Depuis une dizaine d’années, l’industrie de défense française est engagée dans une dynamique porteuse particulièrement efficace à l’exportation, l’ayant amenée sur la seconde marche du podium mondial, après les États-Unis, mais devant la Russie.
Si la France exporte une grande variété d’équipements, allant du missile antichar au sous-marin, en passant par l’obus d’artillerie et l’avion de chasse, trois équipements se démarquent et portent, en grande partie, la progression des exportations françaises de défense aujourd’hui.
Ainsi, le chasseur Rafale, le sous-marin Scorpene et le canon Caesar, font régulièrement les gros titres, en France comme ailleurs, pour leurs succès internationaux. Si, désormais, tous se félicitent de ces succès, qu’on attribue volontiers à l’innovation et la détermination française, peu savent, en revanche, que ces trois équipements ont eu des débuts pour le moins difficiles, lorsque les armées françaises n’en voulaient pas.
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Les stars de l’exportation des équipements de défense français
Il est, aujourd’hui, incontestable que le Rafale, le Scorpene et le Caesar, portent, à eux trois, la dynamique d’exportation française en matière d’armement, grâce à des contrats qui se chiffrent en centaines de millions, voire en milliards d’euros, mais également en entrainant, avec eux, d’importants contrats d’équipements et de maintenance, ruisselant dans toute la BITD (Base Industrielle et Technologie Défense).
Ainsi, après une quinzaine d’années de vaches maigres et d’inquiétudes industrielles et politiques, le Rafale de Dassault Aviation, s’est imposé, avec 300 appareils commandés sur la scène internationale, comme le plus grand succès européen d’exportation d’avions de combat depuis le Mirage F1, dans les années 70 et 80, et comme l’avion de chasse moderne le plus exporté aujourd’hui, après le F-35 américain.
De même, le sous-marin Scorpene, avec 16 navires commandés (bientôt 19 avec la commande indienne) par 5 forces navales, dépasse déjà le précédent record français détenu par la Daphnée dans les années 60, et vient directement menacer le Type 214 allemand, successeur du Type 209 qui détient le record occidental de sous-marins exportés dans les années 80 et 90.
Le canon Caesar, enfin, est devenu le plus grand succès à l’exportation de KNDS France (Ex-Nexter Ex-GIAT), et le système d’artillerie moderne européen le plus exporté ces trente dernières années, ne cédant, à l’échelle de la planète, qu’au K9 Thunder sud-coréen.
Chose encore plus rare, pour un équipement français, le Caesar est en passe de s’imposer comme un équipement standard au sein de l’OTAN, alors que cinq forces armées européennes, en plus de la France, ont déjà signé des commandes en ce sens (Belgique, Estonie, Lituanie, République tchèque et France), et que deux autres ont signé des lettres d’intention en ce sens (Croatie et Slovénie).
Il est toutefois particulièrement intéressant de constater que ces trois équipements qui, aujourd’hui, portent les exportations françaises en matière d’équipements de défense, et qui rapportent plusieurs milliards d’euros de production industrielle export, chaque année, à la balance commerciale nationale, ont connu des débuts particulièrement difficiles.
En effet, les armées françaises, ou certaines d’entre elles, n’en voulaient pas !
La Marine nationale préférait le F/A-18 Hornet au Rafale M en 1993
Lorsqu’il est question des débuts difficiles du Rafale, et de ses différents échecs commerciaux de 1997 à 2015, au Maroc, au Brésil ou encore aux Pays-Bas, il est fréquent de se voir rappeler la phrase désormais ô combien « pas prophétique » du ministre de la Défense Hervé Morin en 2010, lorsqu’il jugeait l’appareil trop compliqué et trop cher pour pouvoir être exporté.
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Si la France émerge aujourd’hui comme le 2ème exportateur d’armes au niveau mondial c’est largement au Groupe Dassault qu’elle le doit: l’ADN d’indépendance et de résilience de la société a permis de pallier au manque de vision et au tropisme européiste de la classe politique française. Le groupe avec son modèle dual, sa diversification dans le logiciel (Dassault Systèmes) a la surface financière pour rester indépendant et financer sa R&D. Avec sa participation de 25% du capital de Thales (et par ricochet de 33% dans Naval Group) il se pose en pierre angulaire de toute la BITD française. Il reste maintenant à lancer et financer les programmes qui succéderont dans 15 ou 20 ans au Rafale ou au Scorpène et on peut être fortement inquiet vu la situation politique et budgétaire de notre pays.
À mon sens, il s’agit plus d’un problème structurel que conjoncturel, et c’est dans la structure, qu’il faut chercher les solutions. Aujourd’hui, les armées font face à une telle pression pour renouveler leurs équipements, qu’elles sont contraintes à une vision à court moyen termes, pour éviter la rupture capacitaire. C’est précisément ce qui avait amené les amiraux français à pousser la solution F-18, car il était évident que les F8 et ETD IVP avaient fait leur temps, alors que le Rafale ne devait arriver, au compte-goutte, qu’à partir de 2000. Concrètement, ils avaient raison : si les porte-avions avaient du être engagés dans les années 90, dans un véritable engagement sérieux, cela aurait probablement été catastrophique. Heureusement, ce ne fut pas le cas.
Tant que l’on n’intéressera pas, par des modèles de financement complémentaires hors LPM, les armées au soutien des produits exports de la BITD, celles-ci n’auront d’autres choix que de parer au plus pressé, et donc d’ignorer ces besoins de l’industrie, qui pourtant peuvent générer des recettes supplémentaires importantes, y compris pour les finances publiques.
Il faudrait donc mettre en place un mécanisme permettant de prélever une partie des recettes budgétaires générées par ces programmes soutenus, au profit des armées, ou d’un fonds fonctionnant en circuit fermé. Ce n’est pas le fonctionnement traditionnel budgétaire, c’est certain, mais il y a des précédents, comme la vente des fréquences de la TNT qui servit à compléter le financement du budget des armées il y a une dizaine d’années.
Je doute que l’on puisse augmenter les budgets des armées de manière suffisante, sans en passer par des modes de financement alternatifs. Et blâmer la faiblesse des investissements présents ou passés, n’apporte rien, si ce n’est désigné un ou des coupables bien commodes pour expliquer sa propre incapacité à trouver des solutions. Pas le choix, il faut se montrer imaginatif ))
Il y a longtemps que les doutes planent sur les capacités stratégiques et économiques de nos décisionnaires militaires ! Ne pas oublier ce que durant le 20 éme siècle beaucoup de nos grands képis ont démontré de leurs capacités et visions stratégiques…!