Les autorités espagnoles ont annoncé le 9 septembre qu’elles confiaient à la société Indra, spécialisée dans les systèmes embarqués aéronautiques, le rôle de superviseur national pour le programme SCAF. Elle aura, entre autre, la mission de garantir un retour équitable vers la BITD espagnole des investissements consentis par le pays dans le programme de chasseur de 6eme génération tripartite européen.
Cette annonce est loin d’être anodine. En effet, la seconde entreprise qui prétendait à cette position n’était autre qu’Airbus DS, également présente en Espagne avec, notamment, l’avionneur Casa. Or, si Airbus DS Espagne est avant tout spécialisée dans la conception d’aéronefs, Indra est spécialisée dans les systèmes embarqués, et sa nomination bouleverse les équilibres industriels attendues dans le programme, en particulier les ambitions d’Airbus DS, qui assure déjà cette mission pour l’Allemagne.
En effet, le partage industriel négocié jusqu’ici pour le programme SCAF donnait à Dassault aviation la prédominance sur la conception aéronautique, et à Airbus DS celle sur les systèmes. Si l’Espagne avait désigné Airbus DS comme coordinateur national, le poids du groupe se serait retrouvé renforcé face à Dassault pour augmenter sa part industrielle relative et son influence sur la conception aéronautique, et de fait, pour capter davantage de travaux et de savoir-faire pérennisés dans ce domaine pour les années à venir. En revanche, avec la nomination d’Indra, Airbus DS se voit contrainte de composer sur son propre périmètre avec un acteur de poids puisque représentant national, sachant que le groupe à déjà du s’adapter à la venue de Thales voulue par la France.
Le choix des autorités espagnoles est, en outre, parfaitement logique. En effet, le pays n’a pas les ressources pour ambitionner, un jour, de construire un appareil de combat, contrairement à l’Allemagne, qui voit dans ce programme l’opportunité d’accroitre ses compétences industrielles. De fait, l’Espagne, qui a déjà une position privilégiée dans la conception et la fabrication des avions de transport militaire du constructeur européen, préfère se positionner sur des domaines plus porteurs, car plus ouverts, de fournisseurs de technologies et de systèmes embarqués.
Si la décision espagnole est une mauvaise nouvelle pour Airbus DS, ça l’est également pour Thales, qui verra probablement son périmètre entamé pour répondre aux attentes de Madrid. Le groupe français d’électronique, qui jusqu’ici disposait de l’ensemble des savoir-faire pour concevoir et mettre en oeuvre les systèmes d’un avion de combat moderne, risque de se voir priver de débouchés très importants pour la pérennité de ses savoir-faire, ce qui entamera, sans le moindre doute, les capacités de la France à developper un nouvel appareil seule le besoin se faisant sentir. Or, le developpement d’une BITD aussi performante et autosuffisante que la BITD française est le résultat de 70 années d’investissements et d’efforts des industriels, des dirigeants politiques comme des contribuables. Laisser s’étioler ces savoir-faire sur l’autel d’ambitions européennes rarement partagées par nos voisins, risque de précipiter la France au rang des nations aliénées aux technologies américaines.
Ces dernières semaines, pas moins de 4 annonces majeures ont été faites concernant le developpement de drones de combat terrestres armés dans le camp occidental. Alors que les systèmes de guidage et l’intelligence artificielle embarquée permettent aux UGV[efn_note]Unmanned Ground Vehicle[/efn_note] de se déplacer efficacement sur le terrain, les progrès en matière d’efficacité énergétique et des batteries ont permis d’en augmenter l’autonomie, et la capacité d’emport. Ces drones permettent non seulement de transporter des charges pour accompagner les forces débarquées, mais ils peuvent mettre en oeuvre des systèmes d’armes propres, allant de la mitrailleuse automatique au missile anti-char. Souvent éclipsés par les drones aériens et navals, les drones terrestres pourraient bien avoir, dans les années à venir, un rôle tout aussi déterminant que ces derniers.
Le Programme Européen MUGS
Financé par les fonds européens de Défense, le programme MUGS, pour Modular Unmanned Ground Système, rassemble l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Finlande et la Lettonie, autour du drone THEMIS pour Tracked Hybrid Modular Infanterie System développé par le letton Milrem Robotics. Le Programme vise à étendre les capacités du drone, dans les domaines de transport de charge, mais également dans la mise en oeuvre de senseurs, ou de drones plus légers, comme des drones de reconnaissance aéroportés.
La plate-forme THEMIS est au coeur du programme européen MUGS
Même si le Themis a déjà fait l’objet de tests armés, notamment avec une tourelle automatique montée d’un mitrailleuse de 7,62mm, ou de missiles anti-chars MMP, il n’apparait pas pour l’heure dans l’agenda du programme européen de développer expressément un drone armé. Mais la versatilité visée par le programme couvrira, a n’en point douter, ce type de missions et de capacités, d’autant que les concurrents et adversaires ne s’en privent pas.
Le programme Rheinmetall – WB Group
En marge du salon DSEI qui se tient prés de Londres, le groupe allemand Rheinmetall et le groupe polonais WB Group ont présenté un modèle drone terrestre 8×8 mettant en oeuvre jusqu’à 6 micro drones de combat aériens WARMATE, destinés aux attaques suicides. Le Warmate, du polonais WB Group, emporte une charge militaire à fragmentation, charge creuse ou thermobarique légère à prés de 40 km, à une vitesse de 80 km/h. Il dispose d’une autonomie de 50 minutes pour trouver sa cible et la viser.
Le programme germano-polonais, développé en fond propres par les industriels, répond aux besoins de puissance de feu des forces européennes, dans un environnement ou la puissance aérienne peut être neutralisée par la défense anti-aérienne adverse. Le Warmate, par ses dimensions très réduites et sa faible image thermique, est certainement difficile à intercepter pour les systèmes anti-aériens d’aujourd’hui, conçus pour détecter et détruire les avions de combat, les hélicoptères et les missiles de croisières. Le drone est déjà en service dans les armées polonaises qui en a commandé 1000 exemplaires, ainsi que dans les forces ukrainiennes et des Emirats Arabes Unis. L’association avec le drone tout terrain 8×8 de Rheinmetall permet à des unités d’infanterie débarquées de mettre en oeuvre un nombre important de drones suicides, même dans des environnements difficiles d’accès.
Vue d’artiste du drone Rheinmetall mettant en oeuvre un drone WARMATE
Le démonstrateur Raytheon – Kongsberg
En phase experimental au centre experimental de l’US Army de Redstone dans l’Alabama, ce programme repose sur une Joint-Venture entre l’américain Raytheon qui produit le missile anti-char Javelin, et le norvégien Kongsberg qui produit le drone de combat PROTECTOR basé sur le TITAN de QiteniQ et Milrem Robotics. Le système aurait déjà démontré sa capacité à mettre en oeuvre le missile anti-char Javelin comme la mitrailleuse 12,7 mm qui équipe la tourelle. L’objectif de ce programme est de fournir un drone de combat capable d’être déployé dans des zones à risque, en lieux et place de soldats, de sorte à apporter un avantage tactique et un regain de sécurité aux unités de contact.
Si les Etats-Unis ont une certaine avance concernant les drones terrestres lourds, en particuliers dans le domaine des blindés de combat, les drones de combat terrestres légers n’ont pas fait l’objet de programmes avancés. Cette Joint-venture a certainement pour objectif d’en présenter les intérêts opérationnels aux militaires américaines, de sorte à pouvoir financer le développement de système plus aboutis.
Le démonstrateur MBDA – Milrem Robotics
Dernier système occidental de ce tour d’horizon, le démonstrateur présenté par le missilier européen MBDA pour mettre en oeuvre le missile léger Brimstone à partir d’un UGV Themis de Milrem Robotics, omniprésent dans ces programmes. MBDA avait déjà fait de même avec le missile antichar à moyenne portée français MMP. Si le MMP offre des capacités d’engagement renforcées dans un rayon de 5 km contre les blindés lourds, le Brimstone dispose d’une portée accrue pouvant atteindre 25 km, et d’un guidage par laser ou radar millimétrique. Avec une masse de presque 50 kg, le missile britannique ne peut être mis en oeuvre par des forces d’infanterie débarquées, et l’utilisation du drone, de fait, se justifie parfaitement, pour apporter un avantage tactique et un regain de puissance de feu dans la profondeur à ces forces. Rappelons que le Brimstone a été développé initialement pour équiper avions de combat et hélicoptères. Il équipe les hélicoptères de l’Army Air Corps britannique, les forces saoudiennes, et a été sélectionné par l’Allemagne et le Qatar.
Les robots Uran-6 et Uran-9 russes
Terminons cette présentation par les deux seuls systèmes opérationnels aujourd’hui, les drones de combat terrestres Uran-6 et Uran-9 russes. Pesant plus de 5 tonnes, l’Uran-6 est un robot de déminage disposant d’une autonomie de 16 heures, capable de neutraliser des mines ou IED allant jusqu’à 60 kg de TNT. Controlé par un opérateur unique, il peut s’éloigner jusqu’à 1500 m de la station de controle. Il est donné pour avoir une capacité de déminage équivalente à celle de 20 sapeurs de génie. Le robot a été testé en environnement de combat en Syrie et aurait donné satisfaction aux forces russes.
L’Uran-9 est un robot de combat blindé et lourdement armé, employé par les forces russes pour les engagements en zone à haut risque. Il met en oeuvre un canon de 30mm, 4 missiles antichars à longue portée Ataka, et 12 roquettes thermobariques Shmel-M, ainsi qu’une mitrailleuse de 7,62mm. L’Uran-9 est entré en service début 2019 dans les forces russes, et ce malgré les résultats désastreux enregistrés lors des essais en zone de combat syrienne. Il semblerait que depuis, les dysfonctionnements constatés aient été corrigés, le robot ayant participé depuis à de nombreux exercices dont l’exercice Vostok 2018.
Si l’Uran-9 est le plus puissamment armé des drones de combat, c’est également le moins autonome
Les robots de combat terrestre Uran russes diffèrent de leurs homologues occidentaux par leur masse, mais également par la présence indispensable d’un opérateur de contrôle à proximité du robot dédié à cette tache. Pour l’heure, ces systèmes ne disposent d’aucune autonomie. Ce sont des systèmes d’engagement déporté.
Conclusion
Si pour l’heure, seule la Russie dispose de Robots de combat opérationnels, il apparait que beaucoup d’armées et d’industriels travaillent sur ce concept prometteur. Certains programmes semblent se détacher, comme le MUGS Européen par sa versatilité, destiné à devenir, selon les mots du directeur de programme « Le F16 les drones terrestres », ou le programme Rheinmetall, qui offre une vision tactique très aboutie. Reste qu’entre les expressions de besoin ou déclarations des équipes de développement, et des systèmes opérationnels capables d’accompagner efficacement les forces en zone de combat, il y a souvent un écart très important. Les Russes en font ainsi fait l’experience en Syrie avec l’Uran-9.
Car il ne suffit pas de monter une tourelle bardée de senseurs et d’armements pour faire un drone de combat terrestre, qui repose avant tout sur un système faisant la synthèse entre l’autonomie nécessaire en zone de combat, et les besoins d’interactions et de controle de ces drones par les forces engagées. Une leçon qui semble bien être le fil directeur du programme MUGS européen, ce qui est, n’en doutons pas, de bonne augure pour son succès futur.
Selon l’agence Tass, citant deux sources anonymes appartenant à l’industrie navale de défense russe, les travaux concernant la construction de 2 porte-hélicoptères d’assaut pour la Marine Russe devraient débuter en 2020, les navires devant être livrés en 2027. Les informations complémentaires citées sont très restreintes, si ce n’est que les bâtiments jaugeraient 15.000 tonnes, ce qui élimine de fait la possibilité d’un LST type Ivan Grene allongé, et tendrait à dire qu’il s’agirait d’un bâtiment dérivé du Modèle Priboy, présenté à de multiples reprises dans les salons par les bureaux d’étude Krylov depuis 2015, et le refus français de livrer les 2 bâtiments Mistral à la Russie suite à l’annexion de la Crimée.
Les navires seront construits, toujours selon les mêmes sources, par les chantiers navals Zaliv de Kerch en Crimée, qui disposent d’une cale sèche de 300 mètres pouvant accueillir des navires de 50 m de large. D’autres informations tendent à privilégier l’hypothèse du Priboy, comme les 16 d’hélicoptères embarqués et la capacité à transporter jusqu’à 1000 hommes, ce qui correspond aux données fournies par Krylov au sujet de son design.
En l’absence d’annonces officielles de la part du Kremlin ou du Ministère de La Défense, il faut prendre ces déclarations avec prudence. A l’instar du porte-avions Shtorm, ce n’est pas la première fois que la construction des « Mistral » russes est annoncée imminente, et les industriels russes ont souvent tendance à présenter les négociations en cours comme des certitudes, ce qu’elles sont rarement. Rappelons nous qu’à peine les autorités françaises officialisait l’annulation de la livraison des 2 Mistrals à la Russie, que les médias russes annonçaient la construction d’une classe de bâtiments identiques, basée sur les plans des Mistrals en leurs possessions. Certains députés français, très (trop) proches des autorités russes, parcouraient les plateaux télévisés pour expliquer que la Russie avait commandé les Mistrals à la France pour sauver STX, et que l’industrie Russe avait toutes les capacités pour produire elle même ses propres LHD, plus performants, et dans des délais très courts.
Le Porte-hélicoptères d’Assaut Tonnerre de la classe Mistral de la Marine Nationale
5 ans plus tard, force est de constater que rien n’a, pour l’heure, été fait. Et pour cause ! la Russie n’avait pas, jusqu’il y a peu, la capacité industrielle pour produire un tel bâtiment de combat de 15.000 tonnes, à l’exception notable des sous-marins. L’industrie navale russe a subit de plein fouet les conséquences de la fin du bloc soviétique, perdant une partie de son outil industriel et de ses savoir-faites localisés notamment en Ukraine. Les chantiers navals n’ont ainsi subit aucune modernisation jusqu’en 2015, lorsqu’un plan visant à redonner au pays une industrie navale moderne fut lancé par le Kremlin. Ce plan produit aujourd’hui ses effets, et cette annonce de la construction (probable) de 2 LHD apparait dès lors comme l’annonce du retour de l’industrie Russe dans l’industrie navale lourde.
Il faudra cependant attendre l’officialisation du lancement des travaux pour évaluer l’efficacité de ce plan de modernisation, ce qui conditionnera également la construction des nouvelles classes de destroyers lourds Lider, et d’un éventuel nouveau porte-avions.
Maj 12/09/2019 : Les précautions prises au sujet de ces déclarations, le directeur des constructions navales russes ayant porté un démenti quasi-immédiat à ces déclarations. Toutefois, d’autres informations convergent vers la crédibilité de l’annonce faite.
Avec la montée en puissance de la flotte chinoise, qui ambitionne d’égaler l’US Navy d’ici 2050, et la politique de faits accomplis parfois mise en oeuvre par Pékin, les tensions navales dans le Sud-Est asiatique sont allées crescendo depuis une dizaine d’années. On ne s’étonnera pas, dès lors, de constater que la majorité des pays de la zone développent et modernisent leurs Marines, parfois de façon conséquente. Au delà du Japon, des deux Corées, de l’Australie et de l’Inde, beaucoup de Marines, qui jusque là étaient cantonnées à des missions de défense côtière et d’action de l’Etat à la Mer, se voient désormais dotées de capacités hauturières, et de bâtiments de premier rang.
Indonésie
Forte de 74.000 hommes, la Marine indonésienne est une des plus importantes du théâtre d’opération. Elle met en oeuvre plusieurs types de navires, allant du sous-marin d’attaque(5 unités) à la frégate(8 unités), en passant par des corvettes (25 unités) et des navires d’assaut (6 unités) et des dragueurs de mines (12 unités).
La frégate Martadinata, première unité de la classe éponyme, est caractéristique du renouveau de la Marine Indonésienne
La Marine indonésienne a fait l’acquisition de 6 sous-marins d’attaque de la classe Nagapasa, version sud-coréenne du type 209 déjà en service, 3 ayant déjà été livrés, et 3 unités supplémentaires ayant été commandées en 2019. Elle a également commandé, en 2012, 6 frégates de la classe Martadinata, dérivées des Sigma 10514 des chantiers navals néerlandais Damen, 2 unités étant déjà construites, 4 restant à construire. Elles sont destinées à remplacer les 5 frégates légères Ahmad Yani en service depuis les années 60. Très performantes et polyvalentes, les nouvelles frégates indonésiennes de 2400 tonnes pour 105 m de long, sont équipées d’un canon de 76mm, de 2 canons téléopérés de 20mm, d’un CIWS Millenium, ainsi que de 16 missiles anti-aériens Mica VL, 8 missiles anti-navires MM40 Exocets, et 2 tubes lance-torpilles triples. Elles sont également parées d’une panoplie de détection avancée, avec un radar SMART-S de Thales Netherlands, et d’une suite sonar KingKlip (coque) et Captas 2 (profondeur variable) offrant aux bâtiments des capacités de lutte anti-sous-marines avancées, et renforcées par l’hélicoptère Panther embarqué.
Malaisie
Jusqu’il y a peu, la Marine Malaysienne, forte de seulement 12.000 hommes, était équipée d’une multitude de bâtiments hérités ou acquis d’occasion au fil des années. Raison pour laquelle l’Etat-Major malaysien décida de mettre en oeuvre le plan « 15 to 5 », visant à remplacer les 15 classes de bâtiment en service aujourd’hui par 5 classes plus modernes, plus puissantes, le tout dans un effort de standardisation et d’efficacité. Les premiers éléments de ce nouveau plan furent les 2 sous-marins de type Scorpene acquis auprés de Naval Group (DCNS à l’époque), et en service depuis Octobre 2009. Ces sous-marins de 3000 tonnes en plongée sont équipés de torpilles et de missiles anti-navires SM39 Exocet. La Marine Malaisienne a, par ailleurs, indiqué qu’elle souhaitait acquérir prochainement deux sous-marins supplémentaires.
La Marine Malaisienne met en oeuvre 2 sous-marins de type Scorpene construits par Naval Group
Ils sont accompagnés de 6 frégates de la classe Maharaja Lela dérivées des corvettes Gowind 2500 de ce même Naval Group, Ces frégates de 3100 tonnes et de 111 m de long emportent un canon de 57mm, 16 missiles anti-aériens Mica-VL, 2 canons d’autodéfense de 30mm, 8 missiles anti-navire Naval Strike Missiles et 2 tubes anti-torpilles triples. Ces systèmes sont servis par un radar SMART-S et une suite sonar CAPTAS-S de Thales, à l’instar des Martadinata indonésiennes. Elles renforceront les 2 frégates de 2300 tonnes Leku entrées en service en 2009 et acquises auprés de la Grande-Bretagne et qui seront en service jusqu’en 2035. Ces navires seront accompagnés par 2 Multi Role Support Ship, classe hybride entre un navire d’assaut porte-hélicoptères et un navire de soutien hauturier, et par deux classes d’OPV, 27 patrouilleurs lourds de 1800 tonnes de la classe Kedah, et 18 Patrouilleurs légers de 800 tonnes de la classe Keris. Ces navires sont cependant dépourvus de systèmes d’armes lourds, et n’emportent que des canons légers.
Myanmar
Comme l’ensemble de ses forces armées, la Marine du Myanmar (ex Birmanie) a subi pendant de nombreuses années les effets de l’embargo internationale sur les armes qui pesait sur le junte militaire au pouvoir. Elle a toutefois entrepris un programme de modernisation, débuté au début des années 2000, avec l’acquisition de 2 frégates d’occasion Type 053H1 chinoises. Elle a, par la suite, fait l’objet de toutes les attentions de la part de l’Inde comme de la Chine, le pays ayant une position stratégique dans le Golfe du Bengale. Elle a pu ainsi développer la frégate de 2500 tonnes Aung Zey entrée en service en 2010, et équipée de systèmes russes (missiles anti-navires Kh35, système anti-aérien SA-N 5), suivie en 2014 par les 2 frégates de la classe Kyan Sittha, jaugeant 3000 tonnes pour 108 m de long, et équipées de systèmes plus diversifiés dans leurs origines : Missiles anti-navires chinois C-802, missiles anti-aériens russes Igla, canon italien OTO-Melara de 76 mm, radar et sonar BEL indiens. En outre, la Marine Indienne lui a transféré un de ses sous-marins de classe Kilo, qui servira à l’entrainement des équipages. Malgré cela, la Marine de Myanmar reste une des plus faibles de ce théâtre d’opération.
Philippines
A l’instar de la Malaisie, la Marine Philippine est aujourd’hui constituée d’un nombre très impressionnant de types de navires différents, 27 classes pour 55 bâtiments et 21.000 hommes. Et comme la Malaisie, ses navires ont essentiellement été acquis d’occasion auprés de différentes marines, et présentent aujourd’hui un potentiel militaire limité. Pour pallier ce problème (en partie), les autorités Philippines ont lancé deux programmes majeurs, les frégates José Rizal et les navires d’assaut Tarlac. L’acquisition de 2 sous-marins serait également à l’ordre du jour, sans qu’aucune procédure officielle n’ai été lancée.
La frégate Jose Rizal, première unité de la classe éponyme, lors de sa présentation officielle
Les frégates de la classe José Rizal seront au nombre de 4, une nouvelle commande de 2 navires ayant été annoncée il y a peu. Elles jaugent 2900 tonnes pour 107 m de long, et sont dérivées de la classe HDF-3000 du sud-coréen Hyundai. Elles sont équipées d’un canon de 76mm, de 2 systèmes d’auto-défense Simbad anti-aériens et anti-missiles, de 4 missiles anti-navires SSN700K Cstar sud-coréens, et de 2 tubes lance-torpilles triples. Elles disposent également d’un radar Hensoldt TRS-3D Baseline D AESA, d’un sonar de coque Harris M997 et d’un sonar tracté CAPTAS-2 de Thales, et mettent en oeuvre un hélicoptère anti-sous-marin Wildcat. A noter qu’elles disposent d’une importante capacité d’évolution, avec des emplacements réservés pour ajouter un système CIWS et 8 silos de lancement vertical pour missiles anti-aériens.
A ces frégates légères modernes se sont ajoutés les 4 Landing Dock Plateform, ou LPD de la classe Tarlac, des navires d’assaut amphibie de 11.500 tonnes pour 123 m de long, capables de transporter et mettre à terre 500 Marines et leur équipement, une capacité indispensable pour un pays de 7 642 iles dont 2 000 sont habitées. Ces LPD viennent renforcer les 4 LPD sud coréens de la classe Makassar de 11.300 tonnes entrés en service entre 2007 et 2011. Il n’en demeure pas moins qu’en l’absence de frégates disposant d’un réel potentiel anti-aérien, la Marine Philippine reste en retrait dans ce panel.
Sri Lanka
Pourtant forte de 48.000 hommes, la Marine Sri lankaise est très en deçà des capacités des autres marines de ce Théatre. Ainsi, elle n’opére pour principaux navires hauturier que des OPV lourds, comme les 2 OPV de la classe indienne Saryu de 2300 tonnes, et le P625 résultant d’un Retrofit d’une frégate Type 053H3 chinoise récemment transféré à la Marine du pays. Aucun de ces navires n’emportent, en effet, de missile anti-navire ou anti-aérien, et n’ont aucune capacité anti-sous-marine. De fait, les 225 bâtiments qui composent cette marine sont limités à des missions d’action de l’Etat à la mer, et n’ont pas de capacités d’engagement moderne.
Thailande
Avec 85.000 hommes et plus de 250 navires, la Marine Royale Thaïlandaise est incontestablement la plus importante des marines de second rang de ce théâtre d’opération. Sa flotte hauturière est conséquente, avec un porte-aéronef, 7 frégates, 7 corvettes, et 1 LPD, épaulés par 9 OPV et une myriade de bâtiments lance-missiles légers et de vedettes. Le porte-aéronef Chakri Naruebet, acquis en 1993 et entré en service en 1997, est dérivé de la classe espagnole Príncipe de Asturias. Il jauge 11.500 tonnes pour 182 m de long, et devait mettre en oeuvre 8 Harrier Matador achetés d’occasion. Malheureusement, ces appareils ne parvinrent jamais à atteindre le statut opérationnel, et ils furent retirés du service en 2006. Avec son Sky-Jump, le Chakri Naruebet pourrait cependant mettre en oeuvre des appareils ayant la capacité de décoller à partir de ce dispositif, comme le F35B américain, le Rafale français, le J15 chinois et le Mig29 russe. Pour ces 3 derniers, le navire nécessiterait cependant d’importantes modifications puisque, pour l’heure, il ne dispose pas de brins d’arrêt. Rien n’indique que le pays chercherait à se doter de cette capacité dans un futur proche, même si l’hypothèse du F35B a déjà été abordée par les autorités thaïlandaises.
Le porte-aéronef Chakri Naruebet n’a jamais pu mettre en oeuvre les avions Matador qu’il devait emporter
Aux 5 frégates chinoises de 2000 tonnes Type 053HT et aux deux frégates sino-thailandaises Type 025T de 3000 tonnes, s’ajoutent désormais 2 frégates type DW3000F construite en partenariat avec la Corée du Sud, un exemplaire étant déjà en service, le second en cours de fabrication. Ces bâtiments furtifs de 3700 tonnes sont équipés d’un canon de 76mm, d’un CIWS Phalanx, de 8 missiles ESSM anti-aériens en silo, de 8 missiles anti-navires Harpoon et de 4 tubes lance-torpilles équipés de torpilles Mk54. Les 7 corvettes, jaugeant de 630 à 1200 tonnes, sont spécialisées dans la lutte anti-sous-marine côtiere, et sont pour l’essentiel des navires des garde-cotes américains transformés à cet effet. Le LPD, le HTMS Angthong, jauge 8500 tonnes en charge, et peu transporter et mettre à terre entre 350 et 500 hommes. Il a été construit en coopération avec la Marine Singapouraise qui dispose de 4 unités de ce type, et est entré en service en 2012. Le 10 septembre 2019, la Marine Thaïlandaise a passé commande d’un LPD Type 071E auprés des autorités chinoises, dérivé du Type 071 en service dans la Marine de L’APL.
Vietnam
Si la Marine Thaïlandaise est la plus importante du théâtre, la Marine Vietnamienne est incontestablement la plus puissante aujourd’hui. En effet, ses 50.000 hommes servent 6 sous-marins d’attaque, 9 frégates et 14 corvettes, pour ne citer que les unités principales. Les 6 sous-marins de classe Kilo acquis auprés de la Russie ont été livrés entre 2012 et 2016, sont de type 636.1 et jaugent plus de 3500 tonnes en plongé pour 72 m de long. Ils sont équipés de torpilles, de mines et de missiles de croisière Kalibr-PL. En 2011, la Marine Vietnamienne a commandé 4 frégates Guepar type 3.9 auprés de la Russie, venant s’ajouter aux 2 unités de cette classe déjà en service. Ces frégates de 102 m et 2100 tonnes sont équipées de missiles SS-N-25 Switchblade et d’un CIWS Palma, et 2 unités sont spécialisées dans la lutte anti-sous-marines. En 2014, il commanda également 2 corvettes de type Sigma aux Pays-bas, bien que les données exactes sur ces navires ne soient pas connues.
La Marine vietnamienne disposera prochainement de 6 frégates de type Guepar acquises auprés de la Russie.
Ces 6 frégates, qui remplaceront les 5 frégates légères Petya héritées de l’époque soviétique, seront épaulées par 12 corvettes du modele Tarantul et Molniya (version produite localement), spécialisées dans la lutte anti-navires, et équipées de 4 missiles P-270 Moskit ou de 16 missiles Kh35. La conjonction de cette flotte de surface et des 6 sous-marins Kilo en service procurera à la Marine Vietnamienne une capacité défensive importante, même si l’on constate une importante défaillance dans le domaine anti-aérien, domaine qui restera du ressort des 35 Su30 et 11 Su27 des forces aériennes vietnamiennes,
Conclusion
Comme nous le voyons, les Marines des pays du Sud-Est Asiatique sont en pleine transformation, et renforcent sensiblement leurs capacités dans le haut du spectre des engagements navals, à quelques exceptions près. On remarque également la montée en puissance des flottes sous-marines de plusieurs pays qui jusque là en étaient dépourvus. Ainsi, en 20 ans, le parc de sous-marins en service dans ces pays est passé de 4 à 16, et atteindra rapidement les 20 unités, soit une progression de prés de 400%. Durant la même période, 6 LPD sont entrés en service, et ils seront bientôt 10 à sillonner les mers du Pacifique et de l’Océan Indien. Cette croissance ne s’est pas faite au détriment de la flotte de vedettes lance-missiles, et d’OPV, qui restent très présentes dans la région, avec plus de 280 unités.
Pour beaucoup de ces pays, ces acquisitions sont la conséquence des tensions avec la Marine Chinoise, liées à la politique des 9 traits de Pékin, et la main-mise du pays sur la Mer de Chine en dépit des arbitrages internationaux. Cette zone, cruciale pour le commerce mondiale, et riche en possibilités minières, a déjà donné lieu à des face-à-face très tendus entre les différentes marines, notamment entre les marines vietnamiennes et chinoises.
On constate également le rôle important des grands acteurs locaux de la région, que ce soit la Chine et l’Inde, évidemment, mais également de la Corée du Sud, partenaire principal de plusieurs Marines du Sud Est asiatique. En revanche, les Etats-Unis comme le Japon jouent un rôle très secondaire dans les modernisations en cours dans la région, alors que Washington avait longtemps été le principal pourvoyeur de bâtiments de nombreuses Marines. Les Européens parviennent à maintenir leur présence comme la France en Malaisie, les Pays-Bas en Indonésie, l’Espagne en Thaïlande. La Russie reste quand à elle un acteur clé au Vietnam. Etant donné le renforcement prévu des forces navales chinoises et indiennes dans les prochaines années, il est probable que de nouveaux programmes soient annoncés dans des délais relativement courts.
Voilà qui ne fera certainement pas rire du coté du SCAF. Selon le site Defensenews.com, en règle général plutôt très bien informé, l’Italie serait prête à annoncer publiquement sa participation au programme de chasseur de nouvelle génération Tempest, qui regroupe déjà la Grande-Bretagne et la Suède. Et contrairement à ce dernier, la participation de l’Italie, et de son champion Leonardo déjà impliqué dans le programme, pourrait sensiblement dépasser l’échange de briques technologiques, pour s’impliquer directement dans la conception (et l’acquisition) des appareils du programme.
Cette annonce pourrait avoir lieu demain, à l’occasion du salon DSEI, sur lequel une nouvelle maquette du Tempest est présentée. Et force est de constater que cette maquette semble beaucoup ressembler à celle du programme SCAF regroupant la France, l’Allemagne et l’ Espagne, qui fut présentée lors du salon du Bourget cet été. Non pas que les deux programmes s’espionnent l’un l’autre, mais ils sont positionnés tous deux sur les paradigmes de conception et d’utilisation, et sur un format très proche.
Présentation de la Maquette du SCAF lors du salon du Bourget 2019
En outre, il s’agirait là d’un second état européen participant au programme Tempest. Il ne manquera, dés lors, qu’un nouvel acteur membre de l’UE, comme les Pays-Bas, la Pologne, ou la Grèce, pour rendre le programme éligible aux aides européennes, nonobstant le fait qu’il soit porté par un pays qui n’appartiendra bientôt plus à l’Union Europe (encore que …). Une chose est certaine, ce que l’on prenait il y a peu encore comme un programme avant tout destiné à forcer la France et l’Allemagne à s’ouvrir à leurs partenaires européens, se présente désormais comme un programme majeur qui a toute les chances d’aller jusqu’à son terme…
Au final, les Européens se dirigent, une nouvelle fois, vers la fabrication de deux appareils très proches, tant du point de vue des capacités que des performances, comme le sont le Rafale et le Typhoon, interdisant toute production de masse, et limitant le marché adressage par l’ensemble de la BITD européenne. Cette division est avant tout organisée par le besoin de chaque état de préserver ses capacités propres en matière de Recherche et production industrielles de Défense. La charge de travail divisible étant limitée sur un même programme, et chaque programme apparaissant comme l’unique programme de chasse pour les 20 années à venir, les pays tentent avant tout de consolider leurs investissements propres, et leurs BITD.
Va-t-on réussir l’exploit de refaire, 30 ans après, les mêmes erreurs que celles des programmes Rafale et Typhoon ?
Pourtant, comme cela a plusieurs fois été présenté ici, pour le prix du programme Tempest additionné à celui du programme SCAF, il serait possible de créer un programme de programmes qui concevrait nos pas 2 appareils identiques mais 3 appareils différents : un chasseur léger monomoteur, un chasseur moyen embarqué, un chasseur lourd de supériorité aérienne. Non seulement cette approche étendrait le marché adressable par les différents appareils, notamment vers les pays ne disposant pas des ressources pour mettre en oeuvre des appareils trop onéreux et qui sont nombreux en Europe, mais elle fournirait une charge de travail à l’ensemble de la BITD aéronautique européenne, tout en fournissant des appareils performants, adaptés aux besoins comme au calendrier des menaces, et à un tarif naturellement très compétitif.
Les Européens von-ils se rendre à l’évidence, pour créer ce qui pourrait être un programme aéronautique de Référence ? Rien n’est moins sur ….
Les autorités polonaises ont envoyé une demande formelle concernant l’acquisition de 5 avions de transport C-130H aux autorités américaines, suivie d’une seconde portant sur l’acquisition de 60 lanceurs et 185 missiles anti-char Javelin. En outre, Varsovie entend étendre sa flotte de C-130 de 5 appareils d’ici 5 ans, pour disposer de 10 C-130H lors de la seconde partie de la décennie à venir. Le Transport aérien est la composante faible des forces aériennes polonaises, avec uniquement 5 C-130E acquis d’occasion auprés de l’US Air force et 16 C-296 d’Airbus ayant des capacités plus limitées. En outre, les C-130H peuvent être convertis en version ravitailleur, capacité dont ne dispose pas l’armée de l’air polonaise aujourd’hui.
Si des solutions de missiles antichars européens existent, comme le MMP de MBDA, il est difficile de porter un jugement négatif sur la commande de C-130 par la Pologne, car il n’existe tout simplement pas d’offre équivalente en Europe. Le C-295 d’Airbus est beaucoup plus léger, alors que l’A400M, bien que beaucoup plus performant, est également 4 fois plus cher. On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons qui ont mené les européens à laisser aux Etats-Unis le monopole sur les avions de transport moyens, comme ils l’ont fait sur les hélicoptères lourds. Avec presque 150 C-130 en services dans les forces européennes aujourd’hui, et 2500 appareils livrés ( 2015), le marché était, de toute évidence, plus que présent, et Lockheed n’en demandait pas autant pour rester la première entreprise mondiale de Défense ….
Présenté à la fin des années 90 comme l’alternative au canon automoteur Caesar de Nexter, le canon automoteur Archer de BAe n’a pas connu le succès espéré. Initialement sélectionné par la Norvège, qui devait en acquérir 24 exemplaires, le contrat fut rapidement annulé lorsque les militaires norvégiens purent tester le système, qu’ils jugèrent trop lourd, et manquant de mobilité. Au final, le seul client de ce système restera la Suède, qui fournissait, par ailleurs, le châssis Volvo du canon..
A l’occasion du Salon DSEI 2019, qui se tient prés de Londres, BAe présente son nouveau modèle d’Archer, très inspiré semble-t-il des arguments qui ont fait le succès du Caesar ces dernières années, en particulier la capacité « Hit and Fade », permettant une mise en batterie rapide suivi d’un feu tout aussi rapide, et un départ survenant avant qu’un tir de contre-batterie ou une riposte puisse intervenir. Cette tactique a largement été mise en oeuvre par la Task Force Wagram, les forces françaises engagées en Irak contre l’Etat Islamique. Les Caesar français ont, ainsi, à plusieurs reprises, mené des raids d’artillerie, d’enfonçant de plusieurs kilomètres, voir dizaines de kilomètres en territoire ennemi pour faire feu sur une cible déterminée, puis disparaitre avant que l’adversaire ne puisse réagir.
La CAESAR de Nexter a impressionné par sa mobilité, sa porté et sa précision, lors de son déploiement en Irak au sein de la Task Force Wagram
Le nouvel Archer est composé d’un canon de 155mm et 52 calibres à chargement automatique alimenté à 21 coups, pouvant être monté sur plusieurs modèles de camions 8×8. Il dispose d’un calculateur balistique et atteint une portée de 40 km avec des obus classiques, et de 60 km avec l’obus Excalibur. Il est présenté comme le plus avancé des systèmes d’artillerie montés sur roues (il ne s’agirait de vexer les amis américains et allemands), un titre qui reste encore largement à démontrer, face au Caesar et au Caesar lourd, qui occupe bien cette position depuis une décennie, et qui, contrairement à l’Archer, a maintes fois fait ses preuves au combat.
Dans une vidéo publiée par le site Defensenews.com, le sous-secrétaire américain à La Défense en charge de la R&D, Michael Griffin, s’interroge sur l’utilité du porte-avions dans les conflits à venir, face à l’entrée en service de missiles balistiques hypersoniques précis, plus particulièrement le DF26 chinois. Il met également en balance le prix d’un porte-avions nucléaire de la classe Ford et celui de 2000 missiles hypersoniques de moyenne portée à charge conventionnelle, sensiblement égal, alors que, selon lui, le président chinois Xi Jinping se sentira bien plus menacé par ces 2000 missiles que par le déploiement d’un porte-avions US. Ces déclarations couvrent 2 questions cruciales, qu’il est interessant d’étudier avec méthode.
En premier lieu, le choix de la référence au missile hypersonique à charge conventionnelle n’est pas anodin. Contrairement aux missiles balistiques traditionnels, les nouveaux missiles comme le DF26 chinois ou le Kinzhal russe remplacent la puissance destructrice de la charge nucléaire par une précision largement accrue. De fait, la capacité tactique du missile reste la même, puisque capable d’éliminer un bâtiment comme un porte-avions, sans avoir à franchir le seuil nucléaire, et donc sans s’exposer à une riposte stratégique. Et en possédant de tels missiles face à un adversaire qui en est dépourvu pour l’heure, Moscou et Pekin s’assurent de disposer de l’initiative stratégique sur leurs théâtres d’opération. On comprend dès lors pourquoi les Etats-Unis déploient autant d’énergies pour s’en doter, comme pour s’en prémunir, le plus vite possible. Notons également que les interrogations sur la précision supposée du DF26 ne semblent plus se poser dorénavant, alors qu’elles étaient encore d’actualité il y a moins d’un an.
Le système balistique à moyenne portée chinois DF26 serait capable de frapper un porte-avions à la mer
En second lieu, on constate que la doctrine proposée par Michael Griffin n’est pas sans rappeler celle qui avait cours au début des années 50, et qui reposait sur la prédominance des armes balistiques sur l’ensemble des théâtres. A cette époque, nombreux étaient les officiels du Pentagone à soutenir que les guerres à venir n’engageraient que des missiles balistiques, bombardiers stratégiques, missiles anti-aériens et intercepteurs, et firent évoluer l’outil de défense américain en conséquence. C’est pour ces raisons que les Etats-Unis se retrouvèrent avec une flotte de porte-avions obsolète, des chasseurs bombardiers très vulnérables et aucun programme de chars comparables aux T55 ou T64 russes au début de la guerre du Vietnam. De fait, l’US Navy dut, en urgence, moderniser des coques de porte-avions datant de la fin de la seconde guerre mondiale comme le Midway, l’US Air Force fut contrainte d’acheter des chasseurs embarqués F4 et des avions d’attaques A7 développés par l’US Navy pour remplacer ses appareils de la série centuries, dont le F104 starfighter et le F105 Thunderchief, d’une totale inefficacité face aux chasseurs Mig 17/19/21 nord vietnamiens, et que l’US Army dut développer en moins de une année le char M60.
Sous couvert d’arbitrages budgétaires, Michael Griffin compare en effet deux systèmes d’armes n’ayant pas la même finalité, ni la même temporalité. Les missiles moyenne portée sont des armes de dissuasion et de premières frappes, destinées à éliminer les infrastructures de l’adversaire durant les premières heures du conflit. Ce sont des armes à usage unique là ou le porte-avions, en revanche, est avant tout une arme de soutien dans la durée, comme la force aérienne, capable de mener des missions tout au long du conflit.
Le porte-avions USS Midway a été doté d’un pont incliné et de catapultes supplémentaires pour faire face aux besoins de la guerre aérienne moderne au Vietnam.
Certes, pendant plusieurs décennies, le porte-avions fut également employé en arme de première frappe, avec une capacité d’entrer en premier largement mise en avant, et cette capacité est aujourd’hui compromise, que ce soit par les systèmes de défense anti-aérienne modernes, que par l’efficacité accrue retrouvée des missiles balistiques à charge conventionnelle. Mais cela n’obère pas le fait que le porte-avions reste l’arme de prédilection pour exploiter l’avantage tactique une fois les premières frappes effectuées, comme le char reste indispensable pour créer la rupture au sol, et les hélicoptères de combat et avions de soutien rapproché restent indispensables à l’appui feu des forces au sol. Ce n’est pas le porte-avions, ni le char, qu’il convient d’éliminer au profit de nouveaux systèmes, c’est l’emploi que l’on en fait qui, aujourd’hui, se doit d’évoluer pour répondre aux enjeux et à l’environnement dans lesquels ils évoluent.
Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la construction de la puissance navale chinoise, qui inclut simultanément des croiseurs Type 055, bientôt équipés de Rail Gun, destinés à éliminer les défenses initiales de l’adversaire, et des porte-avions, mettant en oeuvre des chasseurs lourds polyvalents, pour assurer La Défense aérienne et anti-navire longue distance, et le soutien des forces débarquées.
La Chine ne se prive pas de la puissance multi-domaine et de la versatilité qu’apportent les porte-avions. Elle disposera de 6 porte-avions, dont 4 CATOBAR et probablement 2 à propulsion nucléaire, en 2030.
Peut-être n’est il pas nécessaire de posséder 12 porte-avions nucléaires aujourd’hui pour l’US Navy, et peut-être est-il préférable en effet de « sacrifier » un de ces porte-avions au profit d’une dotation importante de missiles de première frappe. Mais le porte-avions restera, sans le moindre doute, la pièce maitresse du dispositif naval des grandes marines mondiales, celles qui peuvent soutenir une action dans la durée.
En Octobre 2018, les autorités indiennes officialisaient la commande de 5 régiments de systèmes anti-aériens S400 acquis auprés de la Russie pour prés de 5,5 Md$. En faisant cela, New Delhi entra dans le périmètre de la Loi CAATSA, permettant à l’exécutif américain de mettre en place des sanctions économiques personnelles et globales contre les clients de l’industrie de Défense Russe et de tout pays jugé hostile aux intérêts des Etats-Unis.
Toutefois, Washington n’entreprit aucune action à l’encontre de New Delhi, qui reste un excellent client de l’industrie de Défense US (avions de patrouille maritime P8, hélicoptères AH64 Apache ..) et que les industries aéronautiques américaines sont impliquées dans les deux compétitions majeures en cours en Inde, à savoir le remplacement des Mig21 et Mig27 pour lequel Lockheed propose le F16V Viper renommé F21 pour l’occasion, et l’acquisition de 57 chasseurs embarqués sur lequel Boeing s’est positionné face au Rafale Français avec le F/A 18 E/F Super Hornet. Mais les sanctions prises contre Moscou, en l’occurence l’exclusion du système interbancaire international SWIFT sous controle américain, entravaient depuis la signature du contrat entre New Delhi et Moscou, le paiement de l’acompte comme des échéances à suivre.
P8 Poseidon de la Marine Indienne
Les autorités des deux pays décidèrent alors de mettre en place un système de paiement autonome entre les deux pays, ne passant pas par le système US ni par la devise américaine, et ne pouvant, dès lors, plus être entravé par les sanctions américaines. Ce système est aujourd’hui opérationnel, puisque selon le vice premier ministre Yuri Borisov, le paiement de l’acompte concernant la commande des systèmes S400 a été effectué. De fait, les forces armées indiennes vont percevoir, selon lui, les systèmes S400 pour équiper leurs 5 régiments de défense anti-aérienne d’ici avril 2021.
Cette commande de systèmes S400 est au coeur du réchauffement des relations entre New Delhi et Moscou, et a ouvert la porte à plusieurs contrats majeurs, comme la fabrication de 150.000 fusils d’assaut AK203, la construction de 4 frégates, les négociations concernant des Mig21 et Su30 supplémentaires, parmi d’autres. Il s’agit également, pour le premier ministre indien N. Modi, de conserver une position neutre dans l’opposition qui se dessine entre Washington, Pekin et Moscou, et de rester fidèle au principe de non alignement cher à Neru. Il s’agit, enfin, de ne pas s’aliéner les autorités chinoises, alliées du Pakistan, en choisissant un alignement occidental, tout en préservant les capacités de pression de Moscou sur son allié asiatique. En revanche, il s’agit d’un certain camouflet pour la diplomatie US, qui a investi une énergie considérable pour tenter d’amener l’Inde dans le camps occidental.
La Marine indienne a commandé 4 frégates de la classe Grigorovich pour étendre sa classe Talwar
Selon le site algérien menadefense.net, les autorités algériennes auraient signé, à l’occasion du salon MAKS2019, deux contrats avec l’industrie aéronautique russe pour la modernisation de sa force aérienne. Le premier contrat porterait sur l’acquisition d’un escadron (18 appareils ?) de Mig-29 M/M2 destinés à remplacer, selon toute probabilité, les Mig-29K retirés du service récemment. Le second contrat, visiblement plus confidentiel, porterait sur l’acquisition d’un nouvel escadron de chasseur Su-30, ainsi que sur la modernisation de la flotte d’appareils déjà en service. On ignore cependant la portée de cette modernisation, ni si elle correspond à la modernisation annoncée par les forces aériennes russes, visant à rapprocher les performances et la maintenance du Su30 et du Su35. Le montant des deux contrats, comme les délais de livraison, sont pour l’heure inconnus.
Le passage du Mig-29 S au Mig-29 M constituera un gain significatif en matière de performances pour les forces aériennes algériennes. En effet, le Mig-29 M, bien que n’étant pas de première jeunesse, emporte une avionique moderne, et notamment le radar PESA Zhuk-M capable de suivre jusqu’à 10 cibles à une distance pouvant atteindre les 120 km. En outre, l’appareil dispose d’un IRST (système de détection infra-rouge) performant, et d’un viseur à casque. Son moteur, version améliorée du RD-33, offre une poussée supérieure et réduit considérablement la trainé de fumée des réacteurs plus anciens, alors que sa durée de vie est étendue à 4000 heures de vol. L’appareil peut, enfin, recevoir des directeurs de flux de poussée vectorielle, si le client le demande. Mais la principale caractéristique du Mig 29 M reste l’augmentation de son rayon d’action, passant de 500 à 1000 km hors réservoirs supplémentaires, et à 3000 km une fois équipés des 3 réservoirs supplémentaires prévus, car il s’agissait là de la principale faiblesse de l’appareil soviétique. Il dispose également d’une perche de ravitaillement en vol.
Le cockpit du Mig 29M n’a rien à envier à celui de nombreux avions modernes occidentaux
Il est interessant de constater qu’alors que Mig tente plus que tout commercialement pour placer son Mig-35, version ultime du Mig29 équipée d’une avionique de dernière génération et notamment d’un radar AESA, c’est le Mig 29M, plus ancien, mais moins cher, qui a été choisi tant par l’Algérie que par l’Egypte qui a commandé 48 appareils en 2017, et par l’Inde qui envisage d’en acquérir un escadron rapidement. Il faut dire que le Mig 29 M est proposé au prix de 25 m$ à l’export, là ou le Mig 35 est proposé à prés du double. Mig pourrait être bien inspiré de se focaliser sur cette catégorie d’appareils « Low Cost » mais aux performances élevées. Rappelons, à titre de comparaison, qu’un Pilatus PC-21, l’appareil d’entrainement à turbopropulseur choisit, en autres, par l’Armée de l’Air pour la formation des pilotes en pré-spécialisation chasse, coute prés de 10 m$ l’unité, et qu’un F16V, aux performances sommes toutes proches de celles du Mig29 M, dépasse les 65 m$. Dans les faits, deux F16V ne font pas le travail de 5 Mig-29 M, ni ne peuvent avoir l’ascendant sur ces appareils.