles seules ont, en effet, le pouvoir d’infléchir radicalement, et rapidement, la stratégie de soutien à Kyiv, pour neutraliser l’évolution du rapport de force, et donc empêcher l’effondrement de l’Ukraine.

Ainsi, plus que de déclarations emportées, ou de promesses d’un engagement plein et entier, aux côtés des ukrainiens, c’est la mobilisation et l’extension de ces ressources industrielles, et le soutien budgétaire à Kyiv, qui déterminera, dans les mois à venir, le futur de l’Ukraine, et avec lui, du paysage géopolitique en Europe.

Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035

Le 17 juin 2022, les chantiers navals de Jiangnan lançaient le troisième porte-avions destiné à la Marine chinoise. Il s’agissait du plus imposant navire militaire chinois, mais aussi du plus imposant navire militaire non américain de l’histoire.

Ce nouveau navire cumulait un nombre considérable d’innovations pour la marine et l’industrie chinoise, dont l’emport de catapultes, qui plus est électromagnétiques, plutôt que d’un Skijump. Il n’est donc guère surprenant qu’il ait fallu attendre presque deux ans pour que le navire entame ses essais à la mer, là où seul un an a été nécessaire pour le Shandong, le second porte-avions chinois et premier de fabrication exclusivement nationale.

Selon la presse chinoise, le Fujian vient d’entamer ses essais à la mer ce 30 avril, quelques jours seulement après que la Marine chinoise a célébré son 75ᵉ anniversaire, ouvrant la voie à l’entrée en service de ce navire, et de son groupe aérien embarqué, susceptibles de faire évoluer le rapport de force naval dans le Pacifique et l’Océan Indien.

Le porte-avions Fujian, un pas technologique et opérationnel considérable pour la Marine chinoise

Pourtant, le Fujian n’a que peu à voir avec les deux premiers porte-avions chinois, dérivés de la classe Kuznetsov russe. Si les trois navires ont une longueur proche, 305 m pour le Liaoning, 315 m pour le Shandong et 316 m pour le Fujian, le nouveau navire est considérablement plus imposant, avec un déplacement estimé supérieur à 85 000 tonnes, contre 67 000 à 70 000 tonnes pour les deux navires précédents.

fujian carrier Porte-avions | Actualités Défense | Constructions Navales militaires
Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035 20

Il dispose, aussi, d’un pont d’envol bien plus étendu, et de hangars aviation plus spacieux, permettant d’accroitre la flotte d’aéronefs embarqués pour atteindre 50 appareils, contre 20 à 25 sur ceux qui le précèdent. Il pourra, également, doubler le nombre de manœuvres aviations journalières, pour atteindre 80 rotations par jour, en partie grâce aux trois catapultes EMALS qui équipent le navire.

Le Fujian est motorisé par une propulsion électrique intégrale, différenciant la production d’énergie, d’une part, de la propulsion par des turbines électriques, de l’autre. Cette solution permet de libérer des espaces dans la coque, de mieux piloter la production d’énergie et d’électricité à bord navire, mais aussi d’anticiper la prochaine étape visée pour les porte-avions chinois, en l’occurrence, la propulsion nucléaire.

Un groupe aérien embarqué calqué sur celui des porte-avions américains

Dans le domaine aérien, le Fujian se verra doté d’un groupe aérien entièrement renouvelé, bien plus performants que les J-15 et Z-8 qui arment les porte-avions chinois aujourd’hui. Celui-ci mettra en œuvre, en effet, le nouveau J-35, un appareil donné pour appartenir à la 5ᵉ génération des avions de combat, ainsi que le J-15T, une version biplace polyvalente du J-15 actuel. Si le Z-8 demeurera l’hélicoptère de manœuvre lourd à bord du porte-avions, il embarquera également le nouvel hélicoptère Z-20, inspiré du Sea Hawk américain.

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Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035 21

Toutefois, la plus grande évolution dans le groupe aérien embarqué du Fujian, sera incontestablement le nouvel appareil de veille aérienne avancée KJ-600. Proche, en aspect comme en fonctions, du Grumman E-2D Hawkeye de l’US Navy, il va considérablement accroitre les capacités de détection du Carrier Strike Group chinois, d’autant qu’il pourra s’appuyer sur des chasseurs plus performants, en air-air comme en air-surface ou air-sol.

Une flotte d’escorteurs en évolution et extension rapide

Enfin, en matière d’escorte, le Fujian pourra bénéficier de la protection de nouvelles versions des destroyers lourds Type 055, destroyers antiaériens Type 052DL et frégates de lutte anti-sous-marine Type 054B.

Ces navires disposent de capacités de détection renforcées, par rapport aux navires précédents, ainsi que de nouvelles munitions, que ce soit en matière de lutte anti-surface, lutte aérienne, lutte anti-sous-marine et de frappes vers la terre.

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Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035 22

Rappelons que ces dernières années, les chantiers navals ont lancé entre huit et dix nouveaux destroyers et nouvelles frégates par an, à destination de la Marine chinoise. En outre, l’écart de potentiel opérationnel entre les unités navales chinoises et occidentales, s’est considérablement réduit en vingt ans, de sorte qu’il est hasardeux, aujourd’hui, de tabler sur un hypothétique ascendant technologique comme coefficient multiplicateur militaire, pour ces unités de surface.

Le Fujian, un porte-avions au rôle décisif dans l’évolution de la Marine chinoise

On comprend, de fait, l’immense pas qui sera franchi par la Marine chinoise, lorsque le Fujian, son Carrier Strike Group et son groupe aérien embarqué, seront opérationnels. Au-delà des essais qui commencent aujourd’hui, et qui visent à vérifier le bon fonctionnement de l’ensemble des systèmes embarqués du navire, il faudra encore plusieurs années pour que les équipages, pilotes et personnels de maintenance, puissent mettre en œuvre avec efficacité cet ensemble.

Là encore, le Fujian va jouer un rôle décisif pour l’avenir de la puissance aéronavale chinoise. Comme le fit le Fujian à partir de 2017, celui-ci va, en effet, servir de plate-forme de formation, ainsi que d’expérimentation, pour acquérir l’expérience opérationnelle nécessaire pour mettre en œuvre cet outil redoutablement efficace, mais incroyablement complexe, que représente un porte-avions et son ensemble d’aéronefs et de navires d’escorte.

Pékin vise une flotte de 6 porte-avions opérationnels en 2035

En effet, à en croire le site chinois scmp.com, que l’on sait proche du PCC et de l’APL, Pékin veut pouvoir disposer, d’ici à 2035, d’une flotte de six porte-avions opérationnels. Il y a quelques semaines, nous évoquions, à ce titre, les rapports convergents concernant la construction du 4ᵉ porte-avions en Chine.

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Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035 23

Visiblement, les autorités chinoises n’entendent pas ralentir le rythme dans les années à venir. En effet, pour aligner 6 porte-avions en 2035, il sera nécessaire de lancer un nouveau porte-avions tous les trois ans, un rythme particulièrement soutenu, même pour les chantiers navals chinois.

En outre, s’il est possible que le quatrième porte-avions soit, comme le Fujian, un navire à propulsion électrique intégrale, comme le Shandong fut un navire très proche du Liaoning, il ne fait guère de doute que les deux suivants seront, eux, des porte-avions à propulsion nucléaire, probablement aussi imposant que les navires de la classe Ford de l’US Navy.

Pour soutenir ce rythme, et faire face aux immenses difficultés pour constituer trois nouveaux équipages, dont au moins deux nucléaires, les former, et leur donner l’aguerrissement nécessaire pour être efficace, et faire de même pour l’aviation navale embarquée et la flotte d’escorte, la Marine chinoise va devoir produire des efforts considérables dans les 10 années à venir.

Vers un équilibre strict entre l’US Navy et la Marine chinoise en 2049

Cependant, si elle y parvient, et il n’y a guère de raisons objectives d’en douter, considérant les progrès réalisés ces 10 dernières années, la Marine chinoise disposera, dans l’océan Pacifique et dans l’Océan Indien, d’une flotte aéronavale numériquement comparable à celle de la surpuissante US Navy. Il s’agit, là, d’un scénario qui paraissait inimaginable, il y a tout juste dix ans, qui pourtant, aujourd’hui, semble plus que probable, si pas certain.

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Alors que le Fujian entame ses essais en mer, la Marine chinoise à mi-chemin de son objectif de 6 porte-avions en 2035 24

Il convient, aussi, de plaquer cette planification, au discours officiel chinois qui vise à faire militairement jeu égal avec Washington, d’ici au centenaire de la création de la République Populaire de Chine, en 2049. Or, en respectant un rythme de 1 nouveau porte-avions tous les 3 ans, la Marine Chinoise disposera bien des mêmes 11 porte-avions opérationnels en 2049, que ceux prévus par l’US Navy.

Il faut donc s’attendre à ce que la flotte de porte-avions chinoise, et avec elle, celle d’escorteurs de surface, de sous-marins, de grands navires amphibies et de navires logistiques, ainsi que l’aéronavale chinoise, continuent d’évoluer à marche forcée dans les années à venir, pour venir contester pleinement la suprématie navale américaine, héritée de la Seconde Guerre mondiale, dans les vingts années à venir.

Les dépenses de défense chinoises en 2022 étaient équivalentes à celles des États-Unis, selon un think-tank américain.

Comme chaque année, la publication du rapport SIPRI sur dépenses de défense des puissances mondiales, suscite de nombreuses interprétations par articles de presse, et de nombreux commentaires plus ou moins avisés.

Comme nous l’avions évoqué il y a peu, si la publication de ces budgets, tel que présenté par SIPRI, à un intérêt synthétique, son utilisation triviale, pour en déduire un rapport de forces militaires supposés, est hautement discutable, pour ne pas dire trompeuse. Il n’est d’ailleurs guère surprenant, en cela, que ces chiffres sont avant tout repris par la Russie et la Chine, pour soutenir un narratif propre, plutôt que par l’ensemble des puissances militaires mondiales.

C’est dans ce contexte que l’American Enterprise Institute for Public Policy Research, ou AEI, un think tank américain non partisan (non affilié politiquement), a récemment publié une méthodologie destinée à transformer ce budget facial, en un budget compensé plus susceptible d’être révélateur de l’évolution des rapports de forces.

Ses conclusions sont, à ce titre, si pas surprenante, en tout cas, parfaitement claires. En effet, selon ses chercheurs, les dépenses de défense chinoises, sur l’année de référence 2022 ici employée, seraient plus de trois fois supérieures au budget nominal indiqué par Pékin et repris par SIPRI. Elles seraient, surtout, presque parfaitement alignées, avec le budget de la défense américain, cette même année.

La comparaison trompeuse des dépenses de défense entre puissances militaires mondiales

Comme évoqué dans l’article « Comparer les budgets défense des pays est une grave erreur ! Voilà pourquoi… » du 23 avril, la comparaison induite par la publication annuelle par SIPRI du budget des armées mondiales, est souvent inefficace, parfois mois, parfaitement trompeuse.

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An dépit d’un budget de défense de seulement 0,96 Md$, la Corée du Nord dispose d’une très importante puissance militaire, y compris dans le domaine balistique, et aaligne une cinquantaine de têtes nucléaires.

En effet, pour donner une forme homogène au document de synthèse, SIPRI le passe par plusieurs filtres, dont l’harmonisation de ces budgets en dollars américains, ce qui ne prend pas en compte de nombreux facteurs économiques, sociologiques et politiques, entourant l’utilisation de ces budgets.

L’exemple probant pris dans cet article, est celui de la Corée du Nord. En effet, son budget défense annuel de 0,96 Md$ n’est pas du tout représentatif de la puissance militaire du pays, qui aligne une armée de 1,3 million d’hommes, 5000 chars et 2500 systèmes d’artillerie, ainsi qu’une cinquantaine de têtes nucléaires.

Même compensé de la parité de pouvoir d’achat appliquée au PIB nord-coréen, celui-ci atteint juste 3 Md$, encore une fois, sans commune mesure avec la réalité de la puissance militaire du pays. Rappelons que la Corée du Sud dépense 14 fois ce budget compensé par la Parité de Pouvoir d’achat, et doit toujours s’appuyer sur les 28 000 soldats américains, et le parapluie nucléaire de Washington, pour s’en protéger.

On comprend, dans ces conditions, a quel point la comparaison simple des dépenses de défense entre des pays s’appuyant sur des réalités économiques, technologiques et industrielles, très différentes, n’a aucun sens, pour en déduire une quelconque conclusion pertinente, concernant l’évolution du rapport de forces militaire.

Le modèle de calcul compensé du budget défense chinois du think tank AEI

C’est dans ce contexte que le think tank américain American Enterprise Institute for Public Policy Research, ou AEI, a entrepris de poser certaines bases concernant un modèle de calcul compensé permettant, effectivement, de donner à ces données budgétaires, un potentiel d’interprétation plus réaliste.

Forces armées chinoises
Les forces armées chinoises sont fortes de 2 millions d’hommes, un tiers étant des conscrits.

Pour y parvenir, l’AEI a étudié uniquement la comparaison entre les budgets de défense chinois et américains, plus spécifiquement, pour l’année 2022. Cette restriction du champ d’investigation permet, effectivement, de proposer une analyse accessible au plus grand nombre, et donne un certain poids, médiatique si pas académique, à ces travaux.

La méthodologie employée pour cela, repose sur la comparaison sectorielle des catégories de dépenses constituant le budget défense des deux pays, pour y appliquer le paramètre de compensation le plus pertinent, extrait des données macroéconomiques admises.

Ainsi, concernant les dépenses de personnel, l’AEI applique la comparaison entre le cout moyen d’un fonctionnaire chinois (18,4 k$/an) et celui d’un fonctionnaire américain (79,1k$/an), pour compenser les 68 Md$ déclarés pour cette catégorie (par analogie de 2020), en 293 Md$.

Les investissements de maintenance et d’entrainement, soit 76 Md$, sont eux compensés des couts comparés de la masse salariale chinoise, ainsi que par l’indicateur de parité de pouvoir d’achat, pour atteindre 121 Md$. Il en va de même pour les acquisitions d’équipements chinois, passant de 85 à 125 Md$.

dépenses de défense chinoises J-20
Les forces aériennes et aéronvales chinoises recoivent, chaque année, plus d’une centaine d’avions de de combat neufs. De fait, la Chine vise une puissance aérienne de plus de 3000 avions de chasse, au moins comparable à celles des forces armées américaines.

Au total, donc, le budget chinois de la défense subit une augmentation globale de 140 %, passant de 229 Md$ déclarés, à 549 Md$. À ce chiffre, l’AEI ajoute les dépenses isopérimétriques pour permettre de comparer les deux budgets.

À titre d’exemple, en Chine, l’activité Gardes Cotes ne dépend pas du ministère de la Défense, alors que c’est le cas, aux États-Unis. De même, ce budget chinois ne tient pas compte des dépenses liées aux pensions et retraites des militaires, contrairement au budget du Pentagone.

Avec 710 Md$ compensés en 2022, la Chine fait jeu égal avec les 742 Md$ du budget défense américain

Au terme de cette démonstration, l’AEI conclut que le Budget Défense Chinois a atteint un montant compensé de 710,6 Md$ en 2022, ce qui fait quasiment jeu égal avec les 742,2 Md$ dépensés par les États-Unis à cette même mission.

On comprend, évidemment, tout l’intérêt d’un tel outil de comparaison, alors que le discours chinois met régulièrement en avant son budget défense très inférieur à celui des États-Unis, pour justifier de sa posture pacifiste, et de l’attitude belliciste américaine.

Reste que l’exercice de l’AEI, n’est pas, non plus, dénuée de certains biais, et de certaines simplifications contestables, tout au moins, académiquement parlant. Ainsi, l’utilisation des couts comparés des fonctionnaires chinois et américains, pour l’appliquer tel quel sur le budget comparé, peut apparaitre comme une simplification excessive, surtout pour une armée dont 40 % des effectifs sont constitués de conscrits (le plus souvent volontaires).

Task force US navy
Les carrier-group de l’US Navy, demeurent la plus puissante force navale militaire aujourd’hui. La Marine chinoise produit d’immenses efforts pour s’en doter également, d’ici à une dizaine d’années.

De même, la méthodologie employée pour comparer les dépenses d’entrainement, ainsi que celles liées à l’acquisition d’équipement, manque de rigueur, et ressemble davantage à un assemblage bienvenu de données, qu’à une véritable méthode scientifique. Notons que ceci est en grande partie dû au manque de transparence de Pékin autour de l’ensemble de ces sujets, ne permettant pas de construire une méthodologie rigoureuse à ce sujet.

Reste qu’en dépit de ces faiblesses, la conclusion du think tank américain sont conformes à la réalité observée aujourd’hui. Ainsi, avec 2 millions d’hommes en situation d’activité, l’Armée Populaire de Libération dépasse les 1,3 million de militaires américains.

L’industrie chinoise, elle, livre une centaine d’avions de combat, de 7 à 10 frégates et destroyers, et un grand navire aéro-amphibie chaque année à l’APL, et vise donc, sur une durée moyenne de vie de 30 ans par équipement, un format au moins équivalent, probablement supérieur, à celui des armées américaines.

On comprend, dès lors, qu’empiriquement parlant, on peut absolument considérer que les budgets chinois et américains de défense, sont effectivement très proches, en matière de conversion en puissance opérationnelle.

La difficulté de concevoir un modèle académique universel pour comparer les budgets défense

Si elle n’est pas irréprochable, la démonstration du think tank américain, a le mérite de poser certaines bases pour aller plus avant, afin de créer une méthodologie reconnue académiquement, permettant de transformer un budget défense publié, en une valeur pouvant être efficacement employée pour comparer avec d’autres pays.

Russie chars T-72B3
La Russie aussi a des données macroéconomiques et indsutrielles très différentes de l’occident, ne permettant pas de comparer efficacement, son budget défense, avec ceux de ses voisins européens. / REUTERS/Sergey Pivovarov

Pour autant, l’exercice est particulièrement délicat. En effet, en observant la méthodologie employée, on comprend qu’il est nécessaire, par pays, de concevoir au moins trois coefficients de conversion, pour les trois grandes catégories d’investissement.

En outre, selon que le pays dépense totalement, partiellement ou pas du tout, des importations d’équipements, il sera nécessaire d’appliquer un coefficient différencié, selon l’origine des importations, sur la côte-part des investissements concernés.

Enfin, l’ensemble de ces coefficients de compensation, doivent être re-évalués chaque année, pour tenir compte de l’évolution des données macro-économiques, mais aussi de la réalité constatée en termes d’effectifs, d’entraînement et d’acquisition.

Ceci posé, on peut se poser la question de dépenser autant d’énergie et de temps, pour, au final, se doter d’un outil de comparaison qui demeurera contestable, à côté de la simple comparaison des forces en présence ? Le mieux serait peut-être de simplement éduquer sur le caractère trompeur de la simple comparaison des budgets entre nations. Au final, la défense, c’est compliqué, et cela ne peut pas se résumer en un seul chiffre.

Le Racer d’Airbus Helicopters va-t-il s’imposer comme le futur hélicoptère à hautes performances de l’OTAN ?

Lancé en 2020, le programme Next Generation Rotorcraft Capability vise à créer le cadre permettant l’émergence du ou des hélicoptères à hautes performances qui seront mis en œuvre par les pays de l’OTAN, à partir de 2035-2040. Il s’agit de concevoir le successeur des hélicoptères de manœuvre comme le NH90 et l’EW101, qui devra répondre aux évolutions technologiques, opérationnelles et doctrinales du combat aéroterrestre à cette échéance.

En juin 2022, les six pays participants (France, Allemagne, Italie, Grèce, Pays-Bas et Royaume-Uni), ont signé un Mémorandum of Understanding (MoU), permettant l’entame de la phase d’étude initiale, et sonnant le départ de la compétition que se livreront les industriels américains et européens, pour remporter ce qui sera, certainement, la plus importante compétition non américaine en matière d’hélicoptères militaires pour les deux décennies à venir.

Déjà, les deux hélicoptéristes américains qui s’étaient affrontés dans le cadre du programme FLRAA de l’US Army, Sikorsky et Bell, se positionnent en Europe pour NGRC. Toutefois, le Racer d’Airbus Helicopters, qui a effectué son premier vol il y a quelques jours, a assurément tous les arguments pour s’imposer dans cette compétition, grâce à une approche technologique déroutante d’efficacité.

L’aéromobilité du futur exige un hélicoptère de manœuvre à hautes performances

L’avenir de l’hélicoptère de combat, dans sa conception actuelle, fait l’objet de débats aujourd’hui, en raison, d’une part, des pertes sévères subies par les flottes de Mi-28 et de Ka-52 russes en Ukraine, et, de l’autre, des avancées réalisées dans le domaine des drones. Ce sont, en tout cas, les raisons évoquées par l’US Army pour justifier de l’annulation du programme FARA, il y a quelques mois.

ALAT Aeromobilité armée de terre
L’aéromobilité demeurera une composante clé des armées dans les années et decennies à venir.

En revanche, l’avenir des hélicoptères lourds, comme des hélicoptères de manœuvre, des pièces clés de l’aéromobilité de combat, n’est pas du tout menacé. Outre le transport des troupes vers les zones d’engagement, ces appareils jouent aussi un rôle déterminant dans le flux logistique, l’évacuation sanitaire et bien d’autres domaines.

Pour autant, eux aussi doivent s’adapter aux évolutions du champ de bataille et des moyens adverses. Ainsi, ils seront, à l’avenir, mis en œuvre à partir de sites de déploiement beaucoup plus éloignés des lignes qu’aujourd’hui, ne serait-ce que pour se tenir hors de portée de l’artillerie adverse, alors que les impératifs de rotations, pour alimenter les forces, demeureront les mêmes.

De fait, ces nouveaux appareils devront non seulement disposer d’une allonge bien supérieure à celle des hélicoptères de manœuvre actuels, mais ils devront, également, aller beaucoup plus vite, de sorte que la durée du transit entre zone de chargement et zone de largage, demeure la même qu’aujourd’hui, bien que beaucoup plus distante.

Ce sont ces paradigmes qui donnèrent naissance au Defiant-X de Sikorsky et Boeing, et au V-280 Valor de Bell, les deux appareils finalistes de la compétition Futur Long Range Assault Aircraft, ou FLRAA, destinée à remplacer les UH-60 Black Hawk de l’US Army. C’est l’appareil à rotors basculants de Bell qui s’est imposé en déccembre 2022.

Sikorsky se positionne déjà pour le programme Next Generation Rotorcraft Capability de l’OTAN

De fait, pour Sikorsky, le programme NGRC de l’OTAN, auquel participe 6 pays européens, représente incontestablement une opportunité ultime, pour faire de son modèle Raider, à rotors contrarotatifs et hélice propulsive arrière, un succès commercial, en particulier après l’abandon du programme FARA devant remplacer les OH-58 Kiowa de reconnaissance, et une partie des AH-64 Apache de l’US Army, pour lequel l’avionneur présentait le Raider-X.

SB1-Defiant Sikorsky-Raider
Le SB1-Defiant de Sikorsky et Boeing, n’a pas convaincu l’US Army concernant le programme FLRAA

L’hélicoptériste a ainsi annoncé qu’il entendait soumettre un dossier pour participer au programme NGRC de l’OTAN, dans le but d’enfin rentabiliser les importants investissements consentis avec Lockheed Martin, sa maison mère, depuis une vingtaine d’années, dans le développement de cette configuration spécifique.

Justement, Lockheed Martin a obtenu, en janvier, un contrat d’étude de la part de l’OTAN, dans le cadre du programme NGRC, pour une étude sur le bienfondé de la configuration retenue par la famille Raider, depuis le X2. Cette étude est toutefois très modeste, 2 millions d’euros, et ne porte que sur des données non propriétaires en source ouverte.

Pour Sikorsky, il s’agit, sans le moindre doute, de la dernière chance de sauver cette gamme, et probablement cette configuration. Il est, en effet, peu probable qu’un client décide d’investir dans ce domaine, sans le soutien des armées américaines, pour en garantir la pérennité.

Bell et l’Italien Leonardo s’associent pour une version européenne du V-280 Valor choisi par l’US Army

L’adversaire de Sikorsky, et vainqueur de la compétition FLRAA, Bell, entend lui aussi ne pas rater l’opportunité que représente le programme NGRC de l’OTAN. Pour autant, celui-ci joue avec des armes bien différentes.

En effet, celui-ci peut s’appuyer sur deux atouts que n’a pas son compétiteur. Le premier est la commande potentielle de plus de 1200 V-280 Valor à rotors basculants par l’US Army, avec une première unité opérationnelle estimée pour 2030, pour un budget global autour de 30 Md$.

Bell V-280 Valor
Le Bell V-280 Valor a été choisi par l’US Army pour remplacer les UH60 Black Hawk dans le cadre de la compétition FLRAA

Par ailleurs, l‘avionneur américain a signé avec l’Italien Leonardo, en février 2024, un accord pour developper conjointement une offre dans le cadre du programme NGRC, lui conférant un soutien de poids dans ce domaine en Europe, pour un marché global estimé à 900 appareils.

Le V-280 répond aux exigences du cahier des charges de l’OTAN, avec une capacité de transport de 12 à 16 militaires ou 4 tonnes, à une vitesse de croisière de 220 nœuds minimum, sur une distance de plus de 1600 km. Bell et Leonardo devront cependant mettre les bouchées doubles concernant le prix maximal de l’appareil, 35 m€ pour NGRC contre 46 m$ pour le V-280, et surtout un prix à l’heure de vol inférieur à 10 000 €.

On notera que, dans ce domaine, Rome et Leonardo, semblent faire de la coproduction avec les hélicoptéristes américains, une stratégie assumée pour attaquer le marché européen.

Ainsi, en 2022, le chef d’état-major des forces aériennes italiennes, le général Luca Goretti, avait indiqué qu’il entendait que l’Italie participe au programme américain FVL pour co-developper le S-97 Raider de Sikorsky pour les armées italiennes et le marché européen. Cette ambition s’est évaporée avec l’annulation du programme FARA par l’US Army, mais pas les ambitions italiennes en matière d’hélicoptères à hautes performances, si possible, de conception américaine.

Le Racer d’Airbus Helicopters, le parfait équilibre entre hautes performances et robustesse

Les deux hélicoptéristes américains semblent, aujourd’hui, en position de force pour s’imposer en Europe dans le programme NGRC. Leur participation préalable au programme FLRAA, leur a permis de developper, sur fonds fédéraux américains, leurs deux appareils respectifs. En outre, ils disposent tous deux de prototypes prêts aux essais.

Racer Airbus Hélicopters
Le Racer s’appuie sur une architecture propulsive légère et simple (toutes proportions gardées) à maintenir, qui assure conjointement l’effet anticouple de l’appareil.

Toutefois, un modèle européen, développé avec des moyens modestes sans commune mesure avec les milliards engloutis par Sikorsky et Bell dans le cadre du programme FLRAA, pourrait bien briser ce rêve hégémonique américain.

Cet appareil est le Racer, d’Airbus Helicopters. Développé dans le cadre du programme européen civil Clean Sky 2, visant à concevoir un hélicoptère plus économe en carburant, moins polluant et moins bruyant, le Racer est dérivé du X3, un démonstrateur financé en fonds propres par Eurocopter.

L’appareil, assemblé à Marignane, a effectué son premier vol le 25 avril, et pourrait bien considérablement compliquer la vie de Bell et de Sikorsky concernant leurs ambitions européennes autour du programme NGRC. Car le Racer est aussi performant qu’il est remarquablement bien conçu.

Techniquement, celui-ci s’appuie sur deux nacelles montées sur des ailes en losange, accueillant chacune une hélice propulsive, lui permettant d’atteindre une vitesse de croisière de 400 km, soit les 220 nœuds visés par l’OTAN. Par son ascendance civile, il est aussi 15% plus économe en carburant qu’un hélicoptère classique de masse comparable, ainsi que sensiblement moins bruyant.

Toutefois, sa caractéristique principale, ici, repose dans la simplicité du modèle retenu par Airbus Helicopters, son concepteur. En effet, les deux hélices propulsives reçoivent directement leur énergie des deux turbines Aneto-1X montées de manière classique. Elles fournissent simultanément l’énergie propulsive permettant à l’appareil d’atteindre ces performances, tout en remplaçant le rotor anticouple traditionnel de l’hélicoptère.

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Le Racer a fait son premier vol ce 25 avril a Marignane, dans le sud de la France.

Cette architecture est d’une simplicité déconcertante, face aux rotors contrarotatifs de Sikorsky, ou aux rotors basculants de Bell, permettant une maintenance bien plus efficace, et une disponibilité largement accrue.

Par ailleurs, bien qu’aucune notion de prix comparable ne soit pour l’heure communiquée par Airbus Helicopters, il est très probable qu’à capacités de transport équivalentes, le Racer européen, sera bien plus économique que les modèles américains, à l’achat, à la mise en œuvre, et sur l’ensemble de la durée de vie de l’appareil, du fait même de cette architecture.

Militariser au plus vite le projet RACER s’impose pour le programme NGRC

Reste qu’aujourd’hui, le Racer d’Airbus Helicopters, demeure un programme civil, conçu sur un cahier des charges très éloigné des attentes exprimées dans le cadre du NGRC de l’OTAN. D’une certaine manière, on peut même considérer que le fait qu’il offre un potentiel opérationnel, répondant aux exigences de ce cahier des charges militaires, est un pur hasard.

Maintenant que Sikorsky d’un côté, Bell et Leonardo de l’autre, se sont mis en ordre de bataille, pour s’engager pleinement dans le programme NGRC, il devient urgent et impératif qu’une version militaire du Racer, conçue précisément pour ce programme, et pour s’imposer face aux appareils européens, soit étudiée, construite, testée, et donc financée.

NH90 Caiman ALAT
Qui sera le successeur du NH90 Caïman ? Esperons que ce sera un appareil européen !

En effet, il s’agit, aujourd’hui, pour les européens, de se mettre rapidement au même niveau de maturité que les deux appareils américains, et particulièrement, de la version dérivée du V-280.

Faute de quoi, les européens, et les français en particulier, n’auront guère que leurs yeux pour pleurer alors que leurs voisins seront tournés, à nouveau, vers un appareil américain moins élégant, moins fiable et moins performant, et surtout beaucoup plus cher que ce qu’aurait dû être un Racer NGRC.

Dissuasion franco-européenne : quels sont les 3 modèles applicables pour la France

Comme il le fit il y a cinq ans maintenant, le président français Emmanuel Macron a bousculé le paysage géopolitique européen, en évoquant la possibilité d’entamer des discussions avec ses voisins, en vue de faire émerger une dissuasion franco-européenne, sur la base des moyens nucléaires français.

En dépit d’une ouverture particulièrement vague concernant le modèle applicable à ce sujet, ce discours de la Sorbonne, seconde édition, a, une nouvelle fois, fait grand bruit, plus spécialement au sein de la classe politique française, il est vrai, engagée dans un processus électoral favorisant les positions tranchées.

Si la majeure partie des acteurs politiques, mais aussi beaucoup de commentateurs, ont interprété les propos du présent comme une possible extension de la dissuasion française à l’Europe, impliquant un abandon de souveraineté pour le pays, les modèles pouvant être envisagés, à ce sujet, sont au nombre de trois, avec des implications parfois radicalement différentes, sur l’outil de dissuasion français comme sur la souveraineté française sur sa propre dissuasion.

La dissuasion franco-européenne retrouve de l’attrait en Europe face à la menace Trump

Lors du premier discours de la Sorbonne, en 2019, Emmanuel Macron avait déjà évoqué une telle possibilité, d’entamer des discussions avec les pays européens qui le souhaitaient, pour employer la dissuasion française afin de les protéger.

Macron trump 2020
Le président Macorn avait été très isolé lors du sommet de l’oTAN de 2020, ayant suivi son premier discours de la Sorbonne.

L’annonce avait, alors, été très mal reçue, en Europe, comme aux États-Unis, tous y voyant une manœuvre française contre l’OTAN, pour positionner Paris au sommet du concept naissant d’Europe de la Défense. Ainsi, à Varsovie comme à Berlin, ainsi qu’à Washington, les réactions furent aussi négatives qu’elles étaient sévères envers la France.

Depuis, le paysage géopolitique, mondial comme européen, a considérablement évolué. La guerre en Ukraine, le réarmement russe, la montée en puissance de la dissuasion chinoise, et l’arrivée de nouveaux acteurs, comme la Corée du Nord et l’Iran, sur l’échiquier stratégique mondial, ont bouleversé la perception de la menace, y compris en Europe.

Ce sont, cependant, les déclarations répétées de Donald Trump, candidat républicain aux futures élections présidentielles américaines de novembre 2024, et favori des sondages, qui engendrèrent les plus grandes inquiétudes dans les chancelleries européennes.

L’ancien président américain a, en effet, à plusieurs reprises évoqué la possibilité, pour les États-Unis, de se mettre en retrait de l’OTAN, mais aussi d’avoir une interprétation bien moins stricte que promise jusqu’ici par Washington, concernant son Article 5. Joignant le geste à la parole, Trump et le Parti républicain, ont entravé, pendant plus de six mois, le soutien américain à l’Ukraine, provoquant un affaiblissement marqué de Kyiv dans le rapport de forces avec Moscou.

Trump meeting 2023
Donald Trump est aujourd’hui en position de favori dans les sondage pré-électoraux aux Etats-Unis.

Ces déclarations ont provoqué une prise de conscience brutale et sévère d’une grande partie des européens qui avaient, jusqu’ici, considéré la protection américaine comme acquise et inamovible.

Naturellement, la proposition française de 2019, revêt aujourd’hui, une attractivité bien différente de cinq ans auparavant. C’est dans ce contexte que s’inscrit le second discours de la Sorbonne, réitérant cette proposition française d’entamer des discussions au sujet de la possible émergence d’une dissuasion franco-européenne.

Dissuasion franco-européenne : un concept vague d’Emmanuel Macron largement critiqué en France

Si les ouvertures faites par Emmanuel Macron dans ce discours, ont reçu un accueil beaucoup plus attentif et bienveillant de la part des Européens, conscients du risque que ferait peser l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche dans 8 mois, c’est en France que celle-ci a, cette fois, provoqué le plus de réactions, le plus souvent, très hostiles.

Ainsi, sans grande surprise, avec des élections européennes dans six semaines seulement, les oppositions politiques ont toutes été vent debout contre l’ouverture faite par Emmanuel Macron. Il en est allé de même de beaucoup de commentateurs de la sphère défense française.

Dans les deux cas, il s’agissait de rejeter la perte de souveraineté française sur son outil de dissuasion qu’engendrerait une telle décision, avec certaines nuances cependant. Ainsi, pour certains, l’extension de la dissuasion à d’autres pays européens, entrainerait avant tout une augmentation des risques de voir la France prise pour cible de la Russie, en cas de conflit.

Iskander-M russie
La menace nucléaire russe repose sur une vaste panoplie de munitions, allant du missile balsitique à courte portée Iskander-M au SLBM R-30 Bulava d’une portée de plus de 9000 km, emportant jusqu’à 10 MIRV.

D’autres ont pointé le risque qu’un cycle décisionnaire partagé au niveau européen ferait porter sur la dissuasion elle-même. En effet, son efficacité repose sur la certitude, pour l’assaillant, de subir le feu nucléaire en retour, ce qui suppose des délais de réaction très courts, incompatibles avec une décision partagée au niveau européen.

Fondamentalement, les réserves et oppositions évoquées à ce sujet, sont souvent valides. Elles reposent, en revanche, sur une surinterprétation des propos du président Macron, assumant que l’objectif visé par le président français, se rapprocherait d’une européanisation de la dissuasion française. Pourtant, rien ne permet d’affirmer, dans les propos d’Emmanuel Macron, que tel est bien l’objectif visé.

Au demeurant, trois modèles, conceptuellement très différents, et aux conséquences parfois radicalement différentes, peuvent être envisagées, concernant l’émergence d’une dissuasion franco-européenne, tel qu’évoqué par le président Français : l’extension de la dissuasion française, l’européanisation de cette dissuasion et, enfin, la création d’une dissuasion partagée comme nouvelle composante de la dissuasion française.

Modèle 1 : l’extension de la dissuasion française à l’Europe

Le premier de ces modèles est également le plus simple à mettre en œuvre, côté français. Il s’agirait d’étendre le périmètre de protection de la dissuasion française, à tout ou partie du territoire européen.

À ce sujet, certaines réserves émises quant au format de la dissuasion française, qui serait trop réduit pour protéger l’Europe, ne sont pas fondées. En effet, l’efficacité d’une dissuasion ne s’évalue pas à la surface, ni la valeur de ce qui est protégé, mais à la perception du cout relatif à payer pour un agresseur éventuel.

SNLE classe le Triomphant
Les quatre SNLE de la classe Le Triomphant portent aujourd’hui la capacité de seconde frappe de la France. Il s’agit de s’assurer de porter des coups insupportables à l’adversaire qui viendrait à menacer les interets vitaux du pays.

En d’autres termes, si on estime que la dissuasion française, aujourd’hui, est suffisante pour protéger la France, elle l’est aussi pour protéger d’autres pays européens, voire la totalité d’entre eux, puisque, dans les deux cas, les dégâts infligés à l’agresseur (la Russie), seraient insupportables pour Moscou.

À l’inverse, si on avance que la dissuasion française est insuffisante pour protéger l’Europe, il conviendrait de s’alarmer quant à sa capacité à protéger la France, voire la seule principauté de Monaco, selon le même principe.

Deux réserves doivent, toutefois, être considérées dans ce modèle. D’abord, la France deviendrait, dans ce cas, une cible si un conflit venait à éclater entre la Russie et un pays européen protégé par cette extension de dissuasion.

Cela dit, y déployer des troupes au sol, comme c’est le cas aujourd’hui dans les pays baltes et en Roumanie, le fait tout autant. Surtout, étant engagée simultanément dans l’OTAN et dans l’UE, la France représente déjà une cible prioritaire pour l’agresseur, par son statut militaire et nucléaire. En d’autres termes, l’extension de dissuasion n’influence pas le risque, pour la France, de se voir désigner pour cible.

En outre, il convient de garder à l’esprit que si le seuil nucléaire dans un conflit en Europe venait à être franchi, assurément, la France et son dispositif de dissuasion, seront visés prioritairement par l’adversaire, que celle-ci se soit, ou non, engagée à étendre sa dissuasion en Europe.

Missile SLBM M51 France
Le missile balistique SLBM M51 français a une portée supérieure à 9000 km et emporte jusqu’à 10 vehicules de rentrée atmosphérique à trajectoire indépendante TNA armés d’une tête nucléaçre de 100 kt chacun. Un unique SNLE le Triomphant peut ainsi viser 160 cibles à l’aide d’une arme stratégique, plus qu’il n’y a de villes de plus de 100.000 habitants en Russie.

En second lieu, de manière plus problématique, cette approche n’est pas fédératrice auprès des États européens, qui n’auraient, là, que la seule assurance donnée par la France à ce sujet, à laquelle se raccrocher.

Or, ces mêmes européens cherchent aujourd’hui des alternatives, en raison d’une possible rupture de ban des États-Unis, dans un modèle similaire. De fait, pour faire émerger une réelle dynamique européenne, ce modèle n’est probablement pas le plus efficace, tant il est centralisé et peu fédérateur.

Modèle 2 : l’européanisation de la dissuasion française

Le second modèle, à ce sujet, est également le plus controversé, en particulier en France. Il s’agirait, en effet, d’européaniser la dissuasion française, avec le transfert de certains équipements de dissuasion à d’autres pays européens, mais aussi l’intégration des européens, sous différentes formes, dans le cycle décisionnaire concernant la mise en œuvre de cette dissuasion.

Ce modèle est sans aucun doute, le plus difficile à appliquer, des trois présentés ici. En effet, un tel bouleversement, entrainerait de nombreuses difficultés, et d’immenses obstacles, notamment pour ce qui concerne la législation internationale en matière de non-prolifération.

macron Scholz
L’européanisation de la dissuasion est inapplicable, l’efficacité de la dissuasion reposant sur des délais de prise de décision incompatibles avec une decision partagée.

En outre, il susciterait de très vives réactions internationales de la part des autres pays dotés, qu’il s’agisse de la Russie et de la Chine, évidemment, mais aussi des États-Unis.

Enfin, il engendrerait des difficultés majeures dans le cycle décisionnaire, comme évoqué précédemment, la dissuasion n’étant pas un exercice pouvant s’exercer collégialement. Ce qui, au final, viendrait considérablement réduire la protection de la France.

En d’autres termes, ce modèle est, en de nombreux aspects, irréaliste, et il serait très surprenant qu’il soit, effectivement, envisagé par l’exécutif français. Paradoxalement, c’est ce modèle qui a servi de socle à une majorité de commentaires ces derniers jours.

Modèle 3 : une dissuasion partagée parallèle à la dissuasion souveraine

Le troisième est dernier modèle n’a, lui, que très rarement été évoqué (ndlr : ou tout au moins, je ne l’ai jamais vu jusqu’à présent). Paradoxalement, c’est probablement le plus efficace et le plus prometteur.

Il s’inspire de ce qui existe depuis le milieu des années 60, à savoir la dissuasion partagée au sein de l’OTAN. Pour rappel, cet accord permet aux États-Unis de déployer certaines munitions nucléaires sur le sol de cinq pays membres de l’OTAN : Allemagne, Belgique, Italie, Pays-Bas et Turquie.

F-35A bombe B-61 Mod12
Quatre pays européens participent aujorud’hui à la dissuasion partagée de l’OTAN. Tous ont acquis le F-35A, imposé par les Etats-Unis, pour mettre en oeuvre la bombe nucléaire B-61 Mod12, choisie par Washington pour armer cette dissuasion partagée.

Ces armes nucléaires, des bombes B61 Mod7 en cours de remplacement par la version Mod12, sont exclusivement sous le contrôle des États-Unis, qui seuls, ont le pouvoir de les armer. La désignation des cibles, elle, revient au commandement de l’OTAN et au SACEUR, le commandant suprême de l’OTAN, un général américain.

Le transport et le largage des armes, enfin, est effectué par des avions appartenant aux forces aériennes des pays hôtes, des F-16 belges et néerlandais, ou des Tornado allemands et italiens, ainsi que par des F-16 et F-15E américains déployés en Italie et en Turquie.

Ce modèle a de nombreuses vertus. D’abord, il satisfait les européens, puisqu’ils sont prêts à acheter spécialement des F-35A, pour continuer à y participer (Belgique, Pays-Bas, Allemagne et Italie). La Pologne a récemment indiqué qu’elle était volontaire pour le rejoindre, sans que Washington ait montré un réel intérêt à ce sujet, au contraire.

Ensuite, le pays fournissant les armes nucléaires conserve la main mise sur celles-ci, et ce, de manière exclusive. À ce sujet, le principe de double clés, souvent évoqué concernant la dissuasion partagée de l’OTAN, n’a aucune matérialité : les européens peuvent éventuellement refuser d’utiliser leurs avions dans ce cadre, mais n’ont aucun pouvoir sur l’armement des bombes, ou sur la désignation des cibles.

Dissuasion franco-européenne Rafale M armé d'un missile ASMPA nucléaire au catapultage
Bien plus performant que la bombe B61 Mod12, le missile supersonique ASMPA a une portée depassant les 600 km, une vitesse de croiisère de mach 3 et emporte une charge nucléaire pouvant atteindre 300 kt.

Surtout, ce modèle est concomitant d’un modèle de dissuasion autonome exclusivement national. Il supposerait, par exemple, que des missiles ASMPA français soient déployés dans certains pays européens, pour être mis en œuvre par des appareils de ces pays (des Rafale B?), sans venir affecter ou influencer, de quelques manières que ce soit, la dissuasion française et ses deux composantes existantes.

Une autre possibilité, serait de developper une composante sol-sol, sur la base d’un missile balistique, idéalement armé d’un planeur hypersonique, de moyenne portée et armé d’une tête nucléaire.

Ce successeur du Hades des années 90, permettrait de disposer d’une composante terrestre complémentaire aux deux existantes (sous-marine et aérienne), avec un potentiel de frappe sous contrôle, et une visibilité politique élevée (à l’inverse du sous-marin, qui tire son efficacité de sa furtivité).

Ce modèle, qu’il soit aérien ou balistique, suppose que des munitions, donc des têtes nucléaires, soient produites pour armer cette composante « européenne », de la dissuasion française, Paris conservant la décision finale quant à l’armement des têtes.

Missile Hades
Le missile Hades était mis en oeuvre par camion, à raison de deux missiles par système. le hades avait une trajectoire semi-balistique, bien plus difficile à intercepter, et une portée de 480 km, comme l’Iskander-M russe.

La désignation des cibles, quant à elle, pourrait être réalisée dans le cadre d’un état-major spécifique, au sein de l’OTAN, de l’Union européenne, ou dans une structure Ad hoc, uniquement pour ce qui concerne cette composante.

Un puissant outil pour influencer l’émergence d’une défense européenne

De toute évidence, ce dernier modèle représenterait l’alternative la plus efficace, s’agissant de créer une composante franco-européenne à la dissuasion française. En outre, en calquant le modèle OTAN, la France éviterait de prêter le flanc aux critiques en position hégémonique, qui ne manqueront pas d’émerger en Europe.

Pour autant, dans une telle hypothèse, la position française dans la géopolitique européenne, se verrait considérablement renforcée, y compris face à l’Allemagne, qui produit de nombreux efforts pour s’assurer du pilotage de la défense en Europe, dans les années à venir, notamment au travers de l’initiative European Sky Shield.

ESSI suede danemark
Le modèle de partage et d’implication choisi par Berlin pour l’ESSI, peut servir de fil directeur pour une dissuasion partagée franco-européenne.

Plus particulièrement, Paris pourrait obtenir, dans une telle hypothèse, de la part de Bruxelles, la mutualisation de tout ou partie de la dette rétroactive liée aux investissements consentis par la France, pour developper et maintenir cette dissuasion, depuis la fin de la guerre Froide.

Il serait aussi possible, pour la France, d’obtenir que tout ou partie des investissements consentis chaque année, pour cette dissuasion, soit déduit du calcul de déficit public français, sur la base d’un effort non partagé, mais d’un bénéfice commun, sur la base de la jurisprudence européenne concernant le déficit polonais en 2024.

Par ailleurs, Paris serait légitime, dans une telle hypothèse, de ne qualifier que le Rafale B pour mettre en œuvre ce missile ASMPA, et son successeur, l’ASN4G hypersonique, qui doit entrer en service en 2035, faisant du chasseur français le favori de plusieurs compétitions européennes, notamment en Pologne.

Enfin, la France disposerait, dans une telle hypothèse, d’une position considérablement renforcée pour promouvoir l’émergence d’une défense européenne autonome, et réduire sa dépendance à la protection américaine, après plus de vingt années à prêcher à ce sujet, pour de bien maigres résultats..

Conclusion

Comme c’est souvent le cas, les notions et possibilités que l’on peut trouver derrière les propos présidentiels, sont plus nuancés que les analyses qui en sont souvent faites. En l’occurrence, ici, les nombreuses critiques du second discours de la Sorbonne, apparaissent le plus souvent issues d’une surinterprétation, volontaire ou non, des propos effectivement tenus.

Mirage IV
La France a considerablement investi, au fil des années, pour se doter d’une dissuasion à la fois très efficace et parfaitement souveraine. Les Européens devront faire certaines concessions, pour profiter de son potentiel dissuasif.

Quoi qu’il en soit, il apparait que les trois modèles peuvent être envisagés, concernant l’émergence d’une dissuasion franco-européenne, ont des natures, ainsi que des contraintes, très différentes les unes des autres.

Ainsi, si l’européanisation de la dissuasion française, souvent évoquée dans les analyses depuis quelques jours, est de toute évidence irréaliste, l’extension de la dissuasion française serait applicable, sans qu’il soit nécessaire de modifier la dissuasion française, dans son format ou dans sa doctrine.

C’est toutefois la création d’une dissuasion partagée, semblable à celle actuellement appliquée dans le cadre de l’OTAN, qui complèterait les deux composantes de la dissuasion française, qui offre le potentiel dissuasif et politique le plus élevé, et qui dispose du potentiel d’adhésion potentiel le plus élevé en Europe.

Reste à voir, maintenant, la manière dont les européens accueilleront effectivement l’ouverture faite par Emmanuel Macron, ainsi que le modèle qui sera retenu par l’exécutif français, comme base de négociation.

Scandale en gestation : la brigade promise par Boris Pistorius à la Lituanie en 2027, ne serait pas financée

À la fin de l’année 2022, dans la dynamique instillée par l’annonce d’une hausse massive des crédits de défense et de la création d’une enveloppe d’investissements de 100 Md€ pour la Bundeswehr, Berlin évoqua la possibilité de déployer, en Lituanie, une brigade allemande forte de 5000 hommes, et ce, de manière permanente.

Il s’agissait, pour Olaf Scholz et la coalition SPD/Grünne/FDP ayant remporté les élections législatives de 2021, de repositionner Berlin au centre de l’échiquier défense européen, après que la Russie a déclenché sa guerre d’agression contre l’Ukraine, en février 2022.

Boris Pistorius, le ministre de la Défense allemand, nommé en janvier 2023, s’est rapidement saisi de ce dossier, paré d’une importante dimension politique, intérieure comme européenne. En décembre 2023, il signait, avec son homologue lituanien, Arvydas Anusauskas, l’accord pour le déploiement de cette brigade, et de ses 5000 hommes, en Lituanie, pour être opérationnelle dès 2027. Toutefois, il semble que les autorités allemandes avaient négligé certains paramètres, avant de s’engager devant Vilnius.

La seule création de la brigade allemande en Lituanie coutera 10 Md€

Si le sujet n’intéressait guère l’opinion publique comme la classe politique allemandes, jusqu’ici, il est devenu, depuis quelques jours, l’objet d’une intense polémique, pouvant même se transformer en bombe à retardement, pour la coalition au pouvoir.

Boris Pistorius et Arvydas Anusauskas
Boris Pistorius et Arvydas Anusauskas signent a Vilnius, l’accord pour le déploiement permanent de troupes allemandes dans le pays, le 18 decembre 2023. REUTERS/Janis Laizans

En effet, à l’occasion de la réunion de la commission de défense, un représentant du ministère de la Défense allemand, a indiqué que les efforts pour créer, équiper et déployer, initialement, cette brigade de 5000 hommes en Lituanie, allait couter autour de 10 Md€, aux finances publiques allemandes.

Or, ces couts n’ont été provisionnés ni dans la programmation militaire pour les 4 années à venir, d’ici à 2027, ni dans le Zeitenwende, l’enveloppe de 100 Md€ prévue pour palier les insuffisances immédiates de la Bundeswehr. En outre, le budget de la défense, comme cette enveloppe exceptionnelle, ne disposent d’aucune marge de manœuvre permettant de satisfaire à de tels investissements.

Le ministère de la Défense allemand ne sait pas comment financer la brigade promise à la Lituanie

Pire encore, le budget fédéral allemand prévisionnel, lui non plus, n’offre pas les moyens de dégager les 10 milliards d’euros requis pour respecter l’engagement pris par Berlin. Il ne reste, dès lors, que la solution de l’endettement, ô combien honnie par Berlin, pour solutionner le problème.

Ce d’autant que s’il est nécessaire d’investir 10 Md€ pour la création et le déploiement de cette brigade, il sera aussi indispensable de financer les couts récurrents engendrés par cette force. Or, chaque militaire allemand déployé devrait recevoir, en moyenne, 3115 € net chaque mois de solde, auxquels s’ajouteront 1594 € de prime de déploiement, ainsi que des aides fiscales et à l’intention des conjoints.

Bundeswehr
Les militaires allemands deployés en Lituanie toucheront en moyenne 4710 € net mensuels, dont une partie exonérée d’impots.

Ajoutez à cela les couts d’infrastructures, de matériels, d’entrainement et les couts sociaux induits, et la note annuelle, pour la Bundeswehr, devrait rapidement dépasser les 1 à 1,5 Md€ supplémentaires, eux aussi, non planifiés.

Bien évidemment, cette découverte inattendue a créé la stupeur après des parlementaires allemandes, et des partenaires du SPD, dans la coalition de gouvernement. Ainsi, le vice-président du groupe de l’Union, Johann Wadephul, appartenant à l’opposition CDU/CSU, a directement interpelé le ministère de la Défense. « Qui doit payer cela, qui l’a commandé ? …, qui a autant d’argent ? » a-t-il directement adressé au ministre de la Défense, qui a fait de ce projet, un marqueur politique de son action.

La présidente de la commission de la défense du Bundestag, Marie-Agnes Strack-Zimmermann, appartenant au FPD, a pour sa part souligné la responsabilité de Boris Pistorius (SPD) dans l’exécution de ce projet. « Nous devons clarifier le financement au sein de la coalition et le mettre sur des pieds sûrs. Le ministre devra se mesurer au fait que tout sera mis en œuvre sans problème. » ajoute-t-elle, laissant filtrer le malaise ainsi créé.

L’affaire fait désormais grand bruit outre-Rhin, au-delà de la sphère défense. D’autant que toute la classe politique a déjà les yeux fixés sur les deux échéances électorales à venir, les européennes, en juin 2024, et surtout les élections fédérales, en septembre 2025, alors que le SPD d’Olaf Scholz est au plus bas dans les sondages, et que, paradoxalement, Boris Pistorius s’est hissé au sommet des personnalités politiques appréciées des allemands.

Les ressources humaines posent aussi de sérieux problèmes à la Bundeswehr

Le ministre de la Défense n’est d’ailleurs pas près de quitter cette zone de turbulences. Au-delà de ce mur budgétaire, qu’il faudra bien franchir, d’une manière ou d’une autre, la nouvelle brigade allemande à déployer en Lituanie, va se heurter à un second obstacle, bien plus difficile à négocier.

Olaf Scholz Bundeswehr
La mise en oeuvre des ambitions présentées en fevrier 2022 par Olaf Scholz, rencontrent de nombreuses difficultés politiques, budgétaires et opérationnels. La conséquence de 30 années d’abandon budgétaire et politique de la Bundeswehr par les autorités allemandes.

En effet, celle-ci ne doit pas simplement être déplacée en Lituanie, elle doit être créée. Ce qui suppose le recrutement de 5 000 militaires supplémentaires, peu ou prou, pour lui donner forme. Or, comme la plupart des armées occidentales, la Bundeswehr rencontre de sérieux problèmes pour simplement maintenir ses effectifs.

Ainsi, fin 2023, celle-ci n’alignait que 181 500 militaires, contre 183 000 un an plus tôt, et un effectif théorique de 185 000 hommes et femmes. Non seulement peine-t-elle à recruter, mais elle fait aussi face à un turn-over très important, avec un taux de non-renouvellement des contrats supérieur à 30 %.

Dans ces conditions, il semble bien difficile de vouloir recruter 5 000 militaires supplémentaires, qui plus est en maintenant une pyramide des âges et des grades satisfaisantes, alors que dans le cadre du Zeitenwende, le basculement clé engagé en février 2022, d’autres recrutements doivent être réalisés pour amener les effectifs à 203 000 militaires en 2031.

Une menace pour la coalition allemande, et pour Boris Pistorius lui-même

Le contexte est donc particulièrement difficile pour Boris Pistorius dans ce dossier. Si les questions de défense ne sont, généralement, pas au cœur des préoccupations des allemands, les questions budgétaires, en revanche, tendent à capter beaucoup d’attention.

Boris Pistorius
Le dossier lituanien va-t-il déteriorer l’excellente image qu’on construire Boris Pistorius auprès de l’opinion publique allemande ?

Cette dimension budgétaire, qui n’a probablement d’autres solutions que la création d’une dette supplémentaire, les difficultés rencontrées en matière de recrutement, et l’image que donne cet épisode, sur la scène européenne, d’une Allemagne qui se veut le pilier de la défense européenne en devenir, ont le pouvoir de profondément détériorer l’image positive du ministre de la Défense, voire de faire s’effriter la coalition de gouvernement actuelle.

C’est d’ailleurs très probablement dans la solidarité que montreront les trois partis au pouvoir, que se trouvera, ou non, le salut de cette brigade allemande déployée en Lituanie. Dans le cas contraire, elle viendra allonger la (déjà) longue liste des ambitions européennes avortées en matière de défense, faute d’une implication politique suffisante.

Reste que, quel que soit l’avenir de cette brigade, le spectacle offert dans ce dossier, tend à accréditer certains reproches faits à Berlin, et à d’autres, par le président Macron, selon lesquels certaines capitales européennes privilégieraient la communication et les ambitions politiques et commerciales, à la réalité opérationnelle, dans leurs discours et promesses, en matière de Défense. Difficile, ici, de lui donner vraiment tort.

SAMP/T Mamba vs Patriot PAC-3 en Arabie Saoudite ? C’est effectivement possible…

Jusqu’au 21 mars 2024, les systèmes antiaériens et antibalistiques SAMP/T Mamba et PAAMS, et les missiles antiaériens de la famille Aster, étaient considérés, le plus souvent, sur la scène internationale, comme des acteurs secondaires.

Si les Aster 15 et 30 de MBDA équipent plus d’une quarantaine de navires de surface, et 23 batteries Sol-air terrestres, au sein d’une dizaine de pays, le système est loin de faire de l’ombre au Patriot Américain, dont plus de 280 batteries ont été achetées par une vingtaine de pays, alors que le SM-2 et l’ESSM navals, équipent, eux aussi, les navires d’une vingtaine de Marines.

Ces systèmes pouvaient s’appuyer sur l’aura d’efficacité entourant les matériels américains, mais aussi sur le fameux « Combat proven », qui joue un rôle déterminant dans l’acquisition des équipements de défense sur la scène internationale. À l’inverse, le missile Aster et les systèmes Mamba et PAAMS, s’ils avaient montré d’excellentes performances lors des essais et des exercices, étaient vierges d’engagement.

La batterie Mamba envoyé par Rome et Paris en Ukraine, et l’utilisation des Aster par les destroyers et frégates britanniques, françaises et italiennes, contre les drones et missiles de croisière Houthis, ont redoré, depuis plusieurs mois, l’image de ces systèmes, ceux-ci ayant montré une excellente efficacité, n’ayant rien à envier à celles des équipements américains.

Mais c’est incontestablement l’interception réussie, le 21 mars, de trois missiles balistiques antinavires Houthis, par la frégate française Alsace, qui transforma, en quelques heures, l’image du missile français et des systèmes attenants, sur la scène internationale. En quelques minutes, l’Aster avait rejoint le Patriot, dans le domaine des systèmes antibalistiques ayant fait leur preuve au combat.

Nouveau succès antibalistique du missile Aster 30 et mer Rouge par le destroyer HMS Diamond britannique

Depuis, le missile Aster 30 a confirmé que l’interception réussie des trois missiles balistiques Houthis, par l’Alsace, n’était ni fortuite, ni même chanceuse. En effet, le 24 avril, le destroyer britannique HMS Diamond, un des 6 destroyers antiaériens Type 45 de la classe Daring, proche des frégates Horizon françaises et italiennes, a réalisé l’interception de deux autres missiles balistiques Houthis.

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Les missiles Houthis avaient pris pour cible le MV Yorktown, un navire battant pavillon américain, avec 18 membres d’équipage de nationalité américaine, et quatre de nationalité grecque, à son bord.

Le HMS Diamond mit en œuvre son système Sea Viper, désignation britannique du PAAMS (Principal Anti Air Missile System), pour intercepter avec succès les deux missiles balistiques Houthis suivant chacun une trajectoire d’attaque différenciée et simultanée.

Quelques minutes plus tard, le Sea Viper ainsi que les canons de 30 mm et le système Phalanx du destroyer britannique, ont à nouveau été employés pour contrer une attaque de quatre drones Houthis contre cette même cible.

Il s’agit incontestablement d’un nouveau succès important du système surface-air européen, et du missile Aster 30, d’autant que celui-ci n’est pas, à priori, la version destinée à l’interception balistique.

D’ailleurs, les destroyers britanniques Type 45 doivent prochainement évoluer pour recevoir cette capacité antibalistique étendue au travers du missile Aster Block 1, puis, à l’avenir, du Block 1NT, conçu pour intercepter des missiles d’une portée de 1 500 km.

L’Arabie Saoudite chercherait une alternative européenne au système Patriot, jugé trop cher

Indépendamment de ce succès, Riyad aurait entrepris, il y a peu, d’engager certaines consultations auprès d’industriels européens, pour acquérir de nouveaux systèmes de défense aérienne. C’est en tout cas ce que croit savoir le site intelligenceOnline.fr, il est vrai souvent bien informé sur ce type de sujet.

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Selon le site, les autorités saoudiennes chercheraient à densifier leurs solutions de défense antiaérienne et antimissile. La solution européenne serait privilégiée à l’extension du parc Patriot, celui-ci étant jugé trop onéreux, pour pouvoir être suffisamment étendu afin de protéger le territoire saoudien.

Il n’existe, en Europe, que quatre systèmes antiaériens à moyenne portée, pouvant éventuellement constituer une alternative au Patriot face aux avions, hélicoptères et missiles de croisière. Il s’agit de l’IRIS-T SLM allemand, du CAMM-ER britannique, du NASAMS norvégien, et du SAMP/T Mamba, franco-italien.

Cependant, seul ce dernier propose effectivement des capacités longue portée, au-delà de 120 km, et antibalistiques, comme le Patriot PAC-2, en service au sein des forces royales de défense aérienne saoudiennes. En outre, une batterie Mamba, ses lanceurs, et son radar, sont vendus, en donnée publique, autour de 150 à 180 m€, alors que l’Aster 30 est vendu 1,4 M€.

En d’autres termes, une batterie complète avec 6 lanceurs, 6 systèmes de rechargement, le poste de commandement et le radar Ground Fire 300 de Thales, ainsi que 160à 180 missiles Aster 30 et Block 1NT, devrait être proposée à l’export autour de 400 à 450 m€, moitié moins qu’une batterie Patriot PAC-3 équivalente.

Le missile Aster équipe déjà les frégates saoudiennes de la classe Al Riyadh

De fait, sur la base des informations relayées par intelligenceonline.fr, et des données publiques disponibles, il apparait probable que le système antiaérien considéré par Riyadh, pour compléter sa défense antiaérienne et antibalistique, serait donc le Mamba SAMP/T.

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Cette hypothèse est d’autant plus probable que les relations entre la France et l’Arabie Saoudite se sont sensiblement améliorées ces derniers mois, au point que la demande faite par Riyadh, au sujet de 54 avions Rafale, pour les forces aériennes saoudiennes, semblent toujours tenir la corde dans les négociations en cours, alors même que Berlin a levé son interdiction d’exportation autour de l’Eurofighter Typhoon, déjà en service dans le pays.

À ce sujet, il convient de rappeler que les forces armées mettent déjà en œuvre le missile Aster. Celui-ci équipe, en effet, les trois frégates de la classe Al Riyadh, de la Marine Royale Saoudienne.

Entrées en service de 2002 à 2004, ces frégates de 133 mètres et 4 700 tonnes, dérivées des FLF La Fayette françaises, emportent, en effet, 16 missiles Aster 15 chacune, en conteneur individuel vertical. Les frégates Al Riyadh sont, aujourd’hui, les navires les plus puissamment armés de la flotte saoudienne.

Une opportunité réelle, mais étroite, de remettre le SAMP/T Mamba au cœur du marché mondial des systèmes antiaériens et antibalistiques

La consultation saoudienne représente, sans le moindre doute, une opportunité pour MBDA et Eurosam, pour remettre le SAMP/T Mamba, ainsi que le missile Aster, au centre de l’échiquier technologique et commercial mondial, en matière de défense antiaérienne et antibalistique.

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En effet, une commande saoudienne significative de Mamba et d’Aster, qui plus est, avec une fonction antibalistique, permettrait de compléter le discours commercial, créant une nouvelle référence récente majeure, avec Singapour, alors que le système peut désormais s’appuyer sur une efficacité opérationnelle reconnue, et qu’il a l’avantage du prix, sur les systèmes américains.

Toutefois, la fenêtre d’opportunités pour MBDA et Eurosam, pourrait être particulièrement réduite. En effet, au-delà des États-Unis, d’autres acteurs se sont lancés sur le même segment que le Patriot et le Mamba.

C’est notamment le cas du système David Sling israélien, proposant des performances proches de celles des deux précédents systèmes, et pouvant, lui aussi, s’appuyer sur une efficacité au combat reconnue, car intégré dans la défense antiaérienne et antimissile multicouche de l’État Hébreux. La Finlande s’est déjà laissée séduire par ce système.

Le KM-SAM sud-coréen est également un important compétiteur, même s’il évolue davantage dans la catégorie de l’Aster 15 EC, avec une portée de 60 km. À noter qu’en février 2024, Riyadh a signé une lettre d’intention avec Séoul pour l’acquisition de 10 batteries KM-SAM.

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Ceci renforce cependant l’hypothèse que les discussions entamées avec les industriels européens, concernent des systèmes à plus longue portée, et à capacité antibalistique, dont seul le Mamba est doté sur le vieux continent.

En Europe, l’Allemagne développe une version à longue portée de son IRIS-T, baptisée IRIS-T SLX, avec l’ambition de jouer dans la même catégorie que l’Aster et le Patriot PAC-3.

Enfin, rien n’empêche l’Arabie Saoudite de se tourner à nouveau vers la Chine, comme elle l’a déjà fait pour les drones MALE Wing Loong, les canons automoteurs PLZ-45, et les missiles balistiques DF-3 et DF-21, acquis auprès de Pékin ces dernières décennies.

Dans ce domaine, les industriels chinois proposent des versions export du HQ-9, baptisée FD-2000, déjà exportées au Maroc et en Algérie (entre autres), et sa version antibalistique HQ-19, censée être équivalente au THAAD.

Conclusion

On le voit, les confidences obtenues par IntelligeneOnline.fr, si elles s’avèrent fondées, révèleraient une réelle opportunité pour sortir de le SAMP/T Mamba de l’ornière commerciale internationale dans laquelle se trouve cet excellent système franco-italien, depuis plus de dix ans maintenant.

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En effet, au-delà du besoin exprimé par les autorités saoudiennes, le système européen peut aujourd’hui s’appuyer sur un contexte particulièrement favorable, associant des prix compétitifs à d’importants succès opérationnels, y compris dans le très complexe domaine antibalistique.

Reste que la fenêtre d’opportunités pour le Mamba, apparait également très étroite, pour effectivement créer une dynamique favorable suffisante, et relancer la carrière du système sur la scène internationale. En effet, plusieurs systèmes, eux aussi compétitifs, et parfois auréolés du même succès opérationnel, sont arrivés, ou arriveront bientôt, sur ce marché.

Les drones de combat vont-ils redessiner l’industrie aéronautique militaire américaine ?

L’US Air Force a dévoilé, par communiqué de presse, les noms des deux industriels retenus pour concevoir et construire les prototypes du premier lot de drones de combat, destinés à accompagner les futurs NGAD, successeurs du F-22, ainsi que quelques centaines de F-35A spécialement préparés.

Ces drones doivent permettre de répondre aux évolutions constatées et anticipées, en matière de guerre aérienne, tout en préservant, autant que possible, les couteux et de moins en moins nombreux avions de combat, ainsi que leurs précieux équipages.

Toutefois, au-delà de la révolution opérationnelle et technologique qui se dessine outre-atlantique, avec l’arrivée de ces drones avant de la fin de la décennie, une autre révolution est à l’œuvre, industrielle cette fois, autour de ce programme. En effet, les deux industriels retenus, Anduril et General Atomics, n’appartiennent pas aux 5 groupes majeurs de défense, créés par l’initiative de concentration de 1993.

La grande concentration industrielle Défense de 1993 aux États-Unis et ses conséquences

Jusqu’en 1993, la base industrielle et technologique défense américaine, se composait d’une cinquantaine de grands groupes, souvent spécialisés. Avec la fin de la guerre froide, et l’inévitable restructuration du marché mondial de l’armement qui soutenait, jusque-là, le dynamisme de cette industrie américaine, l’administration Clinton entreprit une très importante concentration dans ce secteur.

F-15 F-16 Irak
En 1991, le F-15 etait construit par Mc Donnell Douglas, racheté en 1997 par Boeing, et le F-16 par General Dynamics, dont l’actitivté avions de combat é été rachetée en 1993 par Lockheed Martin.

50 entreprises de défense US concentrées dans 5 groupes majeurs

C’est ainsi que la cinquantaine d’entreprises de défense majeures américaines, se transforma en cinq groupes stratégiques. Par ordre de chiffre d’affaires aujourd’hui, il s’agit de Lockheed Martin, RTX (ex Raytheon), Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics.

Cette concentration permit de faire de ces cinq acteurs majeurs américains, les leaders mondiaux de l’industrie de défense. Aujourd’hui encore, alors que des industriels en Chine, en Europe et ailleurs, sont également apparus, ceux-ci demeurent fermement ancrés dans le TOP 5 des entreprises de défense mondiales classées par chiffre d’affaires.

Force est de constater, donc, que la stratégie de 1993 a été couronnée de succès, en renforçant encore davantage l’omniprésence de l’industrie de défense américaine, dans la sphère d’influence US.

Stinger Ukraine
Le missile sol-air Stinger coute aujourd’hui 400 000 $. Il coutait 25 000 $ en 1990. L’inflation globale aux Etats-Unis de 1990 à 2024 n’est que de 240 %.

Ainsi, en Europe, près de 70 % des dépenses d’équipements de défense, constatées ces dernières années, ont été fléchées vers les États-Unis, alors même que l’industrie de défense européenne produit, bien souvent, des équipements parfaitement compétitifs.

Les effets délétères sur les prix de la concentration industrielle de 1993

Si cette concentration a fait le bonheur des industriels américains, et de leurs actionnaires, elle a aussi créé des effets plus que délétères, pour les armées américaines.

Les géants industriels américains se retrouvent, en effet, le plus souvent en position de monopole, face aux demandes du Pentagone. Ceci a entrainé une hausse incontrôlée des prix, donc des dépenses fédérales américaines, pour équiper les armées.

Dans une interview donnée à CNN en 2021 à ce sujet, l’ancien négociateur en chef des programmes d’armement du Pentagone et ancien vice-président de Raytheon, Shay Assad, avait donné, pour exemple, le prix du missile Stinger, passé de 25 000 $ en 1990, à 400 000 $ aujourd’hui, sans que ni l’inflation, ni l’évolution technologique, ne permettent de justifier plus d’un tiers de cette hausse.

Anduril et General Atomics, deux industriels émergents, vont concevoir les futurs drones de combat de l’US Air Force

Alors qu’il dirigeait les acquisitions de l’US Air Force, de 2018 à 2021, Will Roper avait parfaitement identifié cette dérive. Il avait, alors, proposé de transformer le programme NGAD, devant remplacer le seul F-22, en un programme de programmes, composé de plusieurs modèles d’appareils de combat spécialisés, à durée de vie limitée à 15 ans.

drones de combat Anduril
Illustration Anduril de drone de combat.

Les paradigmes Roper balayés par le nouveau Secrétaire à l’Air Force

Selon l’analyse proposée, ce basculement permettrait simultanément de redynamiser la concurrence au sein de la BITD aéronautique US, de faire émerger de nouveaux acteurs industriels, et ainsi, de palier les dérives engendrées par la réforme de 1993.

Franck Kendall, le Secrétaire à l’Air Force de l’administration Biden, paradoxalement plus conservateur en matière industrielle, avait balayé les innovations conceptuelles de Roper, peu de temps après sa nomination en 2021, en dépit du soutien de l’US Air Force.

Ainsi, le NGAD redevenait le programme d’avion de combat hyper technologique devant remplacer le F-22 qu’il était auparavant, coutant, de l’aveu même de Kendall, plusieurs centaines de millions de dollars par appareil. Il se tourna, pour l’occasion, uniquement vers des acteurs majeurs américains, Lockheed Martin, Boeing et Northrop Grumman.

En sélectionnant Anduril et GA-SI, l’US Air Force créé une rupture dans la dynamique d’acquisition des armées américaines

Dans ce contexte, choisir Anduril, une start-up créée en 2017, et General Atomics, qui a été créé en 1993, pour concevoir et fabriquer la première tranche de prototypes des drones de combat destinés à accompagner les chasseurs américains, constitue une rupture importante dans la dynamique d’attribution des contrats stratégiques par l’US Air Force, et même, plus globalement, pour les armées américaines.

Game Gambit GA-SI
GA-SI a developpé la famille GAMBIT, conçue pour donner naissance à des drones de combat spécialisés différents selon les missions, tout en mutualisant un noyau technologique et industriel.

Certes, les trois acteurs majeurs éliminés de cette première étape, Lockheed Martin, Boeing et Northrop Grumman, restent engagés dans la compétition pour la seconde tranche du programme qui, au final, doit porter sur un millier de drones de combat de différents modèles, livrés d’ici à la fin de la décennie.

C’est d’ailleurs, certainement, pour adoucir l’ire de ces très puissants acteurs économiques et politiques, que l’US Air Force a précisé, dans son communiqué, qu’il ne s’agissait, là, que d’une première étape, et qu’ils restaient pleinement intégrés aux phases suivantes.

« Les entreprises qui ne sont pas sélectionnées pour construire ces véhicules CCA représentatifs de la production et exécuter le programme d’essais en vol, continueront de faire partie du pool plus large de fournisseurs partenaires de l’industrie composé de plus de 20 entreprises pour concourir pour les efforts futurs, y compris les futurs contrats de production » a-t-il ainsi été précisé.

L’US Air Force utilise-t-elle les drones de combat, pour sortir des baronnies industrielles US ?

Reste que l’arbitrage de l’US Air Force, dans ce dossier, en faveur de deux acteurs émergents, plutôt que des trois groupes majeurs industriels, constitue une décision dont la portée dépasse, de beaucoup, le seul cadre de cette compétition.

Ce programme permettra, en effet, à Anduril, et dans une moindre mesure, car déjà un acteur clé de l’offre drones US, à GA-SI, de developper de nouvelles compétences et de nouvelles capacités industrielles, et donc, de se positionner sur ce secteur stratégique, à l’identique, des avionneurs traditionnels, voire avec des atouts exclusifs.

Ligne de fabrication F-35
L’experience du contrat F-35 a laisser des traces dans la stratégie d’acquisition de l’US Air Force.

En d’autres termes, même s’il ne s’agit que d’une première tranche, l’US Air Force favorise, par cette décision, l’émergence de nouveaux acteurs, susceptibles d’éroder les positions de monopole héritées de la concentration de 1993, et avec elle, de redynamiser la concurrence sur ce marché.

Or, lorsque l’on observe la stratégie autour du NGAD, qui ne sera produit qu’à 200 exemplaires, et même du F-35A, acquis à « seulement » 1 700 exemplaires par l’US Air Force, on comprend le rôle structurant, et dimensionnant, que les drones de combat seront appelés à jouer dans la conduite de la guerre aérienne américaine, évidemment, mais aussi autour de son volet industriel.

Paradoxalement, après avoir écarté les paradigmes développés par Will Roper, il y a cinq ans, l’US Air Force, et donc son Secrétaire, Franck Kendall, semblent s’orienter vers une stratégie industrielle en étant largement inspirée, ayant le potentiel, au travers des drones de combat, de redessiner et de dynamiser, le paysage industrielle aéronautique militaire américain.

Un modèle pour dynamiser et améliorer les programmes européens de défense ?

Ce constat mérite d’être étudié avec attention, en particulier en Europe, alors qu’un mouvement de concentration est à l’œuvre, précisément pour faire émerger des acteurs industriels défense majeurs susceptibles de se confronter au fameux TOP 5 américain.

MBDA
L’Europe a créé certains acteurs mejeurs internationaux, comme MBDA dans le domaine des missiles, une des rares entreprises susceptibles de se confronter à RTX.

En effet, alors que le marché industriel défense se restructure à marche forcée, sous l’effet d’une augmentation massive de la demande, cette aspiration à la création de géants nationaux, comme Leonardo ou BAe, ou transnationaux spécialisés, comme MBDA, Airbus Défense ou KNDS, risque d’engendrer les mêmes effets délétères, en particulier sur les prix des équipements, que ceux auxquels les armées américaines font face aujourd’hui, et contre lesquels l’arbitrage de l’US Air Force semble orienté.

Ce d’autant qu’en Europe, d’autres facteurs, de politique industrielle nationale d’une part, de relations extérieures, en particulier vis-à-vis des États-Unis, de l’autre, viendront nécessairement altérer les arbitrages des acquisitions industrielles de défense.

Ainsi, peut-on imaginer, en France, que l’Armée de l’Air et de l’Espace se tourne vers un appareil de combat conçu par Airbus Défense, plutôt que Dassault Aviation, sur l’argument d’un groupe plus important en Europe ?

RAfale Eurofighter Typhoon
La dimension internationale du Typhoon ne lui a pas donné d’atouts particuliers sur la scène internationale, face au Rafale franco-français.

À l’inverse, alors que l’Eurofighter Typhoon est l’appareil de combat le plus européen du moment, celui-ci n’a guère convaincu, au-delà des quatre pays participant au programme. Mieux encore, ces quatre pays ont tous acquis, ou annoncé qu’ils le feront, des F-35 américains.

Il est donc certainement urgent de mettre en perspective les bénéfices réels, et non fantasmés, qui peuvent résulter d’éventuelles concentrations nationales ou européennes, avec les effets délétères que de telles concentrations ont engendré aux États-Unis, avant de se précipiter vers ces projets, attrayants politiquement, mais bien plus complexes qu’il n’y parait de prime abord, dans le détail.

Le futur bombardier stratégique H-20 chinois ne fait pas peur au renseignement américain. Ont-ils raison ?

Le nouveau bombardier stratégique H-20, qui doit remplacer le vénérable H-6 au sein des unités de bombardement de l’Armée de l’Air chinoise, sera dévoilé d’ici à quelques semaines. C’est ce qu’a révélé, il y a quelques semaines, le commandant adjoint des forces aériennes de l’Armée Populaire de Libération, Wang Wei, avait annoncé, dans une interview donnée au quotidien Hong Kong Commercial Daily.

Attendu depuis plusieurs années, le H-20 doit marquer une profonde évolution de la triade nucléaire chinoise, en la dotant d’un appareil à très long rayon d’action, qui plus est potentiellement furtif, en faisant la seconde force aérienne mondiale, à mettre en œuvre ce type de moyens, après les États-Unis.

Si très peu d’informations sont disponibles autour de ce programme, les services de renseignement américain, semblent ne pas particulièrement redouter l’arrivée du nouvel appareil, fut-elle imminente. En effet, à l’occasion d’une interview donnée à des journalistes américains, un officiel de ces services, à laisser entendre que le H-20 n’aurait pas des capacités comparables à celles du B-21 Raider américain.

Pour autant, la confiance affichée par le Pentagone, à ce sujet, est-elle justifiée. Celle-ci rappelle celle régulièrement exposée, il y a quelques années, au sujet d’autres programmes d’équipements chinois, comme les destroyers Type 052D ou les chasseurs J-20, alors que ces derniers constituent dorénavant des sujets d’inquiétude marqués, pour ce même Pentagone.

Le très attendu bombardier stratégique H-20 chinois et ses performances anticipées

Annoncée comme imminente depuis plusieurs années, l’entrée en service du H-20 chinois, n’a toujours pas eu lieu. En outre, le programme est particulièrement opaque sur la scène publique, de sorte que l’on ignore encore la plupart des éléments clés constitutifs de ce bombardier stratégique.

bombardier stratégique H-20 teasing 2022
En marge de la nouvelle année, en 2022, l’indsutrie aéronautique chinoise avait diffusé un teaser concernant le H-20, repliquant celui employé par Northrop-grumman, au sujet du B-21.

Selon le renseignement américain, celui-ci aurait la forme d’une aile volante, ce qui semble avoir été confirmé par la communication chinoise. Cette configuration laisse supposer qu’il est donc conçu, comme le B-2 Spirit et le B-21 Raider américains, pour être doté d’une furtivité avancée.

La forme de l’aile volante, en effet, par l’absence de bords saillants et de plans verticaux et horizontaux, tend à réduire la surface équivalente radar de l’appareil, ainsi que les phénomènes de résonances exploités par les radars basse fréquence UHF ou VHF.

Au-delà de cette quasi-certitude, les informations sur l’appareil sont, au mieux, des estimations publiées par certains services de renseignement. Ainsi, le Pentagone estime que le H-20 aura un rayon d’action de 8 500 km, avec une capacité d’emport supérieure à 10 tonnes.

Par similitude, il est aussi probable que l’appareil évoluera en subsonique élevée, et qu’il sera employé, par l’APL, tant pour les frappes stratégiques, en remplacement des H-6N, que pour les frappes navales à longue distance, en remplaçant le H-6J.

Le renseignement du Pentagone estime que les B-2 et B-21 américains seront supérieurs au H-20.

Au-delà de ces informations somme toute très limitée, le H-20 est sous un black-out absolu de la part des autorités chinoises, et de son constructeur, Xi’an. Les services de renseignement du Pentagone semblent, en revanche, en savoir un peu davantage à ce sujet.

B-21 Raider
Premier vol du B-21 Raider. L’US Air Force prevoit d’acquerir une centaine de ces appareils, pour remplacer dabord les B-1 Lancer, puis les B-2 Spirit et les B-52 Stratofortress.

S’exprimant sous couvert d’anonymat devant quelques journalistes sélectionnés de la presse défense US, un officiel des services du renseignement du Pentagone, a indiqué que le Pentagone n’était pas « particulièrement inquiet », de l’arrivée du H-20 dans les mois ou années à venir.

Selon lui, l’appareil aura des performances et capacités sensiblement inférieures à celles des appareils américains comme le B-21 Raider, qui a entamé les essais en vol à la fin de l’année dernière.

En outre, le Pentagone estime que même si le H-20 venait à être dévoilé prochainement, celui-ci n’aura probablement pas les capacités attendues par les forces aériennes chinoises, pour mener leurs missions. Et d’ajouter que la production industrielle pourrait, elle aussi, être en enjeu pour ce programme.

Un biais d’analyse américain comparable à celui appliqué à la Marine chinoise ?

Les affirmations de l’officiel des services de renseignement du Pentagone, aux journalistes spécialisés américains, ont cependant fait réagir plusieurs spécialistes internationaux de la puissance aérienne chinoise. Celles-ci ne s’appuient, en effet, sur aucune nouvelle information factuelle diffusée simultanément par le Pentagone, au sujet de l’appareil ou de son programme.

frégate Iver Huitfeldt
Déployée en mer rouge, la frégate danoise Iver Huitfeldt a fait face à plusieurs disfonctionnements de ses systèmes de défense, face aux drones Houthis. Auparavant, c’etait la frégate allemande Hessen qui avait expérimenté d’autres problèmes. Plus recemment, le deploiement en mer Rouge de la frégate belge Louise-Marie, a été annulé à la suite de l’echec d’un tir d’entraineemnt de missiles RIM-7 Sea Sparrow.

Surtout, ce jugement porté sur cet appareil, ainsi que sur l’ensemble de son programme, n’est pas sans rappeler les discours tenus, il y a juste quelques années de cela, au sujet des navires de la Marine chinoise, ceux-là mêmes qui posent, dorénavant, autant de soucis à l’US Navy.

La Marine chinoise, de flotte de second rang, à principal adversaire de l’US Navy, en 10 ans seulement.

Ainsi, à la fin des années 2010, il était fréquent d’entendre des discours mettant en exergue les différences de capacités opérationnelles des destroyers Type 052D ou des frégates Type 054A, face aux destroyers Arleigh Burke américains, il est vrai, bien mieux armés et équipés.

Maintenant que la Marine chinoise a admis au service une trentaine de Type 052D et Type 052DL, et une vingtaine de frégates ASM Type 054a (sur les 37 en service à ce jour), tous livrés ces dix dernières années, le sentiment est bien différent pour l’US Navy, et plus globalement, pour les marines occidentales.

Ce d’autant que, dans le même temps, 8 destroyers lourds Type 055, cette fois mieux armés que les Burke américains, ont aussi rejoint les flottes chinoises sur la même période, alors que les chantiers navals américains, eux, n’ont livré que 11 nouveaux destroyers Arleigh Burke depuis 2014, et aucune frégate.

Marine chinoise Type 055 Type 052D Type 056
Les chantiers navals chinois livrent trois à quatre fois plus de destroyers et de frégates à la Marine chinoise, que les chantiers navals américains ne le font vers l’US Navy.

En outre, tout indique que ces navires chinois, ont une disponibilité et une fiabilité opérationnelle équivalentes, parfois meilleures, que ceux en service au sein des flottes occidentales.

Quant à la formation des équipages, si la Marine chinoise a, évidemment, une expérience inférieure à celle des marines occidentales, celle-ci produit d’importants efforts dans ce domaine, faisant participer chaque navire à plusieurs exercices et campagnes de tirs réels, chaque année.

Lorsque l’on observe les difficultés rencontrées par les frégates européennes en mer Rouge, dans la mise en œuvre de leurs systèmes majeurs, il convient donc de relativiser l’hypothèse d’un manque d’aguerrissement des marins chinois, à bord de leurs navires.

Les forces aériennes chinoises, tout aussi redoutées par les armées américaines.

On comprend, dans ces conditions, pourquoi l’US Navy redoute la confrontation avec l’APL dans les années à venir, et s’est considérablement éloignée d’un discours visant à minimiser son potentiel opérationnel.

Notons qu’il en va de même dans le domaine aérien. Ainsi, les J-20,J-15, J-16 et J-10C chinois, ont longtemps été considérés comme sensiblement inférieurs aux avions de combat occidentaux.

J-20
Avec plus de 200 J-20 en service, pour un millier de chasseurs de 4ème génération, les forces aériennes chinoises deviennent un adversaire de taille, y compris pour l’US Air Force.

Maintenant que ces appareils sont disponibles en grand nombre, on estime que plus de 200 J-20 seraient effectivement en service, que les nouvelles munitions chinoises sont également arrivées, comme le missile air-air à longue portée PL-15, et que les équipages sont entrainés, plus aucune force aérienne, dans le monde, pas même la surpuissance US Air Force, ne sous-estiment les forces aériennes chinoises.

La question du nombre sera déterminante dans le rapport de force face à la Chine

Le fait est, même si le H-20 a, effectivement, des performances inférieures à celles du B-21 américain, cette comparaison n’est guère pertinente, pour en évaluer la dangerosité. Déjà, pour la fonction de bombardier stratégique, le rayon d’action de l’appareil en fait une menace, davantage pour les alliés des États-Unis dans le Pacifique et l’Océan Indien, et en Asie, que pour les États-Unis eux-mêmes, Hawaï étant le seul État américain à portée du bombardier.

Les bases américaines sur ce théâtre, en revanche, comme Guam, Diego Garcia, Okinawa ou Busan, seront directement menacées par le H-20, que ce soit pour des frappes conventionnelles ou nucléaires. Dans un cas comme dans l’autre, les performances comparées avec le B-21, n’ont tout simplement aucun intérêt.

En outre, comme pour les destroyers et frégates chinois, la question du nombre, donc du prix, et des capacités industrielles attenantes, sera déterminante, pour déterminer l’influence qu’aura l’arrivée du H-20 au sein des forces aériennes chinoises, sur le rapport de force régional.

Bombardier naval H-6J
Si, au-delà des bombardiers stratégiques H-6N, le H-20 venait à remplacer les bombardiers navals H-6J, ceux-ci feraient peser une menace importante sur les capacités de manoeuvre de l’US Navy dans le Pacifique et l’Océan indien.

Ainsi, si Pékin ne construit qu’une centaine d’appareils, à des fins exclusivement de bombardement stratégique, pour remplacer, un à un, les H-6N assurant, aujourd’hui, cette mission, il est probable que cette influence sera toute relative, à la seule évolution technologique apportée.

Si, en revanche, l’APL se dote de 250 appareils, ou plus, notamment pour remplacer, en plus des H-6N, les H-6J d’attaque navale, l’arrivée de cet appareil à faible observabilité, sur le théâtre Pacifique, a le potentiel de sensiblement faire réduire le périmètre d’action des groupes de porte-avions de l’US Navy, potentiellement envoyés en soutien de Taïwan.

Conclusion

On le voit, en dépit des annonces faites par un officiel des services de renseignement du pentagone, il convient de prendre avec précaution les conclusions qui pourraient en être déduites, en particulier pour supposer d’un avantage opérationnel et stratégique des États-Unis face à la Chine.

H-20 illustration
Une des nombreuses vue d’artiste du H-20 chinois. En réalité, personne ne sait, aujourd’hui, à quoi ressemblera l’appareil, pas davantage dans la presse chinoise qu’en occident.

Le fait est, comme ce fut le cas, précédemment, avec les grandes unités de surface combattantes, et les avions de chasse chinois, celles-ci semblent empreintes d’un certain biais d’analyse, tendant à sous-estimer les capacités des équipements chinois, et surtout à en déduire des conséquences sur le rapport de force, contredites dans le temps, par les faits.

Paradoxalement, après avoir fait part de ses réserves sur les performances du H-20, le même officiel américain, a indiqué qu’il ne fallait surtout pas sous-estimer les capacités militaires et technologiques chinoises, ce qui pourrait conduire à de bien mauvaises surprises, en cas d’engagement.

Reste que ce qui ressort de cet épisode, plus qu’une évaluation du H-20, est le très faible niveau d’informations entourant le programme, et plus globalement, la plupart des grands programmes militaires chinois, depuis que Pékin a décidé d’opacifier le sujet, en 2019.

Il est très probable que les services de renseignement, américains ou autres, disposent de davantage d’informations sur ces programmes, que ceux disponibles dans le domaine public. Toutefois, il convient, certainement, de se montrer des plus prudents, quant aux conclusions que l’on peut tirer, concernant les programmes de défense chinois, eu égard à cette opacité.