mercredi, décembre 3, 2025
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La République Tchèque veut acquérir 70 nouveaux chars Leopard 2A8

La République Tchèque sera donc le prochain client export de KMW avec 70 chars Leopard 2A8 allemands, un mois à peine après que ce modèle a été révélé sur la scène européenne.

Il y a tout juste plus d’un mois, la Bundeswehr annonçait la commande de 18 chars lourds Leopard 2 auprès de son constructeur Krauss-Maffei Wegmann, pour remplacer les 18 Leopard 2A6 envoyés en Ukraine pour soutenir l’effort de guerre de Kyiv. Si cette commande était attendue et même formulée depuis plusieurs semaines, elle n’en surprit pas moins le petit monde des spécialistes de blindés.

En effet, là où tout le monde attendait le Leopard 2A7+ dérivé du modèle vendu à la Hongrie quelques mois plus tôt, la Bundeswehr signifia sa prochaine acquisition d’une nouvelle version du char, le Leopard 2A8, un modèle conçu de manière discrète par KMW pour répondre aux évolutions des attentes du marché en grande partie conditionnées par les enseignements de la guerre en Ukraine. Cette commande fit l’effet d’une petite bombe en Allemagne comme sur le marché mondial des chars lourds.

Le A8 intègre en effet des évolutions attendues pour mettre le Leopard 2 au niveau de ses concurrents directs comme le K2 sud-coréen et éventuellement le KF-51 Panther de l’allemand Rheinmetall, dont la numérisation renforcée de l’ensemble des postes d’équipage, des systèmes optiques et optroniques évolués, ainsi que l’intégration native du système de protection hard-kill Eurotrophy, faisant du Leopard 2A8 le premier char européen en production à disposer en standard de ce type d’équipement.

Le prochain client des chars Leopard 2A8 de KMW pourraient être la Norvège, qui a sélectionné la version A7+ il y a quelques semaines face au K2 sud-coréen
Le Leopard 2A7 (à gauche) et le K2 Black Panther (à droite) ont fait jeu égal lors des essais en Norvège.

Visiblement, Berlin fondait déjà de grands espoirs sur le potentiel du Leopard 2A8 à séduire sur le marché export. En effet, il y a deux semaines, l’Armée allemande annonçait être prête à acquérir, en plus des 18 exemplaires déjà validés, 123 autres exemplaires en option.

Le calcul industriel du ministère de la Défense dans ce dossier se rapproche de celui fait quelques semaines plus tôt au sujet des véhicules de combat d’infanterie Puma, dont elle a commandé 200 exemplaires il y a 4 semaines, parmi lesquels 89 sont dédiés à former un tampon pour soutenir les exportations.

Sans qu’une telle hypothèse ait été avancée concernant les 123 A8 en option, il était probable que Berlin comme KMW entendaient appliquer ici une stratégie similaire, tout en conservant une certaine souplesse en ne s’engageant que sous la forme d’option.

De toute évidence, le pari allemand n’a pas tardé à payer. En effet, le 24 mai, les autorités tchèques ont annoncé, par voix de communiqué, avoir mandaté la ministre de la défense Jana Černochová, pour négocier avec KMW et Berlin l’acquisition de 70 nouveaux chars Leopard 2 dans la même version A8 que celle commandée par la Bundeswehr.

Selon le communiqué, Prague anticipe par cette négociation non seulement de disposer d’un char très performant à la pérennité garantie, mais également de profiter d’une réduction substantielle sur les couts d’acquisition en s’intégrant au processus mis en place par Berlin, et qui n’est pas sans rappeler, dans son fonctionnement, le fameux Foreign Military Sales américain qui permet aux alliés des Etats-Unis d’acquérir des matériels en service au sein des armées US aux « même prix et même standard » que pour le Pentagone.

nexter caesar 8X8 Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
La république Tchèque a commandé un total de 60 canons portés lourds CAESAR 8×8 auprès du français Nexter

Cette annonce de Prague s’intègre dans un effort global visant à moderniser les forces armées tchèques, avec l’annonce récente de l’acquisition de 246 véhicules de combat d’infanterie CV90 Mk IV suédois, mais également 60 canons portés lourds CAESAR en version 8×8, alors que le pays s’est également déclaré en faveur de l’acquisition du chasseur F-35 américain et que son effort de défense sera porté, dans les années à venir, au-delà de 2% de son PIB, contre 1,5% en 2023.

Prague n’est pas la seule capitale européenne à montrer de l’intérêt pour le nouveau modèle de KMW. En effet, la coalition au pouvoir aux Pays-bas, déjà pressentis comme un partenaire probable de Berlin dans ce dossier, a en effet annoncé son ambition de doter à nouveau l’Armée néerlandaise de chars de combat, sachant que celle-ci collabore aux niveaux organiques comme opérationnels avec la Bundeswehr depuis de nombreuses années.

finnish army cv90 infantry fighting vehicle 1 Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Prague a annoncé se tourner vers le CV90 Mk IV, comme son partenaire slovaque, pour remplacer ses VCI hérités de l’époque soviétique.

On peut donc penser, probablement comme l’espère Berlin, que le Leopard 2A8, et son successeur supposé, le Leopard 2AX qui devrait faire son apparition d’ici à 2 ou 3 ans aux dires de KMW, est aujourd’hui en mesure de rencontrer un franc succès en Europe, non seulement pour recomposer les capacités perdues par le manque de crédits ces dernières décennies ou remplacer les modèles obsolètes comme les T-72 hérités de l’époque soviétique en Europe de l’Est, mais également pour remplacer une partie des Leopard 2A4 encore en service dans de nombreuses armées.

Si une telle hypothèse viendrait donner raison aux industriels allemands qui l’anticipait déjà, il y a quelques mois, elle viendrait également menacer de nouveaux reports le programme franco-allemand MGCS, surtout si la Bundeswehr venait, elle aussi, à s’équiper de A8 ou de AX dans les années à venir de manière significative, alors que ces blindés auront une durée de vie opérationnelle probable supérieure à 30 ans.

Dans ce contexte, même l’échéance à 2045 avancée par la Bundeswehr et les industriels allemands il y a quelques semaines pour ce programme, et sur laquelle l’Armée de Terre semble désormais travailler pour étendre la durée de vie des Leclerc, serait probablement très optimiste, alors que le marché à cette date sera certainement saturé de blindés à mi-vie.

Leclerc11 Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Le devenir de la composante chars lourds de l’Armée de terre française est directement menacé par le succès commercial du Léopard 2A8 et de son éventuel successeur AX

De fait, si le succès en devenir du Leopard 2A8 fera sans le moindre doute le bonheur de Berlin et de ses industriels, il risque fort de poser des problèmes sans solution évidente à la France, voire de venir directement menacer un programme MGCS qui n’aurait alors plus guère de sens aujourd’hui avec une échéance reportée au-delà de 2050.

Dans ce dossier, on ne peut toutefois guère blâmer la position allemande, qui a su anticiper les évolutions du marché pour répondre à la menace posée notamment par le K2 sud-coréen sur son marché captif, mais plutôt le dogmatisme français qui est resté accroché à des échéances jugées de longue date comme irréalistes au sujet du MGCS, et qui a clairement manqué de vision dans ce dossier.

Programme MGCS : l’heure des mauvaises solutions se rapproche pour la France

Il n’y a de cela que quelques semaines, la planification française au sujet de sa flotte de chars de combat, demeurait ancrée sur un début des livraisons en 2035, visée par le programme franco-allemand Main Ground Combat System ou MGCS, qui devait permettre de remplacer les Leclerc français comme les Leopard 2 allemands à cette échéance.

Cette posture avait alors de quoi surprendre, et même inquiéter, puisque de nombreuses déclarations outre-Rhin semblaient faire état d’un probablement glissement du programme au-delà de 2040, et plus probablement de 2045.

Il y a tout juste un mois, l’acquisition par la Bundeswehr de 18 Leopard 2A8, une nouvelle version du char allemand, champion des exportations depuis le milieu des années 80, donna beaucoup de poids aux différentes déclarations allemandes au sujet du calendrier de MGCS, ceci amenant le Chef d’État-Major de l’Armée de terre, le général Pierre Schill, à envisager une possible extension de vie du Leclerc français pour atteindre cette échéance de 2045, lorsque interrogé par un député de la commission défense de l’Assemblée Nationale.

La menace du Leopard 2A8 sur le programme MGCS

Depuis cette annonce, il y a juste 2 semaines, le contexte entourant le programme MGCS a une nouvelle fois sensiblement évolué, puisque la République Tchèque a annoncé avoir mandaté sa ministre de la Défense pour acquérir 70 des nouveaux Leopard 2A8 allemands dans le cadre de la modernisation de ses armées.

En outre, plusieurs autres forces armées, notamment en Europe, avec les Pays-bas et probablement l’Italie, semblent également en lice pour acquérir le nouveau blindé de Krauss Maffei Wegmann.

Cette dynamique, pour peu qu’elle se prolonge et s’intensifie, risque fort, en effet, de bouleverser en profondeur le marché adressable export du programme MGCS lorsque le char entrera en service en 2045, tout en confortant KMW dans son ambition de concevoir une nouvelle version du char encore plus avancée, le Leopard 2AX, que l’on imagine aisément faire la synthèse du A8 et des avancées technologiques réalisées par Rheinmetall avec le KF51 Panther, ce dernier voyant les opportunités commerciales s’éloigner à mesure que les succès du Leopard 2 qui se multiplient.

Le programme MGCS est menacé par le KF-51 Panther de Rheinmetall
L’hypothèse d’une fusion des programmes Leopard 2 et KF51 pour donner naissance au Leopard 2AX, a du sens alors que le marché adressable par Rheinmetall avec le Panther tend à se réduire alors que le Leopard 2A8 progresse

Bien évidement, une telle hypothèse serait des plus problématique pour l’Armée de Terre, mais également pour Nexter et même pour le programme MGCS. En effet, si une nouvelle version hybride du Leopard 2 avec le Panther venait à émerger, il est probable que celle-ci rencontrerait un important succès sur la scène internationale.

Il s’agirait de remplacer les flottes de Leopard 2A4 encore en service, mais également en Allemagne, d’étendre le potentiel opérationnel de la Bundeswehr, et éventuellement remplacer ou moderniser les Leopard 2A6 actuellement en service vers ce standard bien plus performant.

Dès lors, même l’échéance de 2045 actuellement considérée viendrait à être menacée, puisque les nouveaux blindés livrés auront une durée de vie opérationnelle au moins égale à 30 ans, amenant l’échéance de leur remplacement au-delà de 2055.

Pour l’industrie allemande et la Bundeswehr, une telle évolution est neutre, et même positive puisqu’elle permet de se saisir à nouveau d’un marché de manière autonome avec des investissements réduits tout en conférant aux armées des matériels modernes et performants.

La France en position difficile

La situation est tout autre pour la France, qui risque fort de devoir faire face, dans des délais relativement courts, à des options concernant le devenir de sa flotte de chars comme de son industrie défense dédiée aux blindés lourds, dont aucune n’est satisfaisante, bien au contraire.

Au demeurant, ici, le Ministère des Armées comme l’Armée de Terre auront trois possibilités, prolonger les Leclerc, développer un nouveau char ou acheter un blindé sur étagère. Comme nous le verrons, chacun d’elle repose sur bien plus de contraintes que d’opportunités.

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Pour l’industrie allemande, un nouveau report de MGCS lié au succès du Leopard 2, ne serait certainement pas une mauvaise alternative

La première solution n’est autre que celle déjà envisagée par le général Schill concernant le report du programme MGCS de 2035 à 2045, à savoir l’extension de vie des Leclerc. Or, si l’hypothèse avait déjà fait plus que sourciller les spécialistes du sujet, lorsque évoquée par le CEMAT, elle n’a, pour ainsi dire, aucune chance de constituer une alternative efficace pour atteindre 2055 ou au-delà.

En effet, les blindés en service en France, peu nombreux, sont souvent sollicités, et donc éprouvés par 25 années de service. De fait, la prolongation de la flotte se fera non seulement au détriment de son efficacité, mais également de sa masse, l’attrition par usure exagérée venant éroder le parc de manière certaine au fil des années à venir.

En outre, les possibilités d’évolution du Leclerc sont limitées, sauf à procéder à une profonde refonte comme dans le cas du Leopard 2AX allemand ou du Challenger III britannique.

Non seulement l’hypothèse n’est pas satisfaisante pour les armées, mais elle ne l’est pas non plus du point de vue industriel et technologique. En effet, contrairement à KMW, Nexter n’a plus la possibilité de fabriquer des Leclerc aujourd’hui, et ne peut dès lors ni concevoir un char neuf modernisé basé sur ce modèle comme c’est le cas du Leopard 2A8, et encore moins l’exporter, de sorte à maintenir ses compétences et ses savoir-faire dans le domaine.

Dans ce contexte, en 2035/40, lorsque le programme MGCS pourrait être éventuellement relancé, Nexter pourrait bien avoir perdu de nombreux savoir-faire critiques dans ce domaine, alors que le parc visé par Paris ne justifiera probablement pas un partenariat comme aujourd’hui pour Berlin et les industriels allemands.

Dit autrement, la prolongation des Leclerc de l’Armée de Terre pourrait sonner le glas des capacités de l’industrie française à concevoir des chars de combat, et plus globalement, des blindés lourds chenillés.

MGCS Konzept 130 mm Turm ohne BEsatzung 211361 1 Rheinmetall Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Si le succès du Leopard 2A8/AX venait à se confirmer, il est probable que le programme MGCS devra être annulé, car la prochaine opportunité de marché pour un remplacement des chars lourds occidentaux n’interviendra pas avant 2055

Achat sur étagère ou programme intermédiaire

La situation est sensiblement la même dans l’hypothèse d’une acquisition sur étagère, par exemple du futur Leopard 2AX allemand. Certes, dans ce cas, l’Armée de terre disposera effectivement de chars modernes et neufs, pouvant aisément atteindre l’échéance de 2055, voire 2060, ce qui permettrait à la France et à l’Allemagne d’évoluer de concert sur le même calendrier opérationnel.

En revanche, comme précédemment, les industriels allemands n’auraient tout simplement aucun intérêt à collaborer avec une industrie française qui n’aura plus conçu de blindés lourds chenillés modernes, et plus spécifiquement de chars lourds, depuis plus de 40 ans, et aura donc sans le moindre doute perdu l’immense majorité de ses compétences dans ce domaine.

En outre, il convient de rappeler qu’un échec de MGCS aurait des conséquences dépassant largement ce seul programme, puisque coté allemand, il a toujours été clair que les programmes SCAF et MGCS étaient liés, notamment concernant le partage industriel entre la France et l’Allemagne.

La troisième et dernière alternative permettrait de résoudre les deux problèmes identifiés ici. En effet, en développant un char de génération intermédiaire français, non seulement l’Armée de Terre bénéficierait d’un équipement efficace, moderne et surtout, neuf, mais l’industrie de défense aurait l’activité requise pour maintenir et même accroitre ses compétences jusqu’à lé nouvelle échéance de MGCS.

Malheureusement, une telle solution, rapportée à un parc de 200 ou 250 chars, serait extraordinairement onéreuse, et viendrait nécessairement handicaper de nombreux programmes en cours ou à venir indispensables à la modernisation des armées françaises.

En outre, face au K2/K2PL coréen, au Leopard 2A8/AX allemand, au T-90M russe, au VT-4 chinois, ainsi qu’à l’Altay turc et au M1A2 américain et à son possible successeur, le marché adressable à l’exportation d’un tel char, qui ne serait disponible qu’au début de la prochaine décennie, sera des plus réduits.

tank k2 chernaya pantera 07 Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Le temps nécessaire au développement d’un nouveau char lourd français aboutera probablement à une disponibilité sur un marché en grande partie renouvelé et donc saturé

L’Armée de terre et Nexter menacés

Or, et c’est bien là tout le paradoxe mis en avant dans un récent article du spécialiste des blindés français marc Chassillan qui se veut volontairement provocateur, de tels investissements et contraintes budgétaires ne se justifient pas en France au regard de la composition de la flotte de blindés lourds de l’Armée de Terre, particulièrement réduite, et donc n’apportant qu’une plus-value de représentation alors que la plus-value opérationnelle, elle, est portée par d’autres capacités comme l’infanterie motorisée, les unités légères de l’Armée de Terre ou l’artillerie à longue portée.

De fait, tant que l’Armée de terre, dans sa planification, ne considèrera pas le char lourd comme une composante majeure de son action opérationnelle et visera donc une flotte plus imposante, consentir à de tels investissements n’aurait, dans ce contexte, tout simplement aucun sens.

On le voit, les scénarios qui se dessinent aujourd’hui pour l’Armée de terre et le Ministère des Armées, sont loin d’être satisfaisants. Une solution, au-delà de l’abandon industriel total et opérationnel partiel dans le domaine des chars lourds, pourrait reposer, comme nous l’avons déjà évoqué, sur la conception d’un blindé de combat dédié à la haute ou la très haute intensité, sans être un char lourd.

Ce char « moyen » braderait la protection offerte par le lourd blindage passif, au profit de celle offerte par la conjonction d’une grande mobilité, de systèmes de protection actifs, y compris hard-kill, et par des systèmes de camouflage multispectraux, répondant efficacement aux besoins, mais également à la doctrine de l’Armée de Terre.

Il permettrait en outre de maintenir et de développer les compétences industrielles et technologiques, et évoluant sur un marché export relativement vierge, comme le fit le CAESAR avant lui.

Canon Automoteur CAESAR francais en Irak Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
L’audace conceptuelle ayant donné naissance au CAESAR pourrait être reproduite pour concevoir un char moyen dédié à la très haute intensité pour l’Armée de terre

Reste qu’un tel projet ne serait pas, lui non plus, dénué de risques, en l’absence de données objectives sur sa possible efficacité au combat, mais également sans connaitre l’attractivité du blindé sur la scène internationale, les armées de tous les pays partageant une même valeur, le conservatisme.

Une décision du Ministère des Armées est nécessaire

On doit ainsi garder à l’esprit que le pourtant très original et prometteur Terminator BMPT russe, dans sa version 1 ou 2, n’a ni convaincu les armées russes elles-mêmes, ni les clients exports. En dehors d’une démonstration non équivoque des performances du blindé au combat, son potentiel export doit donc être considéré comme réduit, ce qui tend à en réduire l’intérêt.

Une chose est certaine, cependant. Si aucune des hypothèses n’est ici pleinement satisfaisante ni dénuée de risques et de couts, il sera toutefois indispensable d’en choisir une, car en l’absence d’une solution alternative au Main Ground Combat System préalablement préparée, la France n’a plus, aujourd’hui, la possibilité de peser sur le déroulement de ce dossier.

Dès lors, il ne s’agit probablement pas, ici, de choisir la solution la plus économique ni la plus performante militairement, mais la plus équilibrée, quitte à devoir prendre certains risques industriels comme opérationnels.

Nous verrons bien, et ce, dans un avenir relativement proche, à quel point les autorités françaises sauront résoudre cette difficile et pourtant inévitable équation.

Autonomie Stratégique Européenne : Pourquoi la Pologne peut-elle réussir là où la France a échoué ?

Dans un précédant article, nous abordions le nouveau statut de la Pologne sur la scène européenne, que ce soit au sein de l’OTAN comme de l’Union Européenne, au travers des ambitions affichées son ministre de la défense Mariusz Błaszczak concernant le prochain sommet de l’OTAN à Vilnius en juillet prochain.

Paradoxalement, après avoir longtemps laissé penser que la politique polonaise visait surtout à obtenir l’aval et la protection des Etats-Unis, les développements récents de la stratégie poursuivie par Varsovie montrent une réelle ambition pour amener les européens à assumer pleinement leur défense, tout au moins du point de vue conventionnel, en particulier face à la menace russe, comme l’a récemment souligné le ministre polonais Jacek Siewiera, chef du Bureau de la sécurité nationale.

Ainsi, lors de cette même interview données au site defense24.pl, le ministre polonais a confirmé qu’au delà de l’acquisition des 218 systèmes d’artillerie à longue portée K239 Chunmoo auprès de la Corée du Sud, les armées polonaises entendaient également acquérir 500 systèmes américains HIMARS ainsi que plusieurs milliers de missiles et roquettes, de sorte à pouvoir constituer sur le front oriental européen, un glacis de puissance de feu susceptible de neutraliser dans la profondeur toute menace venue de Russie.

De fait, la Pologne entend disposer, au delà de la moitié des chars lourds, du tiers des véhicules de combat d’infanterie et du quart des canons automoteurs de 155 mm déployés en Europe, de 85% de la puissance de feu à longue portée de l’OTAN sur le vieux continent, alors que le pays ne représente que 8% de la population et moins de 5% du PIB de l’Union Européenne.

M142 HIMARS Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
La Pologne veut acquérir 500 systèmes HIMARS en plus des 218 K239 déjà commandés. La France ambitionne d’acquérir 13 systèmes comparables au cours de la prochaine LPM.

Surtout, dans la même interview, Mariusz Błaszczak a donné plus de détails sur les ambitions polonaises, notamment en terme d’industrie de défense et de capacités de production locale, ainsi que sur le rôle que la Pologne devait jouer dans les années à venir pour durcir les capacités de défense européenne face à la menace russe.

Sans jamais digresser sur la notion d’autonomie stratégique européenne, le ministre polonais a pourtant décrit des objectifs qui s’en rapprochent beaucoup, notamment en visant à doter les européens de la capacité de se défendre, de manière conventionnelle, face à la menace russe, et ce sans devoir s’en remettre à la protection des Etats-Unis, tout en disposant des capacités industrielles et technologiques pour soutenir la compétition avec Moscou.

De fait, en de nombreux aspects, Varsovie semble poursuivre une politique dont la finalité se rapproche de cette objectif poursuivit par France depuis plusieurs années et notamment depuis l’arrivée du président Macron à l’Elysée, et dans une moindre mesure par l’Allemagne entre 2017 et 2020 lorsque les relations entre Berlin et le président Donald Trump étaient au plus mal, et qui aussi avait pour ambition d’amener l’Europe vers une plus grande autonomie stratégique.

Mais si les objectifs peuvent apparaitre convergents, la stratégie appliquée par Varsovie diffère radicalement de celle poursuivie par Paris et Berlin depuis plusieurs années, avec 4 divergences majeures susceptibles d’en faire un succès là où la France et l’Allemagne ont échoué jusqu’ici.

1- Un adversaire fédérateur pour l’autonomie stratégique européenne : la Russie

En premier lieu, Varsovie a construit sa stratégie politique pour faire face à un adversaire, et un seul, la Russie, qui aujourd’hui représente une menace universellement reconnue dans toute l’Europe depuis l’attaque contre l’Ukraine. Cette approche permet effectivement de construire un projet politique et défensif commun, si pas de manière uniforme, en tout cas de manière partagée, avec l’ensemble des pays européens, qu’ils appartiennent à l’UE, à l’OTAN, ou aux deux, à l’exception de la Hongrie qui, de toute évidence, tend à suivre une trajectoire propre.

A l’inverse, les justifications données par Paris pour amener à la construction de l’autonomie stratégique européenne, reposaient sur une certaine défiance vis-à-vis des Etats-Unis, mais également sur une vision beaucoup plus étendue de la menace pouvant toucher le vieux continent, notamment en Afrique, au Moyen-Orient ou en Méditerranée orientale.

ZApad Russian troops Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
La Pologne construit son discours fédérateur sur la menace russe partagée par tous les européens depuis février 2022

Or, pour de nombreux européens, ces menaces présentées par la France étaient très faiblement perçues, alors que les Etats-Unis jouissaient d’une aura de nation protectrice bien plus forte que ce n’est le cas dans l’opinion publique française.

Dit autrement, là ou la Pologne désigne un adversaire universellement reconnu comme une menace existentielle, la France proposait des justifications basées sur la compétition entre l’Europe et les autres grandes puissances mondiales, y compris les Etats-Unis, ainsi que pour contenir des menaces mal connues et mal comprises d’une majorité d’européens, tout en évitant d’ailleurs de designer la Russie comme une menace majeure telle que perçue par les européens de l’Est.

2- Un leader par l’exemple

En second lieu, la trajectoire présentée par Paris pour aboutir à l’autonomie stratégique européenne, repose avant tout sur une approche dogmatique, certains diront même idéalisée, de l’aboutissement de la construction européenne, permettant de conférer à l’Europe une identité internationale propre.

Cependant, même si les budgets consacrés à l’effort de défense français ont augmenté ces dernières années, les armées françaises demeurent à un format réduit, leur permettant au mieux de participer à un effort de défense collectif pour contrer une éventuelle agression conventionnelle russe, la France disposant, de son coté, d’une dissuasion autonome pour assurer sa propre protection le cas échéant.

Pour autant, bien souvent, la France revendiquait sur la scène internationale le statut de plus puissante armée européenne, et de fait un statut propre dans une éventuelle construction européenne dans ce domaine.

Leclerc AMX10RC Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
L’Armée de terre ne disposera que de 200 chars lourds jusqu’en 2040, peut être au delà, 1/6ème du parc polonais

La stratégie suivie par Varsovie est à l’opposée de celle de la France. Dépourvue de dissuasion, la Pologne investit aujourd’hui très massivement dans le développement d’une très puissante force armée conventionnelle terrestre, capable de contenir la menace russe et donc de dissuader toute ambition agressive de la part de Moscou.

Pour y parvenir, Varsovie va consacrer, dans les années à venir, 4% de son PIB à son effort de défense, 2 fois plus que Paris ou que Berlin, et même davantage que les Etats-Unis. Dans le même temps, les armées polonaises vont sensiblement accroitre leur format, en recrutant massivement notamment grâce à une modification des procédures de recrutement pour les carrières militaires d’active comme de réserve.

De fait, toute la Pologne et les polonais, participent à cet effort de défense collectif au profit de l’Europe, sans attendre que d’autres acteurs européens ou outre-atlantiques abondent dans cette initiative. En d’autres termes, là ou la France a tenté pendant des années de faire naitre une initiative en Europe, la Pologne prend les devants et avance pour y parvenir, qu’elle soit ou non suivie par les européens eux-mêmes.

3- Une alternative à la protection US conventionnelle

Et de fait, la réalité de la puissance militaire polonaise en devenir sera très différente de celle poursuivie par la France, en dehors des aspects de dissuasion. Comme l’a précisé le ministre de la défense polonais, la Pologne passe aujourd’hui du statut de nation européenne à protéger, à celle de nation protectrice vis-à-vis de la Russie.

Pour y parvenir, les armées polonaises vont dès lors disposer d’une puissance mécanisée conventionnelle probablement suffisante pour neutraliser, à elles seules, la menace russe, en s’appuyer sur des unités disposant de matériels modernes et bien équipés, et d’une extraordinaire puissance de feu.

Ainsi, les 820 chars K2PL qui seront construits en Pologne, seront tous dotés d’un système de communication et de commandement évolué mais également des systèmes de protection actif hard-kill qui font lourdement défaut aux Leclerc français en cours de modernisation, tout comme une partie des véhicules de combat d’infanterie.

L’artillerie polonaise, quant à elle, sera tout simplement sans équivalent, avec prés de 700 canons automoteurs sous blindage de 155mm à canon long épaulés par des véhicules conçus spécifiquement pour les réarmer très rapidement, alors que les unités polonaises disposeront d’une défense anti-aérienne multicouche unique en Europe.

K2 tout terrain Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Les K2PL qui seront assemblés en Pologne seront tous équipés d’un système de protection hardkill

Ces dernières semaines, Varsovie a également montré de grandes ambitions pour se doter d’une force aérienne de premier plan, en négociant avec Séoul sa participation au programme K21 Boramae mais également l’acquisition d’appareils de veille aérienne suédois GlobalEye et d’avions ravitailleur.

De fait, les forces aériennes polonaises pourraient disposer, dans les années à venir, non seulement de chasseurs performants comme le F16 Block 60, le F-35A et le KF21, mais également des appareils de soutien indispensables à leur mise en oeuvre de manière autonome, une capacité détenue par très peu de forces aériennes en Europe.

Même dans le domaine naval, la Pologne semble afficher de grandes ambitions, au delà des 3 frégates du programme Espadon, en relançant le programme ORCA pour l’acquisition de sous-marins d’attaque à relativement courts termes.

Dans ces conditions, et si ces programmes sont menés à leur terme, les armées polonaises auront non seulement la capacité à contenir la menace russe, mais également, au besoin, de protéger les alliés de Varsovie contre cette menace, sans qu’il leur soit nécessaire de s’en remettre à la protection américaine en dehors des aspects stratégiques.

Non seulement Varsovie pourra revendiquer une position de leader de fait en matière de défense européenne, mais elle s’en donne les moyens, en devenant, à terme, une alternative à la protection conventionnelle US, ces derniers étant très probablement amenés se désengager d’Europe dans les années à venir pour concentrer leurs forces dans le Pacifique face à la Chine.

4- Le soutien des Etats-Unis

Dès lors, alors que pour Paris, l’émergence de l’autonomie stratégique européenne permettait de se défaire d’une partie du contrôle américain exercé sur la politique européenne internationale et de défense, pour Varsovie, ce contrôle américain devient tout simplement inutile et superfétatoire, sans que jamais la posture polonaise ou européenne n’ait été antagoniste vis-à-vis des Etats-Unis.

Au contraire, la trajectoire poursuivie par la Pologne offre à Washington une parfaite porte de sortie pour concentrer leurs moyens face à la Chine et pour se décharger, du point de vue conventionnelle, sur les européens pour contenir la menace russe.

Paradoxalement, même si Varsovie s’est ouvertement tournée vers Séoul pour de nombreux contrats majeurs d’armement, cela n’a pas, non plus, entrainé de réactions hostiles des Etats-Unis, ces derniers étant probablement soulagés de pouvoir déléguer à la Corée du sud une partie du renforcement capacitaire européen alors que sa propre industrie de défense doit déjà reconstituer les forces américaines en priorité.

biden poland Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Les Etats-Unis semblent particulièrement enclins à soutenir la construction militaire polonaise, même si celle-ci s’est tournée vers Séoul pour de nombreux programmes majeurs d’armement

Dans ces conditions, alors que la vision de l’autonomie stratégique européenne proposée par Paris, mais également par Berlin lorsque Donald Trump était président, provoquait de franches tensions aussi bien outre-atlantique qu’en Europe, la trajectoire poursuivie par Varsovie répond probablement parfaitement aux attentes de Washington, qui montre de réelles dispositions à soutenir la Pologne dans ce domaine.

Ce soutien américain influençant également de nombreux pays européens, eux aussi attachés aux relations transatlantiques et à la protection stratégique américaine, il en accroit donc l’efficacité auprès des européens eux-mêmes.

Conclusion

On le voit, la stratégie appliquée par la Pologne, si elle ne vise pas ouvertement à atteindre l’autonomie stratégique européenne, en revêt de nombreux attributs, et la même finalité. Surtout, elle diverge radicalement en plusieurs points de celle poursuivie sans succès par la France ces dernières années, de sorte qu’elle pourrait bien parvenir à faire émerger cette autonomie stratégique, et ce de manière bien plus souple et consensuelle que ne pouvait espérer le faire Paris.

Reste qu’il reste encore de nombreux obstacles à franchir pour amener les européens à assumer leur propre défense sans s’en remettre aux Etats-unis pour cela, au moins dans le domaine conventionnel. En premier lieu, Varsovie va devoir effectivement mettre en oeuvre ces ambitions jusqu’à leur terme, condition indispensable pour obtenir le crédit nécessaire auprès des européens pour accepter de réviser leur posture, alors même que les prochaines élections législatives polonaises de cet automne pourraient redessiner le paysage politique du pays, et donc la perception des impératifs d’investissements publics dans le pays.

Merkel macron defense Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
La vision de l’autonomie stratégique européenne soutenue par E.Macron et A.Merkel en 2017 était beaucoup plus dogmatique que ne l’est l’approche programmatique polonaise aujourd’hui

En second lieu, s’il est probable que Varsovie parviendra à fédérer les européens de l’Est, on peut s’attendre à ce que plusieurs chancelleries de l’ouest ne gouteront pas la perte d’influence consécutive de la montée en puissance polonaise, et tenteront donc d’en réduire les effets.

Enfin, cette stratégie qui s’étend probablement sur une décennie, devra résister aux bouleversements géopolitiques et politiques qui ne manqueront pas d’intervenir d’ici là, et qui pourraient potentiellement dessiner un paysage stratégique profondément différent venant faire dérailler les ambitions polonaises.

Reste que la stratégie polonaise aujourd’hui met également en évidence les faiblesses de la stratégie appliquée par la France dans ce domaine depuis plusieurs années, alors que l’émergence de l’autonomie stratégique européenne a été au coeur de la politique européenne du pays depuis 2017, et qu’elle a influencé plusieurs choix stratégiques français ces dernières années, comme la prédominance des programmes européens dans les grands programmes de défense en cours pour les armées françaises.

La Pologne veut exclure les investissements de défense du décompte du déficit public au sein de l’Union Européenne

Engagée dans un effort de défense sans précédant, la Pologne veut faire pression sur l’Union Européenne pour les investissements de défense ne soient plus pris en compte dans le calcul du déficit public.

Les 11 et 12 juillet se tiendra à Vilnius, en Lituanie, le prochain sommet de l’OTAN qui sera, comme on peut s’y attendre, largement consacré au soutien apporté par les membres de l’Alliance à l’Ukraine, ainsi qu’à la modernisation et au renforcement de la posture défensive face à la menace Russe.

Si, lors des sommets précédents, les Etats-Unis et les pays d’Europe de l’ouest avaient surtout voix au chapitre, les européens de l’Est, aujourd’hui, sont en position de force, notamment du fait de leur rôle clé dans le contrôle direct de la Russie, mais également par le soutien qu’ils ont apporté jusqu’ici à l’Ukraine.

Parmi eux, la Pologne fait office non seulement de porte-voix, mais désormais de représentant jouant à parité avec les nations européennes les mieux dotées comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France, du fait d’un effort sans précédant et sans équivalent pour se doter d’un outil de défense capable de contenir la menace russe.

Dans une interview donnée au site Defense24.pl, le désormais bien connu ministre de la défense polonais Mariusz Błaszczak, a précisé les ambitions que Varsovie entend porter lors de ce sommet, de sorte à répondre à l’évolution de la menace.

Si l’essentiel de l’interview porte sur les mesures prises en Pologne pour renforcer les armées, que ce soit en terme d’acquisition de matériels, de partenariats industriels mais également de recrutement et de montée en puissance de la réserve, le ministre a également présenté deux mesures qu’il entend proposer lors du sommet : amener le plancher des investissements de défense à 2,5% du PIB contre 2% aujourd’hui, et surtout obtenir de l’Union Européenne qu’elle ne décompte pas, au moins pour un temps, les dépenses de défense du calcul du déficit public des pays membres.

K2 Black Panther PL 01 Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Avec 1000 chars K2/K2PL et 250 M1A2 Abrams commandés, les armées polonaises aligneront prés de la moitié des chars lourds déployés en Europe au sein de l’OTAN

Pour soutenir ces mesures, et contrairement par exemple à la posture française qui, depuis des années, est essentiellement déclarative, la Pologne entend mettre en avant son propre exemple, le pays ayant entrepris d’amener son propre budget à 4% de son PIB, le plus important effort de défense de l’alliance, avec un niveau qui n’avait pas été atteint depuis la Guerre Froide.

Pour autant, Varsovie est parfaitement consciente que sa propre situation économique, avec un endettement inférieur à 50% du PIB, lui autorise certaines latitudes inaccessibles à beaucoup d’autres pays européens dont l’endettement est plus de 2 fois plus élevé, en particulier après la crise Covid.

En outre, le pays utilise encore le Zloty comme monnaie nationale, et se retrouve, de fait, moins touché par les contraintes européennes en manière de respect des déficits, le pays ayant en 2022 un déficit public de 26 Md$ soit 3,5% de son PIB et surtout sensiblement le même montant que ses investissements de défense (22,3 Md$).

De fait, Varsovie plaide ici naturellement pour sa propre paroisse, puisque pour rejoindre la zone Euro, le pays doit respecter les critères de Maastricht et donc un déficit public inférieur à 3%. Mais il ne fait aucun doute que ces deux propositions pourraient séduire de nombreuses chancelleries européennes, bien au delà des seuls pays d’Europe de l’Est.

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Varsovie a récemment annoncé la commande de 96 hélicoptères de combat AH-64E pour épauler ses forces mécanisées

En effet, et contrairement aux demandes de même type qu’avait pu formuler la France en son temps, la Pologne est aujourd’hui en situation de force, aussi bien au sein de l’OTAN que de l’UE, notamment du fait qu’elle amènera, quel que soit l’arbitrage de Bruxelles, son budget défense à 4% de son PIB et donc son déficit public sensiblement au même niveau, tout en jouant un rôle central dans le contrôle de la menace conventionnelle posée par l’éventuelle reconstruction des armées russes à venir.

Et si les deux mesures proposées par Varsovie hérisseront probablement certains adeptes de la rigueur budgétaire, comme l’Autriche, les Pays-Bas ou la Suède, Varsovie pourra sans le moindre doute fédérer beaucoup de pays d’Europe de l’Est, mais également certains pays d’Europe occidentale (France, Italie, Espagne..) et du Sud (Grèce) qui peinent à faire progresser leurs investissements de défense, pour amener Bruxelles à infléchir sa politique économique et monétaire, au moins pour un temps.

Ces objectifs portés par Mariusz Błaszczak lors du prochain sommet de l’OTAN, montrent également que désormais, Varsovie entend jouer les premiers rôles en Europe, que ce soit au sein de l’OTAN comme de l’UE, en passant du statut de nation protégée à celui de nation protectrice, en particulier pour ses voisins d’Europe de l’Est et du Nord, ainsi que celui de pivot de la défense européenne face à la Russie, en développant une politique de défense bien différente de ce qu’elle était il n’y a de cela que quelques années, quand Varsovie espérait surtout amener les Etats-Unis à déployer plus de forces sur son sol.

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Outre les 370 chars lourds PT92 et T72 transmis à l’Ukraine depuis le début du conflit, la Pologne est également le pays ayant accueilli le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens, plus de 1,5 millions selon les derniers chiffres officiellement publiés

Une chose est certaine, si la politique polonaise d’acquisition d’équipements et de renforcement des forces armées pouvait sembler répondre avant tout à des objectifs de politique intérieure il y a quelques mois, elle est devenue, aujourd’hui, le pilier d’une stratégie non seulement défensive mais également d’influence internationale et européenne, et repose en bien des aspects, sur une approche beaucoup plus autonome et indépendante qu’elle n’était perçue jusqu’ici, y compris vis-à-vis des Etats-Unis.

En d’autres termes, en prenant l’initiative de construire un outil militaire dimensionné pour contenir la menace russe, et adossée sur d’ambitieux accords industriels et technologiques pour faire monter en puissance sa propre base industrielle et technologique défense, Varsovie construit, par l’exemple et de manière autonome, l’autonomie stratégique européenne bien plus surement que la France et l’Allemagne n’y sont jamais parvenus jusqu’ici.

Et en usant de cette nouvelle influence européenne pour amener l’OTAN à faire évoluer le plancher d’investissement de défense, et l’Union Européenne à mettre en oeuvre de nouvelles règles budgétaires pour faciliter cet objectif, les autorités polonaises prennent effectivement la pleine mesure, mais également le plein potentiel, que ce nouveau statut lui confère, d’autant que Varsovie pourra probablement compter sur le soutien des Etats-Unis qui, de manière évidente, poussent aujourd’hui les Européens à plus d’autonomie face à la Russie, comme le montre parfaitement la posture de Washington dans le dossier des livraisons de chars puis d’avions de combat à Kyiv. Reste à voir à quel point cette influence sera suffisante pour faire plier les conservatismes européens dans ces domaines.

L’Arménie menace de quitter l’Organisation du Traité de Sécurité Collective dirigée par Moscou

S’exprimant en amont d’une rencontre prévue avec son homologue d’Azerbaïdjan Ilham Aliyev qui doit se tenir à Moscou ce jeudi, le premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, vient de lâcher une bombe diplomatique dans le prè carré du Kremlin, l’Organisation du Traité de Sécurité Collective. Créée en 2002 pour rassembler certaines ex-républiques soviétiques autour de la Russie en matière de politique étrangère dans le cadre de la CEI, l’OTSC repose sur un traité de défense intégrant notamment une défense anti-aérienne étendue, un état-major unifié, ainsi que des forces d’intervention rapides supposées intervenir en soutien d’un de ses membres si celui-ci venait à être attaqué.

L’OTSC regroupe aujourd’hui autour de la Russie, la Bielorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Arménie, alors que l’Azerbaïdjan, la Georgie, la Moldavie et l’Ukraine appartiennent à un une organisation que l’on peut qualifier d’antagoniste désignée GUAM, qui ne comprend cependant pas de volet militaire. Lors de l’offensive azéri contre le haut-karabakh sous contrôle Arménien, Moscou a refusé d’intervenir aux cotés d’Erevan, précisant que les territoires contestés n’étaient pas arméniens à proprement parlés. Il fallut qu’un hélicoptère de combat russe soit abattu par un missile azéri pour que Moscou hausse le ton et mette un terme à ce conflit.

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les forces arméniennes ont subi de lourdes pertes face aux armées arméniennes lors de la seconde guerre du Haut Karabakh

Bien évidemment, le manque de soutien de Moscou fut très mal accueilli par la population arménienne tout comme par sa classe politique, d’autant que la Russie a poursuivi depuis une posture se voulant neutre entre les deux belligérants, alors que les tensions demeurent très élevées le long de la ligne de contact. Paradoxalement, alors qu’Erevan est lié militairement à Moscou par une alliance, ce sont les Etats-Unis et les Européens qui sont, ces derniers mois, le plus intervenus aux cotés de l’Arménie pour dissuader Baku, comme son allié turc, de pousser leur avantage militaire dans le haut-Karabakh et au delà.

C’est précisément ce point qui est mis en avant par le premier ministre lors d’une conférence tenue hier. « Nous avons commencé à discuter des questions de sécurité avec nos partenaires occidentaux parce que nous voyons que le système de sécurité de la région ne fonctionne pas » a t’il précisé, et d’ajouter « Je n’exclus pas que l’Arménie prenne la décision de se retirer de l’OTSC ». Bien évidemment, l’objectif de ces déclarations est avant tout de faire peser une forte pression sur Moscou afin de durcir son soutien à Erevan face à Bakou, sachant qu’une défection de l’OTSC aujourd’hui constituerait un sévère camouflet international pour le Kremlin, alors que d’autres pays du Caucase, notamment le Kazakhstan, semblent eux aussi prêts à franchir le pas, pour cette fois se rapprocher de Pékin.

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Les forces russes présentes en Arménie ne se sont déployées qu’une fois qu’un hélicoptère de combat russe ait été abattu par la défense anti-aérienne azéri

Pour autant, la porte est désormais ouverte, notamment auprès des occidentaux, pour une éventuelle rupture de ban de la part de l’Arménie, pouvant potentiellement mener à l’étiolement de l’OTSC et donc à un affaiblissement sensible de la Russie sur la scène internationale, et notamment sans son environnement proche. D’une certaine manière, par cette déclaration, Nikol Pashinyan entend mettre son allégeance aux enchères, dans le but de sécuriser son pays face à un adversaire 4 fois plus peuplé et 3,5 fois plus riche. Si la méthode manque probablement d’élégance, elle a le mérite d’être claire, et conditionnée par un impératif sécuritaire incontournable.

Pour les pays baltes, la menace demeure intense en dépit des lourdes pertes subies par les armées russes en Ukraine

En amont de l’intervention russe en Ukraine, bien peu, en Europe occidentale, n’étaient prêt à donner du crédit aux inquiétudes formulées depuis plusieurs années par les états frontaliers de la Russie ou de la Biélorussie, et notamment des Etats baltes. A cette époque, la plupart des pays d’Europe occidentale considéraient en effet que ces mises en garde de la part de Tallin, Vilnius, Riga ou Varsovie, étaient excessives, et répondaient surtout sur un sentiment issu de la mémoire collective de l’opinion publique dans ces pays ayant connu l’Union Soviétique ou le Pacte de Varsovie. A partir du 24 février 2022, le ton a, naturellement, radicalement changé.

A l’occasion d’une réunion des ministres de la défense baltes participant à la réunion du Groupe du Nord, rassemblant les pays de l’Union Européenne et de l’OTAN bordant la Mer du Nord (Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas, Norvège, Islande et Danemark) et les pays bordant la Mer baltique (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Suède et Finlande), qui s’est tenue dans la ville polonaise de Legionów près de Varsovie hier, les ministres de la défense letton et estonien ont tenu à appeler leurs homologues de l’OTAN à ne pas baisser la garde contre Moscou, et surtout à ne pas considérer que la Russie a perdu son potentiel de nuisance du fait des lourdes pertes enregistrées par les armées russes en Ukraine.

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Estonie et Lettonie ne font pas qu’appeler à plus de vigilance de la part des européens. Ils investissent également massivement dans leur défense, notamment par l’acquisition de systèmes anti-aériens IRIS-T SLM

En effet, selon Tuuli Duneton, sous-secrétaire à la politique de défense au ministère estonien de la Défense s’exprimant à l’occasion de cette réunion, il ne faudrait aux armées russes que deux années pour reconstituer un potentiel militaire suffisant pour venir menacer les pays de l’OTAN, et notamment les pays Baltes, alors que Moscou dispose toujours d’importantes capacités en matière de guerre hybride ou de forces nucléaires pour tenter de briser la cohésion occidentale et le soutien européen à l’Ukraine. Pour Ināra Mūrniece, ministre de la Défense de Lettonie, il est très prématuré de considérer que la Russie est aujourd’hui à ce point affaiblie et incapable d’actions militaires stratégiques susceptibles de surprendre les Européens.

Les déclarations des ministres baltes interviennent alors que beaucoup de pays européens présentent leurs plans pour reconstituer leurs forces armées afin de faire face à l’évolution des menaces internationales. Or, comme c’est le cas pour la France mais également pour l’Allemagne, l’Italie ou la Grande-Bretagne, les efforts à venir en matière de programmation militaire ne portent que peu sur la reconstitution de forces terrestres capables de dissuader Moscou, alors que pour Paris comme pour Londres et Berlin, les délais nécessaires à la Russie pour reconstituer une force armée susceptible de représenter une menace pour l’OTAN permettent de concentrer les efforts sur d’autres domaines, tout aussi critiques, comme le renseignement, le cyber, le spatial ou le naval.

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L’OTAN déploie en permanence dans chaque Pays Balte un bataillon multinational assurant une puissante dissuasion face à d’éventuelles ambitions russes

On devine, au travers des mots de Tuuli Duneton et d’Ināra Mūrniece, que les pays baltes redoutent que les européens de l’ouest ne commettent, à nouveau, la même erreur que celle qui précéda l’offensive russe en Ukraine, en se persuadant que les décisions du Kremlin seront rationnelles, et en sous-estimant le potentiel de persuasion de Moscou notamment auprès d’une partie des opinions publiques européennes. Pour autant, et si la menace hybride et le recours au chantage nucléaire par Moscou ne sont certainement pas à négliger, l’annonce faite d’un retour de la menace russe aux frontières de l’OTAN d’ici 2 ans, semble quelque peu exagérée.

En effet, même en tenant compte des efforts industriels réalisés en Russie ces derniers mois, de nombreuses informations convergentes indiquent que l’industrie de défense russe peine à trouver mais aussi à fidéliser la main d’oeuvre nécessaire pour soutenir les cadences de production escomptées. Surtout, il faudra certainement plusieurs années aux armées russes pour reconstituer une structure solide en matière d’encadrement. Reste que même s’il faudra certainement plus de deux ans aux armées russes pour reconstituer un potentiel militaire suffisant pour venir menacer les frontières de l’OTAN, les déclarations faites à Legionów tendent à mettre en évidence une réelle anxiété de la part des voisins directs de la Russie, qu’il convient pour les européens de l’Ouest de prendre en considération, afin de garantir l’unité et la cohésion du bloc occidental face à un adversaire qui a montré jusqu’ou pouvait aller sa determination.

La Pologne négocie l’acquisition d’avions d’alerte aérienne avancée Saab suédois

On le savait, la Pologne a entreprit, depuis quelques années, de construire une formidable puissance militaire conventionnelle terrestre, forte de 6 divisions mécanisées et alignant, entre autres choses, 1250 chars lourds modernes, 1600 véhicules de combat d’infanterie, 700 canons automoteurs de 155 mm ou encore 500 lance-roquettes multiples. Il semblerait que Varsovie ait également pour ambition de se doter d’une force aérienne de premier plan, au travers de l’acquisition de 32 chasseurs F-35A, de 48 chasseurs légers FA-50 et en ouvrant les discussions avec Séoul au sujet d’une possible participation dans le programme KF-21 Boramae.

Mais au delà de sa flotte de chasse, Varsovie entend également se doter d’une puissante flotte de soutien, qui se caractérise par deux programmes en cours, l’un concernant l’acquisition d’avions ravitailleurs, l’autre, et c’est une nouveauté, qui porterait sur l’acquisition d’avions d’alerte aérienne avancée suédois auprès du constructeur Saab. C’est en tout cas ce qu’il ressort des déclarations du ministre de la défense polonais, Mariusz Błaszczak, à la sortie de la dernière réunion des ministres de la défense du Groupe du Nord, un format initié par Londres qui rassemblent les pays de l’UE et de l’OTAN bordant la Baltique et la Mer du Nord.

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Varsovie a entamé des négociations avec Séoul pour rejoindre le programme KF-21 Boramae

Selon le ministre polonais, celui-ci se serait entretenu avec son homologue suédois, Pale Jonson, au sujet de cette acquisition, alors que selon ses dires, les discussions dans ce domaine seraient « très avancées ». Pour l’heure, aucune information détaillée sur le sujet n’a filtré, ni le nombre d’appareils concernés, ni le calendrier prévu et bien évidement rien au sujet du budget. Pour autant, en ouvrant de telles discussions, Varsovie montre qu’elle entend disposer non seulement d’une puissante force aérienne, mais également des capacités à la mettre en oeuvre de manière autonome.

En effet, à ce jour, très peu de pays disposent d’appareils de ce type, capable de surveiller d’importantes portion de ciel et de détecter tous les appareils y évoluant, notamment ceux qui volent à très basse altitude pour éviter la détection des radars terrestres. A l’exception de la Suède qui assure encore seule la défense de son espace aérien, et qui met en oeuvre 2 Saab 340 AEW bientôt remplacés par 2 GlobalEye pour cette mission, seules l’Italie (2 Gulstream G550 AEW), la Grèce (4 E-99 Embraer), la Grande-Bretagne (3 E-7 Wedgetail à livrer) et la France (4 E-3F Sentry) disposent d’Awacs, les autres pays européens se reposant sur les 14 E-3 Sentry mis en oeuvre dans le cadre de l’OTAN pour surveiller le ciel aérien.

L’offre suédoise se compose de deux systèmes. Le système GlobalEye se compose d’un radar Erieye ER pour la surveillance aérienne, d’un radar à synthèse d’ouverture Seaspray 7500E pour la surveillance maritime, ainsi que de senseurs électro-optiques et infrarouges capables de surveiller l’espace dans un rayon de 450 km à 30.000 pieds, et jusqu’à 550 km si l’appareil évolue à 35.000 pieds. Les systèmes sont montés sur un avion d’affaire Bombardier CS6000 capable d’assurer une surveillance pendant 11 heures à une vitesse de croisière de Mach 0.85, et dotés d’une puissante suite de communication, notamment satellite, pour coordonner les appareils assurant la défense du ciel ou les forces navales.

Le second système, actuellement en service au sein des forces aériennes suédoises, est le Saab 340 AEW. Basé sur le Saab 340, un appareil court courrier bi-turboproluseurs aux performances considérablement plus réduites que le CS6000, il emporte toutefois lui aussi le rader Erieye dans sa version initiale. Il est surtout beaucoup plus économique, et selon certaines informations, c’est cette version pourtant relativement datée qui serait privilégiée par Varsovie.

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En dehors des Etats-Unis, la France est le seul pays de l’OTAN a disposer de ses propres E-3 Sentry, mis en oeuvre notamment dans le cadre de la dissuasion et des opérations extérieures

Reste que la décision polonaise a de quoi surprendre. En effet, en dehors de la Suède qui devait assurer seule la surveillance de son espace aérien (et celui de son voisin finlandais), le pays n’étant pas protégé par l’OTAN, et de la Grèce qui anticipe un possible affrontement avec la Turquie, membre de l’OTAN, les autres forces aériennes les mettant en oeuvre ont un besoin spécifique en matière de projection de puissance et/ou de dissuasion justifiant d’une capacité autonome. A ce titre, même la Luftwaffe qui pourtant dispose de prés de 160 avions de combat, n’a pas jugé nécessaire de s’équiper d’avions Awacs, s’adossant sur l’OTAN pour cette capacité.

N’ayant ni force de dissuasion autonome, ni de capacités ou ambitions de projection de puissance, et étant membre de l’OTAN, l’acquisition de ces appareils par Varsovie apparait donc comme une anomalie, comme c’est le cas de l’acquisition de 2 satellites d’observation annoncée en décembre 2022, sauf à considérer que les autorités polonaises n’ont qu’une confiance relative en l’OTAN pour assurer sa propre protection le cas échéant, ce qui, au passage, justifierait les efforts de défense colossaux que le pays va devoir consentir dans les années à venir.

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L’OTAN met en oeuvre 14 E-3 Sentry pour assurer la surveillance du ciel européen

Il est vrai que par son histoire, mais également au regard du soutien européen apporté à l’Ukraine depuis le début du conflit (la Pologne ayant livré plus de la moitié des chars et la plupart des avions de combat transmis à Kyiv jusqu’ici), on peut comprendre que les autorités polonaises, et plus globalement son opinion publique, entendent ne plus dépendre des promesses de leurs alliés pour faire face à la menace russe. Il peut également s’agir d’un simple calcul de politique intérieur visant à flatter la fibre nationaliste du pays. A moins, évidement, que le sujet soit moins tranché, et repose sur plusieurs facteurs amenant le pays à considérer, comme la France, qu’il doit être en mesure d’assurer sa propre défense pour garantir sa sécurité.

L’US Air Force ne veut pas reproduire les erreurs du programme F-35 avec le programme NGAD

Selon le secrétaire à l’US Air Force, Frank Kendall, il est indispensable d’éviter, avec le programme NGAD, les mêmes erreurs qui ont handicapé le programme F-35. Mais cela pourrait être bien plus difficile à faire qu’à dire, au regard de l’organisation de l’industrie de défense outre-atlantique.

Dans une interview donnée à CBS news, l’ancien négociateur en chef des programmes d’armement du Pentagone et ancien vice-président de Raytheon, Shay Assad, dresse un constat au vitriol des pratiques de facturation appliquées par les géants de l’industrie de défense américaine.

Selon lui, à la suite de la réorganisation industrielle de 1993 ayant permis de fusionner la cinquantaine d’entreprises majeures de la Base Industrielle et Technologique de Défense ou BITD, américaine en cinq grands groupes qui aujourd’hui s’avèrent être les cinq plus grandes entreprises mondiales de ce domaine (dans l’ordre Lockheed-Martin, Raytheon, Boeing, Northrop Grumman et General Dynamics), le Pentagone a créé une situation de monopole pour chacun des équipements produits, amenant à une explosion des prix facturés par ces entreprises.

Ainsi, selon Shay Assad, en 1990, un missile Stinger coutait 25.000 $ à l’US Army, alors que Raytheon facture désormais 400.000 $ par missile. Même en tenant compte de l’inflation et des avancées technologiques entre les versions de missiles, le prix a été multiplié par 7.

Autre exemple cité en référence par celui qui se désigne désormais lui-même comme « le pire ennemi de l’industrie de défense US », un distributeur d’huile, acheté jusqu’, il y a peu par la NASA à 378 $ l’unité, est vendu au Pentagone pour 10.000 $ par son fabricant.

Quant au missile Patriot au fait la une de l’actualité, il a vu son prix à ce point croitre que selon Shay Assad, l’US Army aurait dû recevoir l’équivalent d’une année de production de missiles pour simplement compenser les écarts de prix injustifiés tarifés par Raytheon.

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Les missiles Stinger envoyés par l’US Army à l’Ukraine lui avaient couté 25k$ en 1990. Ils sont remplacés par des missiles de même type qui sont désormais facturés 400 k$ l’unité

Les raisons de ces dérivés sont nombreuses, notamment la pression liée au pilotage du cours de bourse amenant les entreprises à viser des résultats et une redistribution spectaculaire. Ainsi, selon M Assad, les marges négociées contractuellement entre l’état et les industriels de défense se situent entre 10 et 12% de l’enveloppe budgétaire, mais atteint fréquemment, dans les faits, 40% de cette enveloppe.

Une autre raison n’est autre que la situation de force des industriels conférée par les monopoles créés par la réorganisation de 1993, mais également par un certain abandon de la supervision des contrats et de leurs négociations, le Pentagone ayant divisé par 2 le nombre de personnels dédiés à cela en 30 ans. De fait, certains industriels se sont même fait une spécialité pour détecter les entreprises détenant un monopole sur certains équipements, y compris sur des pièces détachées, pour les racheter et pour faire d’immenses profits en augmentant les tarifs.

Si Shay Assad n’a pas, on s’en doute, particulièrement bonne presse au Pentagone, d’autant que l’industrie de défense US est devenue au fil des années le débouché de choix pour les officiers généraux en fin de carrière, précisément ceux qui arpentent les couloirs de l’État-major américain, son constat n’en est pas moins, on ne peut plus pertinent et argumenté.

Et la dernière déclaration de Franck Kendall, le Secrétaire américain à l’Air Force, tend d’ailleurs à lui donner raison. Pour le ministre, en effet, il est hors de question de reproduire dans le programme NGAD qui vise à concevoir le remplaçant du F-22 d’ici à 2030, les mêmes erreurs que celles qui handicapent aujourd’hui le programme F-35, faisant référence à la position de force extraordinaire donnée à Lockheed-Martin par voie contractuelle autour de ce programme.

F35A USAF Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Toutes les données produites par le F-35, aux États-Unis comme à l’export, appartiennent contractuellement à Lockheed-Martin, qui détient également l’exclusivité de la maintenance et de l’évolution de l’appareil

En effet, lors de l’attribution du programme Joint Strike Fighter à Lockheed-Martin, le Pentagone a consenti à laisser à l’industriel l’intégralité et l’exclusivité des droits sur l’ensemble des données produites par l’appareil, aux États-Unis comme à l’exportation, ainsi que sur l’appareil sur toute sa durée de vie.

Il est ainsi impossible à l’US Air Force de confier à un autre industriel des données émanant du F-35 pour, par exemple, développer un nouvel équipement, voire un nouvel appareil, sans que cela passe préalablement par Lockheed-Martin qui, bien évidemment, fera tout son possible pour s’arroger ledit contrat.

Comme le reconnait Franck Kendall, le cadre contractuel du programme F-35 oblige l’US Air Force, mais également l’US Navy et l’US Marines Corps, ainsi que l’ensemble des forces aériennes employant l’appareil, à en passer par l’industriel pour tout ce qui concerne l’appareil et son exploitation, constitue un sérieux handicape pour les forces armées US et leurs capacités de négociation industrielle.

Si l’US Air Force reste convaincue, dans le cadre du NGAD, qu’il est nécessaire de s’en remettre à un unique industriel pour la conception et la fabrication des 200 appareils qui seront commandés, Franck Kendall a précisé qu’en aucun cas, cette fois, les données générées par l’appareil et l’ensemble du système de systèmes, n’appartiendront à l’industriel.

En revanche, dans le cadre du programme collaborative combat aircraft (CCA) qui doit concevoir et construire les drones qui accompagneront les NGAD et les F-35A dans les années à venir, Frank Kendall indique que plusieurs industriels pourront être sollicités conjointement, laissant entendre que cela permettrait de réorganiser une plus saine concurrence et donc de meilleures pratiques commerciales pour le Pentagone et l’US Air Force.

le programme NGAD doit permettre de remplacer les F-22 Raptor de l'US Air Force à horizon 2030
Si le NGAD ne sera attribué qu’à un unique industriel, le programme CCA sera lui ventilé auprès de plusieurs constructeurs, dans une approche qui n’est pas sans rappeler celle préconisée par Will Roper en son temps

Il est intéressant de constater que ces dérives n’ont pas émergé il y a peu. Alors qu’il occupait le poste de Secrétaire adjoint aux acquisitions et aux développements technologiques de l’US Air Force, le docteur Will Roper avait déjà mis en avant les contraintes qu’imposaient sur le budget de l’US Air Force l’organisation industrielle appliquée notamment au programme F-35, allant jusqu’à déclarer, en juillet 2020, que les grands programmes comme le F-35 étaient aujourd’hui une menace à long terme sur le devenir de l’industrie aéronautique militaire américaine, mais également sur la puissance militaire des États-Unis sur la scène internationale.

Pour le spécialiste du pilotage de projet qu’il est, il était indispensable de revenir à une BITD déconcentrée et concurrentielle, et le meilleur moyen d’y parvenir était d’abandonner les grands programmes standardisés pour développer des programmes en petite série d’appareils de combat spécialisés, de sorte à réorganiser en profondeur la BITD et ses pratiques.

La comparaison des dépenses d’équipements et de maintenance des armées US avec les armées occidentales pouvant s’appuyer sur un BITD nationale, montre qu’il existe en moyenne un facteur deux s’appliquant aux armées US, et par transitivité, à de nombreuses armées occidentales s’équipant à Washington.

À titre d’exemple, un sous-marin de la classe Virginia est acheté pour deux fois le prix d’un Astute britannique, et plus de 2,5 fois plus que les Suffren français, sans que ses performances justifient un tel écart de prix.

Si on le compare à un Iassen russe, le rapport de prix est supérieur à 3,5, comme c’est le cas entre un Su-35 acquis par les forces aériennes russes et un F-15EX acquis par l’US Air Force, alors qu’un Abrams coute pas moins de 6 fois le prix d’un T-90M, et qu’une frégate Constellation coutera deux fois le prix d’un destroyer chinois Type 052D.

Ni les différences de coût de main d’œuvre, ni les différences de performances ne justifient de tels écarts qui s’appliquent également aux couts de maintenance et d’évolution des équipements, ceci venant clairement handicaper lourdement l’effort américain pour moderniser ses armées face au retour de la compétition stratégique avec la Russie et la Chine.

Lancement d'un SNA Virginia Block IV
Aujourd’hui, un sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Virginia coute deux fois le prix d’un Astute britannique, 2,5 fois le prix d’un Suffren français, et 3,5 fois le prix d’un Iassen russe

Dans tous les cas, il est peu probable que les États-Unis soient en mesure de relever efficacement le défi chinois / russe sans en passer par une profonde réorganisation de son industrie de défense et de ses pratiques commerciales.

Car contrairement aux trois décennies précédentes, les États-Unis doivent désormais faire face à des adversaires performants dans ce domaine, et plus particulièrement la Chine qui a su efficacement organiser et structurer ses propres capacités industrielles et technologiques de défense, précisément pour produire en masse et à couts maitrisés des équipements efficaces.

Alors que l’économie chinoise va petit-à-petit venir tangenter l’économie américaine, et que Pékin va très probablement étendre son réseau d’alliances dans le Monde, les pratiques de la BITD US constituent aujourd’hui, en bien des points, le plus grand point faible d’un camp occidental habitué à être biberonné par Washington dans ce domaine.

Le Saab Gripen E/F suédois retrouve des couleurs en Thaïlande après le refus de Washington de livrer des F-35

Le chasseur monomoteur Saab Gripen E/F retrouve les faveurs des forces aériennes thaïlandaises après que les Etats-Unis ont refusé de vendre le F-35A à Bangkok comme exagérément attendu par l’état-major thaïlandais.

En janvier 2022, le chef d’État-Major des forces aériennes thaïlandaises, l’Air Chief Marshal Napadej Dhupatemiya, avait déclaré dans une interview donnée au Bangkok Post, qu’il privilégiait l’acquisition de 7 F-35A à celle d’autant de Saab Gripen E/F afin de remplacer une partie des F-5 et F-16 actuellement en service, dans le cadre de la modernisation des forces aériennes thaïlandaises.

Pour l’officier général, le F-35A était plus économique et plus performant que l’appareil suédois, alors que la Thaïlande met déjà en œuvre un escadron de Gripen C/D, l’appareil le plus moderne de sa flotte.

Toutefois, à l’époque déjà, les déclarations de l’Air Chief Marshal Napadej Dhupatemiya, avaient de quoi laisser perplexe. D’une part, le calcul économique présenté était pour le moins incertain et capilotracté, avançant notamment que le F-35A allait très probablement atteindre un prix de vente export de 70 m$, ce qui, déjà en janvier 2022, était loin d’être la trajectoire envisagée par les spécialistes du sujet, qui anticipaient plutôt une hausse de l’appareil à l’occasion des prochains lots en cours de négociation.

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Les chances que Washington n’accepte la demande d’exportation de F-35A thaïlandaises étaient minces

Surtout, même si la Thaïlande a été un allié fidèle des Etats-Unis dans le Pacifique durant la guerre froide, et particulièrement pendant la guerre du Vietnam, elle a montré, ses dernières années, sa proximité avec la République Populaire de Chine, spécifiquement en faisant l’acquisition de nombreux matériels chinois, au travers de l’acquisition de 5 frégates Type 053HT de 2000 tonnes, de sous-marins S-26T et plus récemment d’un LPD type 071E dont la livraison est intervenue le 25 avril, ainsi que de chars VT4, pour ne citer que les équipements majeurs.

Or, Washington a toujours clairement annoncé que l’exportation de F-35 était réservée à des alliés très proches des Etats-Unis, comme les membres de l’OTAN, Israël ou les alliés majeurs du Théatre Pacifique que sont l’Australie, le Japon et la Corée du Sud.

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Le refus américain de livrer des F-35 à la Thaïlande intervient quelques semaines dès que le HTMS Chang, un LPD type 071e de conception chinoise, n’a été livré à la Royal Thaï Navy

Il n’y a donc guère de surprise dans la réponse adressée par Washington à Bangkok à ce sujet. Dans celle-ci, le Pentagone indique qu’il ne pouvait répondre favorablement à la demande d’exportation de F-35A vers la Thaïlande, proposant à la place le F-16V et le F-15EX, en argumentant que les forces aériennes thaïlandaises n’étaient aujourd’hui pas prêtes pour mettre en œuvre un tel appareil, et que le sujet pourrait être re-examiné dans quelques années.

Dans les faits, cette réponse, au demeurant fort diplomatique, donne surtout quelques années à Bangkok pour faire son choix entre Washington et Pékin, sachant qu’il est très peu probable que les Etats-Unis acceptent de livrer le F-35 à un pays ayant une telle proximité avec son adversaire désigné.

Le Saab Gripen E/F cherche toujours son marché à l'exportation
Les forces aériennes royales thaïlandaises mettent en œuvre 8 Gripen C et 4 Gripen D au sein du 7ᵉ escadron basé à Surat Thani

Reste que si cette décision américaine n’est pas surprenante, elle a probablement été accueillie avec enthousiasme à Linköping, au siège Saab. En effet, à peine fut-elle rendue publique, que les autorités du pays ont indiqué que l’option concernant le Gripen E/F demeurait valide, sachant qu’il est peu probable, après le refus de Washington, que la junte de Prayut Chan-o-cha n’accepte de se tourner vers un appareil américain, sauf s’il s’agit de donner des gages pour acquérir ultérieurement des F-35A, avec le risque de se confronter à un nouveau refus.

Rappelons qu’avant la volte-face de Napadej Dhupatemiya en faveur du F-35 en 2022, le Gripen E/F avait les faveurs de son prédécesseur, l’Air Chief Marshal Maanat Wongwat, pour remplacer les F-16 thaïlandais les plus anciens.

Il s’agirait sans le moindre doute d’une nouvelle plus que bienvenue pour Saab et le Gripen, qui peine à convaincre face à la concurrence du F-16V mais surtout du F-35A et du Rafale, y compris parmi les opérateurs de versions antérieures de l’appareil.

Pour autant, il existe également un risque que la décision de Washington vienne encore davantage rapprocher Bangkok et Pékin, et que la Thaïlande ne se tourne vers un modèle chinois comme le J-10C, déjà proposé par la Chine à son partenaire en 2021.

L’avionneur canadien Bombardier se positionne face au P-8A Poseidon de Boeing pour remplacer les CP-140M Aurora de la RCAF

A la fin du mois de mars, Ottawa annonçait avoir envoyé une demande d’information au Foreign Militaire Sales américains, en vue d’acquérir 16 avions de patrouille maritime P-8A Poseidon auprès de l’avionneur Boeing afin de remplacer les 15 CP-140M Aurora qui assurent les ces missions ainsi que le renseignement électronique au sein de la Royal Canadian Air Force. Le communiqué diffusé par les autorités canadiennes précisait que le P-8A était aujourd’hui l’appareil le plus à même de remplir les missions requises dans ce domaine pour les forces aériennes canadiennes, d’autant qu’il a été déjà sélectionné par 4 des 5 pays membre des 5 eyes et par de nombreuses autres forces de l’OTAN. Pour résumer le communiqué canadien, le Poseidon n’est, à ce jour, pas le meilleur appareil pour accomplir cette mission, c’est surtout, dans les faits, le seul.

Pour les autorités canadiennes, il était en effet indispensable d’argumenter une telle acquisition potentielle auprès de Boeing, après que l’avionneur américain ait mené une guerre juridique et économique sans merci contre l’avionneur local, Bombardier, pour empêcher ce dernier de vendre ses avions moyens et courts courriers aux compagnies aériennes américaines, après que Bombardier ait enregistré une commande de 75 CS100 et 50 en option de la part de Delta Air lines en avril 2016. Ceci amena notamment le gouvernement canadien à annuler une commande de 18 F/A-18 E/F Super Hornet qui devaient assurer l’interim jusqu’à ce qu’un vainqueur pour remplacer les F/A-18 Hornet de la RCAF soit désigné, se tournant vers autant de Hornet d’occasion acquis auprès de l’Australie. Cela amena également Bombardier et Airbus à s’associer pour résister à la guerre menée par Boeing, l’avionneur européen prenant une participation majoritaire chez son partenaire canadien en 2017.

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Le P8A a été commandé par 8 forces aériennes occidentales, dont 4 des 5 membres de l’alliance 5 eyes (Australie, Etats-Unis, Grande-Bretagne et Nouvelle-Zélande)

Quoiqu’il en soit, cet épisode détériora significativement et durablement l’image de Boeing dans l’opinion publique canadienne, entrainant notamment l’exclusion du Super Hornet pourtant favori jusque là, de la compétition pour le remplacement des Hornet de la RCAF. Quant au choix de se tourner vers le P-8A Poseidon pour remplacer les CP-140M, il devait de fait être méthodiquement expliqué. Si l’opinion canadienne n’a pas donné de signe de mécontentement majeur à la trajectoire décidée par Ottawa, ce n’a pas été le cas en revanche de Bombardier. L’avionneur canadien a en effet annoncé qu’il entendait proposer un nouvel appareil de patrouille maritime basé sur l’avion d’affaire Global 6500, pour s’opposer au P-8A afin de remplacer les CP-140M de la Royal Canadian Air Force, aidé en cela de la filiale canadienne de General Dynamics Mission System.

Long de 30 mètres pour 28 mètres d’envergure, le Global 6500 est un avion d’affaire de 45 tonnes capable de transporter 17 passagers sur plus de 12.000 km à une vitesse de croisière de 0.85 Mach, soit 900 km/h. Les appareils de la famille Global Express sont en service au sein de 11 forces aériennes dans le Monde, notamment en servant de base au système d’alerte aérienne avancée Globaleye de Saab et au sein de l’US Air Force qui met en oeuvre 3 Global 6000 au sein du 430ème escadron de guerre électronique sous la désignation E-11A, ainsi que dans la flotte d’une douzaine d’opérateurs civils avec plus de 800 exemplaires construits et en service depuis 1998. L’avionneur canadien met de fait en avant le faible niveau de risque de la plate-forme aérienne, tout en insistant sur les conséquences économiques qu’un tel investissement, que l’on peut estimer autour de 2 Md$ (US), pourrait engendrer s’il lui était attribué.

FalconX10 Dassault Chars de combat MBT | Allemagne | Construction de véhicules blindés
Le FalconX, en lice pour remplacer les Atlantique 2 de la Marine Nationale, offre des performances, mais également des atouts et des contraintes comparables au CS 6500. De là à penser que les deux programmes pourraient converger dans le domaine des systèmes embarqués ….

De manière interessante, la compétition canadienne en devenir, sera relativement proche de celle qui aura lieu en France entre l’A320Neo d’Airbus et le FalconX de Dassault pour le remplacement des Atlantique de la Marine Nationale. En effet, si l’A320Neo est proche en dimension comme en performance du 737-800 qui sert de plate-forme au Poseidon, le Falcon X, quant à lui, evolue dans la même catégorie d’avion d’affaire haut de gamme et long courrier que le CS 6500, notamment en terme de performances. Reste à voir à quel point les autorités canadiennes accepteront de developper un appareil de patrouille maritime national, sur un marché déjà en parti clos aux mains de Boeing et avec un potentiel à l’exportation relativement limité pour un avionneur peu présent sur le marché aéronautique militaire, afin de soutenir sa propre industrie et de s’éviter de devoir serrer la main des dirigeants de Boeing …. Ils seraient français, la question ne poserait même pas 😉