Cela n’aura guère trainé. Après l’évocation, par le président français Emmanuel Macron, de la possibilité d’envoyer des troupes européennes en Ukraine, les réactions, souvent peu favorables, se sont multipliées, en Europe, aux États-Unis, mais aussi au sein de la classe politique française. Les seconds couteaux de la communication russe, pour leur part, tentèrent de tourner en dérision la menace.
Ce n’est pas le cas de Vladimir Poutine. Loin de considérer l’hypothèse, ou la France, comme quantité négligeable, celui-ci a vigoureusement brandi la menace nucléaire, contre la France, et surtout l’ensemble de l’Europe, si jamais les européens venaient s’immiscer sur « le territoire russe », sans que l’on sache, vraiment, si l’Ukraine faisait, ou pas, parti de sa conception de ce qu’est le territoire russe, d’ailleurs.
De toute évidence, le président russe est prêt à user de l’ensemble de son arsenal, y compris nucléaire, pour convaincre les occidentaux de se ternir à distance de ce qu’il considère comme la sphère d’influence de Moscou, une notion par ailleurs fort dynamique dans les propos du chef d’État russe depuis 20 ans.
Dans ce contexte, et alors que le soutien et la protection américaine sont frappés d’incertitudes après les déclarations de Donald Trump, la dissuasion française apparait comme le rempart ultime contre les ambitions de Vladimir Poutine en Europe. La question est : est-elle capable de le faire ?
Sommaire
Des menaces de plus en plus appuyées de la part du kremlin contre la France et l’Europe
Les menaces proférées contre l’Europe par Vladimir Poutine ce 29 février, alors qu’il s’exprimait face aux parlementaires russes, constituent, certes, une réponse particulièrement musclée aux hypothèses évoquées par le président Macron en début de semaine. Pour autant, elles sont loin de représenter une rupture dans la position récente russe, et encore moins une surprise.
La menace nucléaire russe agitée depuis 2014 et la prise de la Crimée
Déjà, lors de l’intervention des armées russes en Crimée, en 2014, pour se saisir, par surprise, de la péninsule ukrainienne, Vladimir Poutine avait élevé le niveau d’alerte de ses forces nucléaires, et déployé des batteries de missiles Iskander-M, pour prévenir toute interférence de l’Occident.
Il fit exactement de même en février 2022, lorsqu’il ordonna l’offensive contre l’Ukraine, et le début de la désormais célèbre « opération militaire spéciale », ou специальной военной операции en russe (CBO), en annonçant, là encore, la mise en alerte renforcée des forces stratégiques aériennes et des forces des fusées.
Une réponse ferme de la dissuasion occidentale en février et mars 2022
L’efficacité de cette mesure fut toutefois moindre que lors de la prise de la Crimée, lorsque européens comme américains demeurèrent figés, se demandant qui pouvaient bien être « ces petits hommes verts », qui avaient fait main basse sur ce territoire ukrainien, à partir des bases et des navires de débarquement russes.
En 2022, sous l’impulsion des États-Unis, de la Grande-Bretagne, et surtout des pays d’Europe de l’Est, comme la Pologne et les Pays baltes, l’aide militaire occidentale s’est organisée en soutien à l’Ukraine, avec le transfert d’équipements de plus en plus performants, d’abord des missiles antichars et antiaériens d’infanterie (février 2022), puis des blindés de l’époque soviétique (mars 2022), suivis par les premiers blindés et systèmes d’artillerie occidentaux (avril-mai 2022).
Dans le même temps, les trois nations dotées occidentales, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, répondirent à la mise en alerte des forces nucléaires russes, par le renforcement de leurs propres moyens de dissuasion, dans un bras de fer que le monde n’avait plus connu depuis 1985 et la fin de la crise des euromissiles.
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La dissuasion nucléaire, française ou autre, ne vaut que par la volonté ceux qui détiennent le pouvoir de la mettre en œuvre et leur crédibilité sur le plan international.
D’où la faiblesse des Britanniques soumis au régime de la double clé pour l’emploi de l’arme nucléaire.
Il n’y a pas de double clé dans la dissuasion britannique. C’est un mythe souvent répété, même par des sénateurs, mais qui est totalement faux.
La dissuasion britannique emploie des missiles Trident D5 de Lockheed Martin, mais de manière indépendante. Seuls les britanniques peuvent armer leurs têtes nucléaires, designer leurs cibles, et donner l’ordre de tir. La dissuasion britannique dépend des USA pour entretenir ses missiles, mais c’est tout, et il n’y a absolument pas de double clé. Pour rappel, la composante air de la dissuasion française, repose sur les E-3F Sentry et les KC-315 restant en service, qui, eux aussi, dépendent des États-Unis pour les pièces. Et dans l’aéronavale, elle dépend du E-2C Hawkeye, de Grumman.
D’ailleurs, il n’y pas non plus de double clé pour les B-61 de l’OTAN. Seuls les États-Unis peuvent les armer, et c’est l’OTAN qui désigne les cibles. Les forces aériennes des pays hôtes, ne sont que les porteurs. Au pire, peuvent-elles refuser d’exécuter la mission.
Bonjour,
Merci beaucoup pour votre article qui est très intéressant.
Je me permets la question suivante qui m’intrigue concernant la dissuasion. Vous évoquez à juste titre le concept de la destruction mutuelle assurée. Mais aujourd’hui la technologie anti-missile ( ex : Mamba ou S400) ne vient elle pas altérer le concept de cette destruction « assurée » ?
Merci beaucoup pour votre réponse.
Cordialement
SB
Tous les systèmes antibalistiques, le S400, le SAMP/T Mamba, le Patriot, le THAAD ou l’Arrow 3, ont une enveloppe de tir déterminée. Les S400/Patriot/Mamba/SM6 sont des systèmes endo-atmopshériques, qui ne peuvent intercepter que des trajectoires descendantes, contre des missiles balistiques spécifiques, avec une portée allant de 500 à 1500/2000 km. Les systèmes exo-atmosphériques, comme le S500, le THAAD, l’Arrow 3 ou le SM3, sont capables d’intercepter des cibles balistiques hors de l’atmosphère, avec une latitude allant de 70/80 à 200 km, selon les modèles. Malheureusement, tous ces systèmes se retrouvent en très grande difficulté pour contrer des trajectoires balistiques intercontinentales, des ICBM ou des SLBM. C’est n’est pas impossible, mais il faut que la batterie soit positionnée exactement au bon endroit pour espérer y arriver. Qui plus est, ils doivent lancer plusieurs missiles par ogive. Donc, dans les faits, personne ne considère que les boucliers ABM (antimissiles balistiques), puissent être vraiment efficace contre le tir stratégique. Par contre, ils peuvent l’être contre des missiles de courte portée à moyenne portée (jusqu’à 5 500 km de portée).
Très intéressant.
Merci beaucoup à vous.
SB
La partie russe souffre quand même d’un manque de recul sur le materiel effectivement disponible.
Les coûts représentés par l’entretien de 6000 tetes nucléaires ont raisonnablement peut de chance de rentrer dans le budget global de la Russie. Après si enlever un peu la rouille et les mettre dans un lanceur les rends opérationnels …….
très juste !
Bonjour Mr Wolf.
Comme toujours, une analyse impartiale et objective des puissances affichées et de leurs doctrines respectives expliquées.
L’histoire n’est qu’un éternel recommencement et l’oublier n’est qu’occasion de la voir se répéter. Mon commentaire n’est qu’un lieu commun mais vos réflexions devraient être lues par tant de ces commentateurs et autres « alimenteurs d’informations », non pour faire doctrine mais simplement pour alimenter un certain esprit de synthèse qui permettrait une meilleure lecture d’un avenir tellement incertain (lieu commun vous disais-je plus haut mais nécessaire sûrement….)
Merci encore pour votre site.
JLG
Bonsoir et merci pour ce commentaire, très encourageant )