mercredi, décembre 3, 2025
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L’assemblage de la version polonaise du lance-roquettes multiple Chunmoo a débuté

Il y a quelques jours, en visite dans l’usine Lockheed-Martin de Camden, dans l’Arkansas, qui assemble le système HIMARS, le ministre de la défense polonais, Mariusz Błaszczak, avait indiqué que la commande potentielle par Varsovie de 500 systèmes lance-roquettes américains demeurait en discussion, alors même que depuis plusieurs mois et l’annonce en octobre 2022 de la commande par Varsovie de 300 systèmes K239 Chunmoo sud-coréens, il semblait que la commande d’HIMARS polonais devait être ramenée à 200 exemplaires. Cette déclaration a, de fait, créé une certaine interrogation quant au devenir de la commande des Chunmoo, qui pouvait sembler menacer.

A priori, il n’en est rien. En effet, l’agence de l’Armement polonaise a annoncé, sur les réseaux sociaux, que 3 camions P882 8×8 du constructeur polonais Jelcz, avaient été réceptionnés en Corée du Sud pour y recevoir le système Chunmoo et être testés. De toute évidence, cette configuration sera au coeur du système d’artillerie à longue portée co-developpé par Varsovie et Séoul, ce qui tend à confirmer que le programme HOMAR-K. Selon les autorités polonaises, les 218 exemplaires de la commande signée le 22 février 2023, seront ainsi assemblées en Corée du Sud sur camions P882 polonais, avant d’être renvoyés en Pologne pour y recevoir les systèmes complémentaires, notamment le système de calcul balistique Topaz développés par WB Electronics qui équipe l’ensemble des systèmes d’artillerie polonais.

P882 Poland Chunmoo Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense | Corée du Sud
Cliché publié par l’agence de l’armement polonaise montrant les camions P882 arrivés en Corée du Sud.

Selon le site polonais defense24.pl, dans un second temps, les autorités polonaises entendent obtenir de Hanwha Aerospace, la production locale des roquettes et missiles balistiques qui arment le système, ainsi que la production et l’assemblage des systèmes eux-mêmes. Considérant les développements en cours entre Varsovie et Séoul autour du char K2 Black Panther, du système d’artillerie K-9 Thunder et des ouvertures faites au sujet du K-21 Boramae, on peut effectivement d’attendre à ce que la Pologne obtienne gain de cause relativement rapidement dans ce domaine, même si la Roumanie, elle aussi, semble sur les rangs pour produire le K239 en Europe.

Reste à voir comment Varsovie entend mener simultanément la production de Chunmoo et les négociations avec Lockheed-Martin pour une production locale de systèmes HIMARS. S’il peut en effet sembler raisonnable de courir plusieurs lièvres à la fois, le risque aujourd’hui est pour les autorités polonaises de devoir respecter ses engagements simultanément vis-à-vis de deux partenaires stratégiques maitrisant chacun des domaines étendus de leur coopération avec la Pologne. Contrairement aux hélicoptères H225M Caracal annulés par Varsovie en 2015 alors que la Pologne et la France n’étaient pas engagés dans d’autres coopérations stratégiques significatives, il serait probablement beaucoup plus risqué pour les autorités polonaises de tourner le dos à Séoul ou Washington au sujet d’un programme à plusieurs milliards d’euro, sachant que d’autres programmes tout aussi critiques sont également en jeu. A suivre donc …

La Royal Navy préfère le système de lancement vertical Mk41 américain au SYLVER européen pour ses frégates Type 31

En 2015, face à un budget défense qui demeurait inférieur aux besoins, la nouvelle Defense Review britannique ramena le format du programme des frégates anti-sous-marins Type 26, destinées à remplacer les 13 frégates Type 23 de la classe Duke, à 8 navires. Dans le même temps, pour maintenir un format à 20 grandes unités de surface combattantes, soit 7 destroyers anti-aériens Type 45 et 13 frégates, Londres entreprit de lancer la conception d’une nouvelle frégate plus légère et surtout beaucoup plus économique que la Type 26. C’est ainsi qu’en décembre 2018, la Royal Navy arbitra en faveur du modèle Arrowhead 140 de Babcock pour sa future frégate Type 31, qui sera commandée à 5 exemplaires à un cout particulièrement bas de 250 m£ l’unité hors système, et de 400 m£ systèmes inclus.

Pour parvenir à un tel prix, la Royal Navy fut contrainte de renoncer à de nombreuses capacités. C’est ainsi que la frégate de 138 mètres et de 5.700 tonnes, se voyait dépourvue de moyens de lutte anti-sous-marine, le navire ne disposant pas même d’un sonar de coque, en dehors d’éventuels systèmes mis en oeuvre par son hélicoptère embarqué. Il en va de même des missiles anti-navires, la Type 31 ne disposant dans ce domaine que des missiles air-surface Martlet armant le même hélicoptère. La défense anti-aérienne, quant à elle, devait être confiée à 24 missiles surface-air CAMM en cellule autonome, comme c’est aujourd’hui le cas pour les Type 23. Toutefois, face au durcissement des menaces auxquelles les navires britanniques pourraient devoir faire face dans les années à venir, la Royal Navy entreprit, il y a quelques mois, de revoir les capacités de ces navires.

Arrowhead 140 overhead Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense | Corée du Sud
Initialement, la Type 31 devait être armée de 24 missiles surface-air à courte portée CAMM en cellule autonome, visibles ici derrière le mat du navire.

Si la Type 31 ne disposera toujours pas de capacités de lutte anti-sous-marine, une nouvelle classe de 5 frégates désignée Type 32 devant être prochainement commandée par Londres pour ce besoin comme pour accroitre le format et le tonnage de la flotte de surface, les capacités offensives et la polyvalence des Type 31 devaient être étendues en y installant un Système de lancement vertical de missile, ou VLS. Contrairement à un système en cellule, les VLS permettent en effet de mettre en oeuvre différents types de missiles, et sont conçus pour être plus polyvalents, pour être rapidement réarmés et pour évoluer. L’offre technologique dans ce domaine en occident se limite à deux systèmes, le Mk41 de l’américain Lockheed-Martin et le Sylver du français Naval Group. Selon le premier Sea Lord britannique, l’amiral Ben Key, le système américain a été préféré au système européen pour la Type 31, comme ce fut également le cas pour la Type 26 avant elle.

L’arbitrage n’est pas, en soit, une surprise. En effet, si MBDA, le concepteur du missile surface-air CAMM-ER qui armera les deux navires, précise dans sa communication que le missile peut être mis en oeuvre aussi bien par le Mk41 que la SYLVER en configuration Quadpack, c’est à dire avec 4 missiles dans chaque silo, la seule démonstration effective d’une telle capacité fut faite en 2018 lorsque Lockheed-Martin et MBDA testèrent le système ExLS permettant d’embarquer 3 CAMM-ER dans un silo Mk41, alors qu’à ce jour, aucune configuration multipack n’a été testée à partir d’un silo SYLVER. Ainsi, les 32 silos des 4 systèmes Mk41 qui armeront les frégates Type 31 de la Royal Navy, pourront potentiellement accueillir 96 missiles surface-air CAMM-ER d’une portée de plus 25 km, susceptibles de sensiblement accroitre l’efficacité à la mer des navires. En outre, de nombreuses munitions navales peuvent prendre place dans les silos Mk41, y compris des missiles anti-navires, anti-sous-marins ou de croisière, conférant aux frégates britanniques une capacité d’évolution supérieure.

camm mk41 quadpack Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense | Corée du Sud
Essais de tir du missile CAMM en multipack à partir d’un silo du VLS MK41

Développé par Naval Group dans les années 90 conjointement au système anti-aérien PAAMS qui équipe notamment les frégates anti-aériennes Daring britanniques et horizon franco-italiennes, le SYstème de Lancement VERtical ou SYLVER, offre pourtant des performances potentielles sensiblement supérieures à celles du Mk41, notamment du fait d’un astucieux système d’évacuation des gaz permettant un tir en rafale soutenu. Malheureusement, le potentiel offert par SYLVER a été largement négligé par les autorités françaises qui n’entreprit pas de le faire évoluer et de lui donner de nouvelles capacités, au grand damn du missilier MBDA qui y voyait un moyen de s’imposer dans de nombreuses compétition navales.

En effet, le VLS impose au navire une grande partie de son armement, mais également de ses capacités d’évolution. En négligeant la polyvalence du système, ainsi que sa capacité multipack permettant potentiellement d’embarquer plusieurs « petits » missiles dans un unique silo, le système SYLVER a de fait perdu de son attrait, et constitue même aujourd’hui, d’une certaine manière, un handicape pour les navires français ou italiens qui en sont équipés sur la scène internationale, raison pour laquelle Naval Group comme Fincantieri proposent désormais d’équiper leurs frégates de systèmes MK41 ou Mk48 américains, et que MBDA a qualifié son CAMM sur le MK41 en multipack. Un bel exemple d’opportunité ratée par manque de clairvoyance …

Tokyo va lancer une nouvelle classe de frégate encore plus moderne que les FFM Mogami

Avec 23 sous-marins à propulsion conventionnelle ou AIP des classes Taigei (2), Soryu (12) et Oyashio (9), 4 porte-aéronefs dont deux porte-avions légers classe Izumo et deux porte-hélicoptères classe Hyuga, 8 grands destroyers AEGIS classe Maya (2), Atago (2) et Kongo (4), ainsi que 38 destroyers, destroyers d’escorte et frégates des classes Asahi (2), Akizuki (4), Takanami (5), Murasame (9), Asagiri (8), Abukuma (6) et FFM Mogami (4), la flotte de haute mer des forces maritimes d’autodéfense japonaises (FMAJ) est aujourd’hui l’une des plus puissantes de la planète.

Outre leur nombre et leurs capacités avancées, les navires nippons sont pour beaucoup récents, Tokyo n’ayant pas, comme le firent beaucoup de pays occident, ralenti le rythme des renouvellements des bâtiments autour de la baisse supposée des tensions internationales suite à l’effondrement du bloc soviétique. De fait, prés de la moitié de cette flotte a moins de 15 ans de service, alors que le remplacement des navires les plus anciens est déjà largement engagé.

C’est ainsi que les sous-marins de la classe Oyashio, entrés en service entre 1998 et 2008, a déjà débuté avec l’arrivée des premiers Taigei réputés très performants et équipés de batteries Lithium-ion, ayant permis aux sous-marins Mishishio et Oyashio, les deux premières unités de la classe éponyme, d’être convertis en navires d’entrainement.

C’est également le cas de la nouvelle classe de frégate Mogami, un navire de 133 mètres et 5.500 tonnes en charge, dont 4 exemplaires sur les 22 prévus ont d’ores et déjà rejoint la Marine japonaise entre avril 2022 et mars 2023, pour remplacer les destroyers des classes Abukuma et Asagiri entrés en service entre la fin des années 80 et la fin des années 90.

Si la classe Mogami devait initialement compter 22 unités, livrées aux forces navales nippones entre 2022 et 2032 à raison de 2 navires par an, ces dernières ont annoncé qu’elle serait limitée à 12 unités, alors que les 10 navires restant appartiendront à une nouvelle classe dérivée.

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Les frégates de la classe Mogami sont produites par MHI a raison de 2 navires par an

Il faut dire que le maitre-mot qui donna naissance à la classe Mogami fut l’économie, d’hommes comme de moyens. Ainsi, les navires de 4 000 tonnes à vide sont acquis pour 50 Md de yen par la marine japonaise, soit moins de 340 m€, un cout rencontré plus fréquemment pour des corvettes deux fois moins imposantes que pour des frégates de premier rang.

Ce d’autant que contrairement, par exemple, aux Type 31 britanniques, elles aussi conçues pour atteindre un cout très compétitif, les Mogami n’ont pas fait d’impasse capacitaire, disposant d’un puissant radar 3D SPY-2 à antennes AESA, de 16 silos Mk41 pour missiles antiaériens Type 03, de 8 missiles anti-navires Type 17, d’un système CIWS RAM ainsi que d’un canon Mk45 Mod 4 de 127 mm.

Surtout, la frégate dispose d’une suite sonar complète composée d’un sonar de coque et d’un sonar tracté à profondeur variable, ainsi que d’un hélicoptère naval SH-60L et de torpilles Type 12, en faisant une plate-forme de lutte anti-sous-marine performante. Le navire est également économe en ressources humaines, avec un équipage de seulement 90 hommes, deux fois moins que les 220 hommes des destroyers Agasiri.

On ne sait que peu de choses au sujet de cette nouvelle classe de frégate qui prendra la suite des Mogami, si ce n’est que les navires seront commandés à partir de 2024 et livrés conformément au planning initialement établi. Toutefois, le contexte nippon permet de se faire une idée des principales évolutions qui seront apportées vis-à-vis des Mogami.

En effet, depuis 2017 et le lancement du programme FFM qui donnera naissance à cette classe de frégate, plusieurs événements sont intervenus justifiant de cette évolution.

En premier lieu, le contexte sécuritaire a sensiblement évolué, tant face à la Chine, en particulier autour de la question Taïwanaise en soutien des forces américaines qui pourraient être amenées à intervenir, ainsi que face à la montée en puissance rapide des capacités balistiques de Corée du nord, largement démontrées ces dernières années.

Kongo destroyer Japon Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense | Corée du Sud
La défense anti-missile japonaise s’appuie sur 8 grands destroyers AEGIS de la classe Kongo et dérivée

On peut donc supposer que les nouveaux navires nippons verront leurs capacités anti-aériennes renforcées, et qu’ils pourraient même être dotés de capacités anti-balistiques pour densifier les capacités offertes par les 8 destroyers AEGIS des classes Kongo, Atago et Maya déjà en service, ainsi que les Arsenal ship devant être construits dans les années à venir.

À ce titre, Mitsubishi Heavy Industry, le concepteur de la classe Mogami, avait déjà présenté en 2019, une version allongée de la frégate emportant 40 silos Mk41 ainsi qu’un radar AESA bien plus imposant, ce qui répondrait assez efficacement à ce type de besoin, tout en conservant les capacités anti-sous-marines du navire, comme c’est le cas des frégates françaises de la classe Alsace par exemple.

En second lieu, le contexte budgétaire encadrant l’effort de défense nippon a, lui aussi, considérablement évolué depuis 2017, alors que Tokyo s’est engagé à amener son budget de défense à 2 % de son PIB dans les années à venir, contre à peine plus de 1 % aujourd’hui.

En d’autres termes, là ou les Mogami ont été construites avec une conception toute nippone de l’économie, les nouveaux navires pourraient, quant à eux, recevoir des moyens, et donc des capacités supplémentaires, qui durent être écartés lors de leur conception en 2017.

Enfin, le contexte technologique a, lui aussi, sensiblement évolué, les autorités nippones ayant entrepris le développement de nombreuses nouvelles technologies militaires allant du railgun aux armes hypersoniques qui pourraient potentiellement prendre place sur un nouveau navire conçu pour les accueillir. C’est notamment le cas des systèmes robotisés et des drones aériens et navals qui constituent un des axes prioritaires de développement des forces d’autodéfense.

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Visuel diffusé par le ministère de la Défense japonais concernant le programme ASEV.

Reste que le plus grand enjeu présent et à venir pour ces frégates, comme pour l’ensemble des forces japonaises, n’est probablement ni technologique, ni budgétaire, mais dans l’équation des ressources humaines particulièrement complexe à équilibrer aujourd’hui, et aux le sera encore davantage dans les années à venir dans un pays où la moyenne d’âge flirte avec les 50 ans, alors que le taux de fécondité plafonne à 1,4 enfant par femme.

On peut s’attendre à ce que d’importants efforts seront faits pour tenter de réduire encore le format de l’équipage des nouvelles frégates, en ayant recours à davantage de systèmes automatisés et robotiques. Dans tous les cas, la comparaison entre la présente classe Mogami, et celle qui lui succédera, sera sans le moindre doute riche d’enseignements quant au devenir des forces d’autodéfense nippones dans les années et décennies à venir.

Le canon à micro-ondes THOR de l’US Air Force a éliminé un essaim de drones lors d’essais en avril 2023

En avril 2023, l’US Air Force Research Lab a démontré l’efficacité de son canon à micro-ondes THOR en éliminant un essaim de drones lors d’essais menés au Nouveau-Mexique.

Depuis l’attaque menée en 2018 contre la base aérienne russe de Khmeimem en Syrie par un essaim composé de 13 drones armés de munitions et lancés d’un petit village à 70 km de celle-ci, le risque que représentent les essaims de drones est devenu l’une des priorités de l’US Air Force, qui doit assurer la protection de nombreuses bases exposées à ce type d’attaque dans le monde.

Trop petits pour être pris en compte par les systèmes anti-aériens traditionnels, trop rapides pour être détruits par des armes légères, et trop nombreux pour des systèmes à énergie dirigée comme les lasers à haute énergie, les essaims de drones devaient trouver une réponse dédiée.

C’est ainsi qu’est né le système Tactical High-Power Operational Responder ou programme THOR, un canon à micro-ondes développé par l’US Air Force Research Lab.

Testé pour la première fois sur le site de White Sands dans le Nouveau-Mexique en 2018, le THOR s’appuie sur un canon à micro-ondes directionnel, un système de ciblage et un système d’alimentation autonome intégrés dans un conteneur de 20 pieds, lui permettant d’être transporté par un avion C-130 et déployé de manière autonome sur toutes les bases aériennes de l’USAF.

À l’instar d’un laser à haute énergie, il permet de projeter un rayon énergétique vers ses cibles. Mais contrairement à ce dernier qui s’appuie sur l’effet thermique d’un faisceau laser de surface réduite pour détruire les cibles, le canon à micro-ondes détruit les systèmes électroniques embarqués de tous les systèmes touchés par un rayon beaucoup moins directionnel, permettant ainsi de détruire simultanément un grand nombre de drones dans la portion du ciel visée.

le canon à micro-ondes directionnel THOR a été conçu pour éliminer les essaims de drone
Les essaims de drones constituent une menace difficile à contrer par les systèmes anti-aériens conventionnels

C’est précisément ce scenario, et notamment la destruction d’un essaim de drones, qui a été testé au début du mois d’avril par l’Air Force Research Lab, sur le site d’essais de Chestnut de la base aérienne de Kirtland, au Nouveau-Mexique.

Selon Adrian Lucero, le directeur du programme THOR au sein de la division énergie dirigée de l’AFRL, l’équipe d’essais à mener une attaque simulée d’un essaim de drones contre le THOR, ce dernier étant parvenu à éliminer tous les systèmes du ciel comme escompté.

À noter que le nombre ni même la catégorie des drones employés n’ont pas été précisés dans la communication de l’Air Force Research Lab. En revanche, Adrian Lucero a ajouté que l’efficacité du THOR n’avait pas été testée sur ce type de drones préalablement, ce qui suppose des conditions d’essais plus proches d’un environnement opérationnel que d’un test de laboratoire.

Reste qu’il est difficile d’évaluer précisément l’efficacité d’un tel système sur la base d’essais de ce type. D’une part, ni la portée efficace ni le type de drones n’ont été données, rendant difficile d’en évaluer la capacité effective de protection.

En outre, le Nouveau-Mexique est un terrain d’opération très spécifique, caractérisé par une atmosphère avec une humidité moyenne inférieure à 30%. Or, les micro-ondes tendent à perdre de leur efficacité dans un milieu humide, ceci venant probablement sensiblement réduire sa portée efficace.

Enfin, les systèmes micro-ondes ne font pas la différence entre les circuits électroniques alliés et ennemis, et l’utilisation d’un tel système doit donc être particulièrement encadrée en environnement opérationnel au risque de faire d’importants dégâts sur les infrastructures que le système est censé protéger, d’autant que cette technologie est justement beaucoup moins précise qu’un laser. Il faut donc se montrer prudent dans l’interprétation de ces essais.

La Corée du Nord se rapproche du lancement de son premier satellite de reconnaissance

Lancé en 1980, le programme spatial nord-coréen a rencontré de nombreuses difficultés au fil des années. Le premier lancement eut lieu en 1998, et s’appuyait sur le lanceur Taepodong-1, une fusée de 25 mètres de long pour une masse au décollage de 33 tonnes, sensée pouvoir mettre en orbite un satellite d’une tonne sur une orbite basse à 2500 km d’altitude. Basé sur la technologie développée pour le missile balistique de portée intermédiaire Rodong-1, le tir fut un échec après que le troisième étage de la fusée ait, semble-t-il, pris feu après un vol de 1600 km. Le second essai eut lieu en 2006, avec un nouveau lanceur de 30 mètres et 90 tonnes baptisé Unha-1 et dérivé du missile balistique Taepodong-2, mais ce dernier explosa seulement 45 secondes après son décollage.

Les essais de 2009 et 2012 basés sur le même lanceur ne furent pas plus fructueux, le premier avec une nouvelle malfonction du troisième étage, le second avec la destruction du lanceur peu après son décollage. La série noire prit fin en décembre 2012, avec la première mise en orbite réussie à l’aide d’un lanceur Unha d’un satellite de 100 kg désigné Kwangmyŏngsŏng-3 Unit 2 sur une orbite géostationnaire à 500 km de périgée, officiellement pour surveiller les récoltes, les forets et les désastres naturels. C’est peu après, en 2013, que fut créée l’administration Nationale du Développement Aérospatiale, une agence comparable, dans l’esprit plus que dans les moyens, à la NASA américaine, pilotant à la fois les programmes spatiaux civils et militaires nord-coréens, notamment concernant l’exploration spatiale et les vols habités, ainsi que le développement des lanceurs à vocation duale.

Unha 3 lanceur coree nord Construction de véhicules blindés | Contrats et Appels d'offre Défense | Corée du Sud
départ du lanceur Unha-3 en février 2016

Le dernier lancement réussi par Pyongyang eut lieu en février 2016 et employait le même lanceur Unha-3 rebaptisé alors Kwangmyŏngsŏng, pour mettre en orbite le satellite Kwangmyongsong-4 d’une masse estimée entre 150 et 200 sur la même orbite que son prédécesseur. Selon les autorités nord-coréennes, le satellite permit de tester la capture et la transmission de 700 photos lors du premier jour d’orbite. Il ne resta cependant en orbite que 4 jours, avant de se détruire lors de la rentrée dans l’atmosphère. Depuis, Pyongyang n’avait effectué aucun lancement dédié à son programme spatial, même si les ingénieurs nord coréens ont accumulé un grand nombre de données et de savoir-faire liés au très nombreux essais de missiles balistiques effectués ces dernières années, y compris concernant des missiles à capacité intercontinentale.

Il semble toutefois que le pays soit proche d’un nouveau lancement, cette fois pour mettre en orbite un premier satellite de reconnaissance destiné à demeurer actif sur une grande période de temps. Ce programme avait été révélé en février 2022, après que l’agence spatiale nord-coréenne et l’Académie des science aient testé des éléments du futur lanceur, suivi quelques jours plus tard d’une visite du dirigeant Kim Jong-un sur le site de lancement de Sohae pour renforcer le caractère stratégique de ce programme, mais également pour annoncer des travaux visant à étendre et améliorer les sites de tirs et d’essais. En décembre 2022, les médias d’état annoncèrent que d’autres essais avaient eu lieu, et que le programme aboutirait en avril 2023.

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Le site de Sohae dispose d’infrastructures de test des différents étages des lanceurs

C’est précisément à cette échéance, le 18 avril, que Kim Jong-un s’est une fois de plus rendu à Sohae, suivi d’une autre le 17 Mai, rapportée par l’agence de presse nationale KNCA, ceci faisant dire aux spécialistes que le lancement du premier satellite espion nord-coréen devrait désormais être proche, sans que l’on puisse anticiper l’efficacité de ce nouveau satellite, ni même sa durée de vie opérationnelle, à supposer que le lancement se déroule comme escompté par Pyongyang. Pour autant, en cas de succès, il ne fait guère de doute que la Corée du Nord exploitera non seulement ce savoir-faire à ses propres fins, mais que le pays tentera également de proposer ces services auprès d’autres pays.

Après les chars, vers une nouvelle cacophonie européenne au sujet des avions de chasse pour l’Ukraine

La livraison d’avions de combat a été l’un des enjeux de la dernière tournée européenne du président Ukrainien Volodymyr Zelensky. Et de fait, le sujet a été abordé aussi bien avec le chancelier allemand Olaf Scholz que le président français Emmanuel Macron et le premier ministre britannique Rishi Sunak. Si ce deux derniers ont d’ores et déjà annoncé être prêts à former les équipages ukrainiens pour piloter des appareils de l’OTAN, ni la France, ni la Grande-Bretagne, pas davantage que l’Allemagne, ne disposent d’avions F-16, ce dernier semblant pourtant avoir les faveurs de Kyiv et surtout de l’OTAN pour soutenir l’Ukraine.

Si la France semble engagée dans un processus autour du Mirage 2000, qu’il s’agisse de modèles -5 ou D en service au sein de l’armée de l’Air, ou de -5 et -9 possiblement négociés par Kyiv auprès de la Grèce ou des Emirats Arabes Unis, le premier ministre britannique, lui, a évoqué dans son allocution la formation d’une « coalition de chasseurs » avec les Pays-Bas, qui eux mettent effectivement en oeuvre des F-16 en cours de remplacement par des F-35A. Quoiqu’il en soit, il semble bien que Rishi Sunak se soit trop avancé pour ce qui concernait Amsterdam, le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, ayant opposé un sévère démenti à la participation de son pays à cette coalition.

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Plusieurs rumeurs font état de la possible acquisition par Kyiv de Mirage 2000-9 des Emirats Arabes Unis avec l’aide de la France. Toutefois, à ce jour, aucune confirmation officielle n’atteste de cette information

Plus précisément, suite à un appel téléphonique entre les deux hommes mardi, le premier ministre britannique avait publiquement annoncé qu’un accord avait été conclu entre la Grande-Bretagne et les Pays-bas pour s’engager dans la livraison d’avions de combat à l’Ukraine. Pour le porte-parole de Mark Rutte, interrogé sur le sujet, si des discussions sur ce sujet ont bien eu lieu, aucun accord concret n’a été formalisé, et encore moins conclu, et l’annonce faite par les autorités britanniques étaient de fait « très largement prématurée », même si les deux chefs d’état européens ont convenu de rester en contact sur le sujet.

Cette cacophonie n’est pas sans rappeler celle qui précéda la livraison des premiers chars de facture non soviétique à l’Ukraine, initiée par la France avec des chars légers AMX-10RC et directement soutenue par la Grande-Bretagne avec des Challenger II, avant qu’une véritable coalition occidentale organisée autour des Leopard 1 et 2 ne se forme et ne se structure. A cette époque, également, les questions des journalistes pressaient à ce point les dirigeants européens que ces derniers prirent parfois quelques libertés avec la position de certains de leurs partenaires, y compris en créant des tensions entre européens.

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L’annonce de la livraison des AMX-10RC français et des Challenger 2 britanniques à l’Ukraine permit de lever le blocage politique pour la livraison de chars lourds et véhicules de combat d’infanterie de conception occidentale à l’Ukraine

Reste que les difficultés rencontrées pour l’organisation de la livraison et la mise en oeuvre de chars et de véhicules de combat blindés occidentaux en Ukraine, ne représentent qu’une infime partie des difficultés liées à la livraison de nouveaux avions de combat, d’autant que passer du Su-25 ou du Mig-29 au F-16 ou au Mirage 2000-5/-9 représente un bond technologique et doctrinal considérable. Si la formation des pilotes est souvent évoquée, c’est surtout l’organisation de la maintenance et la formation des personnels qui l’effectueront qui nécessite beaucoup de temps et de compétences, alors que la protection de la ou des bases aériennes sur lesquelles les appareils seront déployés doit, elle aussi, être très efficacement garantie.

En dépit de ces difficultés, de ce calendrier nécessairement long, et des couacs de communication politique, il semble bien que les européens aient, désormais, dépassé leurs dernières réticences quant à la modernisation de la flotte de chasse ukrainienne, et si l’on en connait pas encore le calendrier, sa dynamique, en revanche, est belle et bien lancée. On notera à ce sujet que contrairement aux chars, aux missiles anti-aériens ou à l’artillerie, les Européens semblent bien, cette fois, agir indépendamment des Etats-Unis, pour qui la livraison d’avions de combat à l’Ukraine n’est pas encore à l’ordre du jour.

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Lundi, le président Emmanuel Macron a confirmé que la France allait livrer à l’Ukraine des missiles SCALP, version française du Storm Shadow livré par Londres

On ne doute pas que les positions britanniques, françaises et allemandes aient été préalablement discutées et avalisées par Washington. Pour autant, les européens semblent bien monter en puissance ainsi qu’en prise de responsabilité dans ce conflit, comme le montre la récente livraison de missiles de croisière Storm Shadow/Scalp de la part de la Grande-Bretagne puis de la France, sans démarche comparable préalable des Etats-Unis.

Les armées danoises choisissent la tourelle Skyranger 30 antiaérienne à courte portée de Rheinmetall

En mars 2021, Rheinmetall présentait pour la première fois publique le système Skyranger, une tourelle à vocation anti-aérienne et anti-drones à courte portée armée soit d’un canon de 35 mm (Skyranger 35) soit de 30 mm (Skyranger 30) pouvant être portée par un blindé moyen comme le Boxer, ou un camion à partir du 6×6.

D’une masse au combat de 2,5 tonnes pour un équipage à 3 personnes, la tourelle Skyranger met en œuvre, outre le canon, un lance-missile anti-aérien pouvant accueillir 4 missiles à très courte portée comme le Stinger ou le Mistral.

Son radar AESA dispose de 5 antennes à face planes permettant de détecter toute menace aérienne dans un rayon de 20 km pour les avions de combat, 10 km pour les missiles de croisière et 5 km pour les drones légers et autres munitions vagabondes.

L’identification de la cible est assurée par une caméra haute définition infrarouge, ainsi qu’une en spectre visible, pouvant être employées soit couplées avec le radar, soit de manière indépendante pour une identification passive, la distance étant alors calculée par un laser.

La tourelle Skyranger 30 accueille un lance-missile quadruple pouvant accueillir des missiles anti-aériens à très courte portée comme le Stinger ou le Mistral.
La tourelle Skyranger 30 accueille un lance-missile quadruple pouvant accueillir des missiles anti-aériens à très courte portée comme le Stinger ou le Mistral.

Ainsi armé, le Skyranger dans sa version 30, peut mettre en place une bulle de protection de 8 à 9 km selon le type de missiles employés. Une seconde bulle de 2,5 km de rayon la complète. Elle est formée par le canon à grande cadence de tir et fort débattement, armé de 1.200 obus de 30 mm de type Airbust dotés d’une fusée de proximité et libérant 160 billes de tungstène projetées à grande vitesse vers la cible.

La tourelle peut également engager des cibles terrestres avec son canon en employant ses systèmes passifs et un télémètre laser dédié à cette fonction.

Enfin, la tourelle dispose d’un blindage STANAG 2 efficace contre les armes légères, pouvant être porté au besoin au niveau Stanag contre les mitrailleuses lourdes et obus légers, ainsi que de deux systèmes d’autoprotection ROSY armés chacun de 9 grenades fumigènes d’obfuscation, et d’une mitrailleuse de 7,62 mm pour la protection rapprochée.

Comme on pouvait s’y attendre, Le système rencontre un réel succès commercial, ayant déjà été choisi par la Bundeswehr pour équiper de 20 à 30 Boxer, ainsi que par la Hongrie qui a signé un Mémorandum of Understanding pour monter le Skyranger 30 armé de missiles Mistral 3 sur plateforme KF-41 Lynx.

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Les tourelles Skyranger 30 acquises par le Danemark seront montées sur des blindés Piranha 5

C’est désormais au tour des armées danoises de se tourner vers le Skyranger 30. En effet, dans un communiqué publié par le Département des acquisitions et de la logistique du ministère de la Défense danois, les armées du pays ont décidé de se tourner vers la tourelle de Rheinmetall pour former la capacité de défense anti-aérienne à courte portée.

Le système allemand a été jugé le plus performant et le plus à même de répondre aux besoins des armées danoises. Si le nombre de tourelles ni le type de missile sol air n’a pas pour l’heure été déterminé, le communiqué précise qu’elles seront montées sur des blindés 8×8 Mowag Piranha 5, dont les armées danoises ont commandé 309 exemplaires à la Suisse en 2017. L’intégration des systèmes sera confiée à la société danoise Terma.

Il est probable que le Skyranger 30 ou 35 rencontrera un important succès dans les mois et années à venir. Non seulement est-il équilibré dans ses performances, suffisamment souple pour armer un grand nombre de plates-formes. Il bénéficie en outre d’une évidente « prime au premier » sur un marché relativement vierge de solutions de ce type, en particulier en Europe.

Malheureusement, l’émergence de ce besoin, pourtant évidente depuis de nombreuses années, n’a pas engendré les développements pour y répondre efficacement, en particulier en France qui portant disposait de toutes les compétences pour concevoir un système similaire il y a déjà plusieurs années.

RCH-155, L52-Radhaubitze : Les Allemands s’enlisent-ils dans la conception d’un canon d’artillerie porté ?

Pour épauler les Pzh 2000 de la Bundeswehr, les industriels allemands ont conçu deux systèmes de canon porté : le RCH-155 de KMW, et le L52-Radhaubitze de Rheinmetall. Toutefois, ces systèmes, aussi évolués qu’ils sont lourds, semblent passer à côté de l’intérêt de ce type de matériel.

Comme nous l’avons déjà abordé à plusieurs reprises, le système d’artillerie porté sur camion CAESAR du français Nexter, fait partie des systèmes d’arme ayant le mieux démontré son efficacité et son concept d’emploi en Ukraine.

En effet, alors que les systèmes d’artillerie automoteurs chenillés comme le Krab polonais ou le M109 américains essuient de lourdes pertes face aux drones et à la contrebatterie russe, les Caesar transmis par la France et désormais par le Danemark, parviennent grâce à leur grande mobilité, à éviter les ripostes menées par les forces russes, tout en assurant des frappes précises et concentrées nécessitant donc moins d’obus pour un effet identique aux systèmes classiques.

Depuis sa première présentation publique en 1994, le CAESAR a d’ailleurs à de nombreuses reprises inspiré le développement de systèmes comparables, comme le PCL-181 chinois, le PULS israélien, ou le Brutus américain. Jusqu’ici, l’industrie allemande s’était tenue à distance de ce concept d’artillerie portée sur roues, lui préférant le modèle chenillé sous blindage plus conventionnel appliqué au Pzh 2000.

Le L52-Radhaubitze de Rheinmetall nécessite un camion porteur 10×10 pour le soutenir, ce qui laisse supposer d'une masse largement supérieure à 40 tonnes.
Le L52-Radhaubitze de Rheinmetall nécessite un camion porteur 10×10 pour le soutenir, ce qui laisse supposer d’une masse largement supérieure à 40 tonnes.

Les limites du Pzh 2000

Si ce dernier fait également la démonstration de son efficacité en Ukraine, il souffre toutefois d’une faiblesse de taille : son prix. En effet, un Pzh 2000 couterait, en données publiques, plus de 16 millions d’euros, trois fois le prix de son homologue français.

En outre, avec une masse au combat de 56 tonnes contre 17 tonnes pour le Caesar, le Pzh 2000 s’avère bien moins mobile, plus complexe d’utilisation et doté d’une consommation de carburant sans commune mesure avec le système français.

C’est pour répondre à ces faiblesses que la Bundeswehr a mandaté ses deux industriels, Krauss-Maffei Wegmann et Rheinmetall, pour concevoir un système d’artillerie portée de 155 mm plus économique et mobile que le Pzh 2000, tant pour renforcer ses propres capacités pour armer de ces systèmes trois bataillons d’artillerie, que pour étendre le catalogue du pays dans ce domaine.

Le premier modèle à émerger fut le RCH-155 (en illustration principale), une tourelle d’artillerie entièrement automatisée armée d’un canon de 155 mm de 52 calibres alimentée de 30 obus, montée sur un blindé Boxer ou sur un camion 8×8.

L’autre système vient d’être dévoilé par Rheinmetall, sous le nom de L52-Radhaubitze (littéralement « Obusier automoteur »), conçu avec l’israélien Elbit, et dont les premiers clichés viennent d’émerger.

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Le Pzh 2000 s’est montré très efficace en Ukraine. Mais il souffre d’une mobilité réduite.

Toutefois, il semble que dans un cas comme dans l’autre, les trajectoires suivies par les industriels allemands passent à côté de ce qui fait le succès opérationnel comme commercial du Caesar.

Le RCH-155 de KMW

Ainsi, le RCH-155 a une masse au combat de presque 40 tonnes, certes 15 tonnes moins élevées que le Pzh 2000, mais tout de même plus de 2 fois supérieures au Caesar, et trop élevée pour un système porteur 8×8 avec une masse par essieu de 10 tonnes.

Par ailleurs, le système de KMW promet d’être particulièrement onéreux, tant il est bardé de technologies avancées lui permettant, selon l’industriel, de faire feu en mouvement pour « éviter les tirs de contre batterie ».

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Le RCH-155 de Krauss-Maffei Wegmann

Bien évidemment, la plus-value qui reste à démontrer de ces capacités entraine un surcout qui, même si le prix du RCH-155 n’est pas publiquement connu, promet d’être considérablement plus élevé que le Caesar, ou que le PULS.

Le L52-Radhaubitze de Rheinmetall

La situation ne semble guère meilleure pour le Radhaubitze de Rheinmetall. Aucune information n’a filtré autour de ce programme, mais les photos publiées suffisent à montrer que le système sera particulièrement lourd. Monté sur un camion 10×10, promettant un véhicule aussi lourd qu’onéreux et peu mobile, il n’affiche que très peu de différences dans ce domaine avec le Pzh 2000 qu’il est censé compléter.

L’argumentaire de l’industriel repose à ce titre sur la grande proximité du système avec le Pzh-2000 auquel il emprunte de nombreux composants dont le canon de 155 mm et de 52 calibres.

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Le Caesar est à la fois très mobile, avec une masse au combat de seulement 17 tonnes, très précis, comme démontré en Irak, au Mali et plus récemment, en Ukraine, et surtout très économique, avec un prix unitaire inférieur à 5 m€.

Pour autant, on peut se demander à quel point, dans ce domaine, les deux industriels allemands n’ont-ils pas échoué à comprendre la réelle plus-value qui fait l’efficacité du Caesar aujourd’hui, qui vise à remplacer l’artillerie tractée par une solution aussi mobile qu’économique et non à concurrencer l’artillerie sous blindage comme le Pzh2000.

On peut dès lors se demander s’il ne serait pas plus efficace, pour la Bundeswehr, d’acquérir trois batteries de Caesar (ou de PULS), plutôt que d’assumer des développements pour le moins contestables ?

Le Patriot PAC-3 américain neutralise la menace du missile Kinzhal au-dessus de Kyiv

Une batterie Patriot PAC-3 protégeant Kyiv est parvenue à intercepter un missile Kinzhal présenté comme hypersonique, venant briser l’aura d’invulnérabilité du système russe.

Il n’y a de cela que quelques semaines, nombre de spécialistes, y compris parmi les plus crédibles dans le domaine, se montraient circonspects quant aux chances que le système anti-missile endo-atmosphérique MIM-104 Patriot dans sa version PAC-3 développé par l’américain Raytheon, puisse efficacement contrer le missile balistique aéroporté 9-S-7760 Kinzhal russe.

D’abord, le système russe était encore perçu comme répondant à la classification hypersonique, avec une vitesse supérieure à Mach 5 et des capacités de manœuvre terminale, le mettant hors de portée des systèmes classiques anti-balistiques qui calculent la trajectoire d’interception sur la base d’une trajectoire balistique conventionnelle.

Ensuite, le Patriot américain n’avait pas démontré, jusqu’ici, une efficacité exceptionnelle, y compris dans ses versions les plus récentes.

Les interrogations sur les performances du MIM-104 Patriot PAC-3

Ainsi, lorsque les armées iraniennes frappèrent les bases aériennes irakiennes d’Al Asad et d’Idlib, ou se trouvaient des éléments américains, et protégées par des batteries de Patriot PAC de l’US Army, ces dernières furent dans l’incapacité d’intercepter les missiles balistiques Fateh 110 employés par Téhéran.

Or, ce missile suit précisément la même trajectoire semi-balistique que le missile Kinzhal russe, et l’Iskander dont il est dérivé. L’annonce, la semaine dernière, de l’interception d’un Kinzhal par la batterie Patriot PAC-3 nouvellement déployée pour protéger Kyiv, avait donc de quoi surprendre initialement.

Toutefois, l’information a rapidement été confirmée tant par l’état-major ukrainien que par leurs alliés américains, venant tailler en brèche l’aura d’invulnérabilité et de wunderwaffen qui auréolait le Kinzhal, et dans le même temps redorer le blason du Patriot.

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En janvier 2020, les batteries Patriot PAC protégeant les bases aériennes irakiennes d’Idlib et d’Al Asad furent dans l’incapacité d’intercepter les missiles balistiques à courte portée Fateh-110 iraniens lancés contre ces bases par Téhéran.

Dans la nuit de lundi à mardi, probablement piquées dans leur amour-propre, les forces russes entreprirent de mener une frappe massive contre Kyiv, probablement pour saturer les capacités défensives ukrainiennes et montrer la vulnérabilité du Patriot.

Des missiles Kinzhal lancés contre Kyiv

Ainsi, selon l’état-major ukrainien, ce furent pas moins de 9 missiles de croisière Kalibr tirés depuis les navires russes en mer Noire, 3 missiles du système S-400 employés comme missile sol sol, ainsi que plusieurs drones Shahed 136 qui furent lancés simultanément contre Kyiv cette nuit, aux côtés de 6 missiles 9-S-7760 Kinzhal.

De toute évidence, il s’agissait pour Moscou, de saturer les capacités défensives de la batterie Patriot PAC-3 protégeant Kyiv, et peut-être même de la détruire, et ainsi remettre le Kinzhal sur son piédestal.

Cependant, les choses ne se sont pas, semble-t-il, passées comme escompté par Moscou. Selon l’état-major ukrainien, avec les réserves d’usage, l’ensemble des missiles et des drones ont, en effet, été interceptés par la défense anti-aérienne protégeant Kyiv, dont la batterie Patriot PAC-3 parvenue à intercepter les 6 missiles 9-S-7760 Kinzhal préalablement lancés par autant de Mig-31K à partir de l’espace aérien russe.

Si les confirmations, notamment alliées, doivent évidemment être attendues, l’hypothèse que le Patriot PAC-3 serait en mesure de neutraliser le Kinzhal, y compris dans l’hypothèse d’une attaque se voulant de saturation, risque fort d’altérer encore davantage l’image construite par la propagande russe autour de ce missile.

Le Patriot PAC-3 a intercepté des missiles Kinzhal lancés à partir de Mig-31K spécialement modifiés

Il reste bien évidemment des questions sans réponse, comme le nombre de missiles employés par la batterie Patriot pour intercepter les Kinzhal, le nombre de missiles restants à disposition des défenseurs ukrainiens comme des agresseurs russes, ainsi que le rapport entre les cadences de production des missiles et leurs couts de part et d’autre, pour évaluer les implications de cette information.

Toutefois, il ne fait aucun doute que, désormais, la réalité de la menace hypersonique russe, agitée par Moscou depuis plusieurs années comme un marqueur de sa supériorité technologique, va sensiblement être altérée, avec des conséquences très sensibles concernant la vulnérabilité supposée des cibles stratégiques en Europe à l’Est de Strasbourg.

Allemagne, France, Italie… : Les européens doivent-ils abandonner l’armée professionnelle ?

Face à la montée en puissance des tensions internationales, au défi posé par certaines grandes puissances militaires et aux difficultés de recrutement rencontrées, le format d’armée professionnelle majoritaire en Europe est-il le plus adapté ?

A la suite de la seconde guerre mondiale, avec l’apparition de la confrontation Est-Ouest et des entités cadres OTAN et Pacte de Varsovie, les pays européens des deux camps s’appuyèrent sur des armées composées en majeure partie de conscrits effectuant un service militaire obligatoire, et encadrés par des militaires professionnels.

Certains pays, comme la France ou la Grande-Bretagne, exposés au delà du théâtre européens, maintinrent des unités exclusivement professionnelles, plus adaptées aux opérations extérieures ainsi qu’aux guerres de décolonisation. Du fait de sa nature insulaire, et de son histoire militaire, Londres abandonna la conscription obligatoire en 1960 pour ne mettre en oeuvre que des armées professionnelles épaulées d’une réserve volontaire.

Pour les autres pays européens, il fallut cependant attendre la fin de la guerre froide et de la menace soviétique. Ainsi, la France suspendit la conscription en 2001, suivie en 2004 par l’Italie, et en 2011 par l’Allemagne. En amont du retour des crises militaires sur le sol européen, seuls quelques pays maintenaient une armée de conscription, dont la Finlande, le Danemark, l’Autriche, la Grèce, l’Estonie et la Suisse.

Depuis, d’autres pays reinitièrent la conscription, dont la Lituanie et la Lettonie, ainsi que la Suède et la Norvège, avec la particularité pour ces deux pays scandinaves, d’une conscription appliquée aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Les autres demeurent aujourd’hui protégés par des armées professionnelles, très souvent de format réduit.

la British army aux Malouines démontrassiez l'efficacité d'une armée professionnelle
Lors de la guerre des Malouines, le corps expéditionnaire britannique composé exclusivement de militaires professionnels, s’est montré considérablement plus efficace que les unités de conscrits argentines déployées par Buenos Aires pour protéger l’archipel.

Il n’y a de cela que quelques mois encore, il semblait acquis que le modèle d’armée professionnelle épaulée de réservistes volontaires était le plus performant et le mieux adapté aux besoins opérationnels du moment. En effet, du fait de la complexité technologique croissante des systèmes de combat, il devenait difficile de former efficacement, sur la durée d’un service militaire, les conscrits pour éventuellement devenir des militaires efficaces.

En outre, l’immense majorité des scénarios d’engagement se situant au delà des frontières des pays européens, le recours aux forces professionnelles ou volontaires s’imposait le plus souvent. Toutefois, l’exemple des armées ukrainiennes composées de conscrits, face aux forces russes composées, aux dires de Moscou, exclusivement de professionnels, tout au moins au début de l’agression, tend à rebattre de nombreuses certitudes dans ce domaine.

Aujourd’hui, il est possible de décomposer les modèles d’armées en 3 grandes catégories. La première, et aujourd’hui la plus répandue en Europe, s’appuie sur des forces exclusivement formées de professionnels et épaulées de réservistes volontaires. C’est le cas de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne mais également des Etats-Unis.

La seconde, à l’inverse, se compose principalement de conscrits effectuant un service militaire, encadrés par des militaires professionnels mais également des conscrits sélectionnés, et formant une importante réserve mobilisable au delà de la période de conscription. C’est le cas de la Suisse, de la Finlande mais également de l’Ukraine.

La troisième, enfin, s’appuie sur un modèle mixte, avec des unités formées de conscrits d’une part, et des unités exclusivement professionnelles de l’autre. C’est le cas de la Russie, mais aussi de la Chine.

Dans cet article, nous étudierons les atouts et contraintes de chacun de ces modèles, de sorte à établir quel serait aujourd’hui le plus adapté à la réalité géopolitique pour les européens.

L’Armée professionnelle : une force surpuissante et souple d’emploi mais onéreuse

Suite à la disparition de la menace soviétique au début des années 90, mais également aux enseignements de conflits déportés, au Koweit d’abord, en ex-yougoslavie ensuite, la majorité des armées européennes abandonnèrent le modèle d’armée de conscription ou d’armée mixte.

En effet, entre le risque alors écarté de devoir affronter les quelques 140 divisions soviétiques en Europe de l’Est, et les difficultés rencontrées par nombre d’armées européennes pour déployer des forces exclusivement professionnelles dans le cadre des actions coalisées, le modèle d’armée professionnelle s’imposa comme une évidence pour la plupart des état-majors sur le vieux continent. Il faut dire que celui-ci ne manque pas d’atours pour séduire militaires et décideurs politiques.

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Les armées françaises sont aujourd’hui composées exclusivement de militaires professionnels et de réservistes volontaires

En premier lieu, il permet de constituer une force armée d’une grande technicité, bien entrainée et équipée, apte à mettre en oeuvre des équipements modernes et sophistiqués, ceci répondant parfaitement à l’évolution des systèmes d’armes ces 40 dernières années.

En outre, l’exemple des armées américaines et britanniques, toutes deux professionnelles, et notamment de leur grande efficacité lors de la guerre du Golfe en 1991, mais également aux Malouines quelques années plus tôt, semblait démontrer que les unités professionnelles se montraient considérablement plus efficaces que les unités formées de conscrits qui leur avaient été opposées, même si elles étaient surclassées numériquement.

Enfin, les difficultés rencontrées par certaines armées européennes, y compris en France avec la Marine Nationale, pour rejoindre les forces coalisées engagées avec des équipages mixtes, finirent de convaincre de l’obsolescence de ce modèle, parfaitement adapté aux scénarios d’engagement extérieurs auxquels devaient répondre les Etats-majors.

Pour autant, le modèle d’armée professionnelles, même épaulé d’une réserve significative, n’est pas sans imposer d’importantes contraintes, en premier lieu desquelles un cout bien plus important à masse égale face à une armée de conscription.

Ainsi, conjointement à la professionnalisation de leurs effectifs, les armées européennes connurent dans le même temps une forte réduction d’effectifs, en hommes comme en matériel, sans d’ailleurs que cela ne s’accompagne par une franche diminution des couts de défense, du fait de soldes plus onéreuses, et d’équipements qui le sont encore davantage du fait de leur complexité technologique.

D’autre part, le modèle est complexe à mettre en oeuvre, notamment pour maintenir une pyramide des grades et des âges respectant les besoins des forces armées. Le recrutement et le maintient des effectifs devint également un très important problème pour les armées professionnelles, celles-ci ayant simultanément perdu le vivier de la conscription pour créer des vocations, tout en s’opposant directement au marché du travail civil.

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Le recrutement est aujourd’hui l’une des plus grandes difficultés rencontrées par les armées professionnelles occidentales

La conjonction de ces facteurs induit la plus grande faiblesse d’une armée professionnelle, son manque de masse. Ainsi, un pays de 69 millions d’habitants avec un PIB de 2500 Md€ comme la France, ne dispose que d’une armée de 200.000 soldats professionnels, alors que la guerre en Ukraine a démontré non seulement qu’un conflit de très haute intensité pouvait durer plus de quelques semaines, mais également que l’attrition en hommes comme en matériels constituait à nouveau une contrainte stratégique dans la conduite des opérations.

Pour y remédier, certains pays, comme les Etats-Unis, s’appuient sur une puissante réserve disposant non seulement de militaires formés mais de matériels performants et même d’unités constituées pouvant au besoin être déployées, de sorte à créer une masse supplétive mais sensiblement moins onéreuse que les armées de métiers qui forment la première ligne.

L’Armée de conscription : la puissance défensive ultime au contrat opérationnel réduit

Longtemps considérée comme obsolète et inadaptée à la guerre moderne, l’armée de conscription fait aujourd’hui l’objet d’un regard nouveau, y compris de la part des armées professionnelles. Et pour cause, les armées ukrainiennes, composées à plus de 85% de conscrits et de réservistes, sont parvenues à résister à la très puissante force d’attaque russe composée, au début du conflit, exclusivement d’unités professionnelles.

Non seulement les ukrainiens parvinrent à s’opposer à l’agression russe, mais ils firent la démonstration, au fil des semaines et des mois, qu’ils étaient capables d’employer des technologies avancées comme les drones, et même des doctrines complexes d’engagement coopératif, donnant de fait une toute autre vision du potentiel opérationnel d’une armée de conscription.

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Les conscrits et volontaires ukrainiens se sont montrés très efficaces face aux armées professionnelles russes

Il faut dire que Kyiv avait su tirer les leçons des échecs de ses armées en 2015 dans le Donbass, en révisant radicalement la formation des conscrits, en renforçant le mécanisme de réserve, et en donnant à tous les conscrits entre 2016 et 2021, soit plus de 650.000 jeunes hommes, l’expérience du combat au travers d’un déploiement de 3 à 4 mois dans le Donbass.

Par ailleurs, les Armées ukrainiennes conservèrent un vaste inventaire de matériels hérités de l’époque soviétique, qui fut maintenu en état de fonctionner en prévision d’une telle hypothèse. De fait, lors de l’assaut russe, les autorités et l’état-major ukrainiens purent rapidement assembler des unités supplémentaires formées de soldats expérimentés et disciplinés, aptes à prendre en charge des missions complexes avec efficacités.

Enfin, au travers de la mobilisation générale, l’état-major ukrainien put rapidement préparer la formation de troupes supplémentaires, aidés en cela par ses partenaires occidentaux, de sorte à créer une masse qui fait jeu égal, et parfois dépasse l’armée russe, avec un budget annuel consacré à sa défense plus de 10 fois inférieur à celui de son adversaire.

Si l’armée de conscription se montre efficace tant pour bâtir de la masse que pour mettre en oeuvre une défense efficace avec un budget réduit, elle ne manque pas, elle aussi, de contraintes. En premier lieu, la réalité de son efficacité dépend en grande partie de l’adhésion de l’opinion publique à sa nécessité et sa capacité à effectivement défendre le pays.

Ainsi, dans de nombreux pays pratiquant la conscription, y échapper est devenu un sport national, voire un marqueur dans la hiérarchie sociale. En second lieu, son efficacité se limite en grande partie à une posture défensive, celle-ci étant par exemple peu adaptée pour constituer des unités destinées à la projection de puissance.

Enfin, quel que soit la qualité des conscrits, certaines spécialités nécessitent des militaires professionnels, la formation nécessaire pour atteindre l’efficacité requise étant trop longue vis-à-vis de la durée de la conscription elle-même.

L’Armée mixte : une approche équilibrée complexe à bâtir

Le troisième modèle d’armée, baptisé armée mixte, repose sur l’utilisation simultanée de forces professionnelles et de conscrits, dans un rapport relativement équilibré. C’est notamment le cas des armées russes ou chinoises, mais également des armées françaises avant 2001, dont la moitié des effectifs était professionnelle et l’autre moitié constituée de conscrits.

Cette approche permet de cumuler les bénéfices des deux précédents modèles, en disposant à la fois d’unités exclusivement professionnelles très réactives et hautement efficaces, et d’unités composées de conscrits encadrées par quelques militaires professionnels et par un encadrement sélectionné issu lui aussi de la conscription, pour créer de la masse et alimenter une réserve mobilisable formée au besoin.

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400.000 conscrits, en grande partie volontaires, rejoignent l’Armée Populaire de libération chaque année, représentant 40% de ses effectifs

Théoriquement, ce modèle apparait comme le plus efficace, offrant à la fois la souplesse opérationnelle professionnelle et les couts plus réduits de la conscription. En outre, il créé un brassage performant entre les armées et la société civile, permettant notamment de faciliter le recrutement des militaires professionnels.

Enfin, comme dit précédemment, il permet de créer une réserve mobilisable beaucoup plus importante que les réserves basées sur le seul volontariat employées en occident. C’est ainsi que la Chine pourrait disposer, au besoin, de plus de 15 millions de réservistes en cas de conflit, et que la Russie entend atteindre un format mobilisable de 5 millions d’hommes dans les années à venir.

Pour autant, ce modèle est complexe à bâtir et à mettre en oeuvre, comme ont pu s’en rendre compte les généraux russes ces derniers mois.En effet, dans ce cas, il est fréquent qu’une partie des régiments, y compris professionnels, soit composée de conscrits effectuant des taches mineures.

Toutes mineures qu’elles puissent être du point de vue militaire, ces taches s’avèrent cependant souvent indispensables au fonctionnement de l’unité, qui se retrouve désorganisée lorsqu’elle doit se déployer sans ses conscrits.

En outre, si l’armée mixte cumule les atouts des armées professionnelles et de conscription, elle en cumule également les contraintes, notamment en créant une certaine hétérogénéité dans les performances et capacités des unités, mais également en privant, à budget donné, chacune des composantes des moyens nécessaires pour atteindre leur plein potentiel.

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Malgré un format d’armée supérieur de 60 % à la British Army, l’Armée de Terre ne parvint à déployer en Irak que 12.000 hommes en 1991 au sein de la division Daguet, contre 29.000 hommes pour la British Army dans le cadre de l’opération Granby

Il est possible d’illustrer ce dernier point par l’analyse du déploiement des forces françaises en Arabie Saoudite dans le cadre de l’opération Desert Strike. Composée de 12.000 hommes, la division Daguet n’était en effet composée que de militaires et d’unités professionnels ou volontaires, mais elle était moitié moins importante en hommes comme en matériels que les 29.000 hommes envoyés par la British Army, alors même que les armées britanniques n’avaient alors que 308.000 hommes dans ses effectifs pour un budget de 43 Md$, contre 550.000 hommes et 38 Md$ pour les Armées françaises.

Conclusion

On le voit, chaque modèle d’Armée présente ses atouts et ses contraintes, et ce de manière bien plus équilibré qu’on ne pouvait le percevoir avant la guerre en Ukraine. Ceci étant dit, les évolutions des menaces géopolitiques, notamment en Europe et dans le bassin Méditerranéen, comme les enseignements de la guerre en Ukraine, tendent à montrer que la masse est redevenue, aujourd’hui, un enjeu majeur pour les armées face à des conflits de haute intensité pouvant être à la fois long et très couteux en hommes et matériels.

Dans ce contexte, le recours systématique, pour les grandes armées européennes, à un modèle d’armées professionnelles, mériterait probablement d’être ré-évalué, notamment face aux difficultés de recrutement que rencontrent ces armées.

Une alternative pourrait également s’appuyer sur une réserve importante comparable à la Garde Nationale américaine, ce qui suppose non seulement des effectifs de réserve, mais également des stocks de matériels pour palier l’attrition au combat ou accroitre la masse disponible, voire de réelles unités constituées de réserve comme c’est le cas outre-atlantique.

Une autre serait de créer un nouveau service militaire basé sur le volontariat, donnant accès à certaines prérogatives par exemple pour rejoindre le service public ou pour obtenir des bourses d’études plus importantes.

Dans tous les cas, le dogme des armées professionnelles omnipotentes répondant à tous les scénario doit, de manière incontestable, voler en éclat, pour une analyse plus pragmatique du format le plus adapté pour répondre à la réalité des menaces présentes et à venir, en Europe et au delà.