mercredi, décembre 3, 2025
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L’USCYBERCOM : au bon endroit, au bon moment

D’aucuns seraient tentés d’écrire que le cyberespace est une (pas si) nouvelle dimension de la conflictualité, transversale à l’air, à la mer et à la terre et intrinsèquement dotée des qualités de virtualité et d’ubiquité. D’autres auraient aimé être doués de ces mêmes attributs pour mieux comprendre le déroulé du feuilleton géopolitique de cet été. « J’ai demandé combien de personnes allaient mourir. 150 personnes, Monsieur, a répondu un général. [Ce n’était] pas proportionné par rapport à une attaque contre un drone […] je ne suis pas pressé, notre armée est […] prête et de loin la meilleure au monde ».

Nous sommes le jeudi 20 juin 2019, il est 19h30. Cette scène – que nous pouvons aisément visualiser – c’est le 45e président des États-Unis, l’homme le plus puissant du monde libre qui nous la décrit après les révélations du New York Times. Dans un message aux 280 caractères dont il a le secret, Donald J. Trump nous invite à prendre place dans son bureau, The Oval Office, ou encore dans la Situation Room, c’est selon, pour vivre ce moment, celui où tout aurait pu basculer. Le matin même, ce sont près de 131 millions de dollars (voire 223 millions avec la recherche et le développement) de tôle, d’optronique de pointe et de bannières étoilées qui descendent en flammes entre le détroit d’Ormuz et le golfe d’Oman.

L’Iran a fait parler la poudre – ou plutôt les gardiens de sa révolution – en abattant un appareil sans pilote, un RQ-4 A Global Hawk, un drone de l’armée de l’air américaine. Horreur et effroi, les faucons réclament vengeance. Le Commander in chief en décidera semble-t-il autrement, enclenchant la désescalade. Nous avons été proches du pire. 

Magnanime Donald Trump ? Avouons que nous en avons souri

Puis plus rien. L’été passe, et le quotidien de la Grosse Pomme nous livre une nouvelle version des évènements, de celles qui juxtaposent l’histoire et l’Histoire. Alors, que s’est-il vraiment passé ce fameux jeudi 20 juin 2019 ? Selon Norman Roule, ancien haut responsable du renseignement, c’est par une cyberopération que le président à choisit de répondre à son homologue iranien. Plus précisément, l’USCYBERCOM aurait ciblé une base de données stratégique utilisée par les Gardiens de la Révolution pour préparer les attaques contre les pétroliers battant pavillon étranger qui s’aventureraient dans le détroit d’Ormuz, réduisant ainsi – temporairement – les capacités de nuisance de Téhéran dans la zone.

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Le drone RQ-4A Globalhawk de l’US Navy abattu par La Défense anti-aérienne iranienne menaça de déclencher une riposte massive américaine

Toujours selon le New York Times, l’effet final recherché aurait été obtenu et mieux, les Pâsdârân seraient toujours en convalescence. Serait-ce là la raison de l’interruption des attaques contre les tankers dans la zone ? Hormis la saisie du Stena Imperio le 21 juillet dernier – presque un mois jour pour jour après les faits – aucun acte de sabotage n’a depuis été signalé. Selon M. Roule : « Vous devez vous assurer que vos adversaires comprennent un message : les États-Unis disposent d’énormes capacités qu’ils ne pourront jamais espérer égaler [sic] et il vaudrait mieux pour toutes les parties concernées qu’elles mettent simplement fin à leurs actions belliqueuses. »

Loud and Clear ? Rien n’est moins certain.

Depuis la fin des années 2000 et l’opération Olympic Games, les États-Unis et l’Iran se livrent à une série d’escarmouches dans le cyberespace, une véritable « cyberguerre » à l’abri des regards. Bien que galvaudé, ce terme prend ici tout son sens. Mais ces opérations sont pensées, calibrées et exécutées de manière à ne jamais sortir de la zone grise entre guerre et paix.

« Les cyberopérations […] sont conçues pour changer le comportement de l’Iran, sans déclencher un conflit plus vaste ou provoquer des représailles » selon l’ancien haut responsable. C’est en partie du fait de la difficulté intrinsèque de l’attribution de l’attaque, que le cyberespace – utilisé à des fins belliqueuses – joue aujourd’hui un rôle prédominant dans la gestion de crises aigües. En se plaçant en deçà du seuil d’un conflit armé en utilisant le cyberespace, les responsables militaires et du renseignement cherchent à décourager l’Iran de commettre de nouvelles agressions, voire de ramener le pays à la table des négociations. Et les faits semblent leur donner raison.

Opération Olympic Games

En anesthésiant – temporairement – les cascades de centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium iranien dans les centrales de Natanz et de Bouchehr, l’opération Olympic Games menée par les États-Unis et Israël avaient dangereusement flirté avec les limites du droit international. Mais les effets ont sans doute permis l’élaboration d’une doctrine propre à cette région du monde pour les forces cyber américaines.

Si l’APT Stuxnet (Advanced Persistant Threat) – bien qu’il n’ait jamais eu officiellement cette dénomination – a réussi à paralyser ces installations, l’Iran n’a pas mis longtemps avant de reprendre ses ambitions nucléaires là où il les avait laissées.

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Notons l’impact de l’opération Olympic Games (APT Stuxnet) au cours de l’année 2009.

Avec les inspections réalisées par l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) de l’ONU dans le cadre de l’implémentation de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien (JPOA – Joint Plan Of Action), les inspecteurs onusiens n’ont pu que constater que le coup d’arrêt du début des années 2010 n’avait bien été que temporaire. Cette stratégie semble donc de nouveau porter ses fruits, avec l’Iran en tout cas. Selon des responsables américains, bien que les effets de cette opération aient été mesurés pour être limités, ils ont tout de même réussi à rendre exsangue leur(s) cible(s) pour une période plus longue qu’initialement prévue.

Une lame à double tranchant

« La guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens ».

Carl Von Clausewitz

D’une certaine manière, les cyberopérations rendent tout son sens à cette citation, en donnant une alternative désormais plus que crédible à l’usage de la force au sens propre, mais la nature même de ces moyens les rend délicats à employer. Comme d’autres technologies, la rétro-ingénierie d’une cyberattaque est une étape cruciale, obligatoire même, sur laquelle aucun acteur ne peut faire l’impasse. Les cibles de ces cyberopérations peuvent alors en tirer différents bénéfices au travers de l’examen méthodique et détaillé de ces programmes.

D’une part, la majorité des cyberattaques utilisent des vulnérabilités précises non-détectées au préalable : des Zero Day. Dès qu’il est fait usage de cette faille, l’étude du code permet de l’identifier rapidement et de la corriger par un patch correctif, améliorant de facto la sécurité (la couche passive de protection) des systèmes ciblés. Un malware utilisé dans le cadre d’une cyberopération est donc le plus souvent à usage unique. Selon Mark Quantock, général de division à la retraite qui a occupé le poste de directeur du renseignement au Commandement central des États-Unis : « l’Iran est un acteur sophistiqué. Ils examineront ce qui s’est passé. La Russie, la Chine, l’Iran et même la Corée du Nord pourraient tous voir comment ils ont été attaqués et donc pourraient également faire usage de cette connaissance pour conduire des opérations utilisant ces mêmes failles utilisées contre eux. Enfin, les actions menées à des fins de renseignement par le biais de cette faille de sécurité vont inévitablement prendre fin à partir du moment où celle-ci est révélée tout en informant la cible qu’elle était effectivement sur surveillance, par quels moyens et à quels types de renseignements les attaquants ont eu accès.

Salle Cyber Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
L’US CYBERCOM est aujourd’hui au coeur de la majorité des opérations offensives et défensives américaines

Dans les faits donc, l’usage de ce type d’outils est soumis à arbitrage entre coûts et bénéfices. Qu’il s’agisse des militaires ou des agences de renseignements, le scepticisme monte dans les rangs, les faits démontrant souvent que la rentabilité immédiate n’est pas toujours à la hauteur des attentes, l’enjeu n’est donc parfois que purement politique. Pour Gary Brown, professeur à l’Université de la Défense nationale et ancien conseiller juridique pour l’USCYBERCOM : « Cela peut prendre beaucoup de temps pour obtenir l’accès, et cet accès est consumé [sic] lorsqu’on entre dans le système et qu’on supprime quelque chose. Mais dans le même ordre d’idées, vous ne pouvez pas vous en servir comme excuse pour ne pas agir. Tu ne peux pas stocker des accès et ne jamais les utiliser ».

La montée en puissance du Cyber Command, suite

Nous l’avions évoqué dans un précédent article, le commandement militaire des opérations cyber américaines (USCYBERCOM) est en passe de prendre son indépendance vis-à-vis du CSS et de la NSA, dans les faits, il s’enhardit. Le général Paul M. Nakasone – actuel chef du CSS – décrit sa stratégie comme un « engagement résolu » contre les adversaires des États-Unis (et ses alliés selon la formule consacrée). Et c’est en partie au sein de l’administration Trump, grâce à la nouvelle autorité du Congrès (NDDA 2019) que l’USCYBERCOM commence à augmenter l’intensité de ses actions de manière autonome.

Finalement, cette série d’évènement nous pousse à entrevoir l’avenir des cyberopérations. Nul doute que l’Iran aura de nouveau répliqué comme après l’opération Olympic Games, quand l’opérateur énergétique saoudien Aramco avait subi une vaste campagne de cyberattaques attribuée à l’Iran ayant provoqué l’effacement des données (wiping) de près de 75 % de ses systèmes informatiques avec l’APT Shamoon.

Pourtant, le cas iranien est en passe de devenir un cas d’école de l’usage de l’outil cyber pour la poursuite d’objectif politique à court et moyen terme. Conséquence directe ou non, la chronologie des faits nous pousse à nous demander si le JPOA aurait pu voir le jour sans Stuxnet et les autres versants de l’opération américano-israélienne pour entraver (a minima) l’enrichissement de l’uranium perse ; tout comme la désescalade de cet été pourrait avoir été enclenchée par l’action du CYBERCOM. Quand Israël menaçait ouvertement de frappes préemptives les sites d’enrichissement de la République Islamique, le président américain de l’époque – George W. Bush – avait demandé une « third option » entre se laisser entraîner et déclencher un troisième conflit au Moyen-Orient ou permettre à l’Iran de se doter de l’arme nucléaire.

La troisième option viendra de l’US Strategic Command commandée par le général James Cartwright qui venait de créer une petite unité cyber qui deviendra plus tard l’USCYBERCOMMAND.

Le pouvoir égalisateur de la ligne de code

La question peut donc se poser : comme dans les espaces « conventionnels » de conflictualité, la menace de l’usage et l’emploi de la force constituent des outils à l’usage du politique. Mais les qualités intrinsèquement liées au cyberespace permettent de placer plus loin le curseur. Cette « zone grise » décrite par Norman Roule peut sembler être un espace d’expression singulier dans les relations internationales : Pour un coût maîtrisé, les décideurs disposent d’un formidable outil d’extension de leur volonté politique sans aller jusqu’à la force à proprement parler, et cela les États-Unis l’ont semble-t-il très bien compris.

En France, la prudence reste de mise. Pour être à même de parler avec tout le monde, il ne faut se fâcher avec personne. Depuis le retrait des États-Unis des accords de Vienne le 8 mai 2018, le dossier du nucléaire iranien s’est polarisé autour de visions antagonistes et d’intérêts de plus en plus divergents. Les récents développements montrent une multiplication des signes de défiance entre Téhéran et Washington malgré une initiative française remarquée à Biarritz.

Dans le cadre de sa stratégie de la « pression maximale » chère à Donald Trump, les États-Unis viennent d’imposer de nouvelles sanctions à destination de « 16 entités, 10 individus et 11 navires ». Après avoir annoncé l’augmentation de son stock d’uranium enrichi au-delà des seuils prévus, Hassan Rohani a déclaré ce mercredi mettre en œuvre « toutes les mesures [jugées] nécessaires en matière de recherche et développement […] et abandonner tous les engagements » pris dans le cadre du JPOA, menaçant en substance de porter le seuil d’enrichissement à 20 % au lieu des 3.67 % prévus par l’accord de Vienne.

Si les différentes parties prenantes semblent prêtes à en découdre, la venue de Mohammad Javad Zarif en marge du G7 prouve qu’en coulisse les canaux de discussion demeurent ouverts. Ironiquement, le ministre iranien des affaires étrangères est à titre personnel sous sanctions étatsuniennes. Personne n’a intérêt à aller jusqu’au conflit, mais l’usage des cyberopérations joue un rôle prédominant et demeure un atout dans la manche politique pour faire passer des messages sans envenimer des situations souvent complexes. Dans un contexte où les apparences ont un impact diplomatique significatif, le cyberespace offre en définitive un cadre permettant de pouvoir communiquer, d’une manière où d’une autre, à l’abri des regards.


Jean Lebougre
Spécialiste Cyberwarfare

Peut-on construire un avion de guerre électronique européen ?

Parmi les plus importantes défaillances opérationnelles auxquelles seront exposées de nombreuses forces aériennes en Europe lors de la prochaine décennie, la plus significative, au delà des questions de format, est sans aucun doute l’absence d’avions de guerre électronique. En effet, face à des systèmes de défense anti-aérienne multi-couches performants, comme la Défense russe, les appareils européens, tels le Rafale, le Typhoon, le Gripen ou le F16, se retrouvent très exposés, et de fait très menacés. Or, la perte de ses capacités d’appui aérien signifierait pour l’OTAN, la perte de la majeur partie de sa puissance de feu, ne laissant que les forces terrestres, que l’on sait insuffisamment équipées pour le combat de haute intensité, pour tenir tête à des divisions blindées disposant 5 fois plus de blindés, et 10 fois plus de systèmes d’artillerie mobile que les européens.

Malgré cette faille critique, il n’existe, au sein de l’OTAN, que 150 appareils capables d’assumer ce type de mission, les EA 18G Growler de l’US Navy, par ailleurs très sollicités sur le théâtre Pacifique. Les F35A et B de certaines forces aériennes européennes, et les quelques F22 déployés par l’US Air Force, seront peut-être aptes à évoluer à proximité des défenses anti-aériennes russes, mais la multiplication des systèmes de détection de différents types, et la fusion des informations à l’échelon divisionnaire de la défense anti-aérienne russe, couplées aux capacités d’interception des Su30, Su35, Mig31 et bientôt Su57, très nettement supérieurs en nombre aux avions de 5eme génération en Europe, sont de nature à rapidement éroder ces capacités théoriques. Sans la supériorité aérienne consécutive de la neutralisation de la Défense anti-aérienne russe, l’OTAN se retrouverait dans une situation de vulnérabilité dramatique.

Les enseignements de l’US Navy

Depuis la guerre du Vietnam, l’US Navy, habituée aux missions nécessitant « d’entrer en premier » au dessus d’un territoire hostile et parfois âprement défendu, fait accompagner ses raids de bombardement par des appareils chargés de neutraliser les radars adverses, et éventuellement de les éliminer. Le EA6B Prowler assura cette mission pendant prés de 50 ans, de 1970 à 2019. Il est aujourd’hui remplacé par le EA18G Growler, destiné aux mêmes missions. Non seulement l’US Navy emploie systématiquement ce type d’appareils, mais elle en emploie beaucoup, 1 avion de brouillage pour 6 appareils de combat ; un chiffre qui n’a cessé de croitre au fil des années, puisqu’il n’était que de 1 pour 12 au début des années 70. Il faut dire que sur la même période, les systèmes de défense anti-aériens se sont modernisés, ont vu leurs performances s’étendre, et se sont à la fois densifiés et démocratisés.

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L’EA 6B Prowler a assuré les missions de guerre électronique pour l’US Navy pendant presque 50 ans

En outre, les systèmes de défenses les plus performants, comme ceux déployés en Russie ou en Chine, se composent d’un ensemble de systèmes complémentaires et diversifiés, déployés sur un vaste territoire, nécessitant des moyens de brouillage plus puissant, et plus nombreux. Et ceci a un cout, le programme Growler ayant couté 3 Md$ de conception, y compris pour les versions évoluées du missile anti-radar HARM, et chaque appareil coute à lui seul 70 m$ Fly Away.

Quels besoins en Europe

Comme l’US Navy, les forces aériennes de nombreux pays européens, y compris la France et l’Allemagne, soit les deux plus importantes numériquement, ne disposent que d’appareils dits de 4eme génération, ne pouvant se reposer sur leur seule furtivité pour évoluer à proximité de défenses modernes. Certes, les appareils comme le Rafale français, ou le Typhoon européen, disposent de systèmes d’auto protection performants, mais ils sont insuffisants face à une défense multi-couche comme La Défense russe. Un appareil de guerre électronique est indispensable en Europe. En outre, le ratio utilisé par l’US Navy, issu des retours d’experience de nombreux engagements, semble tout désigné pour répondre aux besoins de ces forces aériennes, soit un appareil de guerre électronique pour 6 appareils de combat.

De fait, sur le périmètre SCAF, le programme d’avion de combat de nouvelle génération porté par la France, l’Allemagne, et l’Espagne, ces pays alignant une force aérienne de 250+210+140 = 600 appareils, le besoin en matière d’avions de guerre électronique s’établirait à 100 exemplaires, soit 42 pour la France dont 8 pour l’aéronavale, 35 pour l’Allemagne et 23 pour l’Espagne.

Programme et besoins de financement

Alors que la France emploie aujourd’hui l’avion Rafale, Allemagne et Espagne utilisent le Typhoon. Il n’est pas question, évidemment, d’espérer que la France puisse mettre en oeuvre des escadrons de Typhoon, d’autant que l’appareil n’est pas navalisé, pas plus que Berlin ou Madrid n’envisageront de choisir une solution sur la base du Rafale. La solution ne peut-être, dès lors, qu’un developpement mixte, à savoir un programme de programmes, mutualisant les développements qui peuvent l’être, comme les systèmes embarqués de guerre électronique, mais permettant à chaque acteur de l’intégrer dans son propre programme, le Rafale en France, le Typhoon coté germano-espagnole. Cette solution, sans être optimum du point de vu des couts de developpement, le sera concernant les conditions de maintenance et d’entrainement des équipages, qui aujourd’hui représentent plus de la moitié des couts de possession d’un appareil de combat.

Rafale Francais et F35A Americain au point dattente Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
La furtivité n’est pas l’unique réponse aux nouveaux systèmes de défense anti-aérienne modernes – un Rafale B spécialisé en guerre électronique pourrait apporter des potentiels supérieurs à l’appareil de Lockheed

De fait, sur la base des éléments chiffrés concernant le programme Growler, on peut estimer que les couts de developpement de la solution commune de brouillage, y compris celui d’un nouveau missile anti-radiation, s’élèverait à 2 Md€, et l’intégration dans chaque appareil s’élèverait elle à 1 Md€. Sur la base des tarifs connus des Rafales B et M, et des Typhoon biplaces, les couts seraient donc les suivants

  • systèmes de brouillage et missile anti-radiation : 2 Md€
  • Rafale B de guerre électronique : 80 m€
  • Rafale M de guerre électronique : 90 m€
  • Typhoon biplace de guerre électronique : 100 m€

Hors munitions et pièces de rechanges, ces montants, ventilés au prorata du nombre d’appareils sur les 3 pays, se décomposent ainsi :

  • France : 840 m€ R&D + 2.720 m€ AA + 720 m€ MN = 4,280 Md€
  • Allemagne : 700 m€ R&D + 3.500 m€ = 4,200 Md€
  • Espagne : 460 m€ + 2.300 m€ = 2,760 Md€
  • Total : 2,000 Md€ R&D + 9,240 Md€ = 11,240 Md€

A ces chiffres, il convient d’ajouter la possibilité de débouchés à l’exportation importantes pour ces appareils, avec l’Inde, le Qatar et l’Egypte pour le Rafale, l’Autriche, l’Arabie saoudite, Oman et (à nouveau) le Qatar pour le Typhoon, représentant entre 30 et 70 appareils potentiellement exportables, et pouvant même ouvrir de nouvelles perspectives pour les deux appareils à l’exportation.

Conclusion

Alors que la France, l’Allemagne et l’Espagne se sont associées pour concevoir le Système de Combat Aérien du Futur, il serait en tout points bénéfiques de profiter de cette convergence d’ambitions et de destin pour garantir les capacités de défense européenne à partir de 2025, alors que le rapport de force entre l’occident et le bloc sino-russe sera le plus défavorable. Un tel programme, ne représentant pas 500 m€ / an sur 10 ans pour la France et l’Allemagne, et à peine plus de 250 m€ par an pour l’Espagne, permettrait en outre de consolider rapidement la collaboration technologique entre les 3 BITD, voir d’ouvrir des opportunités sur certains marchés à l’exportation, en Europe (Suisse, Finlande, Grece..) comme dans le Monde. Il pourrait même servir de pivot à un rapprochement avec le programme Tempest anglo-suédois, comme avec l’Italie. Enfin, avec 3 pays européens déjà partie-prenante, il entrerait parfaitement dans le cadre des programmes européens, comme le PESCO.

La maquette du programme Tempest presentee en 2018 lors du salon de Farnborough Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Un programme de programmes de guerre électronique aéroportée européen pourrait servir de base au rapprochement des programmes SCAF et Tempest

En outre, les compétences acquises, que ce soit pour les aspects technologiques ou les aspects opérationnels, lors de ce programme seront, à n’en point douter, largement valorisables dans le programme SCAF lui même.

Enfin, et sans entrer, une nouvelle fois, dans une démonstration sur le retour budgétaire et social de l’investissement industriel de Défense, ce programme garantirait aux forces aériennes européennes de disposer des capacités de neutraliser, si besoin, les défenses anti-aériennes les plus évoluées, de sorte à maintenir le statu quo qui garantit la paix en Europe depuis des décennies, sans qu’il soit besoin de renforcer la présence américaine sur le continent.

A final, cela fait beaucoup de points cruciaux et stratégiques, pour seulement 500 m€ par an …

La Marine Nationale expérimente le double équipage sur 2 frégates FREMM

Depuis prés d’une vingtaine d’années, suite à la vente de 7 avisos A69 à la Turquie non remplacés, puis de la diminution ininterrompue du format de la flotte de surface combattante, la Marine Nationale a été contrainte d’augmenter la pression opérationnelle sur les équipages de ses frégates, afin de répondre aux besoins auxquels elle doit faire face. Il était ainsi commun de voir des frégates, notamment les FLF de la classe Lafayette, effectuer plus de 180, et même parfois 200 jours de mer par an. Cette pression excessive a eu des conséquences notables sur l’entrainement des équipages, ainsi que sur le moral des personnels, souvent confrontés à d’importantes tensions au niveau de la vie de famille.

Aujourd’hui, la Marine nationale ne dispose plus que de 15 frégates dites de « 1er rang », comprenant 6 FREMM, 2 FDA Horizon, 1 Frégate anti-aérienne, 1 frégate ASM et 5 Frégates légères Furtives, hâtivement reclassées dans cette catégorie bien que n’en disposant pas des caractéristiques (absence de sonar, faibles capacités anti-aériennes..) contre 18 il y a 3 ans, suite au retrait de deux frégates ASM et d’une frégate anti-aérienne, arrivées en limite d’âge.

Cette réduction de format, associée à la réduction du format des équipages, une FREMM n’emportant qu’un équipage de 130 hommes contre 250 pour les frégates anti-sous-marines Type 70 qu’elles remplacent, permet à la Marine Nationale d’envisager la transformation d’une partie de sa flotte vers une gestion en double équipage, à l’instar de ce qui se pratique depuis des décennies pour les sous-marins de la Royale. Concrètement, une frégate ayant une disponibilité opérationnelle très supérieure à celle de son équipage, chaque navire se verra doté de 2 équipages, chacun armant le bâtiment par rotation de 4 mois. Une phase d’expérimentation est actuellement menée sur les frégates Aquitaine à Brest, et Languedoc à Toulon.

FLF Marine Nationale Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Les Frégates Légères Furtives ont été reclassées frégates de 1er Rang pour satisfaire aux objectifs de 15 frégates de rang du LBDSN 2013 sans en avoir les capacités. Seulement 3 d’entre elles vont être modernisées pour recevoir un sonar, et se rapprocher de cette classification.

En procédant ainsi, la Marine Nationale estime pouvoir maintenir ses frégates FREMM à la mer 180 jours par an, contre 110 aujourd’hui, alors que les équipages, eux, n’en effectueront que 90. Ainsi, elle bénéficiera d’une flotte équivalente opérationnelle de 10 FREMM contre 6 aujourd’hui, et ce sans même devoir procéder à une augmentation d’effectifs, ainsi que de personnels mieux entrainés et moins exposés aux tensions. Difficile de ne pas voir que des avantages à cette décision, par ailleurs mises en avant par certains depuis l’entrée en service des FREMM.

Toutefois, cette mesure, si elle est très efficace en temps de paix, ou de tensions modérées, risque de se révéler être un grave handicap dès lors que des tensions importantes apparaitraient. En effet, la Marine n’aura pas la capacité à augmenter ses moyens en cas de crise, ce qui est pourtant une de ses missions prioritaires. Ainsi, durant la guerre des Malouines, la Royal Navy mobilisa 43 de ses 53 bâtiments de combat, soit 80% de sa flotte théorique, et 22 des 24 navires de la flotte auxiliaires, soit 90% de la force théorique. Aujourd’hui, du fait de la réduction drastique de son format à seulement 21 navires de combat (18 frégates et destroyers, 2 porte-avions, 1 TCD), elle n’a été en mesure de ne déployer qu’une frégate et un destroyer dans le Golfe persique lors de la crise des tankers, soit 10% de sa flotte théorique. Ses alliés européens n’ont pas été, eu non plus, capables de palier ce déficit opérationnel, exposés eux aussi à la même problématique.

HMS Hermes Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Durant la campagne des Malouines en 1982, la Royal Navy mobilisa plus de 80% de la cinquantaine des bâtiments de combat en service. En en perdit 5, soit presque 15% : les destroyers Sheffield et Coventry, et les frégates Antelope et Ardent et le LST Sir Galahad, ainsi que le navire auxiliaires Atlantic Conveyor.

De fait, la notion de double équipage peut apparaitre satisfaisante en temps de paix, et notamment pour maintenir au plus haut les performances des équipages, par exemple lors des entretiens périodiques. En revanche, elle ne peut servir de base à la conception d’un format opérationnel. Même lorsque les 6 FREMM seront dotées d’un double équipage, il manquera toujours au moins 3 frégates de 1er rang, et 12 frégates légères ou corvettes (ainsi que 4 sous-marins..) à la Marine Nationale pour atteindre le format nécessaire pour traiter les risques auxquels elle doit faire face, et les besoins de protection des territoires ultramarins et des cotes françaises.

Le Japon veut développer ses moyens de guerre électronique

A l’occasion de la présentation du budget de La Défense nippone pour 2020 au parlement par le gouvernement de Shinzo Abe, budget par ailleurs en hausse de 1,2% dépassant les 50 Md$, il apparait que Tokyo est décidé à mettre l’accent sur le developpement de systèmes de guerre électronique, aussi bien pour ses forces terrestres qu’aériennes.

Le premier programme, à destination des forces terrestres d’autodéfense japonaises, est identifié par l’acronyme NEWS, pour Network Electronic Warfare System, et repose sur un système de détection, de traitement et de brouillage des signaux électroniques et radars, monté sur un camion tout terrain Toyota Type 73. Le système est décomposé en 4 sous-systèmes, chacun étant spécialisé dans une bande de fréquences propre. Le programme NEWS bénéficie d’une ligne de crédit de 97 m$ dans le budget 2020. Les forces terrestres japonaises consacreront également 35 m$ pour concevoir un système de brouillage visant spécifiquement les radars mis en oeuvre à partir d’aéronefs. Le second programme, à destination des forces aériennes nippones, est doté de 55 m$ sur l’année fiscale 2020. Il financera la modernisation des capacités de guerre électronique des F15 C/D-J et le developpement d’un nouveau pod de guerre électronique mis en oeuvre par les avions Kawasaki C-2, transformés pour l’occasion en appareils de guerre électronique

Si le developpement de systèmes de guerre électronique est en soit une excellente initiative, on ne peut s’empêcher de constater les faibles moyens qui y sont consacrés, bien en deçà de la Russie ou la Chine. Ainsi, les forces chinoises vont prochainement percevoir les premiers J-15D et J-16D, des appareils dérivés des chasseurs polyvalents lourds embarqués J-15 qui arment les porte-avions chinois, et de leurs équivalents J-16 pour les forces aériennes. Ces appareils, biplaces, sont spécialisés dans les missions de guerre électronique, à l’instar des EA 18 G Growler de l’US Navy. Or, si les forces aériennes japonaises mettront en oeuvre d’ici 2030 plus d’une centaine de F35A, appareils conçus pour évoluer dans un environnement électronique très dense et disposant de capacités de brouillage pouvant assurer leur autodéfense, le reste de la flotte sera toujours constituée de F15J et de F2, la version locale du F16, qui eux, ne bénéficient pas de telles capacités.

EA18G Growler Us Navy Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
L’EA 18G Growler est le seul chasseur de guerre électronique en service dans les forces occidentales aujourd’hui

Comme les Européens, mais également comme les Coréens du sud, les japonais semblent donc faire reposer leurs besoins en matière de capacités de guerre électronique sur le soutien que pourront apporter les Etats-Unis, et plus spécifiquement l’US Navy, seule à disposer d’un appareil comme le Growler. Tous oublient, à l’exception des Australiens qui prirent la précaution de disposer de leurs propres Growler, que l’US Navy ne met en oeuvre que 150 EA-18G, et que ces appareils sont avant tout destinés à accompagner les flottilles de F/A 18 embarquées sur les porte-avions US. Les forces aériennes occidentales seraient, à ce titre, bien inspirées de considérer avec attention le ratio d’un Growler pour 6 Hornet/Super Hornet mis en oeuvre par l’US Navy…

Leonardo vise la Pologne avec son hélicoptère de combat AW249

La Pologne ne réussit par à la France, nous le savons. Après l’annulation de la commande de 50 hélicoptères de manoeuvre H225M Caracal suite à l’élection du président nationaliste Andrej Duda, Varsovie a également préféré le systeme Patriot américain au système SAMP/T Mamba pour assurer sa défense anti-aérienne et anti-missiles. L’une des gagnantes des déboires français en Pologne est l’Italie, et plus particulièrement la société Leonardo, qui vient de signer un contrat de 414 m$ pour la fabrication de hélicoptères de transport lourd AW101 Merlin aux forces armées polonaises.

Mais la société italienne ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, et ambitionne désormais de placer son nouvel hélicoptère de combat AW249, en cours de conception, à l’occasion du prochain appel d’offre lancé par Varsovie qui portera sur l’acquisition de 32 appareils de ce type, qui doivent entrer en service en 2026. Pour cela, elle compte capitaliser sur le partenariat signé avec le groupe PGz polonais, à l’occasion du contrat concernant les EW101, et qui assurera l’assemblage des appareils.

Avec l’AW249, Leonardo délaisse la catégorie des hélicoptères de combat léger du AW129 Mangusta, pour s’attaquer au marché des appareils moyens, et venir se confronter au Tigre d’Airbus Hélicoptères. En effet, le nouvel appareil aura des performances très proches de l’appareil européen en service dans les forces armées françaises, allemandes, espagnoles et australiennes. D’une masse maximum au décollage de 7 tonnes (Tigre 6,6 tonnes), il aura une capacité d’emport de 1800 kg (Tigre 2000 kg), une vitesse de croisière de 260 km/h (Tigre 280 km/h), et une autonomie de 3 heures (Tigre 2h45). Il sera équipé comme son ainé d’une avionique moderne et piloté par un équipage en tandem. L’appareil sera doté d’un canon de 20 mm (Tigre 30mm) et de missiles anti-chars israéliens SPIKE (Tigre Hellfire, Mistral, MMP et roquettes).

Tigre HAD face MinDef Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Le nouvel AW249 a clairement été conçu pour se positionner sur le même marché que le Tigre d’Airbus Hélicoptères

L’Armée Italienne va commander 48 AW249 pour remplacer ses 32 AW129 Mangusta encore en service. Il n’est pas exclu que, à l’instar du T129 Attak turc construit sur le modèle du Mangusta, l’industrie aéronautique turque participe au programme, ou développe une version dérivée. Le prix de l’appareil n’est pas encore communiqué, mais les autorités italiennes ont financé les 4 premiers exemplaires par une commande de 487 M€.

Il est interessant de constater que lorsqu’est abordé l’opportunité pour la France de construire un nouvel appareil d’entrainement pour remplacer l’alpha-jet, beaucoup sont ceux, en France, à mettre en avant l’existence du M-346 de Leonardo, et l’inutilité pour l’Europe de developper deux appareils de même type. Visiblement, ces considérations ne freinent pas nos amis italiens….

Les forces armées russes auront perçu 423 hélicoptères neufs sur la GPV 2019-2027

Le Ministre de La Défense russe, Sergey Shoïgou, a déclaré lors d’une conférence que les forces armées russes recevraient, au cours de la GPV 2019-2027, 423 hélicoptères, dont 112 ont d’ores-et-déjà été livrés. Parmi les appareils commandés, figurent 96 hélicoptères de combat Mil Mi-28 au standard MN modernisés suite aux retours d’experience de Syrie, et 144 hélicoptères de combat Kamov Ka-52M, ce qui portera la flotte d’hélicoptères de combat russe à plus de 500 appareils modernes.

En outre, un nombre important d’hélicoptères de combat et de manoeuvre déjà en service vont se voir modernisés durant cette GPV. Au delà de la centaine de Ka52 et des quelques 90 Mi28 déjà en service, la centaine de Mi35, derniers représentants de la famille des Hind, et qui ont donné satisfaction lors de l’intervention syrienne, va se voir doter d’une nouvelle avionique, d’un blindage renforcé, de moteurs plus puissants, et d’un système de protection President-S. En 2027, tous les hélicoptères de combat en service dans les armées russes seront soit des appareils récents, soit des appareils modernisés pour répondre aux exigences du combat moderne. A titre de comparaison, la France disposera en 2027 de 67 hélicoptères de combat Tigre, et sera de fait la plus importante flotte d’hélicoptères de combat de l’Union européenne …

A noter que, contrairement à la France ou aux Etats-Unis, la flotte d’hélicoptères de combat et de manoeuvre russe, forte de plus de 1300 appareils, est mise en oeuvre par les forces aériennes, et non les forces terrestres. Outre les quelques 500 hélicoptères de combat actuellement en service, elle dispose de prés de 700 hélicoptères de transport et de manoeuvre Mi8 et Mi17, et de 35 hélicoptères de transport super lourd Mi-26. La Marine dispose de ses propres hélicoptères, 120 aujourd’hui, principalement pour les missions de lutte anti-sous-marine et de transport.

Le président Erdogan veut-il doter la Turquie de l’arme nucléaire ?

Les déclarations du Président turc R.T Erdogan faites lors d’un meeting politique dans la ville de Sivas mercredi 4 septembre ont, on peu le dire, fait l’effet d’une bombe. En effet, ce dernier a évoqué la possibilité pour la Turquie de se doter d’armes nucléaires, « comme toutes les grandes nations » a-t-il fait savoir. Il a par ailleurs pris l’exemple d’israël, qui, selon lui, ferait peur à tous ses voisins, et s’autoriserait à de nombreuses actions, du fait de la possession d’armes nucléaires.

Cette déclaration, au delà de l’effet médiatique qu’elle peut engendrer, pose de nombreuses questions sur les objectifs du président turc quand au devenir de son pays. En abordant publiquement et ouvertement le sujet, il ajoute un niveau de pression sur les Etats-Unis et sur l’OTAN, dans les négociations en cours au sujet du F35 notamment. En effet, le message implicite porté par cette déclaration met en balance l’appartenance de la Turquie à l’OTAN et donc au camp occidentale, avec la possibilité de developper son propre programme nucléaire si elle devait en sortir. Or, aujourd’hui, toutes ces tensions et ces questions sont cristallisées autour de l’exclusion de la Turquie du programme F35 décidée par Washington.

Le premier des 100 F35A aux couleurs turques ne sera probablement pas transfere en Turquie Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Cette annonce continue à augmenter la pression sur les Etats-Unis pour lever l’embargo sur le F35A vis-à-vis de la Turquie

Il est toutefois difficile de déterminer si il ne s’agit là que d’un argument de négociation supplémentaire destiné à amener les Etats-Unis à suspendre l’embargo sur les F35, ou s’il s’agit d’une aspiration plus profonde, visant à effectivement faire de la Turquie une nation militairement puissante dégagée des entraves du camp occidental, et capable de mener la politique expansionniste mainte fois développée par le président Erdogan lors de ses meetings politiques. Rappelons à ce titre que l’un des objectifs majeurs déclaré du président Erdogan, et qui fit en partie son succès électoral, était de rétablir la Turquie dans ces frontières de 1912.

D’autre part, la technologie permettant de concevoir et mettre en oeuvre des armes nucléaires est aujourd’hui à la portée d’un nombre important d’états qui ne s’en dotent pas uniquement du fait des pressions internationales qui en résulteraient. En 2018, le prince Mohammed Ben Salman avait ainsi déclaré que si l’Iran venait à se doter de l’arme nucléaire, l’Arabie saoudite ferait de même, et il semblerait que les travaux allant dans ce sens aient été entamés avec le soutien de l’administration Trump. A ce titre, les autorités iraniennes ont déclaré aujourd’hui même ne plus se limiter aux engagements pris lors de l’accord de Vienne en 2015, du fait du manque de résultats concrets de la part des Européens pour des alternatives aux sanctions américaines. Même la très pacifique Allemagne a vu ce débat resurgir récemment, plusieurs leaders politiques estimant que le pays se devait d’assurer sa propre sécurité par cette voie.

Territorial changes of the Ottoman Empire 1913b Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Les frontières de l’empire ottoman en 1913, telles que le président Erdogan a déclaré vouloir les rétablir lors de son élection

Le fait est, de nombreux dirigeants mondiaux ont à l’esprit le devenir de l’Irak et de la Libye (et de leurs dirigeants), deux pays ayant abandonné leurs programmes nucléaires, alors que le régime de Corée du Nord, pourtant très menaçant, est toujours en place. En outre, la puissance nucléaire procure à des pays qui ne sont ni représentatifs démographiquement, ni technologiquement, ni même économiquement, une puissance mondiale qui apparait dès lors indue. Difficile en effet de justifier le poids mondial de la Russie, avec seulement 145 millions d’habitants et un PIB de 1.600 Md$ inférieur à celui de l’Italie, autre que par les 12.000 têtes nucléaires qu’elle possède, une pour 12.000 habitants seulement, ou encore une tête pour 100 soldats … De fait, il sera très difficile, dans les décennies à venir qui verront le paysage géopolitique, économique et démographique de la planète se transformer radicalement, de prévenir la prolifération des armes nucléaires, sur le simple paradigme de la non-prolifération.

En abordant le sujet, le président Erdogan ne ferait, dès lors, qu’ouvrir un peu davantage une boite de Pandore déjà déverrouillée et objet de très nombreuses convoitises …

La Russie propose un contrat de gré à gré avec l’Inde pour la construction de 6 sous-marins d’attaque

Les autorités russes ont proposé à l’Inde de construire conjointement 6 sous-marins d’attaque pour la Marine Indienne dans un contrat de gré à gré, ne passant pas par la compétition P75i lancée il y a quelques mois par New Delhi.

Selon Moscou, cette proposition permettra à l’Inde d’économiser beaucoup de temps et d’argent vis-à-vis du programme P75i, et s’inscrit dans la coopération étendue entre les deux pays sur les sujets de Défense.

La Russie propose le sous-marin Amour 1650 à l’Inde dans le cadre du programme P75i, un submersible de 1650 tonnes en surface pour 67 mètres de long, dérivé de la classe 636 Kilo, et capable d’emporter, outre des torpilles, des missiles de croisières Kalibr ou Brahmos.

Cette proposition fait suite à celle faite en juillet, dans laquelle la Russie proposait à New Delhi la conception d’une nouvelle classe de sous-marins d’attaque pour ce même besoin. En avril 2018, elle proposait également la classe Amur 1650 à l’Inde dans une approche de même type, restée sans suite.

Cette nouvelle tentative russe n’est pas réellement surprenante. En effet, la compétition P75i, qui fait suite au programme P75 visant à construire 6 sous-marins d’attaque à propulsion classique et remportée par DCNS avec le Scorpene, vise à construire six nouveaux sous-marins d’attaque modernes et disposant d’une propulsion anaérobies ou AIP, pour Air Independant Propulsion.

Or, si les groupes européens participants à cette compétition, tels l’Allemand TKMS, le Suédois Kockums et le Français Naval Group, ont une maitrise avancée de ce type de propulsion, la Russie peine à produire un système fiable.

À ce titre, les submersibles de la classe Lada, dérivée de la classe Amour proposée à l’Inde, destinés à la flotte russe, ne sont toujours pas été équipés de propulsion anaérobie, et ont enregistré de nombreux retards et dysfonctionnement. Aujourd’hui, seule la première unité de la classe, le Saint Petersbourg, est actif dans la flotte du nord.

LINS Kalvari premier Scorpene de la marine indienne Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
L’INS Kilvari est le premier représentant de la classe éponyme dérivée du Scorpene de Naval Group

En proposant une négociation de grés à grés, à l’image de ce que fit l’Allemagne pour s’assurer le contrat pour la construction des sous-marins norvégiens, la Russie veut déplacer la compétition du terrain technologique au terrain politique, domaine dans lequel elle peut faire valoir de nombreux arguments vis-à-vis de New Delhi, en particulier depuis le réchauffement des relations entre les deux pays survenue il y a deux ans. Le fait est, en quelques années, Moscou a ainsi enregistré plus de 14 Md$ de commandes d’équipements de Défense de la part du gouvernement Indien, et de nombreuses négociations sont en cours, que ce soit concernant l’acquisition de Mig29 et Su30MKI supplémentaires, mais également dans le domaine naval, des armements terrestres, et du co-développement de systèmes innovants, comme une version hypersonique du missile de croisière et anti-navire BrahMos.

Toutefois, dans le domaine des sous-marins d’attaque, la Marine Indienne se doit de pouvoir faire face à la Marine Pakistanaise, mais surtout à la Marine Chinoise, sont les plus de 20 sous-marins Type 039 disposent d’une propulsion AIP, et représentent une sérieuse menace. Il n’est pas du tout certain que les arguments politiques et financiers de Moscou suffisent dès lors à palier les défaillances technologiques russes pour convaincre les autorités indiennes.

L’US Air Force gardera ses A-10 Thunderbolt II jusqu’en 2030

Depuis 2015, l’US Air Force n’avait de cesse que de tenter de retirer du service l’avion d’attaque au sol A-10 Thunderbolt II de son inventaire, qu’elle jugeait inadapté et trop vulnérable face aux exigences du combat aérien moderne.

Cette décision fut à plusieurs reprises annulée par le Congrès Américain, tant du fait du Lobbying de l’US Army pour qui l’appareil reste indispensable au soutien rapproché des forces au sol, et de celui des élus locaux, déterminés à protéger leurs bases et leurs emplois industriels.

Quoi qu’il en soit, dans la préparation du budget 2020 qui sera présenté au Congrès cet automne, l’US Air Force renonce à retirer du service l’appareil, et annonce qu’il restera en service jusqu’en 2030.

À ce titre, la société Boeing a reçu un nouveau contrat de quelque 240 m$, pour produire un ensemble de 27 ailes supplémentaires, en plus des 173 produites précédemment, de sorte à étendre la vie opérationnelle des appareils jusqu’à cette date. De fait, 200 des 290 A-10 Thunderbolt II en service dans l’US Air Force seront dotés d’une nouvelle aile renforcée pour continuer à voler durant la prochaine décennie. Il n’est pas exclu qu’un troisième contrat soit passé pour les appareils restants, estimé à presque 1 Md$, bien qu’aucune décision n’ait été prise à ce jour.

Toutefois, on peut s’interroger sur la place d’une tel appareil dans l’arsenal américain, sachant que l’US Air Force a entamé un virage important pour se préparer à des conflits de haute intensité pouvant impliquer la Chine ou la Russie, et élimine, de ce fait, de nombreux appareils anciens qu’elle juge inadaptés à ce type de conflit.

C’est à ce titre que la compétition concernant l’appareil léger de soutien rapproché a été suspendu, avant d’être annulé, un tel appareil étant jugé trop vulnérable aux défenses anti-aériennes modernes. Le fait est, les exemples de conflits récents ont montré qu’un protagoniste disposant d’une défense anti-aérienne moderne pouvait neutraliser la puissance aérienne de son adversaire, même s’il ne dispose pas, lui-même, d’une force aérienne.

C’est le cas dans le Donbass par exemple, ou les séparatistes soutenus et équipés par la Russie interdisent le survol de la zone aux appareils ukrainiens, par l’utilisation de systèmes anti-aériens de différents types comme les systèmes à courte portée Tor et Pantsir S1, ou le système BUK à moyenne portée à l’origine de la catastrophe du vol MH117.

Toutefois, d’autres exemples montrent que la force aérienne était en mesure de neutraliser ces défenses anti-aériennes, comme l’a montré à plusieurs reprises la force aérienne israélienne en Syrie.

Le systeme de defense anti aerienne a moyenne portee BUK M3 est en service dans les forces russes depuis 2017 Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Le système russe Bug assure la protection anti-aérienne à l’échelle de la Brigade sur une zone de 80 à 100 km de rayon

Il apparait dans tous les exemples récents que plus un appareil évolue près du sol, plus il est exposé à une multitude de menaces, associant canons, missiles anti-aériens à courte portée et missiles anti-aériens portables, obligeant les appareils à voler la plupart du temps au-dessus des 5000 m, et interdisant donc le principe de Soutien aérien rapproché.

On peut d’ailleurs noter que cette menace s’applique tout aussi bien aux hélicoptères, et notamment aux hélicoptères de combat, eux aussi très exposés dès lors que l’on entre dans une logique de combat de haute intensité.

Toutefois, il convient de garder à l’esprit que si les systèmes anti-aériens ont fait d’immenses progrès, les systèmes embarqués par les aéronefs pour s’en protéger ont également progressé. Ainsi, un système comme le SPECTRA du Rafale identifie et classifie toutes les menaces qui visent l’appareil, et propose au pilote la meilleure solution pour s’en prémunir, grâce à ses brouilleurs, ses leurres radar et infrarouge, ainsi que, plus prosaïquement, par la manœuvre.

Il est à ce point adaptatif qu’il peut déployer des bandelettes de brouillage radar optimisées pour chaque fréquence, selon le radar qui poursuit l’appareil. Des systèmes équivalents équipent désormais les hélicoptères de combat et de manœuvre, et même les avions de transport comme l’A-400M, de sorte à être en permanence capable de faire face à la majorité des menaces existantes.

Alors, le A10 a-t-il encore sa place dans l’arsenal de l’US Air Force ? La réponse est clairement oui, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, si l’US Air Force se prépare aux combats de haute intensité, elle est loin de n’être exposée que ce type d’engagement. Comme les mirage 2000D en Afrique, moins résilient que les Rafales, les A10 peuvent encore rendre d’immenses services dans les engagements de faible et moyenne intensité, comme en Afghanistan ou en Irak.

En outre, si le A10 ne pourra certainement pas être engagé dès lors que des systèmes de protection de zone, comme les S400 russes ou les HQ9 chinois, sont actifs, il pourra évoluer avec une certaine sécurité dès lors que ces systèmes auront été neutralisés, au même titre que les F16, F15 ou F18. Enfin, et surtout, l’appareil étend les possibilités tactiques américaines là où une flotte uniquement composée de F35 et F22 serait plus contrainte.

N’oublions que des efforts importants sont déployés aujourd’hui pour détecter, engager et détruire les appareils de 5ᵉ génération conçus pour évoluer à haute et moyenne altitude. De fait, un appareil conçu pour évoluer vraiment près du sol, et capable d’encaisser les coups comme le A10, étend la menace portée sur l’adversaire. Les Russes ne font pas une autre lecture de la situation, puisque comme les Américains, ils modernisent leur flotte de Su-25 pour en étendre la durée de vie et l’efficacité opérationnelle sur la prochaine décennie.

Le Su25 Frogfoot a ete largement employe par les forces aeriennes russes en Syrie Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Le Su-25 russe continue d’être modernisé pour rester en service jusqu’en 2030

En revanche, force est de constater que ni les Etats-Unis, ni la Russie, ni même la Chine n’ont engagé de programmes pour développer un nouvel avion de combat dédié au CAS. Les A-10 et Su-25 seront probablement les derniers représentant de cette catégorie d’appareils remontant au P-47 Thunderbolt américain, au Tempest britannique et au Sturmovik russe. Le Close Air Support est aujourd’hui appelé à devenir l’affaire de drones de combat et de munitions guidées.

La Pologne veut des compensations industrielles pour commander le F35

A peine Washington eut-il annoncé son intention d’exclure la Turquie du programme F35, que les équipes commerciales de Lockheed investissaient les ambassades américaines en de plusieurs pays européens pour proposer son appareil, tout en faisant miroiter des compensations industrielles importantes. 3 pays européens se déclarèrent immédiatement intéressés, la Roumanie, la Grèce, et surtout la Pologne, considérée par le Président Trump comme le bon élève européen, avec des investissements de défense dépassant les 2% de PIB et visant les 3%, et une préférence affichée pour les équipements américains.

Et Varsovie ne tarda pas à annoncer son intention de commander initialement 32 F35A, suivit d’une commande de 36 appareils, pour remplacer les Su-22 et Mis-29 encore en service dans les forces aériennes polonaises, avec une livraison débutant en 2025. Rappelons que le gouvernement Polonais a lancé un vaste plan de modernisation de ses forces armées, avec prés de 50 Md$ qui seront investis d’ici 2026. Les 68 F35A viendront renforcer les 48 F-16 Block 52+ acquis en 2002 au détriment du mirage 2000 français et du Gripen suédois. Ainsi dotées, les forces aériennes polonaises joueront un rôle majeur en Europe, avec 116 appareils modernes en lice, là ou la Belgique, dont le PIB est pourtant proche de celui de la Pologne, n’en disposera que de 32. Ces derniers mois, les autorités polonaises ont également fait l’acquisition de systèmes Patriot PAC-3 et de systèmes d’artillerie HIMARS, faisant du pays un des principaux clients de l’industrie de Défense US. Et les autorités industrielles américaines ne s’y sont pas trompées, puisqu’elles promettent à la Pologne de livrer ses F35A directement au standard block 4, présenté comme un nouveau standard plus ouvert, plus souple, et plus performant, permettant au F35 de se rapprocher des objectifs du SCAF franco-allemand ou du Tempest britannique.

Factory F35 Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Les compensations industrielles du programme F35 attirent les convoitises, mais ne pourront satisfaire
tous les acteurs et clients de l’appareil.

Mais les autorités polonaises, conscientes du poids de leurs commandes dans l’économie US, sont déterminées à obtenir des compensations de la part de Washington, sur le plan industriel comme opérationnel. Ainsi, des négociations ont déjà été entamées pour récupérer une partie des contrats de sous-traitance actuellement attribués à l’industrie Turque concernant le F35, et qui représentera à terme 2 Md$ de chiffre d’affaires chaque année. Varsovie n’est toutefois pas la seule à réclamer ces compensations. Jerusalem a déjà fait savoir qu’elle souhaitait, elle aussi, intégrer le programme industriel de l’appareil, et Bruxelles attend toujours les compensations industrielles promises lors de la sélection de l’avion de Lockheed l’année dernière. En outre, Rome a à plusieurs reprises exprimé sont mécontentement du non-respect des engagements américains sur les attributions industrielles et les exclusivités que les partenaires de premier niveau devaient avoir. Enfin, des propositions de compensations industrielles auraient également été faites en Suisse, en Finlande, en Grèce et en Roumanie par le constructeur américain. Une chose est certaine, le gâteau n’est pas divisible à volonté …

Les autorités polonaises lient également cette commande probable avec le projet de déploiement permanent d’une brigade blindée US sur son sol, projet communément appelé « Fort Trump » dans les médias. L’objectif de Varsovie est de convaincre les Etats-Unis de déplacer une partie des forces stationnées en Allemagne, vers la Pologne, avec l’espoir de profiter de la même position privilégiée qu’avait l’Allemagne fédérale dans l’OTAN durant la guerre froide. Le gouvernement Polonais a, à ce titre, proposé une enveloppe de 2 Md$ pour le financement des infrastructures destinées à cette force américaine. Les autorités américaines tentent de dissocier les dossiers et de présenter les programmes d’acquisition comme indépendant du redéploiement des forces, mais en vain.

Zapad troupes russes Analyses Défense | Communication et Réseaux Défense | Etats-Unis
Un déploiement américain en Pologne entrainerait immanquablement l’augmentation de la présence de forces russes en Biélorussie

On peut toutefois s’inquiéter, en Europe de l’Ouest, d’une Pologne à la fois militairement puissante, renforcée d’un déploiement permanent d’une force américaine conséquente, et dont l’hostilité envers Moscou ne cesse de croitre. De fait, la fenêtre de négociations que tente d’exploiter le président Macron pour prévenir l’émergence d’un bloc sino-russe potentiellement porteur de conflits, semble très limitée dans le temps, sachant qu’en outre, la présence de troupes américaines en Pologne, à proximité de la Biélorussie considérée comme partie intégrante de la sphère russe par Moscou, signalerait sans le moindre doute le départ à d’importants déploiements de force russes en Biélorussie, et le retour à une logique de guerre froide par bloc. On comprend qu’au Pentagone, comme à Bruxelles, cette perspective puisse générer certaines inquiétudes …