Entré en service au début des années 2000, d’abord dans la Marine Nationale puis dans l’Armée de l’Air, le Rafale est aujourd’hui le fer de lance des forces aériennes françaises, et il le restera encore pour quelques décennies, plusieurs dizaines d’appareils restants à livrer, sans même parler des commandes supplémentaires à venir. Cette longévité, le Rafale la devra d’une part à la fin de la Guerre froide, qui a stoppé le rythme habituel de renouvellement des avions de combat, mais aussi et surtout à sa conception même, qui lui permet d’être mis à jour régulièrement, de manière incrémentale, sans modification structurelle majeure.
Depuis un an, l’Armée de l’Air et la Marine commencent ainsi à mettre à jour leur flotte de Rafale au standard F3R, qui comporte une nouvelle antenne radar active (RBE2 AESA) de Thales, le missile aérien à très longue portée METEOR ou encore la nacelle de désignation laser de nouvelle génération TALIOS, qui corrige enfin les gros défauts du pod Damocles pour les tirs à courte portée. En janvier 2019 cependant, alors même que les premiers Rafale F3R étaient livrés, la Ministre des Armées lance officiellement le développement d’un nouveau standard majeur du Rafale, le F4.

Alors que le standard F3R apportait surtout au Rafale de nouveaux capteurs principaux et une plus longue allonge en combat aérien, le standard F4 se focalisera sur des capacités physiquement plus subtiles, mais capables de révolutionner les opérations aériennes françaises : la numérisation du système d’arme, la connectivité et le combat collaboratif en réseau. L’objectif affiché est ainsi d’aller concurrencer le F-35 sur ses terres, en offrant des capacités de mise en réseau, de fusion de données et de connaissances de la situation tactiques similaire au chasseur américain. Mieux encore, la conception modulaire du Rafale et de son architecture informatique feront du standard F4 un système évolutif en soi. Concrètement, la nouvelle architecture numérique du F4 pourra servir de base pour une implantation aisée et rapide de nouvelles fonctionnalités et armements, ouvrant la porte à des mises à jour régulières de l’appareil et facilitant le développement de futurs standard F5 et F6.
Un double standard F4
Jusqu’à présent, la conception évolutive du Rafale faisait que tout appareil –à partir du standard F2– était capable d’évoluer simplement vers de nouveaux standards. Une fois ses logiciels et ses calculateurs mis à jour, un Rafale livré en standard F2 pouvait bien se voir équipé d’une antenne radar AESA et des DDM-NG (détecteur de départ missile) prélevés sur un Rafale F3R en réparation, par exemple. Afin de préparer l’évolution du combat aérien dans les deux prochaines décennies, il a été décidé par les industriels en charge du projet (Dassault Aviation, Thales et Safran) que les nouveaux avions livrés directement au standard F4 bénéficieraient d’améliorations physiques et de mesures conservatoires qu’il ne sera pas possible d’intégrer aux Rafale déjà livrés sans de lourdes et coûteuses modifications de la cellule.

Les nouveaux appareils seront ainsi livrés au standard F4.2, avec l’ensemble des modifications du F4 et les mesures conservatoires pour l’implantation future de nouveaux équipements. Il peut s’agir de simples ouvertures prévues dans le fuselage, de câblages spécifiques, de disposition pour l’installation d’antennes conformes ou encore d’antennes de guerre électronique plus larges. Les appareils actuellement en service seront modernisés au standard F4.1, avec l’ensemble des mises à jour logicielles et autant de modifications matérielles que possibles, dans la limite des volumes et dimensionnements existants.
Le standard F4 permettra ainsi d’améliorer la connectivité, les capacités d’engagement et le maintien en condition opérationnelle (MCO) de l’ensemble de la flotte, tout en permettant à une cinquantaine de cellules de pouvoir intégrer par la suite de nouveaux équipements qui restent encore à définir aujourd’hui.
Communication, connectivité et interface
Alors que le F-35 marque le nouveau standard OTAN en matière de communications et de liaisons de données, il était hors de question pour la France de se retrouver hors-jeu dans le cadre des opérations en coalition. Le standard F4 va ainsi permettre au Rafale de renouveler complétement ses moyens de communication, sans perdre pour autant ses capacités actuelles (L16, liaison Rover, etc.) :
- Les chasseurs seront équipés de la radio logicielle CONTACT (UHF/VHF) qui équipera également les unités de l’Armée de Terre et de la Marine et permettra le partage d’une image opérationnelle commune.
- En plus de la L16, les Rafale recevront une liaison de donnée tactique intra-patrouille sécurisée et directionnelle, à l’instar des systèmes équipant le F-22 ou le F-35.
- Les appareils pourraient recevoir une antenne SATCOM cryptée compatible avec les satellites Syracuse IV. Il n’est pas précisé si cette modification concernera les seuls F4.2 ou également les F4.1.
L’ensemble de ces communications seront gérées par un serveur dédié capable d’assurer le chiffrement mais également la protection cyber de toutes les données émises ou transitant par le Rafale. Sur le papier, cette nouvelle suite « com » offrira des possibilités inédites au Rafale. Il pourra agir comme relai de communication pour les troupes au sol, ou bien encore recevoir par satellite une mise à jour en temps réel de la situation tactique sur zone alors même qu’il n’a pas encore quitté l’espace aérien métropolitain. De manière général, que ce soit au sein d’une patrouille ou sur un théâtre d’opération, le pilote disposera d’une vision tactique inédite, complète et à jour, et de moyens de communication directs aussi bien avec les autres acteurs sur le terrain qu’avec les centres décisionnels de théâtre ou en métropole. On peut cependant regretter que des capacités de détection multistatique n’aient pas été intégrées sur F4, a priori pour des raisons de coûts et de délais, alors même que l’ensemble des briques technologiques l’autorisant (antennes AESA, liaisons de données intra-patrouille, puissance de calcul) seront disponibles.

La fusion de données étant déjà très avancée sur le Rafale, il a été choisi de ne pas modifier en profondeur l’interface du cockpit, qui recevra cependant des écrans plus grands et, potentiellement, un viseur de casque très attendu par les pilotes. On peut sans doute se féliciter de voir que Dassault et Thales n’ont pas souhaité suivre Lockheed Martin, SAAB ou Boeing dans la mise en œuvre d’une interface articulée autour d’un unique écran tactile. Si de tels systèmes sont très vendeurs sur une plaquette commerciale, leur pertinence au combat est tout de même questionnée par de nombreux ergonomes, certaines forces armées tendant à effectuer un retour en arrière sur ces questions.
Engagement : capteurs et armements
Pour booster les capacités d’engagement du Rafale au-delà de ce qu’apporte déjà le F3R, le standard F4 va surtout comporter des modifications logicielles du radar qui se voit doté d’un mode de détection et de poursuite de cibles terrestres mobiles (GMTI) ainsi que d’une résolution améliorée (ultra-HD) dans ses fonctions d’imagerie. Les calculateurs plus puissants du Rafale permettront d’affiner le traitement du signal et de mieux entrelacer les modes, rendant le Rafale encore plus efficace dans des environnements tactiques complexes. A la suite de demandes faites par les clients export du Rafale, notamment l’Inde, l’optronique intégrée du Rafale sera portée au standard OSF-NG et retrouvera alors une capacité de détection infrarouge IRST perdue avec le passage à l’OSF-IT. De quoi renforcer ses capacités de détections face à des avions furtifs, que le MICA-NG IR sera à même d’intercepter discrétement.
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