mercredi, décembre 3, 2025
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Le démonstrateur EMBT de Nexter peut-il s’inviter dans le prochain standard du Leopard 2 ?

Il n’y a de cela que quelques mois, les actualités traitant de chars de bataille, désignés par l’acronyme anglais MBT (Main Battle Tank), ne représentaient qu’une infime partie de l’actualité défense, en Europe comme partout dans le Monde.

La guerre en Ukraine et ses conséquences, notamment sur la demande pour ce type de blindés, ont radicalement changé la donne, et le sujet désormais est non seulement fréquemment traité, mais il rencontre un réel intérêt de la part de l’opinion publique.

Le thème est également devenu un sujet d’intérêt pour les politiques, comme a pu le constater le Délégué Général à l’Armement, Emmanuel Chiva, lors de son audition par les députés de la Commission Défense de l’Assemblée Nationale, dans le cadre des consultations préparatoires au vote de la future Loi de Programmation Militaire.

Plusieurs députés ont en effet interrogé le DGA sur le devenir du programme franco-allemand MGCS qui, on le sait, rencontre certaines difficultés depuis plusieurs mois. À ce sujet, Emmanuel Chiva s’est voulu rassurant, précisant que le programme suivait sa trajectoire, mentionnant que huit démonstrateurs technologiques principaux (ou MTD pour l’acronyme anglophone) avaient été attribués aux industriels.

Bien que rassurante, la réponse du DGA tenait cependant d’une certaine langue de bois, passant sous silence par exemple que les 5 MTD restants de ce programme qui en compte 13, parmi lesquels certains sujets d’importance comme l’armement principal du char et son blindage, avaient été « reportés » du fait des oppositions entre industriels, et notamment entre Rheinmetall et Nexter.

Surtout, la question du report du programme au-delà de 2040, pourtant clairement abordé et même, en grande partie arbitrée, outre Rhin, a été évitée, alors que de l’aveu même du Ministre des Armées français, Sébastien Lecornu, un tel glissement serait plus que problématique pour l’Armée de Terre qui entend remplacer ses Leclerc partiellement modernisés à partir de 2035. Dans ce contexte, l’audition par cette même commission de Nicolas Chamussy, le PDG de Nexter, apporte des éclairages intéressants.

L’EMBT a été présenté par KNDS lors du salon Eurosatory 2022

Selon lui, en effet, Nexter dispose d’une solution pouvant remplir le rôle de modèle intermédiaire entre les Leclerc actuels et le futur MGCS, si celui-ci venait à glisser vers 2040 ou au-delà. Il s’agit du démonstrateur EMBT, présenté au public lors du salon Eurosatory 2022, concomitamment au KF-51 Panther de Rheinmetall.

L’hypothèse ne surprendra d’ailleurs en rien les lecteurs réguliers de Meta-Defense, le site ayant déjà consacré cinq articles au potentiel de ce démonstrateur comme solution intérimaire pour l’Armée de terre dans l’attente du MGCS.

Pour Nicolas Chamussy, le nouveau contexte opérationnel hérité des affrontements en Ukraine impose en effet de disposer d’un char ayant de nouvelles capacités face au Leclerc, pour répondre à la menace dans les années à venir. Et dans ce domaine, l’EMBT est particulièrement bien doté.

En premier lieu, il convient de préciser qu’aujourd’hui, le démonstrateur EMBT est constitué d’une nouvelle tourelle dessinée par Nexter en vue du salon Eurosatory 2022, montée sur une caisse de Leopard 2 fournie par son partenaire Krauss-Maffei Wegmann au sein du groupe KNDS.

Cette tourelle est en grande partie automatisée, et dispose d’un puissant armement offensif et défensif avec un canon de 120 mm à âme lisse pouvant être remplacé, à l’avenir, par le canon de 140 mm Ascalon développé par Nexter, ainsi qu’un tourelleau de 30 mm à fort débattement pouvant notamment engager les cibles aériennes et les drones, ainsi qu’un second tourelleau armé d’une mitrailleuse de 7,62 mm.

Elle dispose également d’un système de protection hard-kill / soft-kill évolué avec l’intégration native et protégée d’un APS Trophy pour en garantir l’efficacité et la pérennité. Enfin, le blindé dispose d’une vétronique très avancée multicanale permettant à l’équipage d’avoir une perception complète de l’environnement qui entoure le char.

Le KF-51 Panther est le cheval de bataille de Rheinmetall pour s’imposer sur le marché des MBT

À ce titre, l’équipage est porté, quant à lui, à quatre membres, non que le canon principal soit à chargement manuel ou semi-automatique nécessitant un poste de chargeur comme pour l’Abrams et le Leopard 2, celui-ci étant entièrement automatique comme pour le Leclerc, mais par l’ajout d’un opérateur système d’arme en charge des différents systèmes défensifs et offensifs du blindé, en particulier des drones et d’éventuels missiles.

La caisse est dérivée de celle du Leopard 2, avec un moteur V12 de 1500 cv construit par l’allemand MTU et une transmission Renk automatique avec 5 marche avant et autant de marche arrière, lui permettant d’atteindre 65 km/h sur route, et lui conférant une excellente mobilité potentielle en tout terrain grâce à un rapport puissance poids de presque 25 cv par tonne.

Ainsi paré, même s’il ne s’agit aujourd’hui que d’un démonstrateur, et non d’un prototype, l’EMBT représenterait effectivement une excellente base de travail pour concevoir rapidement, et à moindres frais, un char intermédiaire pour l’Armée de Terre et d’éventuels clients exports, ainsi qu’une réponse au KF-51 de Rheinmetall et autres K2 Black Panther du sud-coréen Hanwha défense. Mais il pourrait être bien davantage…

En effet, l’EMBT pourrait également représenter le trait d’union qui aujourd’hui fait défaut pour consolider le rapprochement de Nexter et de KMW au sein de KNDS, en devenant plus que l’EMBT de Nexter, mais le Leopard 2AX de KNDS. Il convient avant toute autre chose de rappeler qu’il y a quelques jours, KMW a dégainé une nouvelle version du Leopard 2, le A8, pour remplacer les Leopard 2A6 transférés par la Bundeswehr à l’Ukraine.

Ce nouveau char, dérivé du A7+, intègre notamment une protection renforcée avec le système euroTrophy, et plusieurs améliorations en termes de vétronique et de systèmes. Pour autant, aux dires de Krauss-Maffei Wegmann, il ne s’agirait là que d’une réponse intermédiaire dans l’attente de la disponibilité d’une nouvelle version du char qui, à l’instar de la A4 et de la A6 avant elle, en constituerait une évolution majeure pour répondre au nouveau contexte opérationnel.

Il y a quelques jours, la Bundeswehr a annoncé qu’elle commanderait 18 Leopard 2A8 pour remplacer les A6 livrés à l’Ukraine

KMW estime que son nouveau blindé sera disponible d’ici à 2 à 3 ans, et constituera une réponse aux nouveaux chars arrivants sur le marché, sans les citer, le K2 et le KF-51. Dans le même temps, les commentaires commencent à se faire de plus insistant quant à la justification du groupe KNDS.

En effet, en dehors du programme MGCS qui par ailleurs intègre Rheinmetall « à charge égale » vis-à-vis de KMW et de Nexter, les coopérations franco-allemandes et la consolidation industrielle attendue d’un tel rapprochement, se font clairement attendre. Dans les faits, KMDS aujourd’hui ressemble davantage à un mariage blanc en vue d’obtenir un visa de long séjour, qu’à un mariage d’amour destiné à bâtir un avenir commun.

Dans ce contexte très particulier, il apparait que fusionner un éventuel programme EMBT de Nexter, et le Leopard 2AX de Krauss-Maffei Wegmann, aurait de nombreuses vertus.

En premier lieu, le découpage industriel serait presque intuitif, contrairement aux problèmes rencontrés sur MGCS aujourd’hui, puisque d’ores et déjà, l’EMBT est conçu sur une caisse modernisée de Leopard 2, spécialité de KMW, alors qu’un tel découpage est proche de celui envisagé initialement pour le programme MGCS lorsque celui-ci ne devait concerner que KNDS créée spécialement à cet effet.

En second lieu, le blindé résultant profiterait des compétences les plus abouties des deux industriels dans leurs domaines respectifs de prédilection, de sorte à produire un char à la fois fiable et efficace au combat. Bien évidemment, une telle coopération permettrait aussi à la Bundeswehr et à l’Armée de Terre d’entamer un premier rapprochement en amont de MGCS, en matière de flux comme dans le domaine de la formation, comme ce fut le cas pour le Tigre.

Enfin, et c’est loin d’être négligeable, ce rapprochement permettrait de consolider et même, d’une certaine manière, de justifier l’existence de KNDS, tout en profitant des réseaux commerciaux des deux entreprises pour soutenir les exportations.

A l’inverse, si Nexter venait à développer l’EMBT (qui devrait changer de nom puisque E voulait dire initialement « European ») d’un côté, et KMW un Leopard 2AX de l’autre, le devenir de KNDS devrait clairement être remis en question, le groupe n’ayant pas pu démontrer en bientôt 9 années d’existence, une réelle capacité de collaboration entre les deux entités qui le constitue, le récent développement du RCH-155, un canon automoteur sur châssis de Boxer, en étant la dernière démonstration.

Dit autrement, si KNDS est effectivement destinée à devenir autre chose qu’une coquille vide de sens, le rapprochement entre l’EMBT et le Leopard 2AX s’impose de lui-même, nonobstant les économies d’échelle et les bénéfices commerciaux qu’une telle coopération pourrait engendrer.

Reste qu’avant toute chose, il est indispensable, pour donner corps à une telle possibilité, que la France affiche clairement ses besoins et ambitions en la matière, de manière unilatérale ou coordonnée avec Berlin.

De toute évidence, et en dépit des propos rassurants du DGA, le besoin d’un remplaçant intermédiaire entre le Leclerc et le programme MGCS, destiné irrémédiablement à voir ses chances glisser, va rapidement s’imposer à la programmation militaire française, même si le sujet a soigneusement été évité par la future Loi de programmation militaire.

Pour y parvenir, le démonstrateur EMBT semble être la meilleure option pour la France, afin d’éviter un programme trop long et trop onéreux, qui viendrait de fait entrer en collision budgétaire et capacitaire avec MGCS. Encore faudra-t-il que les autorités françaises ne tardent pas à envisager le sujet dans sa globalité et dans sa réalité, tant pour préserver les capacités de l’Armée de terre que les compétences de la BITD française, et dans l’absolue, le devenir de la coopération franco-allemande dans ce domaine.

Le chef de l’Intelligence Artificielle au Pentagone se dit « terrifié » par les capacités de Chat GPT en matière de propagande

Depuis les printemps Arabes au début des années 2010, le rôle d’internet, et plus particulièrement des réseaux sociaux, dans la société est devenu évident, y compris pour les armées. Depuis, tant les services de renseignement que les armées ont tenté de comprendre et de contrôler cet outil, aussi bien à des fins d’anticipation que de contrôle voire d’influence. Certains états, comme la Russie, la Chine ou encore l’Iran, ont même développé des services dédiés aux missions d’influence dans les pays étrangers au travers de ces outils, parfois même au point de venir s’inviter dans le processus électoral de grandes démocraties comme les Etats-Unis. A l’inverse, le contrôle de l’accès aux réseaux sociaux est devenu un impératif critique pour tout régime un tant soit peu autoritaire, afin de couper, à la racine, les phénomènes de contagions sociales et de mobilisation pouvant venir les menacer. Mais le rôle et surtout la profondeur potentielle de l’influence sur les réseaux sociaux, pourraient bien prochainement franchir une étape décisive, avec l’arrivée d’outils conversationnels avancés basés sur l’intelligence artificielle, comme Chat GPT.

Inconnu du grand public il y a encore deux ans, l’outil de conversation en ligne Chat GPT, qui en est aujourd’hui à sa version 4, s’est rapidement imposé comme un phénomène sur internet, au point de devenir un réel problème par exemple pour les cursus universitaires, alors que les étudiants ont été parmi les premiers à saisir l’intérêt de l’outil pour rédiger leurs mémoires et autres thèses. Au delà de ses applications détournées, Chat GPT est avant tout conçu pour créer une interface conversationnelle conviviale afin de remplacer l’interface humaine dans de nombreux domaines, comme par exemple dans l’accompagnement de la démarche commerciale, mais également pour filtrer / orienter / répondre à des requêtes d’usagers (de services publics par exemple) en langage natif. Mais pour Craig Martell, le chef du département numérique et intelligence artificielle du Pentagone, cet outil, comme ses cousins capables à la demande de recomposer une photo comme MidJourney, représentent également une solution de propagande et d’influence des plus problématiques et dangereuses, en particulier aux mains d’opérateurs hostiles ou mal intentionnés.

Les outils d’IA de génération d’images comme Midjourney sont déjà massivement employés à des fins de propagande politique, comme cette arrestation musclée de Trump qui n’a jamais eut lieu et qui fut pourtant massivement partagée et commentée sur les réseaux sociaux aux Etats-unis et au delà.

Selon Craig Martell, en effet, Chat GPT a été conçu pour répondre à des questions de manière rationnelle mais surtout autoritaire, de sorte qu’il se créé, entre le lecteur et l’IA, un rapport d’autorité facilitant l’acceptation par le premier des affirmations du second. Si dans sa version publique, Chat GPT se veut neutre dans ses réponses, l’IA peut en revanche être « éduquée » de sorte à mettre en avant certains aspects, ce d’autant que dans les faits, celle-ci ne comprend en rien le contexte ni même la réalité du contenu qu’elle produit, puisqu’elle ne fait que mettre en forme des informations issues de son noyau et de ses sources. C’est la raison pour laquelle les premières expériences de ce type menées par Google, Microsoft et Facebook il y a quelques années, sensées apprendre en « crawlant » internet, finirent par produire des IA aussi détestables que racistes et misogynes. Aux mains d’opérateurs hostiles, cet outil peut permettre de très efficacement remplacer les « Bot » qui constituent aujourd’hui plus d’un tiers des comptes sur un réseau social comme Twitter, et les « Troll » plus ou moins controlés pour relayer des informations manipulées.

En effet, d’une dimension purement déclarative actuelle, un outil comme Chat GPT et consort pourrait glisser vers une dimension conversationnelle de la propagande, sans d’ailleurs que les sujets soient conscient de discuter avec une IA, disposant d’un puissant potentiel adaptatif pour orienter la position de l’interlocuteur. Sachant les dégâts de la propagande aujourd’hui sur une partie de l’opinion occidentale au travers des réseaux sociaux avec des outils d’ancienne génération, on peut, comme Craig Martell, raisonnablement être terrifié par le potentiel en devenir de celle-ci, avec des outils comme Chat GPT et MidJourney. Malheureusement, le feu est déjà sorti de la boite de Pandore dans ce domaine, et même en limitant les utilisations potentielles de ces outils en occident, il est certain que d’autres acteurs plus offensifs ne montreront pas les mêmes réserves, si tant est qu’elles soient effectivement mises en oeuvre par les grandes Démocraties, ce que rien n’indique à ce jour. De fait, en bien des aspects, les futurs conflits pourraient avoir lieu au moins autant dans la sphère cognitive que dans sur le terrain des opérations militaires.

Pour la petite histoire, lorsqu’il a été demandé à Chat GPT d’expliquer pourquoi il représenterait un outil de propagande performant, ce dernier a répondu qu’il ne pouvait pas répondre à une telle demande inappropriée et violente… De toute évidence, il y a un certain instinct de conservation )

Le Corps des Marines et l’US Navy s’opposent quant au dimensionnement de la flotte amphibie américaine

Considéré à juste titre comme une unité d’élite au sein des forces américaines, le corps des US Marines s’appuie sur de nombreuses capacités propres dédiées à l’exécution autonome des missions aéro-amphibies. Ainsi, le corps dispose, au delà des forces d’infanterie et d’assaut, de ses propres blindés, de ses propres systèmes d’artillerie, d’une défense anti-aérienne propre, ainsi que d’une flotte aérienne composée de plus de 350 avions de combat F/A-18 E/F, F-35B et AV-8B, presque 700 hélicoptères CH-53, AH-1, UH-1 et MV-22B ainsi que plusieurs centaines de drones. En revanche, le transport des marines et de leur matériel est assuré par les navires de l’US Navy, à l’aide des LHD/A des classes Wasp et America et des LPD San Antonio et Whidbey Island, transportant un corps expéditionnaire amphibie autonome désigné Marine expeditionary unit ou MEU, orienté vers l’assaut avec 2300 Marines à bord de 3 grands navires amphibies .

Aujourd’hui, l’US Navy dispose de 31 de ces grandes unités amphibies, mais celle-ci prévoit de réduire le volume de cette flotte dans les années à venir, en étalant la construction des LHA de la classe America et des LPD de la classe San Antonio, alors que les Wasp et les Whidbey Island devront quitter le service. De fait, le format à 31 unités est remis en question, et en particulier la construction de nouveaux San Antonio qui, contrairement aux America, ne peuvent être transformés au besoin en porte-aéronefs légers, de sorte à libérer les crédits nécessaires pour accélérer la production de sous-marins des classes Virginia et Columbia, des frégates de la classe Constellation et des destroyers de la classe Arleigh Burke, de sorte à maintenir l’ascendant sur la Marine chinoise en progression rapide. Comme on pouvait s’y attendre, la stratégie industrielle de l’US Navy ne satisfait pas l’US Marines Corps, qui a demandé au Congrès de financer 2 LPD San Antonio Flight II supplémentaires sur la loi de finance 2024 du Pentagone, une démarche tout à fait exceptionnelle sachant que les navires appartiendront à l’US Navy et non à l’US Marines Corps.

Contre l’avis de l’US Marines Corps, l’US Navy tente régulièrement de réduire le nombre de grands navires amphibies, notamment des LPD de la classe San Antonio

Les oppositions entre l’US Navy et l’US Marines Corps sont appelées à se durcir dans les années à venir. En effet, pour le premier, l’objectif prioritaire aujourd’hui est de moderniser et de faire évoluer la flotte américaine pour contenir la production industrielle chinoise dans ce domaine, cette dernière lançant chaque année une dizaine de destroyers et frégates, ainsi qu’un a deux grandes unités amphibies ou porte-avions et un nombre encore difficile à évaluer de sous-marins. En outre, un éventuel affrontement entre forces US et chinoises aurait très probablement lieu autour de Taiwan, c’est à dire à quelques centaines de kilomètres des ports et bases aériennes chinoises, et à 8500 km de Pearl Harbour, ne laissant que les bases avancées au Japon, à Guam et aux Philippines comme point d’appui pour, par exemple, s’appuyer sur l’US Navy. Pour l’US Navy, la priorité est donc de contenir la flotte chinoise, bien avant de devoir renforcer les capacités de projection amphibie.

A l’inverse, l’US Marines Corps anticipe une développement beaucoup plus diffus d’un éventuel conflit entre Etats-Unis et Chine, notamment au travers de nombreuses opérations aéro-amphibies chinoises pour s’emparer de certaines iles clés du Pacifique comme le firent les Japonais en 1942. En outre, le Corps estime qu’il sera probablement en première ligne pour stabiliser certaines régions, notamment en Afrique et au Moyen Orient, alors que les forces armées US traditionnelles seront concentrées dans le Pacifique face à la Chine, raison pour laquelle il demande depuis plusieurs années maintenant, une flotte de 38 grands navires amphibies épaulées d’une quarantaine de navires expéditionnaire autonomes plus petits et adaptés à la situation et au risque dans le Pacifique. Comme souvent, les deux positions ont de sérieux arguments à faire valoir, et les arbitrages seront difficiles. Toutefois, on peut se demander si le véritable problème, ici, n’est pas davantage industriel que budgétaire ou milliaire. En effet, un LPD de la classe San Antonio de 25.000 tonnes et 208 mètres de long, transportant 700 Marines et 4 MV-22B, coute plus de 2 Md$ à l’US Navy, alors que les LPD chinois Type 071, longs de 210 mètres pour 25.000 tonnes, transportant 800 hommes et 4 hélicoptères lourds Z-8, couterait lui à peine plus de 200 m$ aux finances publiques chinoises. Tant que ce différentiel ne sera pas réduit, il est évident que la Chine disposera d’un atout impossible à contrer par les forces armées américaines.

KMW et Rheinmetall trouvent un accord pour éviter le procès autour du Leopard 2

Mardi 2 Mai devaient se confronter les deux géants allemands de la construction de blindés et de véhicules militaires terrestres allemands, Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall, devant le tribunal de Munich, au sujet de la propriété intellectuelle du char Leopard 2A4. En effet, quelques jours plus tôt, le CEO de Rheinmetall, Armin Papperger, avait estimé dans une interview donnée au site d’information suisse en langue allemande Neue Zürcher Zeitung, que sa société détenait la propriété intellectuelle concernant le Leopard 2A4, ce modèle ayant été employé comme base pour la conception du nouveau char KF-51 Panther présenté par Rheinmetall lors du salon Eurosatory 2022. Bien évidemment, ces déclarations ne furent pas du tout du gout de Krauss-Maffei Wegmann, le concepteur et maitre d’oeuvre du Leopard 2, qui assure notamment la maintenance évolutive du parc national et international depuis plus de 30 ans. Face au refus de M Papperger de revenir sur ses propos, KMW assigna Rheinmetall face à la justice allemande, pour trancher la question.

Comme nous l’avions abordé dans notre précédent article, cette procédure judiciaire était très risquée, tant pour Rheinmetall que pour KMW, et surtout pour la base industrielle et technologique défense allemande, qui ne pouvait sortir qu’affaiblie d’un tel épisode, surtout alors que la demande nationale, européenne et internationale en matière de chars de combat et plus globalement de blindés lourds, est orientée clairement à la hausse depuis l’intervention russe en Ukraine et la montée des tensions dans le Pacifique. Il n’y a rien d’étonnant, dans ce contexte, à ce que les deux industriels aient annoncé être parvenus à un accord pour mettre fin à cette procédure, sans que l’on ne connaisse vraiment le contenu du dit accord, en dehors du fait que Rheinmetall est effectivement revenu sur les déclarations de son dirigeant en reconnaissant ne pas détenir les droits exclusifs du Leopard 2. Il est hautement probable qu’au delà des inquiétudes et tensions internes chez les deux industriels, l’ensemble de la BITD ainsi que les autorités politiques et économiques allemandes ont pesé pour que KMW et Rheinmetall parviennent à s’entendre avant l’échéance judiciaire.

La ligne d’assemblage et de maintenance du char Leopard 2 mise en oeuvre par Rheinmetall a été démontée au milieu des années 90 suite à l’effondrement du marché des blindés après l’effondrement du bloc soviétique et la fin de la guerre froide

Reste que si le procès est évité, le fond du problème, lui, demeure. En effet, pendant plusieurs décennies, les deux entreprises ont efficacement collaboré pour concevoir et construire les blindés allemands, du Leopard 1 au Puma en passant par le Marder et le Pzh2000. Dans le cadre du programme Leopard 2, si KMW était le prestataire principal pour l’exécution du contrat de production, la société n’a assuré que 55% des prestations, 45% étant produits par Rheinmetall après le rachat MaK en 1990. En outre, si la caisse du char a été conçue par KMW, le canon et des éléments de la tourelle, quant à eux, étaient conçus par Rheinmetall. De fait, la position de Rheinmetall n’était pas dénuée de tout fondement, d’autant que c’est sa propre ligne d’assemblage et de maintenance du Leopard 2 qui fut sacrifiée face à la baisse du marché au milieu des années 90. Mais c’est surtout le lancement du programme franco-allemand MGCS en 2017, confié à la seule co-entreprise KNDS rassemblant l’allemand KMW et le français Nexter, qui mit le feu aux poudres avec Rheinmetall, exclut de son marché traditionnel.

En conséquence, on comprend que si le procès a été évité, le fond du problème, lui, demeure, Rheinmetall n’ayant nullement l’intention de voir son marché traditionnel lui échapper au profit du français Nexter, même si la France assume la moitié des couts de conception du MGCS et que Rheinmetall a été intégré comme troisième partenaire principal du programme en 2019. Le problème est d’autant plus pressant qu’en 2022, Rheinmetall a réalisé un chiffre d’affaire défense de 4,8 Md$ (pour un CA global de 6,7 Md$), 50% plus élevé que le groupe KNDS avec 3,2 Md$, ce dernier réalisant 100% de son chiffre d’affaire dans l’activité défense. Dès lors, on peut s’attendre à ce que d’autres épisodes comme celui qui vient d’être évité, soient appelés à émerger dans les mois et années à venir, tout au moins tant qu’un réel accord liant les 3 entités n’émerge, ou que le programme MGCS soit abandonné pour revenir à un statu quo qui satisferait très bien l’entreprise de Dusseldorf.

Avec un effort de défense à 2 % PIB, la France abandonne-t-elle son rôle sur la scène internationale ?

Alors que les débats parlementaires vont débuter à l’Assemblée Nationale autour du projet de Loi de Programmation Militaire pour la période 2024-2030, les ambitions du pays en matière de défense sont désormais connues et détaillées.

Ainsi, l’objectif annoncé de cette LPM à venir sera d’atteindre et de maintenir l’effort de défense du pays à un niveau plus égal que supérieur à 2 % du produit intérieur brut, pour l’amener à 68 Md€ en 2030, contre 43 Md€ en 2023.

En de nombreux aspects, cette nouvelle LPM permettra de prolonger la reconstruction des armées entamée en 2017, après une vingtaine d’années de sous-investissements ayant lourdement détérioré l’outil militaire français, comme partout ailleurs en Europe.

De fait, si en 2019, le Président du Conseil Européen qualifiait publiquement les armées françaises de « meilleures armées en Europe », il s’agissait surtout d’une victoire faute de combattants, alors que la plupart des pays européens avait alors un effort de défense sous la barre des 1,5 % de leur PIB.

Avec un effort de défense à 2 %, les forces conventionnelles françaises sont parmi les moins bien dotées en Europe.
Les forces conventionnelles françaises, notamment dans le domaine de la haute intensité, sont proportionnellement plus réduites et plus légèrement armées que leurs homologues d’Europe de l’Est.

Mais au regard de la trajectoire budgétaire définit par la prochaine LPM française, mais également de celles suivies par les autres pays qui entourent le pays, qu’ils soient alliés ou adversaires potentiels, on peut raisonnablement craindre qu’en 2030, la France aura lourdement entamé son influence et son rôle sur la scène internationale.

Les limites d’un effort de defense français à 2 % du PIB

Pourtant, un effort de défense à 2 % PIB est conforme aux engagements de Paris au sein de l’Alliance Atlantique, comme défini lors des accords de Cardiff en 2014. À ce titre, la majorité des pays européens, ou plus particulièrement des pays d’Europe de l’Ouest partageant le contexte socio-économique de la France, ne vise pas, aujourd’hui, un effort de défense au-delà de cette limite.

En outre, la France dispose et développe une puissante force de dissuasion, contribuant de manière très significative à la sécurité européenne, et justifiant du statut du pays dans les grandes institutions mondiales, notamment au Conseil de Sécurité des Nations Unis comme membre permanent, disposant de fait d’un droit de veto, au même titre que les Etats-Unis, la Chine, la Russie et la Grande-Bretagne.

Toutefois, cette perception de la situation, telle qu’elle a été souvent mise en avant dans les médias, ne correspond qu’à une partie de la réalité qui se dessine aujourd’hui.

La dissuasion française s’appuie sur deux composantes sous-marine et aérienne.

L’un des plus faibles efforts de defense conventionnel en Europe

En effet, la France sera, en 2030, très probablement l’un des pays contribuant le moins à l’effort de défense collectif au sein de l’OTAN, mais également dans l’Union européenne, ce qui, naturellement, contraste avec les ambitions affichées par Paris dans ces deux domaines.

Car si l’effort de défense français sera bel et bien de 2 %, comme la majorité de ses voisins européens, entre 0,4 % et 0,5 % de PIB de ce budget seront dédiés à l’effort de dissuasion français qui, s’il contribue effectivement de manière indirecte à la sécurité du vieux continent, n’est en aucun cas un outil dédié à la défense collective au sein de l’OTAN ni même de l’Union européenne.

En outre, avec ses nombreux territoires ultramarins et une Zone Économique Exclusive de 10 millions de km² à protéger, une part du budget défense devra être fléchée vers la protection de ces territoires, et viendra donc à manquer à la défense collective européenne.

Dit autrement, la réalité de l’effort de défense français, du point de vue de l’OTAN et surtout de ses membres, avec un effort de défense global à 2 % du PIB, se situerait entre 1,35 et 1,5 % du PIB, soit l’un des plus faibles de l’Alliance aujourd’hui avec la Belgique.

De ce point de vue, et par prélèvements sur le budget des Armées liés à la dissuasion nucléaire ainsi qu’à la protection des territoires ultramarins, l’influence française sur la scène internationale, et en particulier en Europe, sera irrémédiablement appelée à s’étioler face à des partenaires comme la Pologne.

En effet, la majorité des pays d’Europe de l’Est s’est engagée dans une hausse importante de leur effort de défense, bien au-delà des 2 % imposés par l’OTAN, alors que l’intégralité des moyens déployés par ces pays sera, eux, directement impliqués dans la défense collective du vieux continent.

La Marine nationale l’aligne que six frégates de surveillance pour assurer la présence militaire armée française autour des territoires ultramarins.

Par ailleurs, cette perte d’influence dépassera les frontières européennes, avec des moyens conventionnels proportionnellement inférieurs à ceux de ses voisins. Elle induirait, par ailleurs, un affaiblissement de l’industrie de défense française sur la scène internationale, avec un investissement national plus limité à destination des moyens conventionnels, ceux-là mêmes qui s’exportent.

Un effort de defense français nécessaire et suffisant à 2,65 %

En prenant le raisonnement inverse, si la France voulait préserver son statut et son rôle sur la scène internationale et européenne, elle devrait effectivement consacrer 2 % de son produit intérieur brut à la constitution de moyens dédiés à la défense collective, donc conventionnels.

À ces 2 %, il conviendrait alors d’ajouter 0,5 % PIB pour financer la dissuasion, un effort comparable à celui de la Grande-Bretagne, qui pourtant ne met en œuvre qu’une composante sous-marine, et qui utilise des missiles de conception américaine, et sensiblement inférieur à l’effort américain ou russe dans le domaine, qui évolue entre 0,7 % et 1,3 % PIB.

Enfin, Paris devrait allouer un effort budgétaire supplémentaire dédié à la protection des territoires ultramarins et de la Zone Économique du pays, soit 0,15 % en appliquant un ratio équivalent au ratio de population en zone ultramarine.

Au total, donc, l’effort de défense nécessaire et suffisant à la France pour assurer la défense du pays dans sa globalité, et pour consolider le statut et le rôle du pays à l’international, devrait être de 2,65 % PIB, et non 2 % PIB comme visé par la LPM 2024-2030. Comme nous le verrons, des pistes existent pour financer les 16 Md€ de différence.

Porter l’effort de défense conventionnel français à 2 % permettrait à l’Armée de terre de constituer une troisième division mécanisée

Un tel effort permettrait, en effet, une croissance sensible des moyens consacrés aux forces conventionnelles des armées françaises, de l’ordre de 35 à 40 % vis-à-vis du format visé aujourd’hui.

2 % du PIB pour les forces fonctionnelles françaises

Cela permettrait, avec une croissance homothétique des moyens, à l’Armée de terre de constituer une troisième division de trois brigades au sein de la Force Opérationnelle Terrestre, strictement dédiée à l’engagement de haute intensité, et qui s’appuierait en partie sur une augmentation des effectifs de réserve.

La Marine nationale, quant à elle, pourrait voir sa flotte de sous-marins nucléaires d’attaque portée à 7 ou 8 unités, sa flotte de frégates de 1ᵉʳ rang au-delà de 18 unités, et disposerait des crédits pour recevoir un second porte-avions nucléaire de nouvelle génération.

Quant à l’Armée de l’Air, elle verrait sa flotte de chasse dépasser les 250 appareils, sa flotte de transport les 50 aéronefs, et pourrait sensiblement densifier ses moyens de défense anti-aériens, spatiaux et de drones.

Dégagée du flou budgétaire actuel, la dissuasion française pourrait s’appuyer sur 5 SNLE, 2 véritables escadrons de bombardement stratégique, et pourrait probablement se doter d’une composante terrestre. Enfin, les territoires ultramarins disposeraient de 3 Md€ par an pour leurs moyens de défense terrestres, navals et aériens.

Le SNLE Triomphant doit rester indétectable pour assurer sa mission de dissuasion

Bien évidemment, porter l’effort de défense à 2,65 % PIB ne peut pas s’effectuer sans y associer de nouvelles sources de financement. Pour y parvenir, il est nécessaire de sortir des modèles traditionnels.

Plusieurs pistes de financement existent

La solution la plus évidente, mais peut-être la plus difficile à mettre en œuvre, repose sur l’exclusion de l’investissement français pour la dissuasion du déficit public par les instances européennes.

Notons qu’une telle négociation serait certainement facilitée si, concomitamment, Paris s’engageait à accroitre son effort de défense « conventionnel » à 2 % PIB. La mesure bénéficierait alors effectivement à la sécurité collective à deux niveaux, en garantissant l’efficacité de la dissuasion française, et en renforçant les moyens de la force armée la plus expérimentée du vieux continent.

Changer les paradigmes d’équipement des Armées

Ensuite, il serait possible de dégager de nouvelles ressources en transformant les relations entre l’industrie de défense et leur principal client, à savoir les armées.

Aujourd’hui, en effet, les armées participent au soutien à l’exportation de l’industrie de défense, par l’intermédiaire de certains déploiements et salons, et des missions de formation et de soutien SOUTEX, sans en retirer de quelconques bénéfices pour elles-mêmes.

La Marine nationale estime son besoin de frégates de 1ᵉʳ rang autour de 24 unités, dont six frégates anti-aériennes.

De la même manière, les Armées n’ont aucun intérêt à orienter leurs commandes d’équipement afin de soutenir les exportations de l’industrie de défense nationale, et ne le font le plus souvent que contraintes et forcées par le pouvoir politique.

Permettre aux Armées de tirer des bénéfices des succès de l’industrie de défense française sur la scène internationale, en particulier des ressources budgétaires, constituerait une inversion de paradigmes potentiellement très efficace en de nombreux aspects, qu’ils soient industriels, militaires, économiques et même géopolitiques, en renforçant l’influence de la France.

Une autre approche, abordée dans un précédent article, reposerait sur un profond changement de la politique de possession des équipements militaires par les Armées, de sorte à, là encore, accroitre les recettes budgétaires et l’influence internationale liées aux exportations d’équipement de défense.

Changer de législation sur les SMP pour accroitre les ressources

Enfin, même si le sujet est délicat, il serait possible de dégager de nouvelles ressources budgétaires pour les armées, en autorisant la création de sociétés militaires privées ou SMP en France.

L’exemple de la SMP russe Wagner en Afrique et au Moyen-Orient montre, en effet, que cette approche répond effectivement à des besoins hautement spécifiques tant de la part de gouvernants que d’intérêts privés, pour lesquels le déploiement de forces armées traditionnelles n’est ni requis, ni même souhaitable.

Par les excès dans son histoire récente, la France, et plus globalement l’Europe, est réservée quant au sujet, et les SMP, si elles peuvent être créées sous certaines conditions très strictes, se limitent le plus souvent à des missions de formation et d’accompagnement des exportations.

En en étendant le périmètre, il serait possible d’attirer dans le pays plusieurs initiatives à forte valeur économique, susceptible de générer des recettes budgétaires supplémentaires importantes.

La chasse française de l’Armée de l’Air et de l’espace disposera seulement de 185 appareils en 2030, un format très insuffisant aux dires du CEMAAE.

Bien évidemment, ces pistes ne doivent pas être analysées de manière individuelle, mais comme un ensemble de moyens susceptibles de permettre d’augmenter l’effort de défense français à son niveau requis de 2,65 %, et ce, sans venir déstabiliser les équilibres budgétaires par ailleurs.

Conclusion

Quoi qu’il en soit, deux faits majeurs doivent désormais être considérés par l’ensemble des acteurs ayant une influence sur la programmation militaire française.

D’une part, avec un effort à 2 % de son PIB, l’influence et le rôle de la France sur la scène européenne et internationale ne pourront aller que décroissant, à relativement courte échéance, avec des conséquences importantes tant sur la sécurité européenne que sur l’industrie de défense.

D’autre part, pour libérer les crédits supplémentaires afin d’atteindre l’effort de défense nécessaire et suffisant de 2,65 % PIB, il sera nécessaire de sortir de la zone de confort dans laquelle la programmation militaire française évolue depuis plusieurs décennies.

En outre, il faudra se montrer aussi innovant dans ce domaine que le sont les ingénieurs de Dassault, Thales ou MBDA pour la conception des équipements de défense français.

Reste que pour y parvenir, il faudra d’abord faire un constat objectif, et avoir la détermination requise pour braver les conservatismes inhérents à ce domaine. C’est probablement là, aujourd’hui, que se situe la plus grande difficulté.

La Pologne commande pour 2 Md€ de systèmes sol-air à courte portée à la Grande-Bretagne

On peut dire beaucoup de choses sur la boulimie d’acquisition de matériels de défense de Varsovie depuis quelques années, encore plus sensible ces derniers mois sous l’action conjointe de la guerre en Ukraine et l’arrivée des élections législatives polonaises cet automne. Toutefois, force est de constater que ces acquisitions répondent à une analyse poussée et cohérente des besoins d’une force armée composée de 6 divisions mécanisées, en particulier à la lumière des enseignements en Ukraine. En particulier, Varsovie semble être particulièrement attentif à ne pas faire d’impasse capacitaire pouvant mettre à mal l’efficacité de l’ensemble des forces armées. C’est ainsi qu’au delà des chars lourds et des véhicules blindés, les armées polonaises pourront s’appuyer sur une très puissante artillerie à moyenne et longue portée, épaulée d’un nombre importants de drones et autres munitions vagabondes, de sorte à ne pas dépendre de trop de ses forces aériennes plus limitées car très onéreuses pour un pays dont le PIB plafonne à 700 Md$ / an.

C’est également le cas en matière de défense anti-aérienne. En 2018 déjà, Varsovie commandait 2 batteries complètes Patriot PAC-3 disposant de 4 radars et de 16 lanceurs pour remplacer les S-200 Vega et S-125 Neva encore en service au sein des forces aériennes, le tout pour 4,75 Md$. Depuis, les armées polonaises ont commandé 77 systèmes de défense anti-aériens à très courte portée Propad armés de 4 missiles à guidage infrarouge Grom ou Porium, alors que plusieurs centaines de ces missiles pouvant être mis en oeuvre par l’infanterie ont également été commandés. La semaine dernière, Varsovie annoncé une nouvelle commande dans ce domaine, cette fois auprès de la branche britannique du missilier européen MBDA, pour un total de 2 Md€. Celle-ci porte sur 44 lanceurs ainsi que plusieurs centaines de missiles à courte portée CAMM, pour équiper 22 batteries anti-aérienne Pilica+.

Les armées polonaises vont disposer de 77 systèmes anti-aériens à très courte portée Propad armés de 4 missiles anti-aériens Grom ou Porium.

Dérivé du missile air-air à courte portée ASRAAM, le CAMM pour Common Anti-Air Modular Missile, est un missile anti-aérien à guidage inertiel et autodirecteur radar, d’une portée de 25 km pour sa version classique, et de 45 km pour la version -ER (Extended Range), concurrent du MICA VL français, de l’IRIS-T SL allemand et de l’Aster 15 européen. Contrairement à la version communément proposée à l’exportation sur la scène internationale reposant sur le radar Giraffe AMB de Saab, la configuration polonaise repose sur le radar ZDPSR Sola, un radar léger développé par le polonais PGZ pouvant être monté sur un véhicule blindé léger, et capable de détecter un avion comme un F-16 ou un Mig-29 jusqu’à 40 km et 8000 mètres d’altitude sur 360°. Outre les 2 systèmes Pilica+ par régiment, ces derniers disposeront également de plusieurs batteries anti-aériennes de 23mm et de systèmes Propad, ainsi que de missiles Grom de sorte à disposer d’une importante capacité de protection au profit des forces terrestres déployées, contre les aéronefs, hélicoptères mais également les missiles de croisière. De fait, les armées polonaises seront non seulement celles disposant de la plus importante puissance mécanisée et de la plus grande puissance de feu en Europe, mais également de la défense anti-aérienne la plus dense et la plus rationnelle, surpassant même l’US Army dans ce domaine.

Reste que, comme ce fut abordé dans un précédant article, la note des acquisitions d’équipements de défense par les autorités polonaises ces dernières années, commence à poser un véritable problème de soutenabilité pour les finances publiques du pays, et suscite de réelles inquiétudes notamment de la part de l’opposition, qui craint que cette débauche d’ambitions ne vise avant tout des objectifs électoraux sans ternir compte des difficultés que rencontrera le pays pour honorer ses engagements. A l’inverse, les autorités polonaises avancent que ces investissements sont faits car il n’y a pas d’autres alternatives, eu égard à la réalité de la menace russe en Europe de l’Est. De manière objective, force est de constater que les deux arguments pourtant antagonistes, se valent et reposent surtout sur le biais choisi pour les évaluer, sachant que dans un cas comme dans l’autre, il ne fait guère de doutes que des considérations de politique intérieures pèsent sur la posture choisie.

Pourquoi l’ouverture du programme SCAF à d’autres partenaires européens apporteraient autant de contraintes que d’opportunités ?

Rassemblés à Madrid ce 28 avril, les ministres de la défense allemand Boris Pistorius, espagnole Margarita Robles et français Sebastien Lecornu, ont officialisé le lancement de la phase 1B du programme de Système de Combat Aérien du Futur, ou SCAF. Cette signature fait suite à l’accord industriel entériné il y a quelques mois par Dassault Aviation, Airbus DS et Indra, ayant permis de sortir de l’ornière dans lequel le programme était bloqué depuis presque une année, autour du pilotage de son premier pilier visant à developper l’avion de combat Next génération Fighter, ou NGF, au coeur du programme.

Au delà de la phase 1B qui doit réaliser l’étude initiale, l’accord signé par les 3 ministres européens prévoit également que leurs pays soutiendront à part égale la construction d’un démonstrateur à la fin de la décennie, avec une enveloppe globale de 8 Md€ allouée par Madrid, Berlin et Paris à cet effet.

Si cet évènement fut l’occasion de célébrer l’harmonie retrouvée autour du programme, il permit également aux ministres de tracer certaines lignes quant à l’avenir de cette coopération européenne dans le domaine de l’industrie de défense. Ainsi, le ministre français des armées a, une nouvelle fois, mis en avant le rôle essentiel de ces programmes européens, auxquels il a notamment associé le programme franco-allemand MGCS de char de combat de nouvelle génération, dans le développement d’une réelle autonomie stratégique du vieux continent, en alignement parfait avec la position exprimée par la Commission Européenne à ce sujet.

Surtout, les ministres ont laissé entendre que le programme SCAF pourrait être, dans un avenir relativement proche, ouvert à d’autres partenaires européens, ajoutant que plusieurs états auraient déjà signifié leur intérêt pour y participer.

Bien évidemment, l’arrivée de nouveaux partenaires au sein du programme SCAF ouvrirait de nombreuses opportunités tant industrielles que militaires et politiques. Ainsi, ces partenaires de premier rang permettraient d’étendre sensiblement l’assiette industrielle du programme, en augmentant le nombre de systèmes à produire, qu’il s’agisse des chasseurs NGF eux -mêmes, mais également de l’ensemble des systèmes du programme allant du cloud de combat aux drones Remote Carrier et Loyal Wingman, en passant par les munitions et les simulateurs. Augmenter le volume global initial permettrait notamment aux industriels de dimensionner leur outil de production, et surtout de se projeter sur une fenêtre plus longue, avec à la clé une diminution des risques et donc des couts.

Du point de vue opérationnel, l’arrivée de nouveaux partenaires permettrait d’étendre l’interopérabilité des forces aériennes européennes qui, aujourd’hui, dépendent pour beaucoup de technologies US autour du F-35 pour cela, tout en fluidifiant les procédures de maintenance et en réduisant les couts d’évolution de l’appareil, voire en mutualisant la formation des personnels, de sorte à réduire et simplifier de nombreuses contraintes importantes auxquelles elles doivent faire face aujourd’hui.

Enfin, d’un point de vue politique, l’extension du programme permettrait de créer, de manière visible, un réel contre-poids à l’omniprésence technologique, opérationnelle et par voie de conséquence, politique des Etats-Unis dans la conduite de la politique internationale européenne. Cet aspect était au coeur de la coopération franco-allemande de défense entreprise en 2017, mais a été sensiblement érodée ces dernières années du fait de l’augmentation rapide des menaces militaires, y compris sur le vieux continent, mais également de l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, un président américain beaucoup plus consensuel que ne pouvait l’être Donald Trump en son temps.

Face au risque de voir Trump ou Ron DeSantis s’imposer aux prochaines présidentielles US de 2024, mais également de l’indispensable pivot vers le Pacifique des forces armées US pour faire face à la Chine, l’autonomie stratégique européenne reprend de l’attrait, et s’exprime notamment dans l’ouverture probable du programme SCAF à de nouvelles participations européennes.

Pour autant, l’arrivée de nouveaux acteurs dans ce programme ne sera pas sans poser de réelles contraintes, voire certaines menaces sur la pérennité des compétences des industries de défense nationales. En effet, les tensions ayant presque fait dérailler SCAF il n’y a de cela que quelques mois, reposaient avant tout sur le partage des travaux entre les différents industriels engagés.

Certains piliers permirent de trouver rapidement des compromis efficaces du fait de la spécialisation des acteurs, comme ce fut le cas pour le pilier moteur avec une coopération entre le français Safran et l’allemand MTU assez proche de celle qui fit le succès du turboréacteur civil CFM56 co-développé par General Electric et Snecma (devenue Safran depuis). D’autres, en revanche, ont été beaucoup plus problématiques, y compris au delà du très médiatique premier pilier NGF.

Or, comme l’a montré l’arrivée de Rheinmetall imposée par le Bundestag au sein du programme MGCS, il est à la fois difficile et très contraignant d’intégrer de nouveaux partenaires, et non de simples clients, en particulier au sein d’un programme ayant déjà fait l’objet d’intenses tractations pour parvenir à créer un équilibre industriel acceptable par l’ensemble des parties. En outre, les compétences industrielles des pays européens qui pourraient rejoindre SCAF, on pense à la Belgique, mais également à la Grèce et peut-être à la Suède, se concentrent souvent dans des domaines déjà sous forte tension afin de permettre aux partenaires français, allemands et espagnols de maintenir leurs compétences au travers de ce programme qui s’avérera très certainement le seul auquel elles pourront participer dans les 20 ou 30 années à venir dans ce domaine.

Dit autrement, l’extension de SCAF à d’autres partenaires européens, viendra probablement menacer le maintien de certaines compétences essentielles dans le développement d’un avion de combat chez certains industriels français, allemands ou espagnols, surtout ceux ayant déjà été en parti sacrifiés sur l’autel de la coopération européenne comme Thales, Hensoldt ou MBDA.

Il existe cependant des solutions pour réduire ces contraintes, tout en étendant le potentiel inclusif du programme SCAF en Europe. Il pourrait être ainsi pertinent de developper, au sein du projet, non pas un unique chasseur moyen-lourd bi-moteurs, mais d’y ajouter un second chasseur plus léger, monomoteur, venant prendre la relève des F-16, Mirage 2000 et autres Gripen dans les forces aériennes ayant des moyens trop limités pour se tourner vers le NGF.

En procédant ainsi, et surtout en tuilant intelligemment les technologies développées pour les deux programmes de sorte à en optimiser les avancées, l’efficacité et le rapport performances-prix, il serait effectivement possible non seulement d’ouvrir le programme à de nouveaux partenariats européens sans venir menacer des savoir-faire industriels critiques, mais également de rendre le super-programme SCAF beaucoup plus attrayant notamment pour les pays d’Europe de l’Est qui aujourd’hui, pour beaucoup, semblent condamnés à se tourner vers des moyens américains.

Correctement anticipée et mise en oeuvre, l’ouverture du programme SCAF pourrait alors devenir un socle performant pour faire émerger une première initiative européenne majeure en matière d’équipement technologique de défense, vers la création d’une réelle autonomie stratégique sur le vieux continent. Les enjeux sont très importants, non seulement du point de vue opérationnel et industriel, mais également sur la scène géopolitique mondiale, en montrant comme c’est en partie le cas aujourd’hui avec l’Ukraine, une réelle capacité de mobilisation commune des européens autours d’initiatives stratégiques.

Il faudra également se montrer très convaincant face à d’autres programmes similaires, comme le Tempest italo-britanniques et le TFX turc récemment baptisé Kaan, ainsi que contre l’omniprésence du F-35 américain qui évoluera dans plus d’une dizaine de forces aériennes européennes d’ici une dizaine d’années. De toute évidence, le programme SCAF a encore de nombreux obstacles à franchir avant d’atteindre les ambitions qui sont les siennes.

La Bundeswehr va commander 200 VCI Puma, dont 89 pour former un tampon d’exportation

En de nombreux aspects, la Bundeswehr est loin d’être la force armée la plus efficace du vieux continent, en particulier lorsque l’on considère le budget dont elle dispose face aux capacités opérationnelles qu’elle-même reconnait. Mais il est un domaine dans lequel elle est en tout point exemplaire, le soutien à l’industrie de défense allemande. Ainsi, la commande annoncée il y a quelques jours de 18 Leopard 2 au nouveau standard A8, représente un appuie considérable pour imposer cette évolution sur la scène export, en particulier face à la concurrence des K2 sud-coréens ou du KF-51 Panther de Rheinmetall. De même, si le soutien au marché des véhicules de combat d’infanterie était relativement réduit ces dernières années sur un marché atone, les bouleversements liés à la guerre en Ukraine et ses effets sur l’augmentation rapide et radicale de la demande pour ce type de blindés, ont amené Bundeswehr à reconsidérer sa posture. C’est ainsi qu’en fin de semaine dernière, le ministre de la défense allemand, Boris Pistorius a annoncé la commande de 200 nouveaux véhicules de combat d’infanterie Puma, aux cotés de la modernisation des Puma déjà en service pour en améliorer les performances.

Pour autant, seuls 111 de ces Puma seront destinés à la Bundeswehr. Ainsi, 50 unités seront commandés dans les jours à venir pour 1,5 Md€, alors que 61 exemplaires sont en option à prix fixe pouvant être levée en 2024 et 2025. Les 89 autres unités, quant à elles, seront produites pour être versées dans une sorte de tampon destiné à l’exportation, afin de pouvoir livrer rapidement à un ou plusieurs clients ces blindés ayant un standard identique à ceux de la Bundeswehr. Il faudra toutefois attendre d’en savoir plus quant à la configuration des Puma qui seront livrés, ainsi qu’au sujet de la ventilation des couts pour expliquer un tarif de 1,5 Md€ pour 50 exemplaires, soit un cout facial 30 m€ par unité, pour un modèle existant devant être modernisé et fiabilisé.

Les VCI Puma sont assemblés par Krauss-Maffei Wegmann et mobilisent de nombreux autres acteurs de la BITD allemande comme Rheinmetall, MTU et RENK.

Reste qu’en constituant un parc tampon de Puma dédié à l’exportation, la Bundeswehr met en oeuvre une stratégie comparable au Foreign Military Sales américain, offrant de nombreux attraits en soutien de l’industrie, sans venir menacer les finances publiques. Une approche comparable avait été abordée dans un article de juillet 2021 intitulé « Le Tampon Opérationnel, une alternative pour renforcer les Armées et l’Industrie de Défense« , étudiant les données et le modèle économique d’un dispositif visant à simultanément accroitre les exportations et réduire les couts de production des équipements de défense en France. Il faut toutefois noter que l’Allemagne a, par le passé, à plusieurs reprises fait montre d’une réelle souplesse programmatique militaire pour soutenir ses exportations de défense, comme ce fut le cas en Norvège pour imposer le sous-marin Type 212CD de TKMS face au Scorpène de Naval Group, en commandant deux unités pour la Bundesmarine et en assumant la moitié des couts de R&D. Cette proposition de Berlin, aux dires même de Naval Group, tua la compétition, la France ne pouvant s’aligner.

Cette stratégie commerciale retenue par Berlin s’appuie sur le constat d’une évolution importante du marché des équipements de défense. En effet, là ou les couts et les compensations industrielles, technologiques ou économiques étaient jusqu’il y a peu au coeur des négociations internationales dans ce domaine, la question des délais de livraison et de mise en oeuvre est aujourd’hui critique pour de nombreuses forces armées, contraintes de se moderniser et de se densifier face à l’évolution rapidement de la menace. En outre, avec un commande de 200 unités sur 3 ans, non seulement Berlin et la Bundeswehr renforcent-ils les capacités opérationnelles allemandes dédiées à l’engagement de haute intensité et se dotent ils d’un parc exportable sur des délais courts, mais ils permettent également à l’industrie allemande de monter en production pour répondre aux demandes internationales dans les années à venir, lui conférant un atout considérable en matière d’offre. Il sera probablement interessant, à terme, de mettre en rapport les surcouts d’une telle opération sur les finances publiques allemandes, et les recettes fiscales et sociales découlant de l’application de cette stratégie. De toute évidence, les allemands savent compter…

Le programme de frégates australiennes de la classe Hunter pourrait être, lui aussi, menacé

Après les sous-marins Shortfin Barracuda abandonnés pour les SSN-AUKUS, les frégates de la classe Hunter de la RAN sont aussi menacées.

La montée en puissance des forces armées chinoises, et notamment de la Marine de l’Armée Populaire de Libération, fait peser une menace inédite depuis la fin de la seconde mondiale sur l’Australie. Pendant la guerre froide, l’ile du Commonwealth joua essentiellement le rôle de base arrière des forces américaines et d’allié de premier plan de Washington.

Depuis, l’arrivée de nouvelles capacités de frappe à longue portée, mais également de navires capables de mener des combats océaniques au sein de la flotte chinoise, ont amené les stratèges australiens à revenir sur de nombreux programmes lancés quelques années auparavant.

Le plus emblématique a été l’annulation du programme SEA 1000 qui devait produire 12 sous-marins à propulsion conventionnelle de la classe Attack dérivés du modèle français Shortfin Barracuda. Ils seront remplacés par huit sous-marins nucléaires d’attaque codéveloppés avec la Grande-Bretagne.

Canberra fera par ailleurs l’acquisition de 3 à 5 SNA américains de la classe Virginia pour assurer l’intérim entre la fin de vie des Collins à partir de 2030, et l’arrivée des premiers SSN-AUKUS au début de la décennie suivante.

Quoi qu’il en soit, de sorte à répondre à l’évolution de la menace comme à financer des programmes très onéreux comme les SSN-AUKUS, l’état-major australien est amené à revoir une bonne partie de sa programmation.

Ainsi, à l’occasion de la présentation de la nouvelle Revue Stratégique la semaine dernière était annoncée que le programme LAND 400, qui devait initialement commander 450 véhicules de combat d’infanterie chenillés pour l’Australian Army, serait ramené à seulement 129 exemplaires. Ceci constitue un changement considérable alors que ces VCI devaient constituer le corps de bataille haute intensité des forces terrestres australiennes.

Les frégates de la classe Hunter devaient remplacer les 8 frégates anti-sous-marine de la classe Anzac entrées en service entre 1996 et 2006
Les frégates de la classe Hunter devaient remplacer les 8 frégates anti-sous-marine de la classe Anzac entrées en service entre 1996 et 2006

Si l’Australian Army a été largement mise à contribution lors de cette réorganisation, l’Australian Air Force, elle aussi, a été obligée de réviser certaines de ses ambitions. Elle a dû, notamment, mettre fin aux consultations entamées avec l’US Air Force en vue d’acquérir des bombardiers furtifs B-21 Raider, comme elle avait été autorisée à acquérir des F-111 dans les années 70.

Plus étonnant, la Royal Australian Navy pourrait bien, elle aussi, voir l’un de ses programmes majeurs menacés par cette transformation. En l’occurrence, il s’agirait du programme signé en 2018 pour la construction de 9 frégates de lutte anti-sous-marine de la classe Hunter afin de remplacer les 8 frégates de la classe Anzac entrées en service de 1996 à 2006.

En effet, la nouvelle Revue Stratégique, présentée il y a quelques jours, prévoit de suspendre le programme en cours. Une nouvelle évaluation des besoins de l’Australian Navy dans ce domaine sera alors menée, dans les décennies à venir, devant être rendu d’ici à la fin de l’été.

Cette décision se fonde sur deux facteurs clés. D’abord, la classe Hunter a été conçue pour évoluer aux côtés des Shortfin Barracuda conventionnels de la classe Attack. La RAN va désormais se doter de sous-marins nucléaires d’attaque, beaucoup plus rapides et dotés d’une autonomie considérablement plus élevée.

L’annulation du programme SEA 1000 qui prévoyait la construction de 12 sous-marins Shortfin barracuda a profondément modifié l’architecture de la flotte australienne, et dons ses besoins.

Ensuite, la Revue Stratégique constate que la tendance dans les marines occidentales est à l’augmentation du nombre de coques pour accroitre la masse. Pour cela, certaines marines se tournent vers des unités navales plus compactes pour en diminuer le cout de construction et de maintenance.

Paradoxalement, on peut remarquer que ces deux arguments peuvent apparaitre antagonistes. Des navires plus imposants sont nécessaires pour accompagner l’allonge et l’autonomie des SNA, sauf à considérer que les SNA auront la charge de la mission de lutte anti-sous-marine et de lutte anti-surface océanique. Les frégates seront, elles, cantonnées à des missions de protection des côtes et d’escorte des Capital Ships.

Dans un cas comme dans l’autre, ce nouveau renversement de posture de l’état-major australien risque fort de venir réduire le volume du programme de frégates de la classe Hunter, et peut-être même de l’annuler purement et simplement. La RAN pourrait alors étudier des modèles plus compacts et économiques comme les Arrowhead 140 britanniques, les MEKO 200 allemandes ou les FDI françaises, voire en se tournant vers les nouvelles Constellation de l’US Navy.

Avec une longueur de 150 mètres et un déplacement de près de 10.000 tonnes, les Hunter, dérivées des Type 26 de la Royal Navy, devaient, en effet, être des navires se rapprochant davantage de la classification de destroyer, voire de destroyer lourd, que de frégate.

En outre, et à l’instar d’autres programmes australiens, les frégates Hunter ont été vertement critiquées ces dernières années, notamment par une augmentation importante des couts du programme. Celui-ci est passé d’une enveloppe prévisionnelle de 30 Md$ en 2016, à 46 Md$ (australiens) aujourd’hui selon les dernières projections, soit un prix à l’unité comparable au destroyer Arleigh Burke Flight III (même si les fonctions des deux navires sont très différentes).

Les porte-hélicoptères d’assaut modernes : la menace aéro-amphibie sous l’horizon (1ʳᵉ partie)

Si les opérations amphibies sont, comparativement aux batailles terrestres, navales et même aériennes, peu nombreuses dans l’histoire, elles eurent souvent un impact considérable sur le déroulement des conflits.

Qu’il s’agisse des opérations Torche (Afrique du Nord), Overlord (Normandie) et Dragoon (Provence) contre l’Allemagne Nazie, des débarquements américains sur les iles du Pacifique face au Japon, ou de celui d’Inchon durant la guerre de Corée, tous permirent de renverser le rapport de force et influencèrent considérablement la conduite de la guerre.

À l’inverse, certains échecs, comme le débarquement d’Anzio en Italie, ou celui des Dardanelles durant la Première Guerre mondiale, conduisirent à un enlisement critique de l’effort militaire, ainsi qu’à des pertes insoutenables.

La dernière opération aéro-amphibie d’envergure s’est déroulée à Port Carlos le 21 mai 1982, et permit à la Royal Navy de mettre à terre 4000 soldats britanniques pour la reconquête de l’ile principale de l’archipel, au prix de deux frégates coulées, les HMS Ardent et Antelope, deux destroyers endommagés, les HMS Brilliant et Argonaut, ainsi que plusieurs unités logistiques qui ont été gravement endommagées, les RFA Sir Galahad, RFA Sir Lancelot et RFA Sir Tristan, sous les bombes des A4 Skyhawk et Dagger des forces aériennes argentines.

La guerre des Malouines vit particulièrement briller les deux navires d’assaut porte-hélicoptères de la Royal Navy, les HMS Fearless et Intreprid, longs de 159 mètres pour un tonnage de 12.000 tonnes en charges, et capables de transporter 550 Royal Marines et de les mettre à terre avec leur équipement à l’aide de barges de débarquement et d’hélicoptères Wessex.

Depuis, le contexte des assauts amphibies a considérablement évolué, en particulier du fait de la multiplication des batteries côtières armées de missiles anti-navires capables d’atteindre de manière autonome des cibles navales dans un rayon de 40 à 50 km, selon leur élévation, bien au-delà avec le soutien de systèmes de localisation déportés, comme des aéronefs, des drones ou des navires/sous-marins.

C’est notamment cette menace, ainsi que la présence de nombreuses mines sous-marines, qui interdit à la flotte russe de mener un assaut amphibie sur Odessa en Ukraine, celle-ci ne disposant, à ce jour, que des bâtiments de type LST contraints de s’approcher de la côte et de plager pour mener les assauts.

Afin de répondre à cette nouvelle menace, l’US Navy conçue, à la fin des années 60, la première classe de porte-hélicoptères d’assaut, la classe Tarawa, capable de mener un assaut simultanément à l’aide de barges rapides et d’hélicoptères de transport lourds, au besoin escortés d’hélicoptères de combat, tout en restant sous le couvert de l’horizon et donc des missiles anti-navires adverses.

La flotte russe en Mer Noire ne peut s’appuyer que sur des navires d’assaut de type LST comme la classe Alligator, obligés de venir plager pour déposer les forces d’assaut et donc de s’exposer aux tirs des batteries côtières ukrainiennes.

Longs de 254 mètres pour un tonnage de plus de 40.000 tonnes en charge, les Tarawa disposaient non seulement d’un vaste hangar et d’un radier pour mettre en œuvre une batellerie de chalands de débarquement et autres aéroglisseurs d’assaut, mais également un très important hangar aéronautique capable d’accueillir plus d’une vingtaine d’hélicoptères lourds CH-53 Sea Station et CH-46 Sea Knight, ainsi qu’un pont d’envol droit de presque 9000 m² et deux ascenseurs pour mettre en œuvre ces appareils avec un rythme de rotations aériennes très soutenu.

Plus tard, les Tarawa, qui n’avaient guère à envier aux porte-avions de la seconde guerre mondiale de la classe Essex, verront une partie de leurs hélicoptères remplacés par des avions de combat Harrier de sorte à en accroitre la puissance de feu et les capacités de soutien des forces engagées dans l’assaut amphibie.

Depuis, le concept développé par la classe Tarawa fit école au sein de nombreuses marines, y compris l’US Navy qui développa par la suite la classe Wasp et récemment la classe America pour maintenir cette capacité avancée, mais également la Marine Nationale avec la classe Mistral, la Chine avec le Type 075 et l’Italie avec la nouvelle classe Trieste, ces navires étant traités dans cet article.

Un second article abordera l’Espagne avec la prolifique classe Juan Carlos I, la Turquie avec l’Anadolu, la Corée du Sud avec les Dokdo et la Russie avec la classe à venir Ivan Rogov.

Etats-Unis : LHA classe America

Héritiers directs des Tarawa et des Wasp de l’US Navy, les LHA (Landing Helicopters Assault) de la classe America en reprennent les principales caractéristiques avec une longueur de 257 mètres pour une largeur maximale de 32 mètres et un déplacement de 44.000 tonnes en charge, soit celui du porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle.

Les deux premiers navires de la classe, les USS America et USS Tripoli, entrés en service respectivement en 2014 et 2020, sont à ce titre dédiés à la mise en œuvre d’aéronefs, hélicoptères de transport lourds CH-53 Super Station, hélicoptères d’attaque AH-1 Viper ou encore hélicoptères de manœuvre MH-60 Knighthawk, mais également d’appareils convertibles lourds MV-22B Osprey ainsi que d’avions de combat AV-8B Harrier II puis F-35B Lighting II à décollage et atterrissage vertical ou court, tous étant mis en œuvre par le Corps des Marines des Etats-Unis.

Au total, le navire peut transporter plus de 25 aéronefs, et des expérimentations semble-t-il concluantes ont même été menées pour évaluer le potentiel de ces deux bâtiments à jouer le rôle de porte-avions léger en embarquant une quinzaine de F-35B, soit autant que beaucoup de porte-aéronefs spécialisés.

Les deux premières unités de la classe America, l’USS America et l’USS Tripoli, sont dépourvues de radier

Les 9 autres navires de la classe, à partir de l’USS Bougainville dont la construction a débuté en mars 2019, sont eux dotés d’un radier permettant de mettre en œuvre des unités de débarquement rapides LCAC (Landing Craft Air Cushion), un aéroglisseur de 27 mètres de long sur 14 m de large capable de transporter 60 tonnes de chargement à 40 nœuds sur une distance de plus de 200 nautiques.

Outre la radier, les futurs navires de la classe disposeront également d’un hôpital de campagne trois fois plus imposant que celui déployé à bord de l’America et du Tripoli, pour lesquels de nombreuses concessions ont été faites de sorte à accroitre les capacités de mise en œuvre d’aéronefs.

Contrairement aux Wasp, les navires de la classe America mettent en œuvre une propulsion reposant sur deux turbines à gaz de 70.000 chevaux chacune, épaulées de deux turbines auxiliaires de 5000 cv, leur permettant de soutenir une vitesse de 20 nœuds.

L’US Navy a expérimenté l’emploi de l’USS America en tant que porte-avions léger pour densifier sa réponse à la montée en puissance chinoise dans le Pacifique

Au delà des aspects amphibies relativement proches de ceux des Wasp et Tarawa qui les précèdent, les America ont été conçus pour mettre en œuvre le F-35B Lighting II, un appareil qui confère pour la première fois au Corps des Marines US la capacité de s’emparer de la supériorité aérienne au-dessus des zones de débarquement, mais également d’assurer la protection de la flotte d’assaut sans devoir recourir à un porte-avions de l’US Navy à cet effet.

Le pont a ainsi été spécialement conçu pour absorber l’extraordinaire dégagement de chaleur du turboréacteur F-135 lors des manœuvres de décollage court ou d’atterrissage vertical de l’appareil, tout en disposant de six spots d’atterrissage pour les hélicoptères.

Enfin, les capacités d’autodéfense du navire sont importantes avec 2 CIWS RAM armés chacun de 24 missiles à très courte portée, 2 CIWS de 20mm Phalanx ainsi que deux lance-missiles anti-aériens à courte portée Evolved Sea Sparrow ESSM et plusieurs systèmes de petits calibres.

Chine : LHD Type 075

La Marine de l’Armée Populaire de Libération disposait, au début des années 2000, d’une très vaste flotte d’assaut composée de 28 transports de chars Type 072 (4200 à 4800 tonnes) et d’une cinquantaine de LST Type 073/74 de 700 à 2000 tonnes.

Toutefois, aucun de ces navires ne permettait de mener des assauts amphibies distants, ni de faire face à une défense côtière efficace, comme c’est le cas, notamment, de l’ile de Taïwan.

La première réponse fut le développement de la classe de transport de chalands de débarquement équipés d’une plate-forme hélicoptères LPD Type 071, des navires de 210 mètres de long pour un déplacement de 25.000 tonnes, capables de mettre en œuvre 4 aéroglisseurs Type 726 ainsi que 4 hélicoptères lourds Z-8 pour mettre à terre les 800 hommes et 26 véhicules transportés.

Neuf de ces bâtiments, trois par flotte, ont été construits entre 2005 et 2021 par les chantiers navals Hudong-Zhonghua Shipbuilding, afin de donner à la marine chinoise une première capacité d’assaut amphibie moderne.

Il devint toutefois rapidement évident à l’Amirauté chinoise que les LPD Type 071 ne disposaient que d’une capacité limitée en matière de mise à terre simultanée, notamment du fait de sa faible flotte d’hélicoptères.

Les PHD Type 075 sont les premiers navires de ce type conçu en Chine. Remarqués les hélicoptères Z-8 conçus sur la base du Super Frelon d’aérospatiale.

C’est pour cela qu’en 2018, ces mêmes chantiers navals Hudong-Zhonghua entreprirent la construction d’une nouvelle classe de navire d’assaut aéro-amphibie à pont droit inspirée des Wasp et autres América de l’US Navy. Le Type 075 est long de 237 mètres pour un déplacement en charge estimé autour de 40.000 tonnes.

Le navire transporte la même force de projection que les Type 071, soit 800 hommes, le double de véhicules avec 60 unités, et ne dispose que de 3 aéroglisseurs Type 726 dans son radier.

En revanche, il peut accueillir et mettre œuvre jusqu’à 28 hélicoptères de différents types, dont les Z-8 de transport lourd dérivés du Super Frelon français, les nouveaux hélicoptères de manœuvre Z-20 très inspirés du Blackhawk américain, et les hélicoptères de combat Z-9 et Z-19 pour les missions d’escorte et d’appui feu.

Plusieurs échos font état de la possible conception d’une nouvelle version du Type 075 destinée à mettre en œuvre, au-delà des hélicoptères, des drones de combat.

À l’instar des LHA/LHD occidentaux, les Type 075 sont conçus pour évoluer sous la ligne d’horizon, hors de portée des capacités de détection des radars terrestres des batteries côtières ennemies. À ce jour, 3 navires ont été construits et sont entrés en service entre 2020 et 2022.

On ignore toutefois si de nouveaux navires de cette classe seront construits à l’avenir, ou si une nouvelle classe serait en cours de développement, aucune observation ne permettant d’arbitrer avec certitude en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses.

Il est ainsi question, depuis plusieurs années, du développement d’un nouveau navire Type 076 dérivé du Type 075, mais qui serait capable de mettre en œuvre, aux côtés des hélicoptères, des drones de combat pour assurer les missions d’appui feu, de renseignement et de protection.

La seule certitude est que la marine chinoise devra densifier sa flotte de LHD dans les années à venir, si elle entend effectivement mener un assaut amphibie ou aéro-amphibie sur Taiwan, ou plus globalement faire jeu égal avec l’US Navy dans ce domaine.

France : Porte-Hélicoptères Amphibie PHA classe Mistral

Conçu à la fin des années 90, les porte-hélicoptères d’assaut (PHA) de la classe Mistral ont été conçus pour remplacer les Transports de chalands de débarquement de la classe Foudre et le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc de la Marine Nationale.

Bien plus imposants que les navires qu’ils remplacèrent, les Mistral sont pourtant les LHD les plus compacts de ce panel avec les Dokdo sud-coréens, avec une longueur de 199 mètres et un Maître-bau (plus grande largeur) de 32 mètres pour un déplacement de 21.300 tonnes en charge (et de 32.000 tonnes ballastés).

Le navire dispose d’un pont d’envol de 6000 m², 4 fois plus étendu que ceux des navires de la classe Foudre, avec 5 spots pour hélicoptères capables de recevoir des appareils jusqu’à 16 tonnes, et un spot, à l’avant du navire, pour recevoir des hélicoptères lourd de 19 tonnes. Surtout, il dispose d’un hangar aviation de 1800 m² pour entretenir jusqu’à 20 appareils de différents types, et ainsi assurer la fonction de porte-hélicoptères de combat.

Ce fut notamment le cas lors de l’opération Harmattan en Libye en mai 2011, lorsque les gazelle HOT et les Tigre HAP de l’ALAT (Aviation légère de l’Armée de Terre) mis en œuvre à partir du PHA Tonnerre qui évoluait sous l’horizon au large de Benghazi, détruisirent une soixantaine de blindés et systèmes d’artillerie avec l’aide de AH-64 britanniques du HMS Ocean, lors de frappes nocturnes contre les forces du général Kadhafi, sans enregistrer la moindre perte.

Porte-hélicoptères d'assau`ut PHA Mistral
Les PHA de la classe Mistral sont de véritables couteaux suisses pour la Marine Nationale, aussi performants dans les missions de combat que pour les missions d’assistances, comme lors de la crise Covid pour évacuer des malades de Corse vers le continent.

Outre leurs capacités en matière d’aéro-combat, les Mistral disposent également d’une capacité de projection amphibie, avec un radier de presque 900 m² pouvant accueillir 4 chalands de débarquement EDAS classiques, ou deux systèmes EDAR (engin de débarquement amphibie rapide), des catamarans de 30 mètres de long pour 12 mètres de large pouvant naviguer à 20 nœuds à pleine charge.

Fait intéressant, le radier des Mistral peut également accueillir deux aéroglisseurs LCAC américains au besoin, permettant d’accélérer les manœuvres amphibies, et notamment la mise à terre de la soixantaine de véhicules transportés pour les 450 hommes des forces d’assaut.

Les PHA peuvent mettre en oeuvre 2 EDAR, des catamarans rapides pour la mise à terre des forces transportées et de leur matériel.

En matière de soutien, le navire dispose d’un poste de commandement complet d’une capacité de 250 hommes pouvant s’appuyant sur les nombreux systèmes de communication à bord du bâtiment, ainsi que d’un hôpital de type 3 disposant de 2 blocs opératoires, un service de radiologie avec scanner, un laboratoire d’analyse médicale ainsi que 7 lits de réanimation et 69 lits médicalisés dont 50 gréés en soins intensifs.

Efficaces, performants et économiques, les Mistral de la Marine nationale souffrent toutefois d’une faiblesse relativement commune pour les navires français, à savoir un armement défensif léger.

Ainsi, les PHA ne disposent que de deux affuts doubles anti-aériens à très courte portée SIMBAD pour missiles Mistral ainsi que 2 canons de 20 mm, 2 canons de 30 mm et des affuts d’armes légères pour la protection rapprochée, soit une capacité d’autodéfense réduite au minimum et probablement insuffisante pour engager ces navires dans des missions de haute intensité, surtout pour un Capital Ship transportant plus de 800 hommes.

Italie : LHD classe Trieste

Lancé en mai 2019 et devant entrer en service dans les semaines à venir, le nouveau LHD Trieste sera le plus imposant navire de la Marine italienne, mais également l’un de ce panel, ne cédant qu’à la classe America avec une longueur de 245 mètres et un maitre-bau de 45 mètres pour un déplacement de presque 40.000 tonnes en charge.

Il remplacera le porte-aéronef léger de 180 m et 14.000 tonnes Guiseppe Garibaldi, tout en étendant considérablement les capacités d’assaut amphibie de la Marine italienne.

En effet, au-delà des capacités aériennes de ce bâtiment conçu pour mettre en œuvre une flotte d’une quinzaine d’aéronefs composée d’hélicoptères de manœuvre AW101 Merlin et NH90, d’hélicoptères d’attaque AW129 Mangusta et d’avions de combat F-35B, le navire dispose d’un radier de 750 m² pouvant accueillir 4 barges d’assaut ou un aéroglisseur LCAC, ainsi que d’un hangar de 1200 m² pour les véhicules des 600 marines de la force d’assaut pouvant être transportée.

Contrairement aux trois modèles précédemment détaillés dans cette synthèse, le Trieste dispose d’un skijump pour la mise en œuvre des F-35B, permettant de donner aux Lightning II une impulsion verticale lors de la course de décollage et ainsi augmenter les capacités d’emport de l’aéronef.

Le Trieste sera le plus imposant des navires de la Marina Militare, et l’un des plus puissants LHD de la planète.

À l’instar des navires de la classe America, le Trieste dispose d’une propulsion s’appuyant sur 2 turbines à gaz de 102.000 cv chacune lui permettant de soutenir une vitesse élevée de 25 nœuds, notamment lors des manœuvres aviation, alors que ses deux moteurs diesels de 32.000 cv lui permettent de maintenir une vitesse de croisière de 18 nœuds lors des transits.

En outre, il est, contrairement aux Mistral français, très bien protégé, avec 3 canons de 76 mm Strales, la Marine italienne étant à la pointe en matière d’artillerie navale, ainsi que 2 systèmes de silos verticaux SYLVER 50 accueillant 16 missiles anti-aériens à moyenne et longue portée Aster 15 et 30, le navire disposant notamment d’un puissant radar 3D à antenne AESA Kronos conçu par Leonardo.

De fait, si le Trieste disposera de capacités d’assaut aéro-amphibie, il agira probablement avant tout comme un véritable porte-aéronefs, à l’instar du Cavour, l’autre porte-aéronefs de la Marine italienne, le navire constituant un marqueur aussi visible qu’imposant de la montée en puissance de la Marina Militare depuis plusieurs années.

(Fin de la première partie)