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Le programme de frégates australiennes de la classe Hunter pourrait être, lui aussi, menacé

Après les sous-marins Shortfin Barracuda abandonnés pour les SSN-AUKUS, les frégates de la classe Hunter de la RAN sont aussi menacées.

La montée en puissance des forces armées chinoises, et notamment de la Marine de l’Armée Populaire de Libération, fait peser une menace inédite depuis la fin de la seconde mondiale sur l’Australie. Pendant la guerre froide, l’ile du Commonwealth joua essentiellement le rôle de base arrière des forces américaines et d’allié de premier plan de Washington.

Depuis, l’arrivée de nouvelles capacités de frappe à longue portée, mais également de navires capables de mener des combats océaniques au sein de la flotte chinoise, ont amené les stratèges australiens à revenir sur de nombreux programmes lancés quelques années auparavant.

Le plus emblématique a été l’annulation du programme SEA 1000 qui devait produire 12 sous-marins à propulsion conventionnelle de la classe Attack dérivés du modèle français Shortfin Barracuda. Ils seront remplacés par huit sous-marins nucléaires d’attaque codéveloppés avec la Grande-Bretagne.

Canberra fera par ailleurs l’acquisition de 3 à 5 SNA américains de la classe Virginia pour assurer l’intérim entre la fin de vie des Collins à partir de 2030, et l’arrivée des premiers SSN-AUKUS au début de la décennie suivante.

Quoi qu’il en soit, de sorte à répondre à l’évolution de la menace comme à financer des programmes très onéreux comme les SSN-AUKUS, l’état-major australien est amené à revoir une bonne partie de sa programmation.

Ainsi, à l’occasion de la présentation de la nouvelle Revue Stratégique la semaine dernière était annoncée que le programme LAND 400, qui devait initialement commander 450 véhicules de combat d’infanterie chenillés pour l’Australian Army, serait ramené à seulement 129 exemplaires. Ceci constitue un changement considérable alors que ces VCI devaient constituer le corps de bataille haute intensité des forces terrestres australiennes.

Les frégates de la classe Hunter devaient remplacer les 8 frégates anti-sous-marine de la classe Anzac entrées en service entre 1996 et 2006
Les frégates de la classe Hunter devaient remplacer les 8 frégates anti-sous-marine de la classe Anzac entrées en service entre 1996 et 2006

Si l’Australian Army a été largement mise à contribution lors de cette réorganisation, l’Australian Air Force, elle aussi, a été obligée de réviser certaines de ses ambitions. Elle a dû, notamment, mettre fin aux consultations entamées avec l’US Air Force en vue d’acquérir des bombardiers furtifs B-21 Raider, comme elle avait été autorisée à acquérir des F-111 dans les années 70.

Plus étonnant, la Royal Australian Navy pourrait bien, elle aussi, voir l’un de ses programmes majeurs menacés par cette transformation. En l’occurrence, il s’agirait du programme signé en 2018 pour la construction de 9 frégates de lutte anti-sous-marine de la classe Hunter afin de remplacer les 8 frégates de la classe Anzac entrées en service de 1996 à 2006.

En effet, la nouvelle Revue Stratégique, présentée il y a quelques jours, prévoit de suspendre le programme en cours. Une nouvelle évaluation des besoins de l’Australian Navy dans ce domaine sera alors menée, dans les décennies à venir, devant être rendu d’ici à la fin de l’été.

Cette décision se fonde sur deux facteurs clés. D’abord, la classe Hunter a été conçue pour évoluer aux côtés des Shortfin Barracuda conventionnels de la classe Attack. La RAN va désormais se doter de sous-marins nucléaires d’attaque, beaucoup plus rapides et dotés d’une autonomie considérablement plus élevée.

L’annulation du programme SEA 1000 qui prévoyait la construction de 12 sous-marins Shortfin barracuda a profondément modifié l’architecture de la flotte australienne, et dons ses besoins.

Ensuite, la Revue Stratégique constate que la tendance dans les marines occidentales est à l’augmentation du nombre de coques pour accroitre la masse. Pour cela, certaines marines se tournent vers des unités navales plus compactes pour en diminuer le cout de construction et de maintenance.

Paradoxalement, on peut remarquer que ces deux arguments peuvent apparaitre antagonistes. Des navires plus imposants sont nécessaires pour accompagner l’allonge et l’autonomie des SNA, sauf à considérer que les SNA auront la charge de la mission de lutte anti-sous-marine et de lutte anti-surface océanique. Les frégates seront, elles, cantonnées à des missions de protection des côtes et d’escorte des Capital Ships.

Dans un cas comme dans l’autre, ce nouveau renversement de posture de l’état-major australien risque fort de venir réduire le volume du programme de frégates de la classe Hunter, et peut-être même de l’annuler purement et simplement. La RAN pourrait alors étudier des modèles plus compacts et économiques comme les Arrowhead 140 britanniques, les MEKO 200 allemandes ou les FDI françaises, voire en se tournant vers les nouvelles Constellation de l’US Navy.

Avec une longueur de 150 mètres et un déplacement de près de 10.000 tonnes, les Hunter, dérivées des Type 26 de la Royal Navy, devaient, en effet, être des navires se rapprochant davantage de la classification de destroyer, voire de destroyer lourd, que de frégate.

En outre, et à l’instar d’autres programmes australiens, les frégates Hunter ont été vertement critiquées ces dernières années, notamment par une augmentation importante des couts du programme. Celui-ci est passé d’une enveloppe prévisionnelle de 30 Md$ en 2016, à 46 Md$ (australiens) aujourd’hui selon les dernières projections, soit un prix à l’unité comparable au destroyer Arleigh Burke Flight III (même si les fonctions des deux navires sont très différentes).

Les porte-hélicoptères d’assaut modernes : la menace aéro-amphibie sous l’horizon (1ʳᵉ partie)

Si les opérations amphibies sont, comparativement aux batailles terrestres, navales et même aériennes, peu nombreuses dans l’histoire, elles eurent souvent un impact considérable sur le déroulement des conflits.

Qu’il s’agisse des opérations Torche (Afrique du Nord), Overlord (Normandie) et Dragoon (Provence) contre l’Allemagne Nazie, des débarquements américains sur les iles du Pacifique face au Japon, ou de celui d’Inchon durant la guerre de Corée, tous permirent de renverser le rapport de force et influencèrent considérablement la conduite de la guerre.

À l’inverse, certains échecs, comme le débarquement d’Anzio en Italie, ou celui des Dardanelles durant la Première Guerre mondiale, conduisirent à un enlisement critique de l’effort militaire, ainsi qu’à des pertes insoutenables.

La dernière opération aéro-amphibie d’envergure s’est déroulée à Port Carlos le 21 mai 1982, et permit à la Royal Navy de mettre à terre 4000 soldats britanniques pour la reconquête de l’ile principale de l’archipel, au prix de deux frégates coulées, les HMS Ardent et Antelope, deux destroyers endommagés, les HMS Brilliant et Argonaut, ainsi que plusieurs unités logistiques qui ont été gravement endommagées, les RFA Sir Galahad, RFA Sir Lancelot et RFA Sir Tristan, sous les bombes des A4 Skyhawk et Dagger des forces aériennes argentines.

La guerre des Malouines vit particulièrement briller les deux navires d’assaut porte-hélicoptères de la Royal Navy, les HMS Fearless et Intreprid, longs de 159 mètres pour un tonnage de 12.000 tonnes en charges, et capables de transporter 550 Royal Marines et de les mettre à terre avec leur équipement à l’aide de barges de débarquement et d’hélicoptères Wessex.

Depuis, le contexte des assauts amphibies a considérablement évolué, en particulier du fait de la multiplication des batteries côtières armées de missiles anti-navires capables d’atteindre de manière autonome des cibles navales dans un rayon de 40 à 50 km, selon leur élévation, bien au-delà avec le soutien de systèmes de localisation déportés, comme des aéronefs, des drones ou des navires/sous-marins.

C’est notamment cette menace, ainsi que la présence de nombreuses mines sous-marines, qui interdit à la flotte russe de mener un assaut amphibie sur Odessa en Ukraine, celle-ci ne disposant, à ce jour, que des bâtiments de type LST contraints de s’approcher de la côte et de plager pour mener les assauts.

Afin de répondre à cette nouvelle menace, l’US Navy conçue, à la fin des années 60, la première classe de porte-hélicoptères d’assaut, la classe Tarawa, capable de mener un assaut simultanément à l’aide de barges rapides et d’hélicoptères de transport lourds, au besoin escortés d’hélicoptères de combat, tout en restant sous le couvert de l’horizon et donc des missiles anti-navires adverses.

La flotte russe en Mer Noire ne peut s’appuyer que sur des navires d’assaut de type LST comme la classe Alligator, obligés de venir plager pour déposer les forces d’assaut et donc de s’exposer aux tirs des batteries côtières ukrainiennes.

Longs de 254 mètres pour un tonnage de plus de 40.000 tonnes en charge, les Tarawa disposaient non seulement d’un vaste hangar et d’un radier pour mettre en œuvre une batellerie de chalands de débarquement et autres aéroglisseurs d’assaut, mais également un très important hangar aéronautique capable d’accueillir plus d’une vingtaine d’hélicoptères lourds CH-53 Sea Station et CH-46 Sea Knight, ainsi qu’un pont d’envol droit de presque 9000 m² et deux ascenseurs pour mettre en œuvre ces appareils avec un rythme de rotations aériennes très soutenu.

Plus tard, les Tarawa, qui n’avaient guère à envier aux porte-avions de la seconde guerre mondiale de la classe Essex, verront une partie de leurs hélicoptères remplacés par des avions de combat Harrier de sorte à en accroitre la puissance de feu et les capacités de soutien des forces engagées dans l’assaut amphibie.

Depuis, le concept développé par la classe Tarawa fit école au sein de nombreuses marines, y compris l’US Navy qui développa par la suite la classe Wasp et récemment la classe America pour maintenir cette capacité avancée, mais également la Marine Nationale avec la classe Mistral, la Chine avec le Type 075 et l’Italie avec la nouvelle classe Trieste, ces navires étant traités dans cet article.

Un second article abordera l’Espagne avec la prolifique classe Juan Carlos I, la Turquie avec l’Anadolu, la Corée du Sud avec les Dokdo et la Russie avec la classe à venir Ivan Rogov.

Etats-Unis : LHA classe America

Héritiers directs des Tarawa et des Wasp de l’US Navy, les LHA (Landing Helicopters Assault) de la classe America en reprennent les principales caractéristiques avec une longueur de 257 mètres pour une largeur maximale de 32 mètres et un déplacement de 44.000 tonnes en charge, soit celui du porte-avions nucléaire français Charles de Gaulle.

Les deux premiers navires de la classe, les USS America et USS Tripoli, entrés en service respectivement en 2014 et 2020, sont à ce titre dédiés à la mise en œuvre d’aéronefs, hélicoptères de transport lourds CH-53 Super Station, hélicoptères d’attaque AH-1 Viper ou encore hélicoptères de manœuvre MH-60 Knighthawk, mais également d’appareils convertibles lourds MV-22B Osprey ainsi que d’avions de combat AV-8B Harrier II puis F-35B Lighting II à décollage et atterrissage vertical ou court, tous étant mis en œuvre par le Corps des Marines des Etats-Unis.

Au total, le navire peut transporter plus de 25 aéronefs, et des expérimentations semble-t-il concluantes ont même été menées pour évaluer le potentiel de ces deux bâtiments à jouer le rôle de porte-avions léger en embarquant une quinzaine de F-35B, soit autant que beaucoup de porte-aéronefs spécialisés.

Les deux premières unités de la classe America, l’USS America et l’USS Tripoli, sont dépourvues de radier

Les 9 autres navires de la classe, à partir de l’USS Bougainville dont la construction a débuté en mars 2019, sont eux dotés d’un radier permettant de mettre en œuvre des unités de débarquement rapides LCAC (Landing Craft Air Cushion), un aéroglisseur de 27 mètres de long sur 14 m de large capable de transporter 60 tonnes de chargement à 40 nœuds sur une distance de plus de 200 nautiques.

Outre la radier, les futurs navires de la classe disposeront également d’un hôpital de campagne trois fois plus imposant que celui déployé à bord de l’America et du Tripoli, pour lesquels de nombreuses concessions ont été faites de sorte à accroitre les capacités de mise en œuvre d’aéronefs.

Contrairement aux Wasp, les navires de la classe America mettent en œuvre une propulsion reposant sur deux turbines à gaz de 70.000 chevaux chacune, épaulées de deux turbines auxiliaires de 5000 cv, leur permettant de soutenir une vitesse de 20 nœuds.

L’US Navy a expérimenté l’emploi de l’USS America en tant que porte-avions léger pour densifier sa réponse à la montée en puissance chinoise dans le Pacifique

Au delà des aspects amphibies relativement proches de ceux des Wasp et Tarawa qui les précèdent, les America ont été conçus pour mettre en œuvre le F-35B Lighting II, un appareil qui confère pour la première fois au Corps des Marines US la capacité de s’emparer de la supériorité aérienne au-dessus des zones de débarquement, mais également d’assurer la protection de la flotte d’assaut sans devoir recourir à un porte-avions de l’US Navy à cet effet.

Le pont a ainsi été spécialement conçu pour absorber l’extraordinaire dégagement de chaleur du turboréacteur F-135 lors des manœuvres de décollage court ou d’atterrissage vertical de l’appareil, tout en disposant de six spots d’atterrissage pour les hélicoptères.

Enfin, les capacités d’autodéfense du navire sont importantes avec 2 CIWS RAM armés chacun de 24 missiles à très courte portée, 2 CIWS de 20mm Phalanx ainsi que deux lance-missiles anti-aériens à courte portée Evolved Sea Sparrow ESSM et plusieurs systèmes de petits calibres.

Chine : LHD Type 075

La Marine de l’Armée Populaire de Libération disposait, au début des années 2000, d’une très vaste flotte d’assaut composée de 28 transports de chars Type 072 (4200 à 4800 tonnes) et d’une cinquantaine de LST Type 073/74 de 700 à 2000 tonnes.

Toutefois, aucun de ces navires ne permettait de mener des assauts amphibies distants, ni de faire face à une défense côtière efficace, comme c’est le cas, notamment, de l’ile de Taïwan.

La première réponse fut le développement de la classe de transport de chalands de débarquement équipés d’une plate-forme hélicoptères LPD Type 071, des navires de 210 mètres de long pour un déplacement de 25.000 tonnes, capables de mettre en œuvre 4 aéroglisseurs Type 726 ainsi que 4 hélicoptères lourds Z-8 pour mettre à terre les 800 hommes et 26 véhicules transportés.

Neuf de ces bâtiments, trois par flotte, ont été construits entre 2005 et 2021 par les chantiers navals Hudong-Zhonghua Shipbuilding, afin de donner à la marine chinoise une première capacité d’assaut amphibie moderne.

Il devint toutefois rapidement évident à l’Amirauté chinoise que les LPD Type 071 ne disposaient que d’une capacité limitée en matière de mise à terre simultanée, notamment du fait de sa faible flotte d’hélicoptères.

Les PHD Type 075 sont les premiers navires de ce type conçu en Chine. Remarqués les hélicoptères Z-8 conçus sur la base du Super Frelon d’aérospatiale.

C’est pour cela qu’en 2018, ces mêmes chantiers navals Hudong-Zhonghua entreprirent la construction d’une nouvelle classe de navire d’assaut aéro-amphibie à pont droit inspirée des Wasp et autres América de l’US Navy. Le Type 075 est long de 237 mètres pour un déplacement en charge estimé autour de 40.000 tonnes.

Le navire transporte la même force de projection que les Type 071, soit 800 hommes, le double de véhicules avec 60 unités, et ne dispose que de 3 aéroglisseurs Type 726 dans son radier.

En revanche, il peut accueillir et mettre œuvre jusqu’à 28 hélicoptères de différents types, dont les Z-8 de transport lourd dérivés du Super Frelon français, les nouveaux hélicoptères de manœuvre Z-20 très inspirés du Blackhawk américain, et les hélicoptères de combat Z-9 et Z-19 pour les missions d’escorte et d’appui feu.

Plusieurs échos font état de la possible conception d’une nouvelle version du Type 075 destinée à mettre en œuvre, au-delà des hélicoptères, des drones de combat.

À l’instar des LHA/LHD occidentaux, les Type 075 sont conçus pour évoluer sous la ligne d’horizon, hors de portée des capacités de détection des radars terrestres des batteries côtières ennemies. À ce jour, 3 navires ont été construits et sont entrés en service entre 2020 et 2022.

On ignore toutefois si de nouveaux navires de cette classe seront construits à l’avenir, ou si une nouvelle classe serait en cours de développement, aucune observation ne permettant d’arbitrer avec certitude en faveur de l’une ou l’autre de ces hypothèses.

Il est ainsi question, depuis plusieurs années, du développement d’un nouveau navire Type 076 dérivé du Type 075, mais qui serait capable de mettre en œuvre, aux côtés des hélicoptères, des drones de combat pour assurer les missions d’appui feu, de renseignement et de protection.

La seule certitude est que la marine chinoise devra densifier sa flotte de LHD dans les années à venir, si elle entend effectivement mener un assaut amphibie ou aéro-amphibie sur Taiwan, ou plus globalement faire jeu égal avec l’US Navy dans ce domaine.

France : Porte-Hélicoptères Amphibie PHA classe Mistral

Conçu à la fin des années 90, les porte-hélicoptères d’assaut (PHA) de la classe Mistral ont été conçus pour remplacer les Transports de chalands de débarquement de la classe Foudre et le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc de la Marine Nationale.

Bien plus imposants que les navires qu’ils remplacèrent, les Mistral sont pourtant les LHD les plus compacts de ce panel avec les Dokdo sud-coréens, avec une longueur de 199 mètres et un Maître-bau (plus grande largeur) de 32 mètres pour un déplacement de 21.300 tonnes en charge (et de 32.000 tonnes ballastés).

Le navire dispose d’un pont d’envol de 6000 m², 4 fois plus étendu que ceux des navires de la classe Foudre, avec 5 spots pour hélicoptères capables de recevoir des appareils jusqu’à 16 tonnes, et un spot, à l’avant du navire, pour recevoir des hélicoptères lourd de 19 tonnes. Surtout, il dispose d’un hangar aviation de 1800 m² pour entretenir jusqu’à 20 appareils de différents types, et ainsi assurer la fonction de porte-hélicoptères de combat.

Ce fut notamment le cas lors de l’opération Harmattan en Libye en mai 2011, lorsque les gazelle HOT et les Tigre HAP de l’ALAT (Aviation légère de l’Armée de Terre) mis en œuvre à partir du PHA Tonnerre qui évoluait sous l’horizon au large de Benghazi, détruisirent une soixantaine de blindés et systèmes d’artillerie avec l’aide de AH-64 britanniques du HMS Ocean, lors de frappes nocturnes contre les forces du général Kadhafi, sans enregistrer la moindre perte.

Porte-hélicoptères d'assau`ut PHA Mistral
Les PHA de la classe Mistral sont de véritables couteaux suisses pour la Marine Nationale, aussi performants dans les missions de combat que pour les missions d’assistances, comme lors de la crise Covid pour évacuer des malades de Corse vers le continent.

Outre leurs capacités en matière d’aéro-combat, les Mistral disposent également d’une capacité de projection amphibie, avec un radier de presque 900 m² pouvant accueillir 4 chalands de débarquement EDAS classiques, ou deux systèmes EDAR (engin de débarquement amphibie rapide), des catamarans de 30 mètres de long pour 12 mètres de large pouvant naviguer à 20 nœuds à pleine charge.

Fait intéressant, le radier des Mistral peut également accueillir deux aéroglisseurs LCAC américains au besoin, permettant d’accélérer les manœuvres amphibies, et notamment la mise à terre de la soixantaine de véhicules transportés pour les 450 hommes des forces d’assaut.

Les PHA peuvent mettre en oeuvre 2 EDAR, des catamarans rapides pour la mise à terre des forces transportées et de leur matériel.

En matière de soutien, le navire dispose d’un poste de commandement complet d’une capacité de 250 hommes pouvant s’appuyant sur les nombreux systèmes de communication à bord du bâtiment, ainsi que d’un hôpital de type 3 disposant de 2 blocs opératoires, un service de radiologie avec scanner, un laboratoire d’analyse médicale ainsi que 7 lits de réanimation et 69 lits médicalisés dont 50 gréés en soins intensifs.

Efficaces, performants et économiques, les Mistral de la Marine nationale souffrent toutefois d’une faiblesse relativement commune pour les navires français, à savoir un armement défensif léger.

Ainsi, les PHA ne disposent que de deux affuts doubles anti-aériens à très courte portée SIMBAD pour missiles Mistral ainsi que 2 canons de 20 mm, 2 canons de 30 mm et des affuts d’armes légères pour la protection rapprochée, soit une capacité d’autodéfense réduite au minimum et probablement insuffisante pour engager ces navires dans des missions de haute intensité, surtout pour un Capital Ship transportant plus de 800 hommes.

Italie : LHD classe Trieste

Lancé en mai 2019 et devant entrer en service dans les semaines à venir, le nouveau LHD Trieste sera le plus imposant navire de la Marine italienne, mais également l’un de ce panel, ne cédant qu’à la classe America avec une longueur de 245 mètres et un maitre-bau de 45 mètres pour un déplacement de presque 40.000 tonnes en charge.

Il remplacera le porte-aéronef léger de 180 m et 14.000 tonnes Guiseppe Garibaldi, tout en étendant considérablement les capacités d’assaut amphibie de la Marine italienne.

En effet, au-delà des capacités aériennes de ce bâtiment conçu pour mettre en œuvre une flotte d’une quinzaine d’aéronefs composée d’hélicoptères de manœuvre AW101 Merlin et NH90, d’hélicoptères d’attaque AW129 Mangusta et d’avions de combat F-35B, le navire dispose d’un radier de 750 m² pouvant accueillir 4 barges d’assaut ou un aéroglisseur LCAC, ainsi que d’un hangar de 1200 m² pour les véhicules des 600 marines de la force d’assaut pouvant être transportée.

Contrairement aux trois modèles précédemment détaillés dans cette synthèse, le Trieste dispose d’un skijump pour la mise en œuvre des F-35B, permettant de donner aux Lightning II une impulsion verticale lors de la course de décollage et ainsi augmenter les capacités d’emport de l’aéronef.

Le Trieste sera le plus imposant des navires de la Marina Militare, et l’un des plus puissants LHD de la planète.

À l’instar des navires de la classe America, le Trieste dispose d’une propulsion s’appuyant sur 2 turbines à gaz de 102.000 cv chacune lui permettant de soutenir une vitesse élevée de 25 nœuds, notamment lors des manœuvres aviation, alors que ses deux moteurs diesels de 32.000 cv lui permettent de maintenir une vitesse de croisière de 18 nœuds lors des transits.

En outre, il est, contrairement aux Mistral français, très bien protégé, avec 3 canons de 76 mm Strales, la Marine italienne étant à la pointe en matière d’artillerie navale, ainsi que 2 systèmes de silos verticaux SYLVER 50 accueillant 16 missiles anti-aériens à moyenne et longue portée Aster 15 et 30, le navire disposant notamment d’un puissant radar 3D à antenne AESA Kronos conçu par Leonardo.

De fait, si le Trieste disposera de capacités d’assaut aéro-amphibie, il agira probablement avant tout comme un véritable porte-aéronefs, à l’instar du Cavour, l’autre porte-aéronefs de la Marine italienne, le navire constituant un marqueur aussi visible qu’imposant de la montée en puissance de la Marina Militare depuis plusieurs années.

(Fin de la première partie)

La dotation ukrainienne en matière de défense anti-aérienne serait critique

L’une des plus grandes surprises émanant du conflit en Ukraine, aura sans nul doute été l’incapacité des forces aériennes russes, alignant pourtant un millier de chasseurs et chasseur-bombardiers, à prendre la supériorité aérienne au dessus de l’Ukraine, du fait d’un maillage astucieux et très efficace des défenses aériennes S-300, Buk et autres Osa sur l’ensemble du territoire par l’état-major ukrainien. Non seulement les frappes préventives menées le 24 février 2022 n’auront pas le moins du monde décapité les moyens dont disposaient les ukrainiens, mais après une année de guerre, les forces aériennes russes ne sont toujours pas parvenues à éliminer cette menace, les obligeant le plus souvent à employer de très couteuses et rares munitions stand-off pour frapper leurs objectifs en Ukraine.

Qui plus est, depuis plusieurs mois, de nouveaux systèmes anti-aériens, occidentaux cette fois, ont été livrés aux forces ukrainiennes. Ainsi, ces derniers mois, Kyiv a reçu plusieurs batteries NASAMS, Iris-T SL et Crotale NG, aux cotés de systèmes plus anciens comme des systèmes Hawk, alors que des batteries à moyenne portée Patriot et Mamba ont été livrées récemment, ou sont sur le point de l’être. Enfin, les pays d’Europe de l’Est, qui mettaient eux aussi en oeuvre des batteries et missiles de facture soviétique Buk et S-300, ont également transféré la majorité de leurs systèmes et munitions à Kyiv, pour remplacer les pertes et l’utilisation des munitions. Malheureusement, il semble bien qu’en dépit de cet effort, les forces ukrainiennes commenceraient à manquer de moyens dans ce domaine.

C’est en tout cas ce qu’ont révélé les documents confidentiels qui ont été diffusés par un réserviste américain arrêté depuis. Selon ces documents, dont le New York Times a pu se procurer une copie complète exploitable, il apparait que que selon les estimations du Pentagone, les capacités antiaériennes ukrainiennes seront encore performantes jusqu’à la fin Mai dans le meilleur des cas, alors que très peu de solutions existent pour redonner à Kyiv les capacités perdues. Ces affirmations corroborent les observations récentes montrant que les transporteurs-érecteurs Buk ukrainiens, qui assurent la protection à basse et moyenne altitude en particulier contre les missiles de croisière russes, ne sont désormais plus dotés que de 2 ou 3 missiles, contre 4 en dotation normale. Quant aux systèmes occidentaux livrés ou en cours de livraison, ils ne représentent que 10% des besoins effectifs des armées ukrainiennes pour assurer la protection du territoire et du front. On peut à ce titre penser que la reprise des frappes massives de missiles russes aujourd’hui, pourrait être liée à ces révélations, de sorte à user encore davantage le potentiel Ukrainien, au point de venir entraver la contre-offensive en préparation selon de très nombreuses sources.

En effet, en l’absence d’une défense anti-aérienne suffisamment dense et multi-couche, les forces aériennes russes pourraient rapidement d’emparer du ciel ukrainien, venant considérablement entraver la conduite des opérations terrestres sur le front. Quant aux très nombreux missiles d’infanterie livrés par les occidentaux depuis un an, ils ne peuvent assurer une défense qu’à basse altitude et sur un périmètre relativement restreint. Si ces allégations sont fondées, il est plus que probable que les Etats-unis et leurs alliées remuent ciel et terre pour mettre la main sur des munitions pour les systèmes BUK et S-300 ukrainiens, mais également pour accroitre la livraison de systèmes occidentaux Patriot, Mamba, Iris-T et autres NASAMS. L’unique alternative, en dehors de celle-ci, serait d’effectivement livrer des avions de combat aux forces aériennes ukrainiennes, et de concentrer les défenses anti-aériennes existantes à la protection des bases aériennes qui les accueilleraient, laissant les villes ukrainiennes ainsi qu’une grande partie du front, sans protection. Ce serait, évidemment, un pari des plus dangereux, sachant que les forces aériennes russes disposent d’une flotte de chasse très importante, mais également de quelques appareils de soutien comme les A-50, offrant un avantage tactique considérable en cas de guerre aérienne.

La Chine développerait un canon d’artillerie de 203mm pour ses forces terrestres

Durant la guerre froide, les deux camps soviétiques et OTAN, disposaient outre de leur artillerie de 105, 122, 152 et 155 mm, de pièces plus lourdes de 203 mm, soit 8 pouces, dans leur inventaire. Ainsi, les 2S7 Pion soviétiques, comme les M110 américains, servaient à détruire les places fortes et bunker adverses, mais également disposaient toutes deux d’obus nucléaires tactiques, comme l’obus M422A1 américain qui transportait une charge nucléaire W33 de 5 ou 10 kilotonnes, ou l’obus 3BV2 Kleshchevina soviétique. Toutefois, il devint rapidement évident, pour les deux camps, que l’utilisation de ce type de système pour le feu nucléaire, même tactique, présentait de nombreux inconvénients opérationnels. Pour les Etats-Unis, les difficultés rencontrées avec la mise en oeuvre du M110 les amenèrent à le retirer du service en 1994, alors que le 2S7, dans sa version modifié 2S7M Malka, continue de servir au sein des armées russes et de plusieurs autres forces armées, y compris ukrainiennes.

Selon une enquête menée par les journalistes du site Defenseone.com, sur la base d’un post rapidement supprimé sur le réseau officiel d’information sur les acquisitions d’équipement et de technologies de l’Armée Populaire de Libération, l’Etat-major chinois aurait entrepris, pour sa part, de developper un nouveau système de même calibre, soit 203 mm. Il s’agirait, selon l’analyse faite par les journalistes américains, de combler l’offre capacitaire entre la portée et capacité de destruction des systèmes actuels de 155mm comme le PCL-181, très inspiré du CAESAR français et de l’Archer suédois, et les systèmes à longue portée employant des roquettes le PHL-11 ou le PHL-81, tout en adaptant les nouvelles capacités de l’artillerie moderne à un calibre déjà connu, l’APL ayant dans les années 80 tenté de developper un système équivalent, le W-90, avec l’aide d’un spécialiste canadien.

De toute évidence, le PCL-181 de 155mm de l’Armée Populaire de Libération s’est inspiré du CAESAR français et de l’Archer Suédois.

Comme déjà évoqué sur ce site, l’augmentation du calibre de l’artillerie conventionnelle aurait certains attraits, notamment de pouvoir effectivement envoyer, comme le précisait l’annonce chinoise, un projectile de 85kg, soit le double d’un obus de 155mm, avec une vitesse de sortie de bouche de 920 m/s, soit la vitesse atteinte par un obus de 155mm avec un tube long. De tels objectifs permettrait au canon chinois d’atteindre des cibles distantes de l’ordre de 40 à 50 km avec un obus conventionnelle, et de l’ordre de 80 km avec un obus à propulsion additionnée. En outre, un tel obus aurait effectivement une importante puissance destructrice, pour venir à bout par exemple de bunkers conçus pour résister aux obus de 155 mm ou aux roquettes de 122mm, comme il ne manquera probablement d’en avoir si une opération contre Taïwan venait à être lancée.

Pour autant, l’utilisation de canons de ce calibre n’est pas non plus sans imposer d’importantes contraintes. Beaucoup plus lourds qu’un canon de 155mm, il absorbe également une énergie considérable au départ de l’obus, deux fois plus importante qu’un obus de 6 pouces. Cela suppose donc de disposer d’une plate-forme extrêmement robuste et sensiblement plus lourde que ne le sont les systèmes d’artillerie moderne, d’autant qu’un obus de 203 mm et sa charge de poudre nécessaire, sont également plus imposants et volumineux que les obus de 155 mm classiques. En revanche, et comme déjà abordé également, un tel canon aurait probablement sa place sur une grande unité navale, y compris pour soutenir les forces déployées à terre. Reste à vois, désormais, si le programme chinois ira effectivement à son terme, et quelles solutions, mais également quelles utilisations seront faites de ses capacités et contraintes.

Le comportement des pilotes russes au dessus de la Syrie de plus en plus dangereux selon l’US Air Force

Depuis près de 9 ans, les avions américains, européens, turcs et russes ont coutume de se partager le ciel syrien. Jusqu’à présent, les rencontres ont le plus souvent été professionnelles et maitrisées, à l’exception du Su-24 abattu par un F-16 turc en 2015, après qu’un F-4 turc de reconnaissance ait été abattu par la DCA syrienne. Mais les choses ont sensiblement évolué ces derniers mois, comme c’est d’ailleurs également le cas sur le secteur nord de l’OTAN et au dessus de la Mer Baltique. En effet, les pilotes russes ont, à plusieurs reprises, entrepris des manoeuvres jugées non-professionnelles et dangereuses autour des appareils de surveillance de l’OTAN, un incident critique ayant même été évité de justesse à la fin du mois de septembre, lorsqu’un Su-27 ouvrit le feu contre contre un RC-135W Rivet Joint britannique après avoir mal interprété les ordres donnés par le contrôle au sol. Fort heureusement, le missile de l’avion russe aurait connu un dysfonctionnement, et la catastrophe fut évitée de peu.

C’est un RC-135W Rivent Joint de la Royal Air Force comme celui-ci qui aurait été ciblé par un missile air-air russe le 27 septembre 2022. Fort heureusement, le missile russe aurait mal fonctionné, évitant de peu la catastrophe.

Quoiqu’il en soit, selon le  Lt. Gen. Alexus Grynkewich, commandant l’US Central Command, les chasseurs russes ont plusieurs fois simulé des engagements de type dogfight (ou combat tournoyant en français), contre les chasseurs américains survolant la Syrie. Les pilotes américains auraient alors reçu pour instruction de ne pas « mordre à l’appât », et de continuer à voler conformément à leur mission initiale, ce qui amena les appareils russes à désengager. Toutefois, ces manoeuvres agressives de l’aviation russes, désormais répétées, posent de nombreux problèmes et d’importants risques non seulement pour la sécurité des équipages occidentaux et de leurs appareils lors d’une rencontre avec les chasseurs russes, mais également en créant une situation pouvant mener à une escalade incontrôlée entre les forces américaines, l’OTAN et les forces russes.

De l’aveux de nombreux pilotes de chasse, la manoeuvre engagée par ce Su-27 au dessus de la Mer Noire contre un MQ-9 américain est loin d’être optimale pour atteindre l’objectif visé

En effet, plusieurs facteurs doivent être pris en compte ici. En premier lieu, il est évident, désormais, que ces postures agressives ne sont pas le fait de pilotes isolés ayant le gout du risque, mais bel et bien d’une démarche coordonnée par l’Etat-major russe, pour tenter de « faire peur » aux appareils occidentaux, qu’il s’agisse de chasseurs ou d’appareils de soutien. Or, et la collision récente entre un Su-27 et un drone MALE MQ-9 Reaper au dessus de la Mer Noire comme le tir avorté contre l’appareil britannique le confirment, les pilotes russes sont relativement mal entrainés, tant dans le domaine du pilotage que de la conduite de mission. Rappelons que jusqu’il y a peu (avant la guerre en Ukraine), les pilotes de chasse russes n’effectuaient en moyenne que 120 heures de vol par an, alors que très eu d’escadrons russes sont effectivement dotés de simulateurs avancés pouvant remplacer en partie ce déficit d’heure de vol. En outre, il apparait que les appareils russes souffrent de problèmes de fiabilité, ce qui là aussi peut conduire à des dérapages incontrôlés.

rencontre d’un avion de l’USAF avec un Su-35s des VVS

Dans ces conditions, il est très probables que les incidents liés au comportement agressif des pilotes russes soient destinés à se multiplier dans les semaines et mois à venir, et avec eux, les risques que l’un d’un se transforme en accident réel, pouvant mener à un dangereuse escalade entre l’OTAN et la Russie. Une question demeure cependant : pourquoi les forces russes cherchent elles le rapport de force avec les forces aériennes occidentales, alors même qu’il est évident qu’elles seraient, en cas de confrontation, largement surclassées en nombre comme en terme de capacités par les forces aériennes occidentales ? Car une chose est certaine, en revanche, c’est que tous ceux qui ont, ces 30 dernières années, tenté d’appliquer une stratégie similaire, qu’ils soient libyens, irakiens ou encore serbes, ont connu par la suite de nombreux déboires, sans que cela n’ait apporté le moindre bénéfice sur le terrain.

KMW et Rheinmetall face à face au tribunal le 2 mai pour la propriété intellectuelle du Leopard 2

Ces derniers mois, le PDG Armin Papperger du géant industriel allemand Rheinmetall fait très souvent la une des articles de la presse spécialisée. Non pas qu’il enregistre d’importants succès commerciaux, mais du fait de déclarations souvent spectaculaires, en particulier autour du sujet des programmes de blindés présents et à venir, en Allemagne et en Europe. C’est ainsi qu’à l’occasion d’une interview donnée au site d’information suisse Neue Zürcher Zeitung, celui-ci déclara que Rheinmetall détenait les droits de propriété intellectuelle du Leopard 2A4, sur laquelle est basée le nouveau char de combat KF51 Panther. Bien évidemment, la déclaration ne fut pas du tout du gout de Krauss Maffei Wegmann, l’entreprise allemande qui a conçu le Leopard 2, et qui produit l’ensemble des châssis de toutes les versions du blindé, Rheinmetall produisant pour sa part la tourelle et le canon. Face au refus d’Armin Papperger de revenir sur ses déclarations, KMW a assigné Rheinmetall en justice, les deux groupes se retrouvant le 2 mai au tribunal de Munich pour trancher le différent.

Il faut dire qu’avec le très fort rebond de la demande en Europe et dans le Monde pour les chars de combat, en particulier pour les modèles immédiatement disponibles, la question va bien au delà d’une dispute d’image. En effet, si Rheinmetall venait à obtenir gain de cause, non seulement aurait il toute latitude pour produire son KF51 Panther sans interférence de KMW, mais il aurait également, par ricochet, un droit de regard sur les versions ayant suivi le A4, dont les A7, A7+ et A8 aujourd’hui plébiscitées et même retenues par plusieurs forces armées ces derniers mois, y compris par la Bundeswehr. Pour KMW, en revanche, il s’agit de conserver le rôle central dans la conception des chars lourds allemands, tant pour la présente génération, que pour les générations à venir, notamment au travers du très controversé programme franco-allemand Main Ground Contrôle System ou MGCS.

Bien que très prometteur, le KF51 Panther de Rheinmetall n’a pour l’heure séduit aucune force armée, et sa production industrielle n’a pas été lancée

Pendant plusieurs décennies, Rheinmetall et KMW ont collaboré dans la conception et la production des blindés allemands, et les deux participent à la construction des modèles actuels comme le Boxer, le Puma ou le Pzh2000. La décision de la Chancellerie allemande, en 2017, de developper avec la France le programme MGCS, pour lequel le groupe français et KMW avaient fusionné dans le groupe KNDS, provoqua de fait l’ire de Rheinmetall, le groupe français prenant, de fait, ses attributs dans le futur programme de char, peu importe d’ailleurs qu’il soit ou pas co-financer à part égale entre Berlin et Paris. Deux ans plus tard, a force de lobbying, le groupe de Dusseldorf obtenait le soutien du Bundestag pour imposer sa présence au sein de programme MGCS, ce qui au passage marqua le début des difficultés de la coopération franco-allemande, avec une équation de partage industrielle devenue impossible à équilibrer. Dans le même temps, Rheinmetall développait une gamme de blindés, les KF, destinées à s’emparer d’importantes parts de marchés, y compris en Allemagne, avec les véhicules de combat d’infanterie KF31/41 Lynx, le char moyen KF41/120 puis, en 2022 à l’occasion du salon Eurosatory, la présentation du prototype du KF51 Panther.

On le comprend, le jugement qui sera rendu à Munich le 2 mai aura des conséquences très importantes sur l’avenir de l’organisation de la filière industrielle blindée Outre-Rhin, et par voie de conséquences, sur le devenir du programme MGCS. On peut penser, à ce titre, que si KMW venait à se trouver dépouiller de la propriété intellectuelle du Leopard 2A4, celui-ci pourrait reconsidérer l’offre de rachat avancée par Rheinmetall il y a 3 ans, tant l’avenir même du groupe pourrait être menacé par une telle décision. A l’inverse, si Rheinmetall était débouté, cela marquerait un échec majeur pour la stratégie poursuivie par Armin Papperger, au point de venir potentiellement remettre en question sa position, et la stratégie poursuivie par le groupe. Il est probable qu’au delà des allemands eux-mêmes, beaucoup d’européens, en particulier chez Nexter, mais également au sein de plusieurs forces armées, suivront avec intérêt les conclusions du tribunal de Munich.

Un missile de croisière russe s’est-il perdu dans la foret polonaise ?

Les autorités polonaises sont, depuis quelques heures, en émois, après la découverte des restes de ce qui ressemblerait à un missile avec des inscriptions en russe marquées dessus, dans la foret de Bydgoszcz, à une centaine de kilomètre de la frontière russo-Polonaise avec l’enclave de la Kaliningrad. Selon les premières informations disponibles, l’objet « de plusieurs mètres de long », semble être en parti enfoncé dans la terre, et ce depuis plusieurs jours. En outre, rien n’indique qu’il soit effectivement armé d’une tête militaire, ou tout du moins, celle-ci n’a pour l’heure pas été retrouvée, même si elle est activement recherchée par les services de l’Etat présents sur place.

A cet instant, aucune autre information n’est effectivement disponible. Selon le site spécialisé Defense24.pl, il pourrait s’agir d’un missile de croisière russe lancé lors des exercices qui se sont déroulés il y a quelques jours dans le ciel de Kaliningrad et en Biélorussie, et qui ont, entre autre, mis en scène des chasseurs bombardiers Su-30SM2, ou d’un missile de croisière mis en oeuvre par les Tu-22M3 et Tu-160M russes lors des frappes contre l’Ukraine. Eu égard de la distance entre Bydgoszcz et la frontière ukrainienne, si la munition venait à être russe, il est toutefois peu probable qu’elle ait été tirée contre l’Ukraine, ou qu’il s’agisse d’un missile sol-air ayant raté sa cible. L’hypothèse d’un drone de reconnaissance s’étant égaré, comme le Tu-141 venu s’écraser en Croatie au début du conflit, ne peut non plus être écartée.

Les Awacs de l’OTAN, épaulés des appareils britanniques, français et américains, sont sensés assurer une surveillance constante de l’espace aérien de l’Alliance, ou tout de moins de ses frontières les plus exposées.

Reste que si effectivement la munition est récente, et quel que soit sa nature et son origine, le fait qu’il ait été découverte par inadvertance dans la foret de Bydgoszcz, soulève de réelles questions quant à l’efficacité de la détection aérienne de l’OTAN, sensée être assurée par des radars terrestres mais également par une permanence assurée par les E-3 Sentry de l’alliance, d’autant qu’il semblerait très étonnant, en ces temps de tensions exacerbées, que l’espace aérien au dessus et à proximité de l’enclave de Kaliningrad et des frontières russes et biélorusses, ne soient pas activement surveillées en permanence. En attendant plus d’informations avérées sur cette affaire, et bien davantage qu’un éventuel dysfonctionnement d’une munition russe dont on connait la fiabilité relative, c’est bel et bien l’évident « trou dans la raquette » dans le maillage de détection de l’alliance qui doit aujourd’hui interroger ses membres.

Pour le Pentagone, la puissance militaire russe reste très importante, surtout dans le domaine sous-marin

Pour de nombreux spécialistes des questions militaires, les pertes subies par la puissance militaire russe en Ukraine, qu’il s’agisse d’hommes ou de matériel, auront considérablement érodé le potentiel de nuisance et de menace que peut faire peser la Russie sur ses voisins, et notamment sur l’OTAN, en dehors des capacités stratégiques et nucléaires que tous s’entendent à reconnaitre qu’elles demeurent une menace majeure.

Le fait est, avec près de 200.000 tués, blessés, prisonniers ou disparus, et quelque 10.000 équipements majeurs, dont 2000 chars, 3 500 véhicules de combat blindés et presque un millier de pièces d’artillerie de différents types détruits, abandonnés ou capturés, les moyens dont disposent aujourd’hui l’Armée de Terre, les forces parachutistes et la garde nationale russes, ont effectivement été considérablement amoindries. La production industrielle du pays, dans ce domaine, ne semble pas parvenir à compenser les pertes mensuelles enregistrées sur le front.

Comme on peut le voir dans la programmation militaire française, mais également britannique et italienne, l’accent n’est bien sûr pas mis pour les années à venir sur la recapitalisation des forces terrestres, pourtant lourdement affaiblies par trois décennies de sous-investissements. Ce en dépit du fait que le potentiel de reconstruction des forces russes, une fois le conflit avec l’Ukraine terminé, apparait bien supérieur à la manière dont il semble être envisagé en Europe, ou tout du moins en Europe occidentale.

Mais si les forces terrestres mettront, quoi qu’il en soit, près d’une décennie à reconstituer leurs potentiels, les autres armées russes conservent en revanche l’immense majorité des moyens à leur disposition en amont du conflit.

C’est notamment le cas des forces aériennes, dont les pertes effectives, en termes de chasseurs et bombardiers, en Ukraine ne représentent pas même 10 % du parc. Il en va de même des forces navales qui, en dépit de la perte spectaculaire du croiseur Moskva, alignent toujours une flotte très importante et aux performances et capacités croissantes.

Enfin, les capacités de guerre hybride, qu’elles soient cyber, spatiales, électroniques ou psychologiques, et dont on peut voir l’efficacité en Afrique notamment, sont, elles aussi, intactes et significatives.

La puissance militaire russe a été érodé par la guerre en Ukraine
Les pertes russes en Ukraine ont considérablement réduit le potentiel d’agression terrestre conventionnelle du pays pour plusieurs années

Il est un domaine, en plus des capacités stratégiques, qui inquiète l’OTAN et l’État-major américain en particulier. En effet, le flotte sous-marine russe, qui connait depuis une dizaine d’années un renouveau impressionnant, représenterait aujourd’hui, aux dires du général Christopher Cavoli, commandant les forces américaines en Europe et Afrique, une menace très importante pour les pays européens et pour l’Alliance Atlantique.

Selon l’officier américain, les forces sous-marines russes soutiennent, en effet, une activité dans l’Atlantique nord très importante et sans commune mesure avec ce qu’elle était il n’y a de cela que quelques années. Propos abondés par la sous-secrétaire américaine aux affaires de sécurité nationale, Celeste Wallander, pour qui il n’est pas question aujourd’hui de sous-estimer le potentiel militaire russe, les conséquences d’une telle erreur étant tout simplement catastrophiques.

Effectivement, les forces sous-marines russes de 2023 n’ont plus guère à voir avec ce qu’elles étaient en 2009, lorsque la Marine russe ne parvenait pas même à assurer la permanence à la mer de sa composante sous-marine de dissuasion.

Celle-ci aligne un format théorique de 361 unités navales majeures, dont 24 croiseurs, destroyers et frégates, 85 corvettes, 60 navires amphibies, 47 navires de guerre des mines ainsi que 56 sous-marins, dont 37 sont à propulsion nucléaire.

Outre cet inventaire déjà loin d’être négligeable, l’amirauté dispose désormais d’importants moyens pour moderniser une flotte longtemps délaissée par la programmation militaire russe. Ces dernières années, les mises en chantiers, mais également les livraisons de nouvelles unités navales se sont multipliées à un rythme très soutenu, avec en moyenne 2 à 3 nouveaux sous-marins et autant de frégates et corvettes rejoignant les cinq flottes russes (Nord, Baltique, Noire, Caspienne et Pacifique) par an.

Les nouveaux navires de surface combattants de la flotte russe, comme les frégates Admiral Gorshkov, sont très bien équipés et armés.

Or, les nouveaux navires de la Marine russe sont loin d’avoir un potentiel militaire et opérationnel négligeable, comme cela pouvait parfois être le cas des bâtiments qu’ils doivent remplacer.

Ainsi, les frégates de la classe Admiral Gorshkov, un navire de 135 m de long pour un déplacement de 5 400 tonnes, emporte une panoplie de senseurs évolués, et un armement très conséquent. Le navire dispose de 64 silos verticaux, pour moitié destinés à recevoir des missiles antinavires ou de croisière, dont le désormais célèbre Tzirkon 3M22 hypersonique, et l’autre moitié pour des missiles anti-aériens du système Poliment-Reddut dérivé du nouveau S-350. C’est le double de l’armement d’une frégate FREMM de la classe Aquitaine de la Marine Nationale, pourtant 1000 tonnes plus lourdes.

Quant aux corvettes de 2500 tonnes et 106 mètres de la classe Gremyashchiy, elles disposent d’une puissance de feu remarquable pour un navire de ce tonnage, avec 8 silos longs UKSK et 16 silos antiaériens Reddut. Il s’agit un armement comparable et parfois supérieur à la plupart des frégates européennes, au moins deux fois plus lourdes.

De nouveaux programmes, comme les frégates lourdes du projet 22350M et les destroyers lourds, potentiellement équipés d’une propulsion nucléaire et dérivés du projet Lider, ont également été annoncés. Dans ce domaine, il convient toutefois d’être prudent et ne pas sur-anticiper leurs performances et leurs calendriers.

En matière de navires d’assaut, après une classe Ivan Grene aux capacités nautiques déplorables, les chantiers navals russes ont, semble-t-il, redressé la barre en développant une version modifiée du projet 11711. Les deux navires ont été lancés en 2022 par les chantiers navals Yantar de Kaliningrad, et doivent rejoindre la flotte du Pacifique cette année.

Après l’annulation de la livraison des deux BPC français de la classe Mistral suite à l’annexion de la Crimée en 2014, Moscou prit par ailleurs la décision de developper un modèle de porte-hélicoptères d’assaut, le projet 23900 classe Ivan Rogov. La construction a débuté en juillet 2020 aux chantiers navals Zaliv situés dans la région de Kerch, en Crimée. Les deux navires de la classe doivent rejoindre les flottes du Pacifique et de la Mer Noire en 2028 et 2029, selon le calendrier initial, sans que l’on sache, à ce jour, à quel point la tentative d’invasion russe de l’Ukraine a pu influencer la poursuite du programme.

Les SNLE (SSBN) de la classe Boreï-A sont reconnus comme très discrets par les marines occidentales

Cependant, les progrès les plus fulgurants observés pour la Marine russe concernent sa flotte de sous-marins. Ces 10 dernières années, celle-ci a admis au service 6 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins des classes Boreï et Boreï-A, 4 sous-marins nucléaires lance-missiles des classes Iassen et Iassen-M ainsi que 10 sous-marins à propulsion conventionnelle projet 636.3.

5 nouveaux Boreï-A, 7 Iassen-M, 8 projets 636.3 et 6 sous-marins conventionnels Lada doivent encore rejoindre la flotte d’ici à 2030. Beaucoup plus discrets que les navires qu’ils remplacent, ces sous-marins sont en outre dotés d’un puissant armement. Ainsi, même les 636.3 et les Lada à propulsion conventionnelle pouvant, par exemple, mettre en œuvre des missiles de croisière 3M54 Kalibr, alors que les Iassen-M pourront, quant à eux, disposeront du nouveau missile hypersonique anti-navire Tzirkon dans un avenir proche.

De fait, en 2030, la Marine Russe alignera effectivement une puissance sous-marine considérable, avec 12 SNLE (SSBN en anglais) Boreï parfaitement modernes, 26 sous-marins nucléaires d’attaque Iassen, Akula et Anteï (ces deux dernières classes étant en cours de modernisation). Vingt-trois sous-marins d’attaque conventionnels 636.3 Improved Kilo et Lada complètent cette flotte très largement supérieure aux 8 SNLE, 13 SNA et la quarantaine de sous-marins conventionnels des membres européens de l’OTAN.

Le rapport de force sera d’autant plus déséquilibré que les sous-marins à propulsion conventionnelle, très majoritaires dans la flotte européenne de l’OTAN, sont pour la plupart peu appropriés au combat naval océanique, donc dans l’Atlantique Nord.

On comprend dès lors toute l’inquiétude du Pentagone dans ce dossier. Celui-ci sait à quel point la sécurisation des transits navals dans l’Atlantique est indispensable à la posture de dissuasion de l’OTAN. Comme il sait que l’essentiel des forces sous-marines américaines devront se concentrer dans le Pacifique face à la Chine dans un avenir proche, ainsi qu’à pister les SNLE russes dans l’Atlantique nord ou sous les glaces du pôle Nord.

Chaque année, les chantiers navals russes lancent plusieurs sous-marins nucléaires ou à propulsion conventionnelle

Il est important également de noter que si le cas de la flotte sous-marine russe est, de toute évidence, problématique pour la sécurité du vieux continent, il en va de même concernant ses forces aériennes. Celles-ci alignent près d’un millier de chasseurs et chasseurs bombardiers et une centaine de bombardiers stratégiques et à long rayon d’action en parc.

Les forces aériennes russes se modernisent rapidement depuis plusieurs années, avec le remplacement d’appareils issus de l’époque soviétique comme le Su-27, le Su-24 ou encore le Mig-29 par des modèles plus récents et modernes comme le Su-34, le Su-35 et le Su-57. Les appareils de génération intermédiaire comme le Su-30 sont, quant à eux, modernisés, de même que les bombardiers à long rayon d’action Tu-23 M3 et les bombardiers stratégiques Tu-160.

Il est également question que d’autres axes de modernisation soient développés, notamment avec des drones de combat via les programmes Grom ou Okhotnik-B, sans que l’on puisse en évaluer la teneur ou le calendrier.

En effet, si les forces aériennes russes ont montré des tactiques et des capacités défaillantes durant les premiers mois du conflit en Ukraine, elles démontrent en revanche une meilleure maitrise du ciel depuis quelques mois. C’est particulièrement mis en évidence, par l’utilisation du couple formé par le chasseur Su-35s et le missile air-air à longue portée R-37M qui montre des performances plus que crédibles, y compris contre des cibles rapides et manoeuvrantes.

Ainsi, il est évident, quel que soit le point de vue utilisé, que les forces armées russes continueront de faire peser une menace majeure sur l’OTAN une fois le conflit en Ukraine terminé, ce même si leur composante terrestre haute intensité a été grandement diminuée dans ce conflit.

Nouvelle commande de munitions rôdeuses Switchblade 300 pour les Armées françaises

On peut dire ce que l’on veut sur la guerre en Ukraine, mais il ne fait aucun doute qu’elle aura considérablement fait bouger les lignes en Europe, et en France en particulier, vis-à-vis d’un certain conservatisme programmatique et opérationnel des Armées. Et de nombreuses faiblesses capacitaires abordées depuis de nombreuses années par les Think Tank et dans la presse spécialisée défense française, se voient désormais propulsées au rang de priorité d’acquisition majeure par le Ministère des Armées. C’est le cas des systèmes de défense anti-aérien et notamment des capacités SHORAD (Short Range Air Defense) pour les forces terrestres, des capacités de guerre électronique et de suppression des défenses de l’aviation de chasse, comme de la nécessité de remplacer et étendre les capacités de frappes à longue portée de l’artillerie. C’est aussi le cas de l’émergence d’un nouveau type de munition, les munitions rôdeuses parfois improprement désignées comme des « drones kamikazes ».

Si les munitions rôdeuses sont employées par différentes forces armées depuis le milieu des années 70, elles ont toutefois fait la démonstration de leur efficacité en tant qu’arme de champs lors de la seconde guerre du Haut-Karabakh à l’automne 2020, lorsque les Harop et les Orbiter de conception israélienne mis en oeuvre par les forces azéris décimèrent les défenses anti-aériennes mais également les postes de commandement et bunkers arméniens, au point de créer une véritable psychose chez ces militaires qui ne disposaient alors que de très peu de moyens pour s’en prémunir. L’utilisation de drones civils transportant des munitions, mais également de Switchblade 300 et 600 livrés par les Etats-Unis, par les défenseurs ukrainiens, et plus tard de Lancet mis en oeuvre par les forces russes, finit de convaincre les Etats-Majors européens de la pertinence de ce type de munition, capable de fureter au dessus d’une zone pendant plusieurs dizaines de minutes pour trouver une cible avant de venir la frapper pour la détruire, ou au moins l’endommager, la charge militaire de ces drones étant souvent faible.

Destruction d’un site arménien à l’aide de munitions rôdeuses Orbiter azéris

Il faut dire qu’en terme de promotion, les munitions rôdeuses disposent d’un atout considérable, à savoir un retour video potentiellement enregistré vers son opérateur. De fait, à l’instar des drones MALE légers TB2 Bayraktar, une part non négligeables des images exploitées par la propagande des deux camps, provient précisément de ces drones, alors que seules les succès sont ostensiblement présentés de manière publique, donnant un sentiment contestable d’efficacité extreme à ce type de munition. Mais celles-ci, et notamment les plus compactes d’entre elles comme le Switchblade 300, ont d’autres atouts à faire valoir, notamment une facilité d’utilisation avérée, et un prix très abordable, de l’ordre de 5000 $ l’unité, tout en pouvant être transportées et mises en oeuvre par une unité d’infanterie, pour lesquelles la Switchblade représente de fait un alternative interessante à feu le mortier de 60 mm en matière de tir indirect.

Video d’un char T72 frappé par une Switchblade 300 ukrainien. Coupez le son, c’est insupportable ..

Quoiqu’il en soit, selon le site Latribune.fr, les Armées françaises ont acquis, par l’intermédiaire du Foreign Military Sales, un nouveau lot de Switchblade 300 pour un montant de 64,5 m$ à repartir entre la France et un second partenaire (la Belgique ?), amenant à 231,3 m$ l’enveloppe globale française libérée pour acquérir ces munitions. Nul doute que les munitions rôdeuses de l’Américain Aerovironment, viendront efficacement compléter la dotation des groupes d’infanterie pour en accroitre l’efficacité et la capacité de frappe dans la profondeur, le SwitchBlade pouvant évoluer à plus de 150 km/h jusqu’à 15 km de sa station de contrôle. On peut regretter, toutefois, le manque d’anticipation des autorités françaises dans ce domaine, alors que le bénéfice de ces systèmes avait été démontré notamment la les forces spéciales US en Afghanistan et en Irak, c’est à dire en conflit asymétrique, depuis le début des années 2010, et que le sujet avait été évoqué à plusieurs reprises par des députés et sénateurs en commission lors de la précédente mandature.

Les Rafale F4.2 et F5 seront de véritables Tueurs de Sam

Le Rafale F4.2, ainsi que le Rafale F5, seront tous deux dotés de capacités avancées en matière de suppression des défenses aériennes ou SEAD, selon le Chef d’État-major de l’Armée de l’Air, le général Mille.

Il y a à peine plus d’un an, en réponse à une question ouverte du député UDI J.C Lagarde, le Ministère des Armées avait jugé que les forces aériennes françaises n’avaient nullement besoin d’une version dédiée du Rafale à la Guerre Electronique et à la Suppression des Défense Aériennes Adverses, plus connue sur l’acronyme anglais SEAD.

Pour l’Hôtel de Brienne, en effet, le Rafale disposera, dans ses versions à venir, de capacités d’autoprotection et de combat collaboratif lui permettant d’évoluer dans les environnements contestés, alors que les alliés de la France disposent, quant à eux, de telles capacités.

Les choses ont de toute évidence bien changé depuis cette réponse. En effet, lors de son audition par la Commission de la Défense de l’Assemblée Nationale dans le cadre de la prochaine Loi de Programmation Militaire 2024-2030, le général Mille, chef d’Etat-major de l’Armée de l’Air et de l’Espace, a précisé que les futurs standards, à partir du Rafale F4.2 et surtout autour du futur standard Rafale F5 dont la conception a débuté cette semaine, seront dotés de capacités croissantes et avancées en matière de suppression des défenses aériennes et d’évolution en environnement contesté.

Le Rafale F4.2 sera doté de capacités de suppression des défenses aériennes SEAD

Aucune information précise sur les évolutions à venir du Rafale dans ce domaine n’a pour l’heure été donnée. Au mieux sait-on que du fait des capacités de combat infocentées de l’appareil, et de l’arrivée de nouvelles munitions comme le nouveau missile de croisière nucléaire ASN4G et des futurs missiles de croisière et anti-navires FMC/FMaN, l’appareil pourra frapper ses cibles à l’intérieur du dispositif adverse en dépit de la couverture anti-aérienne présente.

Toutefois, tout porte à croire que d’autres capacités vont venir s’ajouter à celles-ci, dont l’emport de brouilleurs de guerre électronique ainsi qu’un futur missile air-sol anti-radiation, soit l’essentiel de ce qui pouvait constituer un Rafale de Guerre Électronique.

Pour le CEMAAE, il s’agit de garder la capacité des forces aériennes et aéronavales françaises à entrer en premier et de garder un « coup d’avance» sur l’évolution des défenses anti-aériennes de l’adversaire.

Alors que le calendrier du programme SCAF tend à glisser au delà de 2040, le remplacement d’une partie des Rafale M de la Marine Nationale s’invitera rapidement dans la planification militaire française, peut-être même avant la fin de la LOP 2024-2030 qui a pris le parti de faire l’impasse sur ce sujet pour des questions de budget.

On comprend, par ces propos, que si une version dédiée à la guerre électronique du Rafale, comparable au EA-18G Growler de l’US Navy, n’est pas à l’ordre du jour sur la Loi de Programmation Militaire à venir.

Transformer le Rafale F5 et F4 en Tueur de SAM au besoin

Les forces aériennes françaises entendent bien, en revanche, permettre au Rafale de se transformer au besoin en « tueur de SAM» (SAM : Surface to Air missile), non seulement pour assurer sa propre protection, mais également celles d’autres appareils moins bien protégés d’évoluer dans cet environnement.

Il pourra s’agir des Mirage 2000D mais également les drones, Remote carrier et autres Loyal Wingmen qui ne manqueront pas de se greffer aux futurs standards de l’appareil, ainsi que les voilures tournantes (hélicoptères) que l’on sait très exposées aux défenses anti-aériennes désormais.

Ainsi parer, le Rafale sera de fait non seulement un atout pour les forces aériennes et l’aéro-combat français, mais également pour les forces alliées qui ne bénéficieront pas toutes de capacités similaires.

Rafale F4.2 remote Carrier MBDA
Les Remote carrier seront au cœur de l’évolution F5 du Rafale

Vers un Reboot du Rafale avec le standard F5 ?

L’arrivée de ces nouvelles capacités, comme des drones de type Remote Carrier déjà abordés sur ce site, va par ailleurs donner une nouvelle jeunesse au Rafale, dont la version F5 semble plus que jamais se transformer en un véritable « reboot » capacitaire, en particulier en matière d’évolutivité.

En effet, les performances opérationnelles de l’appareil viendront tangenter, et peut-être même surpasser, celles de plusieurs avions de combat dits de 5ᵉ génération, par certaines inversions de paradigmes en matière de guerre aérienne privilégiant l’autonomie, la vitesse, la capacité d’emport et la maintenabilité à la furtivité.

Reste à voir, désormais, à quel point les contraintes héritées de la conception initiale de cet appareil, dessiné à la fin des années 80, ne viendront pas de trop handicaper le plein potentiel de ces nouvelles capacités, tant au profit des forces aériennes françaises que de la compétitivité du Rafale sur la scène internationale, alors que tout porte à croire, aujourd’hui, qu’il devra encore tenir la ligne sur ce marché pendant encore une vingtaine d’années.