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Aussi discret que stratégique, le X-37B est de retour en orbite

Samedi dernier, la toute nouvelle US Space Force a procédé à son second lancement spatial depuis sa création. Mais contrairement au lancement du mois de Mars, la fusée Atlas 5 de United Launch Alliance n’emportait cette fois aucun satellite de communication mais un des deux mystérieux avions spatiaux Boeing X-37B Orbital Test Vehicle.

Il s’agit du sixième vol du X-37B depuis 2010. La précédente mission, qui s’était terminée en Octobre 2019, avait vu le drone spatial de Boeing battre son propre record de 780 jours passés en orbite (voir le dossier que nous avions consacré au X-37B suite à ce vol). Si le X-37B est désormais un habitué de l’orbite basse terrestre, l’US Air Force (qui possède les deux avions spatiaux) et l’US Space Force (qui va désormais les exploiter en orbite) continuent de maintenir le secret autour de ses capacités et de ses missions.

USSF 7 X 37B Atlas 5 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
L’un des deux X-37B fabriqué par Boeing sous la coiffe d’une Atlas 5, quelques jours avant son décollage samedi dernier dans le cadre de la mission USSF-7

Un astronef d’un nouveau genre

En matière d’armements hypersoniques, les forces armées américaines sont aujourd’hui dépassées sur le plan opérationnel par les derniers systèmes déployés par la Russie ou encore la Chine, comme nous avons pu l’écrire à de nombreuses reprises. Après des décennies de guerre contre-insurrectionnelles, le Pentagone cherche aujourd’hui à rattraper son retard en multipliant les programmes de missiles hypervéloces et de planeurs supersoniques, des engins capables d’évoluer aux frontières de l’espace et de rebondir sur les hautes couches de l’atmosphère pour changer de trajectoire et tromper les défenses adverses.

Si les USA souffrent aujourd’hui d’un retard opérationnel en matière de frappe tactique et stratégique hypersonique, leurs connaissances théoriques et pratiques des évolutions à très hautes vitesses dans les très hautes couches de l’atmosphères sont bien réelles. Et cela en grande partie grâce au X-37B. Dérivé du X-37A de la NASA, le X-37B de l’US Air Force est en effet une plateforme spatiale multirôle qui serait capable de rebondir sur les hautes couches de l’atmosphère pour changer sa vitesse ou sa direction, et donc compliquer la tâche des systèmes adverses devant le suivre à la trace. Cette capacité, assez semblable à celle d’un planeur hypersonique, a été confirmée en juillet dernier par l’ancien Secrétaire à l’Air Force Heather Wilson.

x37B 01 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Dépourvu d’équipage, mais capable de se poser comme une navette spatiale, le X-37B offre la capacité unique de pouvoir rester plusieurs mois en orbite tout en modifiant ses paramètres de vol et en revenant se poser à terre à la fin de la mission.

X-37B : un drone spatial destiné à l’espionnage ?

D’après les informations connues sur le X-37B, ce laboratoire volant aurait tout de même une utilité opérationnelle réelle. Ces équipements embarqués seraient ainsi testés en conditions opérationnelles, ce qui implique notamment de tester le nouveau matériel de détection des satellites-espions américains contre des objectifs réels, notamment en Russie, en Chine ou en Iran.

Décollant sous la coiffe d’une fusée Atlas 5 ou Falcon 9, le X-37B est capable de se poser sur une piste conventionnelle à la manière d’un avion ou de l’ancienne navette spatiale américaine, retirée du service en 2011. Dépourvu d’équipage, le X-37B dispose donc d’une autonomie de plusieurs mois, ce qui reste cependant inférieur à un satellite espion conventionnel dont la vie opérationnelle dépasse généralement plusieurs années.

Toutefois, contrairement à un satellite, le X-37B semble capable de voler aussi bien sur des orbites intermédiaires de plusieurs centaines de kilomètres que sur des orbites elliptiques lui permettant de frôler l’atmosphère et de faire évoluer rapidement son orbite, afin de tromper la contre-détection adverse ou de se réorienter vers un objectif prioritaire. Si les satellites traditionnels ont également la possibilité de modifier leur orbite, cela ne se fait qu’en consommant leur précieux carburant interne, ce qui diminue drastiquement leur espérance de vie.

Boeing X 37B after landing at Vandenberg AFB 3 December 2010 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le premier X-37B après sa première mission en 2010

Enfin, l’avantage d’un système autonome récupérable réside justement dans la courte durée de ses missions. Doté de charges modulaires et expérimentales, le X-37B effectue chaque vol avec des capteurs de dernière génération, là où les équipements opérationnels des satellites militaires se retrouvent souvent obsolètes au bout de quelques années.

Une plateforme de tests pour l’US Space Force

Si les rumeurs se multiplient au sujet d’une utilisation opérationnelle du X-37B, au moins ponctuellement, l’avion spatial reste avant tout une plateforme de tests unique en son genre, à la fois pour l’US Space Force, l’US Air Force et la NASA. Cela dépend sans aucun doute de chaque vol et des expériences qui sont embarquées à bord de la soute de la petite navette automatisée.

Pour ce sixième vol, le premier sous l’égide de la Space Force, il semble que l’aspect expérimental soit prédominant. Ainsi, deux expériences de la NASA sont embarquées à bord, afin de tester notamment les effets des radiations spatiales sur les semences végétales qui pourraient un jour être employées sur des missions au long cours ou sur une base lunaire. L’US Air Force a également indiqué que ce sixième vol du X-37B permettrait de tester le transfert d’énergie solaire vers la surface terrestre par le biais de micro-ondes dirigées.

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Si les lanceurs réutilisables continuent de séduire, notamment dans le secteur civil avec les fusées Falcon de Space X, nombreux sont les projets à être abandonnés, comme le XSP Phantom Express de Boeing

Au-delà de l’aspect opérationnel, ce sixième vol du X-37B sera également l’occasion de mener des essais conceptuels pour l’US Space Force. Les équipes de l’USSF chargées de la mise en orbite et de l’exploitation de l’appareil ont pour la plupart été transférées directement de l’ancien US Air Force Space Command, ce qui va faciliter la transition. Mais l’US Space Force, en tant que nouvelle administration, doit tout de même mettre en place ses liaisons avec la NASA, l’US Air Force, le NRO (National Reconnaissance Office), la Space Defense Agency et les autres branches du Département de la Défense.

A plus long terme, le programme X-37B devrait également permettre à l’US Space Force de définir au mieux ses futurs besoins et les futurs vaisseaux spatiaux amenés à y répondre, qu’il s’agisse de X-37 supplémentaires ou de nouvelles plateformes. La question de la réutilisabilité des véhicules apparaît comme centrale, mais la capacité à opérer aussi bien dans des orbites médianes que dans les hautes couches de l’atmosphère sera également scrutée avec attention, tout comme la question de l’autonomisation des missions spatiales.

Enfin, si le Pentagone continue d’affirmer que le X-37B ne participe pas à la militarisation de l’espace, la soute de l’engin peut déjà lui permettre de mettre en orbites des nano-satellites en toute discrétion, y compris des nano-satellites conçus pour intercepter, espionner ou endommager des satellites adverses, le cas échéant. De plus, la maniabilité du X-37B et sa capacité de retour pourrait permettre, à terme, de désorbiter des équipements sensibles afin d’éviter qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains. Autant de possibilités que l’US Space Force entend étudier rapidement afin d’affiner sa stratégie à long terme.

Vente d’hélicoptères : l’Italie se présente comme le nouveau partenaire privilégié de l’Egypte

Des sources officielles italiennes ont confirmé cette semaine que le groupe Leonardo allait vendre 24 hélicoptères AW149 et 8 hélicoptères AW189 aux forces armées égyptiennes. D’un montant de 871 millions d’euros, ce contrat pourrait être le premier d’une série de ventes d’armements italiens en Egypte.

En effet, depuis le début des années 2010, Le Caire multiplie l’acquisition d’armements lourds. Située entre une Afrique du Nord particulièrement mouvementée depuis l’effondrement du régime Libyen et un Moyen-Orient en plein ébullition depuis les Printemps Arabes de 2011, l’Egypte entend s’imposer rapidement comme un acteur régional incontournable, tant sur le plan militaire que diplomatique.

Or, si les premiers contrats d’armement ont surtout favorisé la France, avec l’acquisition d’avions de chasse et de navires de combat, c’est justement une erreur diplomatique majeure de la part du Président de la République Emmanuel Macron qui a mis brutalement fin à la lune de miel commerciale entre Paris et Le Caire. De quoi ouvrir un pont d’or pour les commerciaux italiens, qui espèrent vendre des frégates et des avions de combat en plus des hélicoptères militaires, comme nous l’avions détaillé dans un précédent article.

AW149 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les 24 AW149 achetés en Italie seront probablement destinés à un usage naval

Quels hélicoptères pour l’Egypte ?

Les premières négociations avec Leonardo auraient commencé bien avant le divorce consommé entre Paris et Le Caire, et bien avant les premières rumeurs d’un achat massif d’armements italiens apparues au début du mois de février. Ainsi, FlightGlobal indiquait que des négociations exclusives autour du modèle AW149 avaient été engagées dès le début de l’année 2019, au moins, et ce au détriment du NH90 européen mis en avant par Paris.

De fait, les hélicoptères italiens restent parmi les plus performants et économiques du marché, et Leonardo dispose d’une gamme particulièrement large. Le AW149 a d’ailleurs été spécifiquement conçu pour le marché militaire et l’exportation. Avec un peu plus de 8,5 tonnes de masse maximale, il se présente comme un concurrent direct des célèbres H-60 Blackhawk et Seahawk américains, tout en présentant un prix bien plus réduit que le NH90.

Pour l’Egypte, ce modèle d’hélicoptère présente de nombreux intérêts. D’une part, ils s’inscrivent dans la lignée des AW109 et AW139 que la force aérienne exploite déjà pour des opérations de transport VIP. D’autre part, leur tonnage leur permettrait de remplacer à la fois des appareils de transport lourds comme le Seaking ou le Mi-17, dans certaines missions, mais aussi des hélicoptères de lutte anti-sous-marine SH-2 Seasprite.

AW189 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Dérivé civile du AW149, le AW189 a connu plus de succès que son équivalent militaire. Optimisé pour le transport, il est particulièrement efficace pour les opérations de sauvetage en mer

Si les documents italiens ne révèlent pas encore l’utilisation finale des hélicoptères achetés, on sait cependant que le 24 AW149 ne permettront d’emporter que huit membres d’équipage, ce qui laisse entendre que la soute embarquera de nombreux équipements de mission. En toute logique, ces hélicoptères seront donc utilisés pour des missions maritimes, notamment la lutte anti-sous-marine et la lutte anti-surface. Ils viendront ainsi complèter puis remplacer les Seasprite. Alors que la dernière corvette Gowind de conception française sort des chantiers navals de Alexandrie et que les projets d’achat de frégates légères et lourdes se multiplient à la fois en Allemagne et en Italie, les besoins en hélicoptères ASM se font criants.

Parallèlement, huit AW189 devraient être également achetés. Version civile dérivée du AW149, cet hélicoptère est optimisé pour le transport de passagers, les opérations logistiques et les missions de service public. Selon leur configuration, les AW189 égyptiens pourraient alors être utilisés pour le transport de troupes et de matériel, pour les opérations de sauvetage voire pour le soutien aux opérations spéciales.

Les règles bien particulières de la diplomatie du portefeuille

Depuis plusieurs décennies, les pays du Moyen-Orient pratiquent ouvertement la diplomatie du portefeuille, qui consiste à s’assurer un soutien diplomatique des puissances occidentales en leur achetant régulièrement des équipements lourds et stratégiques, comme des réseaux satellitaires, des infrastructures de transport ou des armements. Depuis la fin de la Guerre Froide, Les entreprises de défense européennes, particulièrement, ont besoin de l’exportation pour assurer leur survie économique, ce qui confère une véritable puissance diplomatique aux pays importateurs d’armement.

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L’Italie espère vendre 24 Eurofighter Typhoon en Egypte. Les appareils viendraient alors s’ajouter aux F-16, Rafale, MiG-29 et Su-35 achetés récemment par Le Caire, complexifiant encore la logistique de la force aérienne égyptienne.

Or, cette forme bien particulière de diplomatie économique possède ses propres règles, et les récents développements en Egypte semblent montrer que Paris est loin d’en maîtriser tous les aspects. Les liens diplomatiques basés sur des relations commerciales restent fragiles et fluctuants, et imposent d’être régulièrement renouvelés de part et d’autre. Or, la France a généralement tendance à continuer d’appuyer –plus ou moins publiquement– la politique étrangère de ses clients, notamment l’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, quand bien même plus aucun contrat majeur n’a été signé dans ces pays depuis plusieurs années.

A l’inverse, en Egypte, lorsque le Président Macron a rappelé la position de la France sur autre chose que les questions de sécurité –en l’occurrence sur les Droits de l’Homme– cela s’est traduit par une rupture nette et définitive des négociations commerciales autour de l’acquisition de navires et d’avions de combat supplémentaires.

Ces deux cas de figure montrent que la pratique diplomatique ne peut se résumer aux échanges commerciaux et aux contrats d’armements. A cet égard, il est sans doute primordial d’instaurer une séparation claire (intervenants différents, communications distinctes, etc.) entre une posture diplomatique stratégique à l’égard d’un pays ou d’une région et une posture commerciale sans langue de bois. L’Italie, à cet égard, semble avoir pleinement compris les règles du jeu. Même si la posture diplomatique de Rome n’est pas toujours alignée sur cette du Caire, notamment sur la question cruciale de la Libye, les négociations autour des contrats d’armement entre les deux pays ne semblent pas en souffrir.

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Des patrouilleurs et frégates pourraient également être vendues par Rome en Egypte. Si la question de la revente des deux dernières FREMM italiennes a été soulevée, les PPA pourraient sans doute mieux convenir aux besoins égyptiens

De fait, le changement de fournisseur de la part de l’Egypte pourrait également avoir pour but d’influencer à plus long terme la diplomatie italienne. De manière générale, il est souvent plus intéressant pour un acteur du Moyen-Orient de nouer des contrats avec des fournisseurs qui ne sont pas parfaitement alignés sur leurs positions diplomatiques (Allemagne, Etats-Unis, Russie, etc.) que de prolonger un partenariat avec un pays qui continue d’offrir un soutien diplomatique indéfectible même en l’absence de nouveaux contrats commerciaux.

Dans ce contexte bien particulier, Rome semble donc avoir intégré un élément propre à la diplomatie du portefeuille : leur volatilité. Plutôt que de chercher à nouer un partenariat sur le long terme, comme cela pouvait être la norme dans la seconde moitié du 20e siècle (et comme la France a cherché à le faire dès 2013), il est sans doute préférable de pousser rapidement à la signature d’un maximum de contrat, avant que le vent ne tourne en faveur d’un nouvel allié commercial et diplomatique, et avant que sa propre politique étrangère n’ait été trop influencée par celle de ses clients.

L’avion de combat Rafale est-il vraiment en danger en Inde ?

Ce matin, le journal Le Monde annonçait que l’avionneur français Dassault Aviation voyait « s’éloigner tout espoir de nouvelle commande de Rafale ». En effet, dans le contexte de double crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de coronavirus, les autorités indiennes ont décidé de réduire drastiquement les acquisitions d’armements étrangers.

Dans un tel contexte, les rumeurs autour d’une acquisition rapide de deux escadrons supplémentaires de Rafale semblent effectivement parfaitement infondées, même si cette option semblait déjà abandonnée depuis l’année dernière. D’après les dernières nouvelles d’Inde, ce ne sont toutefois pas les accords de gré à gré qui sont particulièrement visés par les nouvelles annonces politiques, mais bel et bien le gigantesque contrat MMRCA 2.0 qui porte sur l’acquisition de 114 nouveaux avions de combat, et pour lequel le Rafale français est le grand favori. Pour autant, même si cet appel d’offre était annulé, ce qui n’est pas encore définitivement acté, tout espoir n’est pas perdu pour un nouveau contrat Rafale en Inde. Bien au contraire.

Shri Rajnath Singh defense minister india Rafale Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les premiers Rafale indiens ont été officiellement livrés à l’Indian Air Force en octobre 2019, avant un transfert en Inde prévu début 2020. L’épidémie de Coronavirus va cependant grandement ralentir les livraisons des Rafale destinés à l’exportation.

L’impossible équation du MRCA

Les grands programmes d’acquisition en Inde sont souvent particulièrement complexes. Les appels d’offres s’étalent sur des années, avec des exigences techniques qui sont régulièrement modifiées en fonction de critères plus politiques qu’opérationnels. Pour les industriels qui auront eu le courage d’aller jusqu’au bout du processus de sélection et qui auront eu la chance de le remporter, l’aventure est encore loin d’être fini.

Les négociations avec le vainqueur peuvent ainsi s’étaler sur de nombreuses années. Ainsi, après avoir remporté l’appel d’offre pour l’avion d’entrainement de l’Indian Air Force (IAF), le Britannique BAE Systems a dû attendre 16 ans avant que le contrat ne soit définitivement signé ! Dans l’intervalle, certains des autres avions qui avaient été candidats avaient tout simplement cessés d’être fabriqués !

Et c’est justement l’un des problèmes qu’a dû affronté l’IAF au début des années 2000. Suite au Conflit de Kargil de 1999, l’IAF a rapidement souhaité acquérir 126 chasseurs Mirage 2000-5 auprès de Dassault Aviation, la version précédente de l’appareil (Mirage 2000E acquis à 59 exemplaires par l’IAF) s’étant brillamment illustré pendant le conflit. Après plusieurs années de négociations, craignant de ne pas obtenir un bon prix pour ses Mirage 2000, l’Inde décide d’ouvrir le contrat à la concurrence et lance le programme MRCA, MultiRole Combat Aircraft. Mais la nouvelle compétition s’étale à nouveau sur des années, à tel point que le Mirage 2000 n’est désormais plus disponible, obligeant la compétition à s’ouvrir à des compétiteurs plus lourds, comme le Rafale biréacteur. On parle alors de MMRCA, pour Medium MRCA. En 2012, alors que le Rafale français et le Typhoon européen sont en finale, c’est le Rafale de Dassault Aviation qui est sélectionné.

Mig27 inde Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
L’armée de l’air indienne se repose encore sur un grand nombre d’avions anciens, MiG et Jaguar notamment. Faute d’un renouvellement anticipé dans les années 2000, l’Inde va devoir aujourd’hui se confronter à un vieillissement accéléré de son matériel militaire alors que la situation économique est au plus mal

Mais, à nouveau, les négociations pour la fabrication sous licence d’une grande partie des 126 appareils s’enlisent, l’industriel national HAL ne disposant pas des capacités nécessaires pour assembler un avion occidental moderne. En 2015, le MMRCA est finalement abandonné, le Premier Ministre indien optant pour l’acquisition sur étagère de 36 Rafale. Les 114 avions restant devront alors être achetés dans le cadre d’un nouvel appel d’offre, le MMRCA 2.

Vers une annulation du MMRCA 2.0 ?

Les premiers Rafale indiens, construits en France, devaient être livrés en ce moment, mais l’épidémie de Covid va décaler de quelques mois la mise en œuvre du premier escadron indien. Soit 21 ans après les premières demandes de l’IAF, et sans que l’appel d’offre initial n’est abouti ! Les annonces autour de ces livraisons devaient initialement marquer le début du renouveau de l’IAF, et les premiers retours d’expérience (élogieux, d’après l’IAF) auraient dû offrir à la force aérienne indienne des leviers de pressions pour encourager le pouvoir politique à commander deux escadrons (36 avions) de Rafale supplémentaires, en marge du MMRCA 2. En effet, dans le cadre de la commande de 2015, l’Inde a financé de nombreuses modifications sur le Rafale, ainsi que des infrastructures lourdes permettant l’exploitation de quatre escadrons. En somme, l’IAF ne pourrait vraiment rentabiliser ses Rafale qu’à partir de 72 appareils, et elle ne peut se permettre le luxe d’attendre la fin du MMRCA 2 alors qu’elle perd plusieurs chasseurs chaque année dans des accidents et que les MiG les plus anciens doivent quitter le service rapidement.

Rafale Inde vol Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les 36 Rafale indiens devraient considérablement améliorer les capacités de pénétration indiennes, y compris nucléaires. Il faudrait cependant au moins 72 appareils pour répondre aux besoins primaires de l’IAF

Malheureusement pour l’IAF, la crise du coronavirus vient s’ajouter à une crise climatique sans précédent en Inde, ainsi qu’à une profonde crise économique. Alors que le pays comptait sur un taux de croissance de près de 10% ces dernières années, ce taux a chuté à 5% en 2019 et devrait être négatif en 2020. Dans un tel contexte, de très nombreux programmes d’armement devraient être impactés. Le ministère de la défense a déjà fait savoir que les programmes Make In India allaient être privilégiés. Dans ce cadre, le nouveau chef d’état-major (général Bipin Rawat) a annoncé que le MMRCA 2.0 serait annulé au profit de l’achat de 83 avions de combat légers LCA Tejas, conçus et fabriqués en Inde.

Si la nouvelle est décrite comme une « énorme déconvenue pour l’avionneur français [Dassault Aviation] », il s’agit en réalité d’un coup dur pour l’ensemble des compétiteurs de MMRCA, à savoir Boeing (Super Hornet), Lockheed Martin, (F-21), Saab (Gripen NG), Eurofighter (Typhoon) ou encore MiG (MiG-35). À bien des égards, Dassault Aviation est peut-être même l’avionneur le moins à plaindre. De plus, les propos du général Bipin Rawat ont été rapidement nuancés en Inde même !

L’IAF veut toujours ses chasseurs médians

Politiquement, la solution présentée par l’état-major des armées indiennes semble vouloir continuer la modernisation des armées tout en privilégiant l’industrie locale. Dans la réalité, les commandes annoncées de LCA Tejas ne se feront pas à la place du MMRCA 2. En effet, en plus des 114 appareils de la classe du Rafale prévus dans le cadre de MMRCA 2.0, l’IAF a prévu depuis 2016 d’acquérir 83 chasseurs légers Tejas Mk1A, en plus des 40 Tejas Mk1 déjà en cours d’intégration dans les escadrons. L’idée n’est donc pas nouvelle, et la proposition du chef d’état major ne marque pas un renforcement de l’industrie nationale mais au contraire une diminution des capacités militaires indiennes et une réduction de l’activité économique, le MMRCA 2.0 devant en effet être construit dans le cadre du Make In India.

Rafale livraison inde Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Rafale indien lors de sa cérémonie de livraison en octobre dernier. Les appareils indiens devraient disposer de systèmes et d’armements améliorés par rapport aux appareils français.

Pour l’IAF, avions légers et médians ont toujours été complémentaires, et du maintien de cet équilibre dépend la crédibilité de l’armée de l’air. Et cette dernière ne s’y est pas trompé. En effet, peu de temps après les annonces du chef d’état-major, la direction de l’IAF, par le biais du Air Chief Marshal R.K.S. Bhadauria, a rappelé son attachement au programme MMRCA et a explicitement parlé du Rafale comme d’une référence pour cet appel d’offre.

En toute logique, même si le MMRCA devait être décalé de plusieurs années à cause de la crise, l’IAF n’aurait aucun intérêt à l’annuler, puisque cela la contraindrait à relancer ultérieurement un MMRCA 3 qui ne pourra pas porter ses fruits avant 2030 au mieux. Les besoins indiens restent toujourss de 36 Rafale, 114 autres appareils médians, environ 200 Tejas et une centaine de AMCA, le futur biréacteur furtif de conception indienne.

Un Rafale gagnant à tous les coups ?

Pour le Rafale, un arrêt ou un décalage du programme MMRCA pourrait en réalité être une aubaine. Bien que l’avion français soit le favori de l’IAF et de la compétition, le pouvoir politique indien pourrait être tenté d’exploiter le MMRCA pour obtenir des concessions politiques et diplomatiques de la part d’autres fournisseurs, notamment américains. Dassault Aviation ayant déjà procédé à des investissements en Inde suite au contrat de 2015, un achat auprès de Boeing ou Lockheed Martin pourrait permettre à l’industrie indienne d’obtenir des transferts de technologies plus diversifiés. Et, même si Dassault devait emporter le MMRCA 2, l’échec des négociations du MMRCA 1 doivent appeler à la prudence.

Rafale Indian Air Force Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Si le Rafale est le favoris de l’IAF pour la compétition MMRCA, il doit affronter la compétition féroce de Lockheed Martin, Boeing et SAAB. Une acquisition de 36 appareils supplémentaires hors compétition viendrait renforcer encore la position de Dassault en Inde

Par contre, si l’IAF est forcée de se contenter des Tejas dans les années à venir, ses besoins en appareils médians vont rapidement se faire sentir, d’autant plus que les Jaguar d’attaque au sol ne seront finalement pas modernisés. Alors que la force aérienne pakistanaise se modernise et que l’armée de l’air chinoise est plus puissante que jamais, l’IAF perd en capacités opérationnelles chaque année, au point d’avoir publiquement regretté que le Rafale n’ait pas déjà été en escadron lors des combats aériens de février 2019.

D’ici quelques années, le Rafale sera pleinement intégré à l’IAF, qui disposera alors de retours d’expérience suffisants pour justifier son envie de centraliser son segment médian autour du Rafale. Parallèlement, Dassault Aviation aura continué son développement en Inde, en bénéficiant des nouvelles législations indiennes plus avantageuses pour les compagnies étrangères souhaitant investir dans l’industrie de défense indienne. Entre 2022 et 2024, au plus tard, l’Inde pourrait donc parfaitement annoncer vouloir commander deux à quatre escadrons de Rafale supplémentaires, en marge de toute compétition.

Cela permettrait de compenser en partie de retrait des MiG-27 et Jaguar, tout en capitalisant sur les infrastructures déjà construites pour les 36 premiers Rafale. De plus, grâce aux investissements de Dassault en Inde, une telle commande pourrait quand même se reposer, politiquement, sur le Make In India. Enfin, cerise sur le gâteau, cela viendrait renforcer encore plus la posture de Dassault dans le cadre du MMRCA 2 (ou 3 ?), mais aussi en tant que partenaire stratégique pour le programme AMCA.

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Le F-21, version modifiée du F-16V de Lockheed Martin, ne semble pour l’instant par avoir convaincu l’IAF. Cependant, le Super Hornet reste un redoutable candidat pour le Rafale, tant dans l’IAF que dans l’Indian Navy

Par contre, le contexte actuel pourrait bien s’avérer fatal au programme de construction du troisième porte-avions indien, et donc à la commande de 57 chasseurs navals, programme pour lequel le Rafale était en compétition avec le Super Hornet de Boeing. Dans tous les cas de figure, les temps seront durs pour l’Inde. Incapable de moderniser assez vite sa bureaucratie et son industrie de défense, New Dehli risque de devoir accepter son déclassement diplomatique et militaire vis-à-vis de Pékin, tout en gérant des crises économiques et humanitaires sans précédent dans l’histoire du pays.

En attendant le futur porte-avions, la construction des nouveaux pétroliers-ravitailleurs BRF de la Marine Nationale débute à Saint-Nazaire

Hier, dans les Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire, se déroulait la cérémonie de découpe de la première tôle d’un des quatre futurs Bâtiment Ravitailleur de Force. Ces pétroliers-ravitailleurs de nouvelle génération vont permettre à la Marine Nationale de renouveler sa flotte logistique, indispensable pour la conduite d’opérations lointaines dans la durée. Le coût total du programme est estimé à 1,7 milliards € pour l’ensemble des quatre navires.

Ces quatre BRF formeront la classe Jacques Chevallier, du nom de l’ingénieur naval à l’origine des premiers navires à propulsion nucléaire français, et devront être livrés entre 2022 et 2029. Il s’agira alors des premiers navires militaires construits à Saint-Nazaire en dix ans, les derniers ayant été les porte-hélicoptères BPC initialement prévus pour la Russie et finalement achetés par l’Egypte. Normalement, Saint-Nazaire devrait renouer avec la construction militaire pour une assez longue période, puisque la Ministre des Armées Florence Parly, lors de la cérémonie de découpe, a annoncé que les Chantiers de l’Atlantique construiront par la suite le porte-avions de nouvelle génération (PANG). Destiné à remplacer le Charles de Gaulle, le PANG devrait être lancé vers 2036.

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Les futurs BRF disposeront d’une large surface d’ateliers, ce qui leur permettra de reprendre une partie des missions abandonnées avec le retrait du Jules Vernes et de la Loire

Les Bâtiments Ravitailleurs de Force

L’origine des BRF remonte au début années 2000, lorsque la Marine Nationale désactive progressivement ses différents navires-ateliers (BAP Jules Vernes, BSM Loire) assurant l’entretien et une partie de la logistique des forces navales françaises déployées sur de longue durée. La Marine Nationale commence alors à envisager une classe de navires capable de reprendre à la fois les missions de soutien technique et les missions de ravitaillement à la mer actuellement réalisées par les BCR (Bâtiments de Commandement et de Ravitaillement) de la classe Durance, dont trois exemplaires restent en service en France (Var, Marne et Somme) suite au désarmement de la Meuse en 2015.

Après une tentative de coopération avec la Royal Navy autour du concept MARS, la Marine Nationale s’est finalement rapproché de la Marina Militare italienne et de son concept Vulcano. Dans le cadre du programme FLOTLOG (Flotte Logistique) lancé en 2009, un format de quatre pétroliers-ravitailleurs de nouvelle génération est adopté, afin de permettre de soutenir simultanément un groupe aéronaval autour d’un porte-avions et un groupe amphibie autour d’un ou deux porte-hélicoptères. En 2010, les premiers navires FLOTLOG sont attendus pour 2015, mais le programme glisse progressivement, imposant de retirer du service la Meuse et de prolonger la durée de vie des BCR restant au-delà de 35 ans.

Des navires plus grands que les Vulcano

Finalement, le premier navire du programme FLOTLOG, le Jacques Chevallier, devrait entrer en service en 2023 ou 2024, et entamer la modernisation des capacités logistiques navales françaises. Conçus selon les dernières normes de sécurité militaires et civiles, les quatre BRF seront dotés d’une double coque, et emporteront 13000m3 de carburants et 1500 tonnes de fret, contre 10000m3 et 470 t pour les BCR actuels. Si le design des BRF français est basé sur celui des Vulcano italiens, les bâtiments français seront tout de même plus gros que leurs équivalents italiens, avec 194 mètres de long et 31000 tonnes en charge contre 193 mètres et 27200 tonnes pour le Vulcano (157 mètres et 18000 tonnes pour les BCR actuels).

Italian Navy and Fincantieri Launched Vulcano LSS Logistic Support Ship Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le Vulcano italien est dérivé d’un design de ravitailleur conçu pour la Marine Indienne en s’inspirant des besoins déjà exprimés à l’époque par la Marine Nationale.

Cette capacité d’emport accrue s’explique avant tout par le groupe aéronaval français. En effet, les Rafale bimoteurs sont plus gourmands en carburant que les Super Etendard et les Crusader embarqués par les porte-avions français à l’époque du développement des BCR. Même si le porte-avions lui-même est à propulsion nucléaire, ses avions et son escorte ont donc besoin d’un ravitaillement régulier. De plus, les besoins en mer français sont supérieurs à ceux de la Marine italienne, dont le porte-avions embarque bien moins d’aéronefs et opère généralement à de plus courtes distances.

D’après les vues d’artiste du concept BRF dévoilées lundi, il semblerait que l’installation de canons de 40mm RAPIDFire soit confirmée, même si la commande définitive n’a pas été annoncée. Si les Vulcano sont conçus pour pouvoir embarquer deux hélicoptères Merlin, les BRF devraient être en mesure d’embarquer un hélicoptère NH90 ainsi qu’un ou deux drones SDAM.

Ravitailleurs et porte-avions pour les Chantiers de l’Atlantique

Pour Saint-Nazaire, le début de l’industrialisation du programme FLOTLOG est une bénédiction. En effet, plus grand chantier naval de France, les Chantiers de l’Atlantique sont spécialisés dans la construction de navires de très grande taille hautement complexes, et en particuliers les paquebots et navires de croisière. Or, l’industrie du tourisme maritime est déjà fortement impactée par la crise du coronavirus, et sera sans doute parmi les derniers secteurs à se relever de la crise économique qui va suivre.

marne et guepratte BCR Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les navires de ravitaillement sont essentiels pour la conduite d’opérations lointaines en toute indépendance. Pour le moment, la Marine Nationale n’exploite plus que trois navires de ce type, mais le programme FLOTLOG porte bien sur quatre nouveaux bâtiments aux capacités étendues. Si la Marine devait être dotée de deux porte-avions conventionnels à l’avenir, un cinquième BRF pourrait alors être nécessaire.

Les quatre pétroliers-ravitailleurs de la Marine Nationale, s’ils ne permettront pas de maintenir intégralement l’activité du site, auront au moins l’avantage de garantir une certaine continuité de la charge de travail au cours de la décennie. Au-delà, les promesses politiques portent donc sur la construction d’un tout nouveau porte-avions nucléaire, un programme qui apportera bien plus de travail qu’un « simple » pétrolier-ravitailleur.

Pour l’heure, cependant, la décision n’est pas officiellement prise. Dans quelques semaines, le Président de la République devra indiquer son choix, qui devra porter à la fois sur le nombre de porte-avions (un ou deux) et leur propulsion (conventionnelle ou nucléaire). Dans le contexte économique actuelle, il est assez probable que le choix porte dans un premier temps sur un unique bâtiment à propulsion nucléaire capable de remplacer le Charles de Gaulle en 2038, avec un report de la décision au sujet d’un second bâtiment. Cependant, si le choix devait être fait entre un unique porte-avions nucléaire et deux porte-avions conventionnels, la Marine Nationale aurait affiché sa préférence pour deux bâtiments.

Dans tous les cas, la décision sera complexe. Pour des raisons de souveraineté industrielle civile et militaire, largement abordée dans notre article dédié, la propulsion nucléaire semble s’imposer naturellement. Dans le même temps, le manque criant d’information du grand public vis-à-vis de la sûreté nucléaire pourrait également pousser à choisir une option conventionnelle, plus consensuelle sur le plan politique.

L’industrie navale allemande se consolide autour de Lürssen et GNY Kiel, tandis que TKMS approche Fincantieri

Depuis le début de l’année, la consolidation de l’industrie navale de défense allemande était une des priorités de Berlin, comme nous l’évoquions dans un précédent article. Alors que de nombreuses hypothèses étaient soulevées, il semblerait finalement que la consolidation de l’industrie navale allemande s’effectue autour du groupe Lürssen, basé à Brême, et le chantier naval German Naval Yards de Kiel, filiale de la holding internationale Privinvest.

Cet évènement semble alors isoler TKMS, filiale navale du géant ThyssenKrupp, qui avait revendu ses activités de construction de navires de surface (et donc GNYK) à Privinvest en 2011 afin de se concentrer sur les sous-marins, ne conservant que ses excellents bureaux d’étude pour la conception de navires de surface. Ainsi, parallèlement au rapprochement entre GNYK et Lürssen, TKMS aurait commencé à discuter avec l’italien Fincantieri au sujet d’un rapprochement entre les activités navales militaires de deux groupes.

2 slider F125 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Si les frégates F125 ont été conçues par TKMS, elles ont été en grande partie construites par les chantiers navals de Lürssen. Pour autant, TKMS ne semble pas aujourd’hui intégré au processus de centralisation des industriels navals allemands

Un tel rapprochement germano-italien n’aurait rien de surprenant, étant donné que TKMS et Fincantieri construisent déjà conjointement les sous-marins Type 212 destinés à la fois à l’Allemagne et à l’Italie. La consolidation de l’industrie navale allemande semblerait ainsi s’orienter vers des rapprochements thématiques, entre des spécialistes nationaux des navires de surface d’une part, et un axe Allemagne-Italie articulé autour de l’expertise sous-marine de TKMS.

La fusion de Lürssen et GNY permet de débloquer le programme MKS 180

Si le rapprochement entre Lürssen et German Naval Yards Kiel peut surprendre à première vue, c’est parce que les deux industriels sont des concurrents historiques sur le marché des yachts, et qu’ils se sont récemment opposés sur la question du programme MKS 180. Pour rappel, MKS 180 est le plus ambitieux programme naval allemand depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et doit mener à la construction de quatre à six frégates lourdes multifonctions.

Pour ce programme, Berlin avait décidé en 2015 d’ouvrir l’appel d’offre aux compétiteurs européens au lieu de confier directement la conception du nouveau navire à TKMS, qui avait accumulé les problèmes sur les programmes F125 et K130. Pour remporter la compétition, les bureaux d’études de TKMS s’étaient donc alliés au chantier naval de Kiel. En cas de victoire, l’industrie navale allemande aurait donc pu se regrouper autour d’un rapprochement entre TKMS et GNYK, permettant de retrouver le champion national disparu depuis la scission entre les deux entités en 2011.

German Naval Yards Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
A plus long terme, les activités de GNY et Lürssen pourraient aussi se regrouper autour de la production de yachts, en fonction de l’impact de la crise sur ce marché

Malheureusement pour TKMS, c’est le consortium entre les chantiers navals de Lürssen et le néerlandais Damen qui avait remporté l’appel d’offre en janvier dernier, entrainant une baisse de charge dramatique pour les bureaux d’étude allemands. Différentes procédures juridiques avaient alors été engagées par GNY Kiel à l’encontre de Lürssen, bloquant de fait la poursuite du programme MKS 180.

Dans le même, cependant, la crise mondiale qui suit la pandémie de coronavirus est venu menacer le marché naval mondial, tant civil que militaire. Pire encore, d’ici quelques mois, les conséquences de la crise économique pourraient bien conduire la marine allemande à reporter ou réduire son programme MKS 180. Ce contexte a donc poussé Lürssen et GNY à se rapprocher, et donc à abandonner les poursuites judiciaires. Le programme MKS 180 pourra donc avancer rapidement, et peut-être permettre à GNY Kiel de récupérer une partie de la charge industrielle du programme, en fonction des accords qui seront signés d’ici quelques mois quand les deux groupes créeront effectivement leur co-entreprise.

TKMS doit éviter la crise

 Si Damen, Lürssen et GNY Kiel ont tout à gagner d’un tel accord, TKMS reste plus que jamais isolé, avec des bureaux d’études qui stagnent et un secteur sous-marin qui ne fait plus aussi recette qu’auparavant. En effet, depuis le début des années 2000, le Français Naval Group récupère peu à peu des parts de marché de TKMS, tout en poussant l’industriel allemand à réduire considérablement ses marges financières afin de resté compétitif.

Type212 allemagne Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le dernier sous-marin conçu et fabriqué en Italie était un bâtiment de type Sauro entré en service en 1995. Sans débouchés à l’exportation, l’industrie sous-marine italienne a disparu à la fin de la Guerre Froide, conduisant à un rapprochement avec TKMS pour la fourniture de la nouvelle classe Todaro (Type 212).

Alors que ni Lürssen ni Privinvest ne sont intéressés par les activités sous-marines de TKMS, ce dernier a donc entamé des discussions avec Fincantieri, qui ne cache pas ses ambitions européennes. Toutefois, un rapprochement entre industriels allemands et italiens pourrait être très problématique.

En effet, si Fincantieri pourrait être intéressé par les activités sous-marines de TKMS, les bureaux d’études allemands sur les navires de surface n’auraient que peu d’intérêt pour le groupe italien. De plus, Fincantieri est déjà engagé dans un projet de rapprochement avec Naval Group, à travers la co-entreprise franco-italienne Naviris, créée officiellement au mois de Janvier. Dans le même temps, Fincantieri attend l’aval de Bruxelles pour racheter également les Chantiers de l’Atlantique, qui devraient connaître une chute de leur activité avec la crise qui touchera nécessairement le secteur des paquebots.

En théorie, rien n’empêcherait d’imaginer que Fincantieri développe son activité de surface avec Naviris et se lance également dans le secteur sous-marin aux côtés de TKMS. Mais l’activité sous-marine italienne est désormais inexistante sans TKMS, ce qui fait que Fincantieri n’aurait pas grand-chose à apporter à une co-entreprise italo-germanique, à moins de réduire ses projets en France.

Naviris Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Pour le moment, les discussions entre TKMS et Fincantieri ne semblent pas inquiéter les autorités françaises, étant donné les liens forts tissés entre l’industrie navale italienne et française ces dernières années.

Pour l’heure, Fincantieri annonce simplement être à l’écoute des propositions allemandes, et semble ménager les susceptibilités de Paris. Après des années de négociations, le groupe italien spécialiste des navires de surface a tout de même peu de chance de risque sa coopération avec Naval Group pour jouer les seconds couteaux dans une aventure sous-marine en Allemagne.

Dans tous les cas de figure, on constate tout de même que la consolidation européenne appelée de ses vœux par Naval Group depuis des années semble peu à peu se mettre en place, mais que le leader européen du naval de défense n’y joue pas la place centrale qu’il espérait. Ce qui semble assez logique, puisque Naval Group maîtrise déjà toutes les facettes de la conception et construction navale, là où des acteurs italiens, allemands ou espagnols pourraient tenter de créer des structures communes à partir de leurs expériences complémentaires.

Pour TKMS, si un rapprochement avec le partenaire italien du programme Type 212 peut sembler logique, l’idée d’une consolidation allemande en plusieurs étapes reste aussi évoquée. Ainsi, les bureaux d’études et les activités sous-marines de TKMS pourraient peut-être établir ultérieurement un partenariat élargi avec la future co-entreprise qui devrait être fondée par Lürssen et GNY Kiel d’ici six mois environ. Des rapprochements avec des chantiers navals néerlandais ou danois restent aussi possibles. Affaire à suivre donc.

L’armée suisse s’interroge sur les capacités opérationnelles du F-35A dans le cadre de son appel d’offre Air2030

Il y a quelques semaines, l’avion de combat furtif F-35 de Lockheed Martin défrayait une nouvelle fois la chronique lorsque DefenseNews a confirmé que l’utilisation de la postcombustion –un surrégime du réacteur permettant d’atteindre de hautes vitesses– endommageait la structure des F-35B et F-35C destinés aux Marines et à la Navy lorsque l’avion atteignait des vitesses supersoniques. La chaleur induite entrainait en effet des dommages sur la structure arrière des avions, ce qui endommageait alors les capteurs et supprimait la furtivité de l’appareil.

Pour corriger le problème, le Pentagon avait tout simplement décidé de… restreindre l’utilisation de ces appareils en vitesses supersoniques, les rendant incapables de réaliser des interceptions. « Etrangement », la version F-35A destinée à l’US Air Force et à la quasi-totalité du marché export ne semblait pas touchée par ce problème, quand bien même les trois variantes du F-35 sont censées disposer d’un moteur et d’un revêtement similaire. A l’époque, nous nous interrogions sur cette différence de traitement entre les variantes navales et celle destinée à l’exportation. Et, apparemment, les clients potentiels du F-35A sont également inquiets.

F 35 finland Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le F-35 est en compétition en Finlande et en Suisse. Admiré par certains militaires pour ses capacités électroniques et sa furtivité, il est nettement dépassé par ses compétiteurs européens sur le plan des performances dynamiques, essentielles dans le cadre de la défense aérienne suisse

D’après un document interne des services de renseignements militaires suisses, consulté par un journaliste local, indique que Berne s’interroge justement sur les « capacités supersoniques du F-35A ». Concrètement, le Renseignement Militaire suisse semble se demander si les problèmes identifiés par l’US Navy et l’US Marines Corps ne se rencontreraient pas également sur la version destinée à l’exportation. L’appareil étant en compétition en Suisse pour le remplacement des F-18 Hornet, la question est légitime.

D’après les déclarations officielles, les différences dans le revêtement et le réglage de la postcombustion du F-35A le protégerait des soucis rencontrés par les autres variantes. Mais deux raisons pourraient pousser Lockheed Martin et l’US Air Force à cacher ou sous-estimer un tel problème. II pourrait s’agir d’une part d’éviter d’effrayer les potentiels clients à l’exportation (Suisse, Finlande, etc.) en leur dissimulant sciemment une information pourtant essentielle. D’autre part, il se pourrait tout simplement que les problèmes soient moindres sur le F-35A, et ne causent pas de problèmes dans des conditions opérationnelles typiques.

Or, la Suisse ne peut pas se permettre d’évaluer ses appareils dans des « conditions opérationnelles typiques » des membres de l’OTAN. En effet, dans la plupart des pays, le F-35 sera avant tout un appareil de bombardement qui effectuera quelques missions de supériorité aérienne dans le cadre de réseaux de défense étendus sur de longues distance. La Suisse, elle, doit prendre en compte la possibilité d’exploiter ses appareils sans l’aide des réseaux de radars de ses voisins, neutralité oblige. De plus, la mission air-sol est secondaire pour elle, et les capacités d’interception sont prioritaires.

F 35B Queen Elizabeth Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le F-35B dispose d’une tuyère de réacteur différente de celle du F-35A, mais tout de même très semblable, ce qui interroge légitimement sur les performances globales de cette variante très sollicitée à l’exportation

En cas de conflit ou de crise à proximité de ses frontières, la Suisse pourrait avoir à faire un usage répété des interceptions supersoniques, nécessaires aussi bien pour contrôler rapidement un appareil civil que pour éloigner un appareil militaire étranger souhaitant survoler le territoire helvétique. Si certains partis politiques suisses ont proposé de faire des économies en achetant le M-346 italien, un avion d’entrainement subsonique converti en appareil de combat low-cost, il s’agit en réalité d’un véritable non-sens pour la force aérienne suisse qui, plus que tout autre pays en Europe, a besoin d’appareils supersoniques performants.

En effet, plus petit est le territoire à défendre, plus faible est la profondeur stratégique, et plus court est le délai dont dispose la force aérienne pour réaliser une interception. Si la Suisse veut protéger ses cibles stratégiques efficacement, disposer d’une permanence opérationnelle pour sa défense aérienne et assurer la défense de grands évènements sur son territoire (sportifs, diplomatiques, etc.), elle a besoin d’intercepteurs supersoniques.

Les interrogations suisses à propos du F-35A sont donc plus que légitimes. Le fait qu’elles aient fuité dans la presse est à la fois rassurant et inquiétant. Cela montre en effet que les autorités militaires et le renseignement helvétiques ne sont pas prêts à croire sur parole les promesses commerciales des constructeurs de matériel militaire. L’éviction du Gripen NG de Saab au tout début de la compétition laissaient déjà présager que les choses iraient dans ce sens. Cependant, le fait que ces interrogations soient dévoilées en sous-main pourrait également laisser penser qu’une partie au moins des autorités militaires suisses ne souhaitaient pas exposer Lockheed Martin sur la place publique, ce qui pourrait remettre en cause la transparence promise au début de cet appel d’offre.

Rafale Typhoon Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
En théorie, le Typhoon européen (premier plan), le Rafale français (deuxième plan) et le Super Hornet de Boeing devraient pouvoir profiter de toute rumeur négative sur le F-35, dans le cadre de la compétition suisse. Mais trop de discrédit sur les appareils en compétition pourrait conduire à un rejet total du programme Air2030 de la part de la population helvétique.

Pour les autorités suisses, la question est particulièrement sensible. Lors du dernier appel d’offre de 2011, le Saab Gripen était sorti vainqueur, avant que les scandales entourant le manque de maturité de l’appareil ne conduisent une votation populaire à rejeter l’acquisition en 2014. Pour le programme Air2030, afin d’éviter un nouveau rejet populaire cristallisé sur un unique modèle, la votation (référendum) se déroulera avant les annonces de la sélection. Le risque, alors, serait que des scandales exposent l’un ou l’autre des candidats et ne conduise au rejet global du programme alors même que les militaires suisses auraient sélectionné un autre appareil.

Pour l’heure, le Rafale français et le Super Hornet de Boeing semblent bien partis pour être favoris de la compétition, l’appareil français ayant les faveurs des forces aériennes suisses depuis 2011. Mais la sélection, une fois définitivement validée par la votation, sera politique avant tout, sans recours populaire au cas où l’exécutif s’avère choisir un avion mal noté par les militaires. Quelques rumeurs dévoilées en amont pourraient alors servir à éviter qu’une telle chose se produise.

Le nucléaire : un atout stratégique pour les armées françaises, et pas uniquement pour sa dissuasion

L’atome, outre son caractère décisif dans notre mix électrique décarboné, tire un ensemble de secteurs industriels vers le haut : chimie, informatique, intelligence artificielle…  Le relâchement du soutien de l’État à l’égard de la filière industrielle nucléaire pourrait pourtant avoir un impact décisif sur nos capacités de défense.

En matière industrielle, et notamment dans un domaine aussi technique que le nucléaire, les pertes liées au savoir-faire peuvent être très rapides. Les retards accumulés dans la construction l’EPR de Flamanville témoignent d’ailleurs des difficultés de la filière nucléaire française à conserver toute la maîtrise technique nécessaire à un tel ouvrage, alors que le dernier réacteur construit remontait à 2002. Une filière précieuse mais fragile, tancée par le politique : bien que la construction de 6 prochaines tranches d’EPR est toujours dans les cartons du gouvernement, l’atome reste le bouc émissaire symbolique de toutes les politiques en quête de « green-washing », au profit des énergies renouvelables. Un paradoxe, quand on connait les performances du nucléaire en termes de CO2, mais passons.

EPR Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le chantier EPR de Flamanville a connu de nombreux délais et surcoûts, avant tout causés par un mauvais management et la perte d’expérience liée à la construction de réacteurs nucléaires civils

Dans ce contexte houleux, le nucléaire civil masque souvent les implications militaires. Il y a en effet un continuum très étroit entre la fission contrôlée des réacteurs civils et celle des réacteurs militaires utilisés dans la propulsion maritime. Ces réacteurs utilisent en effet la même technologie, celle des Réacteurs à Eau Pressurisée (REP). Or c’est le nucléaire civil qui tire, historiquement, le nucléaire militaire. Toute perte de compétence à moyen et long terme dans le domaine de la construction de réacteurs civils entrainerait probablement une carence pour les réacteurs dédiés à la propulsion navale [militaire].

On insistera au passage sur l’absence de lien technique avec les armes nucléaires. La technologie REP s’appuie sur une réaction en chaine nucléaire maitrisée afin de produire de la chaleur transportée ensuite par de l’eau répartie en circuits distincts et étanches conduisant in fine à la production d’électricité via de la vapeur d’eau actionnant une turbine. Une arme nucléaire fonctionne sur un principe strictement opposé de réaction en chaine non maitrisée aboutissant alors à une explosion.

La France est à ce titre dépendante du nucléaire dans la mise en œuvre et le Maintien en Condition Opérationnelle (MCO) de ses Sous-Marins Nucléaires d’Attaque (SNA), de ses Sous-Marins Nucléaires Lanceurs d’Engin (SNLE) et de son Porte-Avion Nucléaire (PAN) Charles De Gaulle. La propulsion donne accès à des facilités opérationnelles importantes dont ont bien conscience les armées. Concrètement, l’atome confère ainsi à la Marine française une grande autonomie et une liberté d’action renforcée.

Porte avions NG Marine nationale Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le prochain porte-avions français (PANG) sera sans doute doté d’une propulsion nucléaire qui réduit considérablement les besoins en ravitaillement du groupe aéronaval tout en permettant des déploiements à pleine vitesse sur des périodes prolongées en cas d’urgence. Enfin, la propulsion nucléaire offre une électricité abondante pour les catapultes électromagnétiques mais aussi les futurs systèmes de défense à énergie dirigée par exemple.

Concernant les sous-marins, le nucléaire permet une submersion de plusieurs mois nécessaire à la permanence furtive de notre dissuasion nucléaire à la mer, limitée par le facteur humain et la nourriture uniquement, et non par l’énergie disponible. Concernant le porte-avion Charles de Gaulle, l’énergie atomique permet de se libérer d’une partie des contingences liées au ravitaillement. En effet, pour un porte-avion conventionnel, le ravitaillement en carburant doit s’opérer tous les deux à trois jours sur mer ce qui empêche les manoeuvres d’aviation pendant plusieurs heures et oblige à suivre des voies de ravitaillement bien définies. Ces contingences pourraient être exploitées par n’importe quel adversaire disposant d’un outil militaire solide et s’avèrent très pénalisantes en opération. La propulsion nucléaire permet en outre de rationaliser l’approvisionnement en carburant des autres navires du groupe aéronaval et de libérer des espaces importants dans les cales des navires logistiques qui profitent à l’emport accru de vivres et de munitions.

Il est plus que probable que menaces de type symétrique sont appelées à se multiplier de manière inquiétante dans un futur proche, comme l’a rappelé récemment le CEMA (Chef d’Etat-Major des Armées), ce qui doit être pris en compte dans la conception de nos futurs porte-avions qui devront répondre à un nombre accru –et inédit– de menaces. Il faut dès lors garder à l’esprit que le « confort opérationnel » de ces 30 dernières années ne perdurera pas dans le futur. La projection de forces et de puissance des armées françaises sera ainsi probablement à l’avenir de plus en plus contestée. Elles seront aussi confrontées à des théâtres d’opérations non-permissifs adossés sur un ensemble de capacités A2AD (Anti-Access, Aerial Denial) se matérialisant sous la forme de systèmes anti-aériens, antinavires et de guerre-électronique très avancés. Combiné au retour des grandes unités mécanisées, c’est non seulement la survivabilité de nos forces qui est en péril mais aussi notre simple capacité à agir pour nos intérêts vitaux. La guerre classique, oubliée depuis 30 ans, est en train de faire son retour. Cette évolution du paradigme militaire est donc au centre de la conception de nos nouveaux-systèmes, et en premier lieu un de leurs porteurs principal : les Porte-Avions de Nouvelle Génération (PANG).

De ce point de vue le renouvellement de nos capacités aéronavales semble en bonne voie car la construction du ou des futurs PANG devrait être entérinée par le président de la République dans les semaines qui viennent. En effet, la crise sanitaire actuelle ne change rien aux risques géostratégiques auxquels nous sommes confrontés, voire les aggrave, et la relance économique nécessitera de vrais investissements dans l’industrie lourde de défense. La question du type de propulsion pour ce ou ces PANG sera alors centrale, même si tout indique que la Marine Nationale penche pour une option nucléaire. Outre le renouvellement du PA Charles De Gaulle, l’arrivée d’une paire de PANG permettrait à la France de disposer à nouveau d’une permanence aéronavale à la mer, capacité perdue depuis le début des années 2000. Afin de faire face aux menaces à venir, ils devront notamment pouvoir accueillir le « New Generation Fighter » successeur du Rafale M. Plus lourd que ce dernier, il nécessitera l’usage de catapultes Electromagnétiques (EM) –très gourmandes en énergie– plus puissantes que les actuelles catapultes à vapeur. Les catapultes EM permettront par ailleurs l’emport d’un panel plus large d’aéronefs lourds et d’augmenter l’emport de charges utiles (Capteurs, munitions…). Afin d’augmenter le tempo opérationnel sur des théâtres de haute-intensité, ils devront être capable de catapulter simultanément au moins deux appareils et de stocker les drones accompagnant les appareils en remote carrier, conformément aux objectifs du Système de Combat Aérien du Futur (SCAF).

Lancement Suffren Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
La Marine Nationale opère actuellement six réacteurs nucléaires pour sa flotte de SNA, quatre pour ses SNLE et deux à bord du seul Charles de Gaulle.

En outre les PANG seront munis de capacités plus robustes en défense anti-aérienne, antinavires, anti-torpille et anti-missile. Sans compter les futurs systèmes de liaisons/fusion de données et les contremesures électroniques (brouillage). Les PANG seront alors beaucoup plus lourds (au moins 60 000 t contre 42 500 à pleine charge pour le Charles de Gaulle). Afin de garder une autonomie d’action relative avec un bon rapport poids/vitesse, et pour alimenter les divers systèmes (dont les catapultes), une propulsion nucléaire bien maitrisée s’avérera décisive, pour ne pas dire indispensable. A ce titre les futurs PANG, dont le développement sera officiellement annoncé au mois de Juin, pourront difficilement faire l’économie de l’atome, même si le surcoût lié à cette propulsion lors de la construction risque de pousser le pouvoir politique à n’acheter qu’un seul porte-avions dans un premier temps (dans un contexte de volatilité des prix du pétrole, le surcoût de l’option nucléaire sur la durée de vie des navires n’est cependant pas établi aujourd’hui).

Dans ces conditions une perte de compétences serait très dommageable. Une rupture de ce type serait en mesure de nuire à la conception même des PANG. Car il est d’ores et déjà acté qu’ils auront besoin d’un nouveau type de réacteur (le K220) en mesure de produire les 230 MW de puissance [électrique] nécessaire à leur fonctionnement. Si une rupture devait se faire sentir, nous serions confrontés à un changement du cahier des charges à même de faire exploser les coûts de développement du programme. Examinons les délais : les PANG devront être admis au plus tard au service actif en 2038 (si leur construction débutait aux alentours de 2028), conformément aux besoins de l’armée française. Donc, une carence de la filière nucléaire française lors de la décennie 2020 pourrait s’avérer fatale au programme. Or c’est en 2022 que devra être actée la construction des six futurs réacteurs civils EPR français. Gageons que la décision sera alors cohérente avec les programmes de PANG nucléaires décidés cette année.

Le futur avion d’entrainement de l’US Navy pourrait ne pas embarquer à bord des porte-avions américains

Le 14 mai, l’US Navy a émis une demande d’information (RFI) concernant un nouvel avion à réaction destiné à entrainer ses pilotes à l’appontage sur porte-avions. S’il ne s’agit pour l’instant que de se renseigner sur les offres disponibles chez les industriels, ce RFI marque le lancement du programme de remplacement des Boeing T-45 Goshawk actuellement utilisés par l’US Navy.

Cependant, les demandes de NAVAIR (en charge de la gestion de l’aéronavale américaine) ne portent pas sur un avion navalisé et capable d’embarquer à bord des porte-avions. D’après la documentation officielle, l’US Navy chercherait un avion dérivé d’un jet d’entrainement existant capable de simuler un environnement tactique complet et de réaliser des touch-and-go sur des pistes à terre et sur des porte-avions.

T 45C Goshhawk emals uss gerald ford Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage

Concrètement, les nouveaux appareils pourront réaliser une approche similaire à celle d’un chasseur embarqué, pourront toucher la piste du porte-avions, mais redécolleront aussitôt. De telles manœuvres sont assez courantes et font partie intégrante du processus d’apprentissage des pilotes de l’aéronavale, qui réalisent de vrais atterrissages et décollages sur les porte-avions plus tard dans leur entrainement. C’est cependant la première fois que l’US Navy évoque la possibilité d’un avion d’entrainement conçu spécifiquement pour la réalisation de touch-and-go.

En effet, les approches d’appontages sollicitent fortement les cellules des avions puisqu’elles imposent une vitesse verticale bien plus élevée que lors d’un atterrissage à terre. Les trains d’atterrissage doivent alors absorber l’énorme quantité d’énergie de ces contacts très rudes, d’autant plus de la part d’élèves pilotes. D’après NAVAIR, chaque appareil devra être ainsi en mesure de réaliser chaque année 1200 exercices d’atterrissages à terre et 45 touch-and-go sur un porte-avions. Ainsi, les avions sélectionnés devront sans aucun doute subir de lourdes modifications sur leur cellule et leur train d’atterrissage.

Argentine Navy Dassault Super Etendard jet on USS Ronald Reagan Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les touch-and-go font partie intégrante de la formation des pilotes de l’aéronavale. Ici, un Super Etendard argentin effectue un touch-and-go sur un porte-avions américain

Jusqu’à présent, la logique voulait donc que ces modifications donnent également lieu à l’intégration d’une barre de catapultage et d’une crosse d’appontage permettant une exploitation complète à bord des porte-avions américains. Ce changement d’orientation de la part de l’US Navy, qui devra être confirmé ou infirmé en fonction des retours industriels, peut trouver plusieurs explications :

  • D’une part, la numérisation des commandes de vol et l’automatisation des procédures d’appontages doivent permettre, en théorie, de réaliser des touch-and-go plus souples et d’éviter que les avions ne percutent trop brutalement la piste d’appontage. Il serait alors possible de procéder à des modifications mineures –et donc moins coûteuses– de la cellule des avions, là où une capacité navale complète demande de redessiner complètement un appareil.
  • D’autre part, ce RFI pourrait indiquer que l’US Navy cherche à modifier sa procédure d’entrainement des pilotes qui passeront alors d’un unique avion d’entrainement avancé (le Goshawk) aujourd’hui à plusieurs appareils d’entrainement et de perfectionnement à l’avenir.

Si le futur avion d’entrainement avancé de l’US Navy pourrait bien ne pas être capable d’opérer depuis un porte-avions, il n’est pas question pour l’US Navy d’abandonner cette partie essentielle du processus de formation des pilotes. Il serait sans doute possible de confier les dernières étapes de qualification aux escadrons de chasseurs navals biplaces. Mais si l’idée paraît plausible pour les futurs pilotes de Super Hornet, elle n’est pas applicable aux pilotes de F-35C, uniquement disponible en version monoplace.

En toute logique, le nouvel avion viendrait alors compléter la flotte de T-45C Goshawk, et non pas la remplacer entièrement. En effet, les derniers de 221 Goshawk commandés par l’US Navy ont été livrés en 2009, et disposent encore de dix à quinze ans de durée de vie. Dans un premier temps, donc, le nouvel appareil devrait donc servir à l’entrainement tactique des pilotes, notamment grâce à ses équipements de simulation embarqués à bord et à une interface du cockpit représentative des avions de combat de la Navy. Il pourra également entrainer les pilotes à l’approche et à l’appontage. Ensuite, ces derniers réaliseront leurs premiers véritables appontages et catapultages à bord des Goshawk.

T 45 Goshawk Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Un T-45C réalisant un appontage. On noter son train d’atterrissage avant renforcé et sa crosse d’appontage. En réalisant une partie de l’entrainement à partir d’avion non-navalisés, l’US Navy pourrait économiser le potentiel de ses Goshawk et leur permettre de voler jusqu’à l’horizon 2040.

Ce modèle, qui reste à valider, permettra donc d’économiser le potentiel de vol des Goshawk, tout en permettant aux pilotes de l’aéronavale de s’entrainer à bord d’avions de dernière génération représentatifs des chasseurs les plus modernes. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle. Aux débuts des années 1980, l’US Navy demande à McDonnell Douglas (qui gérait le programme Goshawk avant son rachat par Boeing) de développer un T-45B dépourvu de capacités d’appontage et de catapultage. Les pilotes stagiaires auraient alors réalisé la première partie de leur formation sur T-45B avant de passer leur qualification à l’appontage sur T-45A.

Ensuite, au milieu des années 2000, Boeing et le Britannique BAE (qui a conçu le Hawk terrestre sur lequel est basé le Goshawk naval) ont travaillé sur le T-45D, un Goshawk modifié pour incorporer un environnement d’entrainement tactique embarqué complet, à l’instar de ce que propose les nouveaux avions d’entrainement avancé. Aujourd’hui, l’US Navy pencherait donc sur un concept intermédiaire, reprenant la vocation terrestre principale du T-45B mais également les équipements de simulation embarquée de dernière génération du T-45D.

Aermacchi M 346 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le M-346 italien dispose d’une envergure importante, d’un train d’atterrissage robuste et d’une propulsion bimoteur améliorant sa fiabilité en environnement marin. Sans un partenariat fort avec un industriel américain comme Northrop-Grumman, il aura cependant du mal à affronter Boeing et Lockheed Martin.

Au-delà du RFI, les candidats potentiels pour le remplacement d’une partie des Goshawk pourraient être :

  • Le T-7 Red Hawk de Boeing/Saab : cette offre aurait l’avantage d’être basée sur le nouvel avion d’entrainement avancé de l’US Air Force et donc d’offrir de sérieuses économies d’échelle. Boeing dispose également d’une très sérieuse expérience des systèmes d’appontages assistés et automatisés, que ce soit sur Super Hornet ou sur le drone MQ-25 Stingray.
  • Le M-346 / T-100 de l’Italien Leonardo : cet appareil a le gros avantage d’être bimoteur et de disposer d’un bon potentiel pour une future navalisation, si tant est que l’US Navy envisage à terme de remplacer la totalité des T-45.
  • Le T-50A Golden Eagle de Lockheed Martin/KAI : candidat malheureux au programme T-X de l’USAF, le T-50 pourrait retenter sa chance dans l’US Navy, sans avantage majeur à mettre en avant cependant.
  • Enfin, le Britannique BAE Systems pourrait bien tenter de placer une nouvelle variante de son Hawk, qui pourrait alors reprendre une partie des élements du Goshawk actuel. Retiré du programme T-X en raison de ses trop faibles performances, il pourrait ici bénéficier de l’avantage d’une plateforme connue et maîtrisée par l’US Navy.

Sur le plan technique, il n’y a pas vraiment d’urgence, les Goshawk disposant encore d’un bon potentiel. Cependant, alors que le T-7 Red Hawk va bientôt arriver en escadrons dans l’US Air Force, l’US Navy va devoir adapter le niveau de formation de son personnel naviguant aux avions de combat de nouvelle génération. La situation sera particulièrement critique pour les futurs pilotes de F-35C, dépourvu de version biplace, mais aussi pour les pilotes de la Marine Nationale. En effet, les pilotes français de Rafale M sont intégralement formés aux USA. Et le Rafale M n’est pas non plus disponible en version biplace.

La confirmation de l’acquisition de Su-35 par l’Egypte pourrait avoir d’énormes conséquences géopolitiques

Les rumeurs étaient persistantes depuis plus d’un an maintenant : l’Egypte aurait passé commande en Russie pour une vingtaine de chasseurs lourds Su-35. Depuis 2015, Le Caire multiplie les acquisitions de nouveaux équipements de défense, ayant reçu notamment de deux douzaines de Rafale français, ainsi que des hélicoptères de combat Ka-52 et des chasseurs MiG-29 de Russie. Jusqu’à présent, ces achats ont toujours été contrebalancés par l’acquisition d’équipements équivalents en provenance de fournisseurs américains : chasseurs F-16 Block 52, ou hélicoptères de combat AH-64 Apache par exemple.

Toutefois, en achetant le meilleur appareil de combat russe disponible à l’exportation, Le Caire semble aujourd’hui accepter de franchir une ligne rouge vis-à-vis de Washington, qui a toujours cherché à garantir un certain équilibre militaire entre les différentes armées du Moyen-Orient. Or, le Su-35 est équipé des dernières avancées technologiques en matière de capteurs et d’armement, et ses performances dynamiques surpassent largement celles des Rafale, Typhoon et F-15 Advanced Eagle récemment vendus dans la région. Pire encore, le Flanker-E pourrait même représenter une menace sérieuse pour le chasseur furtif F-35 que Washington n’a pour l’instant exporté qu’en Israël, dans la région.

Sukhoi Su 35 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le Su-35 dispose d’une avionique proche de celle du nouveau Su-57 furtif, de réacteurs à poussée vectorielle et d’une impressionnante panoplie d’armements air-air et air-sol. Sa suite d’autoprotection est également une des meilleures du monde.

Depuis 2018, rien ne semblait confirmer les rumeurs d’acquisition de Su-35 par l’Egypte. En effet, Le Caire a abordé de très nombreux industriels de la défense ces dernières années, et des rumeurs d’acquisition courent au sujet de quasiment tous les équipements de première ligne disponible sur le marché. L’information est d’autant plus difficile à analyser que l’Egypte dévoile rarement la teneur de ses contrats de défense.

Finalement, l’information aura été confirmée par la publication de documents industriels russes présentant les détails du contrat signé avec Le Caire en mars 2018. Un premier lot d’appareils est en d’ailleurs en cours de construction dans l’usine de KnAAZ, où sont fabriqués les Su-35. Au total, l’Egypte aurait commandé 26 avions pour environ 2 milliards $, qui viendront donc s’ajouter à l’inventaire éclectique de la force aérienne égyptienne : Mirage 2000, Rafale, F-16, MiG-29 et Mirage 5.

Alors que les livraisons pourraient débuter dès l’année prochaine, les observateurs attendent maintenant la réaction des Etats-Unis. En effet, Washington avait prévenu en fin d’année dernière que l’acquisition de Su-35 par l’Egypte entrainerait des sanctions américaines dans le cadre de la loi CAATSA (Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act). En premier lieu, les USA pourraient décidé de stopper les versements de l’aide militaire américaine, ou refuser de délivrer des contrats FMS plus avantageux. Mais la possibilité existe également que Washington stoppe toute aide logistique vis-à-vis des forces armées égyptiennes, qui restent encore majoritairement équipées d’avions et d’hélicoptères américains.

En cas de bras de fer diplomatique, toutefois, rien ne garantit que Le Caire en ressortira perdant. En effet, Washington a déjà montré par le passé que la loi CAATSA était à géométrie variable, la Turquie ayant été lourdement sanctionnée lorsqu’elle a reçu ses batteries de missiles russes S-400, tandis que l’Inde reste fortement courtisée par les industriels américains alors même qu’elle a acheté les mêmes systèmes anti-aériens que la Turquie.

En terme diplomatique, l’Egypte se situe d’une certaine manière entre ces deux cas de figure. Tout comme l’Inde, et contrairement à la Turquie, elle n’est pas membre de l’OTAN et est un client historique de la Russie. Cependant, comme la Turquie, l’Egypte est un allié majeur des Etats-Unis au Moyen-Orient. Les bonnes relations militaires entre Washington et Le Caire ont une énorme influence sur les relations israélo-égyptiennes, sur la lutte contre les réseaux terroristes islamistes et sur la stabilité de la région dans son ensemble. De lourdes sanctions sur les armées égyptiennes pourraient entrainer une nouvelle vague de chaos dans un pays qui sert de jonction stratégique entre la péninsule arabique et l’Afrique du Nord.

S400 Turquie livraison 1 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
La livraison de systèmes S.400 à la Turquie a entrainé l’annulation de la vente de F-35. Alors que l’Egypte attend la modernisation de ses hélicoptères de combat Apache d’origine américaine, la livraison de Su-35 pourrait être très risquée.

Le risque pourrait bien être beaucoup trop grand pour Washington. Mais l’administration Trump a déjà démontré par le passé son absence de pondération et de vision stratégique à long terme dans cette région, mais aussi sa capacité à rester parfaitement passive face à certaines provocations. Quelle que soit la réaction de la Maison Blanche, l’acquisition de Su-35 montre une certaine défiance du Caire et de ses alliés vis-à-vis des fournisseurs occidentaux. En effet, pour ses acquisitions militaires, l’Egypte a régulièrement recours à des prêts ou des dons de la part des monarchies du Golfe, et notamment de l’Arabie Saoudite.

Or, depuis une décennie maintenant, les puissances régionales du Golfe Persique montrent régulièrement leur ambition de s’affranchir partiellement de la tutelle américaine. Si les pays européens (France, Italie et Royaume-Uni) apparaissent ponctuellement comme des fournisseurs d’arme efficaces, ils n’ont ni l’ambition politique ni les moyens militaires nécessaires pour s’imposer comme des alliés de premier rang. Contrairement à la Russie.

Alors qu’elle était pratiquement absente de la scène politique du Moyen-Orient depuis la fin de la Guerre Froide, la Russie a su profiter stratégiquement du chaos ayant suivi les Printemps Arabes de 2011 pour se positionner à la fois comme un médiateur diplomatique, comme un allié fiable et comme un fournisseur d’armes sérieux. La nature ayant horreur du vide, le retrait diplomatique et commercial partiel des Américains et des Européens dans la région a donc laissé le champ libre aux diplomates et aux industriels russes, mais aussi chinois.

Su27SKM indonesie Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
L’Indonésie a également subi de lourdes pressions de Washington afin d’annuler sa commande de Su-35 au profit de F-35 américains. Le Caire aurait sans doute pu tenter une telle négociation, mais le secret entourant l’achat de SU-35 et le début d’industrialisation de ces derniers laisse penser que l’Egypte n’a pas chercher à éviter le bras de fer avec les USA.

Pour le moment, deux douzaine de chasseurs russes de haute performance en Egypte n’ont pas de quoi bouleverser en profondeur l’équilibre des forces locales. Mais pour Washington, il pourrait bien s’agir d’une boîte de Pandore. D’ores et déjà, Moscou aurait approché le Qatar et les Emirats Arabes Unis pour proposer le Su-35, tandis que l’Arabie Saoudite s’est montré intéressée par le S-400 et que le chasseur furtif Su-57 pourrait être prochainement proposé dans la région.

En tout état de cause, une grande partie de ces prospects ne sont sans doute rien de plus que des moyens de pression exercés par les pays du Golfe afin d’obtenir le plus de concessions possibles de la part des Etats-Unis. Mais même cette posture montre que Washington perd progressivement la main sur les affaires du Moyen-Orient. L’Union Européenne manquant de puissance diplomatique cohérente, rien d’étonnant alors à voir Moscou et Pékin se servir du jeu politique du Moyen-Orient comme d’un tremplin pour leurs propres ambitions de puissance régionale et mondiale.

La force aérienne israélienne va désactiver un escadron de F-16 pour laisser de la place à ses nouveaux avions de combat

Les forces de défense israéliennes (IDF) ont annoncé qu’un des escadrons de F-16C/D de la force aérienne (IAF) serait désactivé en octobre 2020. Cette annonce fait suite à la publication au mois de février du nouveau plan pluriannuel de l’IDF, destiné à renforcer les capacités combattantes israéliennes… tout en réduisant le budget de la défense, ce qui devrait conduire au final à la désactivation rapide d’un second escadron de chasse.

L’escadron désactivé devrait être le 117th Squadron. Surnommé le First Jet Squadron, il avait été fondé en 1953, cinq ans seulement après la création de l’IAF, pour accueillir les premiers avions de combat à réaction de l’IAF, des Gloster Meteor. Par la suite, il avait également été parmi les premières unités à percevoir des F-16A/B, et le premier escadron opérationnel sur F-16C/D. Le 117th est aujourd’hui crédité de plus de 65 destructions de cibles aériennes, dont la première victoire aérienne d’un F-16, mais aussi de la première victoire face à un MiG-23.

IAF F15 and F16 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les F-16 disposant encore d’un bon potentiel, on peut imaginer que les cellules retirées du service serviront de réserves de pièces détachées pour F-16C restants, à moins qu’Israël ne réussisse à les revendre sur le marché de l’occasion.

En 2016, avec le retrait des derniers F-16A/B, les effectifs de l’IAF tombèrent sous la barre des 300 avions de combat, contre environ 450 quinze ans plus tôt. Depuis, l’IAF a perçu ses premiers F-35 ainsi qu’une poignée de F-15D achetés d’occasion auprès de l’USAF, lui permettant de remonter ses effectifs à 13 escadrons, soit 325 appareils. Mieux encore, pour compenser sa relative faiblesse quantitative, l’IAF a entrepris depuis quelques années de moderniser l’ensemble de ses F-16C/D ainsi que toute sa flotte de F-15, dont les biplaces d’entrainement ont été reconvertis en appareils de commandement avancé pour les raids à longue distance.

Cependant, cette légère mais nette tendance à la hausse des effectifs semble désormais terminée. En effet, après avoir récemment décidé de ne pas choisir entre le F-35I et le F-15 Advanced Eagle, l’IAF s’apprête à accueillir dans ses effectifs un troisième escadron de F-35I ainsi que 25 nouveaux F-15IA. Pour le moment, l’IAF ne dispose que de la moitié des 50 F-35I commandés entre 2010 et 2016, et qui devront donc être complétés par 25 appareils supplémentaires. Du côté des Advanced Eagle, le nouvel escadron de F-15IA viendra compléter l’actuelle flotte de 25 F-15I qui devrait être également modernisée au standard Advanced Eagle.

Dans l’immédiat, toutefois, c’est l’arrivée des cinquante premiers F-35I qui semble justifier la désactivation d’un premier escadron, afin de dégager des lignes de crédit et du personnel. D’ores et déjà, l’IDF a annoncé qu’un second escadron serait fermé prochainement, probablement dès que la seconde unité de F-35 sera opérationnelle. Il pourrait s’agir encore une fois d’une unité de F-16C, même si les derniers F-15A monoplaces arrivent aujourd’hui à bout de course.

F 15 BAZ 2000 Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Les F-15B/D biplaces sont une ressource précieuse pour l’IAF, qui n’hésite pas à en acquérir sur le marché de l’occasion pour remplacer ses F-15 monoplaces. Equipés de liaisons de données et d’antennes satellitaires (clairement visible derrière la verrière), ils constituent d’excellents moyens de reconnaissance et de commandement avancé.

Lorsque les F-35I et F-15IA supplémentaires arriveront dans quelques années, tout porte à croire qu’ils pousseront à la retraite deux escadrons supplémentaires. Les effectifs de l’IAF retomberont alors sous la barre des 300 chasseurs. A plus long terme, la flotte israélienne pourrait ainsi se stabiliser autour de 250 appareils répartis dans une dizaine d’escadrons :

  • 75 F-35I furtifs destinés aux missions les plus sensibles
  • 50 F-15IA optimisés pour la frappe lointaine
  • Une centaine de F-16I pour la supériorité régionale
  • Un escadron de F-15D modernisés au standard Baz-2000 et utilisés pour la frappe lointaine et la coordination de raids, pour peu que les cellules tiennent jusque là.

Il est ainsi frappant de voir que l’effectif de l’IAF, longtemps composé presque exclusivement de chasseurs-intercepteurs de haute performance, pourrait être articulée à la fin de la décennie autour d’appareils polyvalents spécialisés dans la frappe au sol, ou modifiés à cet effet. Comme bien d’autres pays, Israël paye ici le prix de l’optimisation air-sol du F-35, après que Washington ait refusé de lui vendre le F-22 Raptor que l’IAF réclamait pour remplacer ses plus vieux F-15.

Incapable de succéder aux plus vieux F-16C et au F-15C pour les missions d’interception, le F-35I vient ainsi se positionner sur le même créneau opérationnel que le F-15I Ra’am et le F-16I Sufa, les deux appareils les plus récents de l’inventaire israélien et dont le remplacement n’est en aucune manière urgent. Un comble ! Dans les faits, faute d’un remplaçant adéquat pour les appareils de supériorité aérienne, la flotte de combat israélienne se réorganise progressivement pour adapter sa doctrine à ses moyens, eux-mêmes limités aux seuls industriels américains.

F 35I Blue Flag Israel Actualités Défense | Drones et Robotique militaires | Espionnage
Le budget militaire israélien étant alimenté par l’aide financière américaine, l’IAF n’a pas d’autre choix que d’acheter des appareils américains, quand bien même ils ne répondent pas parfaitement à ses besoins. Si le F-35 est très apprécié en Israël, l’IAF n’estime pas avoir besoin de plus de 3 ou 4 escadrons de ce type.

Ainsi, si les F-15IA pourront sans doute reprendre à leur compte une partie des missions de supériorité aérienne et d’escorte des raids à longue portée, la mission de défense aérienne locale des F-16A/C sera en partie prise en charge par la nouvelle défense aérienne multicouches de l’IAF, comprenant notamment les systèmes Iron Dome, Arrow et David’s Sling. De plus, comme le montrent les opérations de combat récentes de l’IAF, les opérations de soutien aérien semblent de plus en plus souvent menées par des drones armés et des hélicoptères de combat Apache, libérant alors les F-16I de cette mission.

Au final, si la force aérienne israélienne va connaître les mêmes réductions d’effectifs que ces consœurs européennes, par exemple, elle semble néanmoins avoir plus anticipé que subi cette restructuration. Les avions de combat étant de plus en plus cher, il est en effet possible de les remplacer dans certaines missions par des flottes de drones, mais aussi par des missiles de défense aérienne de courte, moyenne et longue portée. Or, si le F-35 conduit les armées de l’air de l’OTAN à réduire leur format, les forces occidentales souffrent encore d’un manque cruel de missiles anti-aériens de courte et moyenne portée.