mercredi, décembre 3, 2025
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L’US Air Force teste le déploiement aérien de mines navales à distance de sécurité

L’US Air Force a testé le déploiement à distance de sécurité de mines navales QS-ER à partir d’un B-52H.

Si une grande partie de l’attention concernant le combat naval moderne se focalise sur l’utilisation de missiles antinavires parfois hypersoniques, l’arme ayant fait, ces dernières décennies, le plus de dégâts tant aux marines militaires que civiles, n’est autre que la mine sous-marine.

Ainsi, depuis la fin de la 2ᵉ guerre mondiale, seuls 4 navires de l’US Navy ont été atteints par des missiles anti-navires, alors que 14 bâtiments ont été endommagés par des mines, quatre navires américains ayant même coulé pendant la guerre de Corée et un durant la guerre du Vietnam.

Si d’importants efforts ont été faits dans le domaine de la détection et suppression des mines sous-marines dans de nombreuses marines mondiales, c’est également le cas dans le domaine des mines elles-mêmes, comme de leur déploiement.

Le déploiement d’un champ de mines navales répond, le plus souvent, à deux priorités. Soit s’agit-il de protéger un espace sous contrôle, soit d’empêcher l’adversaire d’employer des accès ou des infrastructures navales.

Dans ce dernier cas, seuls deux vecteurs peuvent être employés pour y parvenir : les vecteurs sous-marins, qu’il s’agisse de sous-marins ou de drones, ou le vecteur aérien, avions ou hélicoptères.

Toutefois, lorsqu’il s’agit de déployer un réseau de mines au-dessus d’un espace contrôlé par l’adversaire, les bombardiers chargés des imposantes mines se retrouvent vulnérables. C’est ainsi qu’en décembre 1972, un A7 Corsair II de l’US Navy fut abattu alors qu’il effectue une mission de minage du port de Haiphong, au nord Vietnam.

Les A-6 étaient employés pour larguer des mines navales durant la guerre du Vietnam
L’opération Pocket Money de l’US Navy, lancée en mai 1972, permis de bloquer le porte de Haiphong pendant plus de 300 jours à l’aide de mines navales larguées par les A6 et A7 des porte-avions US.

Alors que les moyens anti-aériens ont fait d’immenses progrès depuis lors, il était devenu nécessaire de concevoir une mine navale pouvant être larguée à distance de sécurité et capable de se déployer avec une grande précision, comme c’est le cas désormais de la plupart des munitions air-sol de précision, dites « stand-off ».

C’est précisément ce que vient de démontrer un B-52H Stratofortress de l’US Air Force, en déployant une version inerte de la mine QuickStrike Extended Range (QS-ER) au large de Kauai, à Hawaï.

La QS-ER n’est autre qu’une mine navale Mk64 Destructor de 1000 kg encapsulée dans un système de bombe planante guidée Joint Direct Attack Munition Extended Range, ou JDAM-ER, une munition de précision à guidage Inertiel et GPS dorénavant largement employée par la plupart des avions de combat occidentaux, lui permettant d’être déployée jusqu’à 64 km de la cible en fonction de l’altitude de largage.

La combinaison de la portée et de la précision de la JDAM-ER et des capacités de la Mk64 permettra de déployer des champs de mines avec une grande précision, et être ainsi capable aussi bien d’interdire l’accès d’unités de surface que sous-marine, tout en étend difficile à contrer et même à détecter pour l’adversaire, surtout de nuit.

Ainsi, un B-52H pourrait déployer une douzaine de mines de ce type en un unique passage, de quoi sévèrement handicaper l’efficacité d’une installation portuaire ou pour interdire l’accès à un détroit. Selon l’US Air Force, le système atteindra la certification opérationnelle initiale dès 2024, afin de répondre aux besoins croissants de moyens dans le Pacifique face à la Chine.

independence LCS Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense

Paradoxalement, si l’US Air Force avance rapidement pour se doter de nouvelles capacités de minage, l’US Navy, elle, peine à se doter d’un réel successeur pour ses chasseurs de mines de la classe Avenger entrés en service entre 87 et 94, et dont huit navires sont encore en service. Pour l’heure, la seule alternative repose sur le module de guerre des mines conçu pour les Littoral Combat Ships LCS de la classe Independance, alors que le Congrès a interdit à l’US Navy de retirer du service ses Avenger restant tant qu’une alternative ne sera pas pleinement opérationnelle.

L’Inde relance une compétition taillée pour un Leclerc Mk2 pour remplacer ses T-72

L’Inde et la France peuvent ils collaborer pour developper un nouveau char de combat Leclerc Mk2 dérivé du démonstrateur EMBT ? C’est loin d’être inenvisageable aujourd’hui. En 2015, New Delhi avait lancé une compétition afin de remplacer les quelques 2400 chars de combat T-72 en service depuis le début des années 80. Le cahier des charges alors transmis visait à se doter d’un char de combat moderne d’une masse de 45 à 55 tonnes, armé d’un canon de 120mm ou plus, et équipé de systèmes de visée et de communication modernes.

Du fait de la restriction de masse, certains chars occidentaux comme le Leopard 2 et l’Abrams avaient été exclus, et 4 modèles avaient alors été envisagés : le T-84 Oplot ukrainien, le K2 Black Panther sud-coréen, le T-14 Armata russe et le Leclerc français.

Comme souvent en Inde, cette compétition se perdit dans des considérations politiques et administratives, pour finalement être abandonnée, les autorités indiennes décidant alors de se tourner vers une valeur sure, le T-90S Bishma russe déjà en service dans ses armées.

Depuis, si les relations entre Moscou et New Delhi demeurent actives, les capacités de l’industrie russe ont été lourdement compromises, et ce pour plusieurs années, alors que les T-72 indiens marquent désormais le poids des années.

Dans le même temps, le Pakistan a acquis 300 chars chinois VT4 qui doivent être livrés d’ici la fin de l’année, et la Chine a elle aussi annoncé le développement d’un nouveau char de combat. Il n’est donc guère surprenant de voir New Delhi relancer une nouvelle compétition, sorte de réédition mise à jour de celle de 2015.

T90 bhishma tank Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Après l’abandon du programme de 2015, l’Inde a négocié la construction sous licence de 464 T-90A Bishma

Il est vrai que depuis 2015, le marché du char de combat a considérablement évolué, et a repris des couleurs suite au rôle central que jouent les chars de combat dans le conflit ukrainien.

Et de fait, New Delhi vient d’annoncer un nouveau programme baptisé Futur Ready Combat Vehicle ou FRCV, avec l’ambition de concevoir et construire 1.770 blindés dont 590 dans la première phase, allant du char de bataille au chasseur de chars sur roues, en passant par le blindé du génie, le blindé pontonnier, le blindé de défense anti-aérienne ou de combat d’infanterie.

La première phase du programme, soit 590 blindés, se focalisera sur la conception et fabrication de chars de nouvelle génération produits à 500 exemplaires.

Si la masse visée demeure identique, pour d’évidente raisons liées aux théâtres sur lesquels les blindés pourront devoir évoluer notamment sur les plateaux himalayens, le nouveau char devra être bien plus évolué que celui attendu en 2015, avec notamment, au delà de son armement principal de 120mm minimum, un tourelleau à vocation anti-aérienne d’une portée de 2500 m, un système de protection active de type Hard-kill, ainsi qu’une vétronique et un système de visée et de combat moderne et évolutif, adapté à différents types d’engagement.

Le blindé devra également pouvoir embarquer un sur-blindage actif au besoin, évoluer dans un environnement NBC, et avoir une signature visuelle, thermique et radar réduite de 50% (probablement vis-à-vis du T-72).

T14 Armata lors des tests Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Le T-14 Armata souffrirait toujours de problèmes de fiabilité selon de nombreux échos officieux russes

Si le marché est ouvert à des sociétés étrangères, 70% du blindé devra être produit en Inde, alors que le pays devra disposer de tous les moyens nécessaires pour entretenir et faire évoluer son parc sur l’ensemble de sa durée de vie évaluée entre 30 et 40 ans.

Les industriels ont jusqu’à la fin de l’année pour envoyer leur proposition aux autorités indiennes, alors que l’entrée en service des premiers blindés devra intervenir d’ici 2030. Du fait du marché considérable et probablement unique que représente cette demande, on peut s’attendre à une compétition féroce entre industriels.

A ce jour, 5 modèles de chars pourraient répondre à ce cahier des charges. Le T-84 ukrainien, le T-14 russe, le K2 sud-coréen, le KF-51 allemand ainsi qu’une éventuelle évolution du Leclerc français basée sur le démonstrateur EMBT.

Du fait du conflit en Ukraine et des relations liant Moscou et New Delhi, l’Oplot ukrainien semble exclu. Le T-14, quant à lui, ne parviendrait pas à résoudre ses problèmes de fiabilité selon les échos en provenance de Russie, ce qui en réduit naturellement les chances, d’autant que son acquisition pourrait exposer l’Inde à des sanctions US.

Le KF-51 Panther de Rheinmetall ne manquera pas de tenter sa chance, mais sa masse réelle au combat est encore floue, et risque de venir flirter avec les limites imposées par le cahier des charges. En outre, son avenir est toujours incertain, en l’absence de production industrielle, d’autant que le marché allemand semble devoir lui échapper.

rheinmetall panther kf51 main battle tank 1 Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Il est probable que Rheinmetall tentera de placer son KF-51 Panther en Inde

Le K2 sud-coréen est donc, et de loin, le modèle ayant le plus de chances de s’imposer, le blindé répondant, en de nombreux points, parfaitement au cahier des charges indiens. A moins que la France ne décide de jouer pleinement sa chance avec une évolution du Leclerc, qui pourrait être basée sur le démonstrateur EMBT.

En effet, un char Leclerc monté d’une tourelle EMBT répondrait non seulement à toutes les attentes indiennes, mais pourrait mettre en avant certaines capacités très avancées exclusives, notamment en terme d’évolutivité et d’intégration de systèmes, mais également en terme de puissance de feu, pour peu qu’il s’appuie sur le nouveau canon Ascalon en développement chez Nexter, d’un calibre inégalé de 140 mm.

Reste que si la France peut également s’appuyer sur ses excellentes relations avec New Delhi, en particulier dans le domaine des équipements militaires, l’hypothèse présentée ici est peu probable. En effet, à ce jour, le Leclerc Mk2 n’existe pas, alors que le démonstrateur E-MBT est conçu sur une caisse de Leopard 2.

On peut raisonnablement penser que KMW qui produit la caisse de Leopard 2, et dans une moindre mesure MTU et RENK qui en produisent le moteur et la transmission, seront plus enclins à soutenir une offre basée sur le KF-51 Panther de Rheinmetall, plutôt qu’une offre concurrente de Nexter.

Surtout, il est probable que New Delhi privilégiera un modèle opérationnel et par ailleurs en service au sein des forces armées nationales de son pays d’origine, plutôt qu’un modèle ad hoc.

K2 tout terrain Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
A ce jour, le K2 Black Panther sud-coréen fait figure de favori dans la compétition indienne

Pour autant, c’est précisément là que la France peut trouver une opportunité de taille pour s’imposer dans cette compétition. Comme cela a été déjà abordé sur ce site, l’Armée de terre française va bientôt devoir faire face à de douloureux arbitrages quant à l’avenir de son parc de chars lourds, sur la base du probable report du programme MGCS au delà de 2040.

L’une des alternatives pour Paris pourrait être d’acquérir un char de combat sur étagère, afin de palier ce report. Mais comme nous l’avons établi, cette approche n’est pas dénuée de défauts, en premier lieu desquels une perte de compétences de l’industrie de défense française par manque d’activité dans ce domaine sur une période de plus d’une décennie.

Or, en co-developpant un char de génération intermédiaire avec l’Inde, et en s’engageant à acquérir 150 ou 200 chars produits (à 70%) dans ce pays, Paris pourrait tenir une solution opportune pour permettre de recoller au calendrier MGCS, tout en conférant à l’Armée de terre les chars modernes requis à partir de 2030 pour assurer l’interim jusqu’en 2045 ou 2050, et surtout en conservant et développant les savoir-faire industriels et technologiques sur l’intervalle de temps jusqu’au lancement du programme MGCS.

Ce d’autant qu’il est probable que les recettes budgétaires liées à l’exécution de ce partenariat pourraient fortement réduire voire entièrement neutraliser les surcouts liés à l’acquisition d’un parc de chars de génération intermédiaire, et ainsi en effacer les surcouts sur le budget de l’Etat, conformément à la planification en cours.

la BITD française aurait tout intérêt à co-developer un Leclerc Mk2 avec l'Inde
La compétition indienne pourrait représenter une opportunité unique pour l’industrie de défense française mais également pour l’Armée de terre.

Enfin, du point de vue des relations commerciales et politiques avec l’Inde, une telle approche serait très valorisante pour l’industrie de défense indienne qui, pour la première fois, verrait des équipements majeurs produits dans le pays, employés par une autre armée majeure mondiale, qui plus est par un membre permanent du Conseil de Sécurité. D’un point de vue de l’image, tant sur la scène intérieure qu’internationale, un tel accord serait donc très bénéfique pour les deux parties.

Malheureusement, jusqu’à présent, l’industrie française de défense et les autorités de tutelles, n’ont que rarement montré la souplesse et l’agilité qu’une approche de ce type nécessiterait.

Reste à voir, donc, si Paris saura se saisir de l’opportunité que représente la demande d’information émise par New Delhi, alors que la visite de Narendra Modi en France comme invité d’honneur du défilé du 14 juillet, pourrait être le cadre idéal pour convenir d’un accord bilatéral entre la France et l’Inde dans ce domaine (également).

Les délais et les couts du programme F-35 continuent de glisser dangereusement outre-atlantique

Une nouvelle fois, un rapport du GAO alertes sur les hausses de couts du programme F-35 ces dernières années, ainsi que sur des délais qui glissent de manière inexorable.

Depuis maintenant une dizaine d’années, chaque année, le US Gouvernement Accountability Office, ou GAO, l’équivalent américain de la Cour des Comptes, dresse un rapport inquiet quant aux dérives budgétaires entourant le programme Joint Strike Fighter et l’avion de combat F-35.

Ainsi, à de nombreuses reprises, les experts du GAO ont pointé des dysfonctionnements très nets concernant ce programme, qui de toute évidence bénéficie de passe-droits et d’importants soutiens pour contourner les règles de pilotage budgétaire établis par le Congrès Américain.

Cette année, le nouveau rapport n’a pas dérogé à la règle, pointant notamment une nouvelle augmentation du programme visant à amener le chasseur de Lockheed-Martin au standard Block 4, le premier standard devant atteindre la pleine capacité opérationnelle dans les années à venir.

En effet, selon le rapport du GAO, les couts du programme F-35 pour concevoir et déployer ce nouveau standard, ont une nouvelle fois connu, au cours de l’année, une hausse de 1,4 Md$, pour atteindre 16,5 Md$, soit plus de deux fois le montant investi par Berlin, Madrid et Paris pour étudier et concevoir le démonstrateur du programme SCAF.

La hausse cumulée, vis-à-vis des premières estimations entourant ce standard de 2018, atteint, désormais, 55%, en étant passée de 10,6 à 16,5 Md$ en 5 ans, ce qui, en temps normal, aurait dû déclencher une procédure de régulation Nunn-McCurdy et amener le Secrétaire à la Défense devant le Congrès pour éviter la fin du programme.

Les couts du programme F-35 inquiètent le congrès américain
Les dépassements de budgets et/ou de calendrier excessifs de programmes d’Etat doivent normalement déclencher une mesure conservatoire au Congrès américain, mais l’architecture donnée au programme F-35 permet d’éviter cette menace en dépit de dépassements très excessifs et répétés dans les deux domaines.

Le fait, et comme c’est le cas de tous les éléments du programme F-35 depuis des années, ces programmes sont considérés comme des sous-ensembles du programme principal, de sorte à ramener les hausses qui dorénavant dépassent les 183 Md$ alors que les délais ont, quant à eux, glissés de 10 ans, de manière itérative et non cumulées vis-à-vis du programme dans son ensemble et ses 500 Md$ déjà investis.

Cette forme permit de réduire la dérive budgétaire perçue, et ainsi éviter la régulation du Congrès. À noter que ces coûts sont par la suite répercutés sur les utilisateurs, c’est-à-dire les armées US, mais également les opérateurs étrangers de l’appareil.

Or, ces hausses répétées représentent désormais l’équivalent des acquisitions d’équipements pour armer deux groupes aéronavals complets et deux divisions blindées supplémentaires, alors que, comme nous l’avons vu, le programme F35 présente encore de nombreuses faiblesses, que ce soit en termes de disponibilité et de fiabilité.

Les surcouts à venir, quant à eux, pourraient faire encore largement croitre la note pour le Pentagone, mais également ses clients étrangers, notamment lorsqu’il s’agira de moderniser, d’ici à la fin de la décennie, le turboréacteur F135 pour des appareils qui, pour la plupart, auront moins de 10 ans

De fait, dans ces recommandations, le GAO propose explicitement de cesser de considérer les sous-programmes du F35, et notamment celui concernant la mise à niveau du turboréacteur F135, comme des programmes à part entière, qui seraient de fait soumis aux mêmes critères de surveillance que les autres, afin d’éviter de nouvelles dérives qui seraient « absorbées » par le volume du programme lui-même ?

Par ailleurs, sept recommandations spécifiques, dérivants de ce même principe, ont été émises et ventilées vers le Département de la Défense, et plus particulièrement vers le sous-secrétaire à la défense en charge des acquisitions.

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C’est aujourd’hui bien davantage le poids politique et industriel du programme F35 que ses plus-values opérationnelles qui expliquent le faible niveau de régulation budgétaire entourant ce programme

Reste que, jusqu’à présent, les nombreuses recommandations présentées par le GAO ces dernières années concernant ce programme, ont rarement été suivies d’effets, tant de la part du Congrès, qui dispose encore d’une majorité de représentants et de sénateurs soutenant le programme, qu’auprès du Département de la Défense, lui aussi acquis fait et cause au programme de Lockheed-Martin, à l’exception près de l’épisode Will Roper, il y a quelques années. Il est donc peu probable que les recommandations faites cette année soient suivies d’effets.

Au regard des sommes déjà investies, et du poids politique qu’a pris le programme F-35 sur la scène internationale, celui-ci est désormais « Too Big to Fail », selon la formule consacrée anglophone. Pour autant, il semble bien qu’il soit à présent un handicap des plus sévères sur la reconstruction et la modernisation des armées US face à une Chine qui, de son côté, n’est pas entravée par de telles considérations, et qui concentre ses ressources sur les programmes offrants le meilleur rapport performances investissements.

L’Ukraine assemble-t-elle une brigade de rupture pour son offensive à venir ?

Cela fait maintenant plusieurs semaines que bon nombre de commentateurs occidentaux attendent le déclenchement de la fameuse contre offensive de printemps ukrainienne contre le dispositif russe. Pour autant, celle-ci tend à se faire attendre. Et le service d’analyse et d’information Janes a peut-être mis le doigt sur les raisons de ce délais. En effet, dans un brève, le site a annoncé avoir obtenu certaines informations à ce sujet à l’occasion du salon International Defence and Security Technology Fair (IDET) 2023, qui s’est déroulé il y a quelques jours à Brno, en République tchèque.

Selon ces informations, l’Etat-major ukrainien attendrait que les 50 véhicules de combat d’infanterie CV90, la dizaine de chars Leopard 2A5 et la dizaine de systèmes d’artillerie Archer offerts par la Suède soient opérationnels, pour déclencher cette offensive. Et d’ajouter que la Suède aurait entrainé 3000 à 5000 soldats ukrainiens, soit les effectifs d’une brigade, pour mettre en oeuvre ces matériels. Dans les faits, une brigade ainsi constituée, constituerait de fait une force de rupture d’une grande efficacité pour percer les lignes défensives russes, et permettre aux autres unités, moins lourdement dotées et protégées, d’exploiter par la manoeuvre la brèche ainsi créée.

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Stockholm a annoncé avoir offert à Kyiv entre 8 et 12 systèmes d’artillerie Archer de 155 mm

Pour autant, il serait probablement erroné de penser que l’état-major ukrainien ne se serait doté que d’une unique brigade de ce type. En effet, à ce jour, Kyiv a perçu une centaine de chars lourds modernes Leopard 2 et Challenger II, ainsi qu’un bon nombre de véhicules de combat d’infanterie modernes comme le Bradley, pouvant être épaulés de systèmes d’artillerie performants comme le CAESAR (6×6 et 8×8), Pzh2000 et autres Krab. Qui plus est, ces équipements n’ont pour l’heure pas été aperçus dans des engagements majeurs sur la ligne de front, ce qui laisse supposer qu’ils sont effectivement en position d’attente au sein d’unités constituées en vue de cette offensive à venir.

Les dotations disponibles laissent donc penser que Kyiv pourrait déjà disposer de deux brigades de rupture constituées, et attendrait qu’une troisième unité de même type soit prête à l’engagement pour entamer la phase majeure de cette contre-offensive que se veut stratégique. A voir désormais si cette force de rupture sera employée de manière concentrée pour créer une dislocation de la ligne de défense russe suffisamment large pour y déverser les unités de manoeuvre ukrainiens qui viendront prendre à revers les unités adverses, ou si l’état-major ukrainien veut créer plusieurs fronts de sorte à diviser la réponse potentielle de son adversaire russe.

Leopard2 Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
La Pologne a envoyé 10 Leopard 2 en Ukraine

Une chose est certaine désormais : les armées ukrainiennes disposeront, dans les jours et semaines à venir, d’une puissance de feu et d’une capacité offensive sans commune mesure avec les moyens dont elle pouvait disposer jusqu’à présent. La question de savoir si l’attrition de ces derniers mois, n’aura pas de trop entamé ses forces expérimentées, pour pouvoir en exploiter le plein potentiel. Si l’on en croit les bribes de commentaires des instructeurs militaires européens ayant entrainés les forces ukrainiens qui leurs ont été confiées, la determination et la motivation, elles, étaient là, ceci ayant permit d’exécuter en quelques semaines des programmes de formation de plusieurs mois.

Quelles sont ces quatre alternatives au positionnement GPS que développent les armées dans le monde ?

De tout temps, la communication et la navigation ont été au cœur de la manœuvre militaire, de sorte à coordonner l’action et le déplacement d’unités distantes. Des cartes sommaires, signaux sonores et drapeaux employés dès l’Antiquité, les armées ont évolués vers des systèmes de plus en plus performants et précis, susceptibles d’amener l’effet attendu à l’instant voulu, et ainsi d’en démultiplier l’efficacité.

Dans le domaine de la navigation, l’invention du Global Positioning System, ou GPS, au début des années 70, basé sur un signal de position triangulé à partir d’au moins 4 des satellites évoluant à 20 000 km au-dessus de la terre, et sur la précision des nouvelles horloges atomiques, a représenté une révolution considérable dans la conduite des actions militaires initialement, puis dans l’émergence d’armes de précision employant, elles aussi, ce signal pour atteindre leur cible avec une précision métrique.

Le positionnement GPS étant devenu une composante clé pour les armées, il était prévisible que d’autres pays, ou groupes de pays, développeraient, eux aussi, des solutions similaires. Mais également que tous tenteraient de priver l’adversaire de ce signal, et de sa précision.

Le GPS s’est imposé dans de nombreux domaines militaires

Ce fut le cas du système GLONASS russe qui entra en service au milieu des années 90, du système chinois BeiDou, au début des années 2000, ainsi que du système européen Galileo, à partir du milieu des années 2010.

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La Russie a développé une vaste panoplie de systèmes visant à brouiller ou à faire dériver (on parle de spoofing) le signal GPS

En effet, contrôler l’ensemble des technologies, et notamment les satellites eux-mêmes, permet à leur propriétaire, et donc à leurs armées, d’en restreindre l’utilisation ou la précision pour d’autres opérateurs, voire d’employer des variations plus précises et plus résistantes au brouillage, comme c’est le cas du signal GPS employé par les forces armées américaines et leurs alliés des 5 Eyes.

Surtout, nombre de ces pays entreprirent de développer des capacités visant à priver l’adversaire de l’utilisation de leurs propres systèmes. La Chine, et davantage la Russie, ont ainsi développé plusieurs technologies pour opacifier un espace donné au signal GPS par l’utilisation d’un intense brouillage électromagnétique, mais également à en réduire la précision, en employant des signaux parasites engendrant une dérive des récepteurs, celle-ci pouvant se compter en kilomètres. On parle alors de spoofing.

Si, comme dit précédemment, les États-Unis ont développé des variations du signal GPS plus résistantes au brouillage et au Spoofing, les utilisateurs secondaires n’en sont, en règle générale, pas dotés.

Ceci explique, notamment, les rapports faisant état d’un certain manque d’efficacité des roquettes Ground-Launched Small Diamètre Bombs ou GLSDB employés par les Ukrainiens ces derniers mois, qui exploitent, dans la version transmise à Kyiv, une version du GPS, moins résiliente au brouillage et au Spoofing, que ceux employés dans les systèmes d’armes des armées américaines. On ignore, toutefois, si cette résistance est suffisante pour passer outre le brouillage russe ou chinois.

Tornado navigation cockpit scaled Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Le Panavia Tornado disposait, à son entrée en service, d’un système de navigation très performant alliant une centrale inertielle, un radar de suivi de terrain et un système de défilement de carte automatique, permettant à l’appareil d’évoluer à très basse altitude et haute vitesse avec une faible visibilité.

De fait, bien que les systèmes de positionnement par satellite se retrouvent désormais dans l’immense majorité des systèmes d’arme modernes, les grandes armées mondiales ont également entrepris de développer des solutions de positionnement alternatives au GPS, au-delà de la navigation inertielle, leur permettant d’opérer avec précision au-dessus ou dans un espace pour lequel le signal serait inaccessible, ou incohérent, sans en revenir au fameux triptyque 3C : Carte, compas et chronomètre, efficace, mais autrement complexe et difficile à mettre en œuvre.

Ces technologies sont aujourd’hui au nombre de 4 : la navigation céleste, la navigation visuelle assistée, la navigation par signaux d’opportunités et la navigation magnétique.

La Navigation céleste face au GPS

Les étoiles, dont la trajectoire est connue et prévisible, ont été employées pour naviguer depuis l’aube de l’humanité, quand les premiers hommes comprirent que le soleil se levait au même endroit, et se couchait au même endroit tous les jours, tout au moins dans la perception de l’époque.

Durant l’Antiquité, les astres étaient fréquemment employés pour se repérer et naviguer, notamment sur les mers, à l’aide d’instruments sommaires qui donnèrent naissance à l’Astolab puis, bien des siècles plus tard, au sextant.

Cette technologie, qui peut sembler archaïque et peu précise de prime abord, est pourtant employée aujourd’hui de manière intensive et très précise pour la navigation spatiale, qu’il s’agisse des satellites, des sondes ou des véhicules spatiaux. Surtout, elle est mise en œuvre par la plupart des missiles balistiques stratégiques pour assurer le transit et la précision des frappes.

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Comme de nombreux autres missiles balistiques à longue portée, le M53 qui arme les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins français, emploient un système de navigation céleste

Fondamentalement, à l’aide d’une carte du ciel, d’un chronomètre et d’un outil pour calculer l’élévation des astres, il est possible d’obtenir une position très précise sur l’ensemble de la planète, et même au-delà. Toutefois, elle n’est pas dénuée de certaines limites, la première et la plus évidente d’entre elles, étant sa dépendance à la nébulosité pour pouvoir viser les astres employés pour établir la position.

Si, une fois associée aux technologies modernes, elle s’avère efficace pour les appareils opérant à haute altitude, pour lesquels la météo est très rarement un facteur, elle se dégrade rapidement dès que l’altitude diminue, ce qui en fait un outil secondaire efficace, par exemple, pour valider les données reçues par le GPS, mais dont l’efficacité ne peut pas être garantie dans le temps.

Une solution à ce problème a été développée ces dernières années, basée sur la détection des rayons X émis par les Pulsars connus de la voute céleste. Si, théoriquement, cette technologie devrait permettre de passer outre les problèmes de nébulosité, sa précision, aujourd’hui, est encore insuffisante, de l’ordre de 5 km, pour une utilisation militaire opérationnelle, en dehors de la navigation spatiale.

La navigation visuelle assistée ou Odométrie

Jusqu’il y a peu, les pilotes de chasse menant des missions de pénétration à basse altitude, employaient, comme dit précédemment, une méthode basée sur une carte précise, un compas et un chronomètre, ainsi qu’une bonne dose de calcul mental.

L’entraînement intensif donné aux pilotes à cette époque leur permettait de transposer leur vision des points de repères géographiques qu’ils pouvaient percevoir autour d’eux, sur la carte de navigation tactique, alors que compas et chronomètre, leur permettaient d’anticiper leur trajectoire.

Aujourd’hui, la navigation visuelle assistée, également baptisée l’odomètrie, repose sur la même méthodologie, mais remplace la carte papier, ainsi que les yeux et la capacité cognitive du pilote, par un système numérique associant des cartes numérisées, des capteurs optiques, ainsi qu’une centrale de traitement et de navigation contrôlée par une centrale inertielle de navigation.

Fondamentalement, cette technologie n’apporte que peu de plus-value de navigation vis-à-vis de la méthode traditionnelle, et souffre même des mêmes limitations. Ainsi, en l’absence de points de repères visuels, la navigation visuelle assistée devient rapidement imprécise, ne pouvant se recaler sur des positions factuelles. Elle apporte toutefois deux plus-values opérationnelles de premier plan.

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Le Gripen E de Saab emporte un système de navigation par odomètrie conçu par Maxar Technologies, et reposant sur une caméra et un système de cartographie 3D fusionnés pour établir la position de l’appareil en environnement dépourvu de signaux GPS fiables.

Pour les avions de combat, elle décharge le pilote d’une tâche extrêmement lourde et complexe, de sorte à pouvoir se concentrer sur la conduite de mission, et donc de bien mieux anticiper les évolutions du contexte opérationnel.

Surtout, elle permet de conférer à des équipements sans pilote, comme les missiles, des capacités de navigation similaires. C’est notamment le cas du missile SCALP/Storm Shadow qui fait aujourd’hui les gros titres en Ukraine.

Reste que cette technologie, si elle peut représenter une solution alternative à la navigation GPS en cas de brouillage, voire permettre de détecter une tentative de spoofing en corrélant les informations visuelles observées et les informations de positionnement du GPS, n’en est pas moins dénuée, elle aussi, de certaines limitations.

Ainsi, l’impératif de devoir s’appuyer sur des repères visuels suppose leur existence, ou de pouvoir les percevoir, ce qui peut s’avérer impossible au-dessus de l’océan, ou en cas de forte nébulosité, même si l’utilisation de radar de suivi de terrain permet de palier ce dernier point tout en éliminant la discrétion de la pénétration à très basse altitude puisque l’appareil devient émitif.

La navigation par signaux d’opportunités

Les conditions météo ayant, de tout temps (jeu de mot), été une entrave à la navigation aérienne ou navale, les ingénieurs développèrent, dès le début du siècle précédent, des systèmes de radionavigation permettant de déterminer, avec plus ou moins de précision, un azimut vis-à-vis d’un émetteur, voire une distance ou une trajectoire.

Ces systèmes sont aujourd’hui au cœur de la navigation aérienne et spatiale, alors que de nombreuses balises sont reparties sur la planète pour en accroitre l’efficacité.

Toutefois, en cas d’engagement militaire, ces systèmes sont trop vulnérables pour représenter une solution efficace de navigation. En revanche, ces dernières décennies, de nombreux autres émetteurs électromagnétiques ont été déployés sur la planète, notamment pour transmettre les signaux de télévision et de la téléphonie mobile.

BAE Systems NAVSOP e1685541445153 Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Dès le milieu des années 2010, le britannique BAe développait un système de navigation par signaux d’opportunités ou NAVSOP

La navigation par signaux d’opportunités s’appuie, à l’instar des systèmes de radar passifs, sur l’utilisation de ces signaux pour déterminer sa propre position, et ce, de manière passive.

Le fait est, en connaissant la position exacte et les fréquences des émetteurs déployés sur un territoire, et en enregistrant l’azimut de plusieurs de ces émetteurs, il est possible de déterminer de manière relativement précise sa propre position, et même son vecteur vitesse et son altitude.

Cette technologie a de nombreux atouts, la première étant de permettre une navigation passive et précise au-dessus d’un territoire sans être exposé à des risques de spoofing ou de brouillage, sauf à couper les signaux de ces stations émettrices, par ailleurs employées par de nombreux services critiques.

En revanche, comme la navigation visuelle assistée, elle suppose d’évoluer à proximité d’émetteurs actifs, ce qui est plutôt rare au-dessus des océans ou de zones inhabitées, d’autant que la précision repose sur le nombre d’émetteurs identifiés simultanément.

Toutefois, à l’instar des radars passifs, elle offre une solution de positionnement complémentaire pour établir sa position, qui a l’avantage d’être indépendante de la nébulosité, et qui s’avère relativement simple et compacte à mettre en œuvre du point de vue technique.

La navigation magnétique

La dernière alternative à la navigation GPS est également aujourd’hui la plus récente et la plus prometteuse. À l’instar de la navigation visuelle assistée, la navigation magnétique s’appuie sur une carte.

Mais pas une carte topographique, une carte des champs magnétiques terrestres. Associée à un galvanomètre de grande précision, et pour peu de disposer d’une carte précise et à jour de l’espace dans lequel l’appareil évolue, il est donc, théoriquement, possible de déterminer sa position et son vecteur vitesse avec une grande précision, suffisante pour représenter une véritable alternative à la dépendance au signal GPS.

Magnetic Navigation C17 Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Le 26 mai 2023, l’US Air Force et le MIT réalisait le premier vol d’un C17 contrôlé par une navigation magnétique

Pour autant, de la théorie à la pratique, la route est longue et ardue dans ce domaine. Un projet de ce type, conjointement développé par le MIT et l’US Air Force, a toutefois permis d’effectuer un premier vol d’un C17 basé uniquement sur cette technologie.

Pour y parvenir, les équipes américaines ont fait appel à une importante dose d’Intelligence Artificielle et de Machine Learning concentrée dans une mallette de détection qui a fait de nombreux déplacements ces derniers mois pour cartographier magnétiquement la zone, et ainsi alimenter le système de navigation déployé sur l’avion de transport de l’US Air Force.

Reste que, là encore, l’applicabilité de cette technologie est limitée. Elle permettrait, de manière évidente, de palier l’absence de repères visuels ou de balises émettrices qui font défaut à la navigation navale ou aérienne au-dessus de l’océan ou de zones faiblement peuplées.

Elle a également l’intérêt d’être passive, et peu sujette au brouillage. En revanche, son prérequis, à savoir de disposer d’une cartographie précise du champ électromagnétique terrestre au-dessus d’une zone hostile, sera loin d’être simple à obtenir, d’autant que le champ magnétique terrestre est évolutif.

Conclusion

On le voit, les armées, si elles ont massivement intégré la navigation satellite dans leurs doctrines, n’en ont pas moins pris conscience des limites et de la vulnérabilité de ce système, et développent activement, parfois depuis des décennies, des technologies alternatives pour prendre son relais en cas de signal compris.

Pour autant, aucune de ces technologies n’est, par elle-même, une alternative potentiellement universelle à la navigation satellite, toutes ayant leurs atouts et inconvénients ou limitations propres.

Il est probable que, dans un avenir proche, ces technologies commenceront à être déployées dans les armées et leurs systèmes d’armes, et ce, de manière redondante, de sorte à vérifier la cohérence du signal GPS et, le cas échéant, de le suppléer.

Il ne s’agit donc pas, à proprement parler, de réelles alternatives à la navigation satellite, mais à des systèmes redondants et complémentaires pour en détecter et palier la défaillance, plutôt que de le remplacer.

Comme les centrales inertielles n’ont pas remplacé la radionavigation, et le GPS n’a pas sonné le glas des centrales inertielles, ces technologies vont venir accroitre et renforcer l’offre de navigation opérationnelle disponible pour les armées et leurs systèmes d’armes, de sorte à en garantir, autant que faire se peut, l’efficacité et la précision.

Le BND, les services de renseignement allemands, estime que la Russie peut poursuivre la guerre encore longtemps

Le BND, par la voix de son président Bruni Kahl, estime que la Russie est en capacité de poursuivre la guerre pour de nombreux mois, voire de nombreuses années.

Le déclenchement de l’offensive russe a pris par surprise de nombreux services de renseignement en Europe, y compris en France, Ce dernier ayant affaibli son dispositif de renseignement en Russie pour se concentrer sur la menace terroriste, ne pouvait dès lors s’appuyer que sur le renseignement technologique pour se faire une opinion.

Il est vrai que, pour beaucoup de spécialistes du sujet en amont du 24 février, si une offensive russe contre l’Ukraine était probablement vouée au succès, elle engendrerait des pertes à ce point importantes et une réaction internationale déterminée que très peu s’aventuraient à penser que Vladimir Poutine puisse commettre une telle erreur de jugement.

Ce ne fut pas le cas du Bundesnachrichtendienst, ou BND, le service de renseignement fédéral allemand. En effet, à l’occasion d’un événement organisé par l’Académie fédérale de politique de sécurité le 22 mai, son président, Bruno Kahl, a donné des détails sur le rôle de son service autour de ce conflit. Ainsi, selon Mr Kahl, le service allemand avait annoncé l’imminence d’une offensive russe deux semaines avant le début des opérations russes en Ukraine, sans pour autant s’aventurer à donner une date exacte.

Le BND estime que l'industrie russe peut soutenir l'effort de guerre russe en Ukraine
Le début des frappes russes contre l’Ukraine, le 24 février 2022, ne fut pas une surprise pour le BND qui maintint après la guerre froide un dispositif de renseignement humain en Russie

Le BND estimait en effet, contrairement aux Britanniques et Américains, que la décision de l’offensive serait effectivement prise de manière individuelle et, pour ainsi dire, arbitraire, par le président russe, rendant impossible de donner une date précise. Et de rappeler, à ce titre, que les anglo-saxons s’étaient trompés par 2 fois avant de donner la bonne date, quelques jours seulement avant le 24 février.

Pour obtenir ce résultat, selon Bruno Kahl, le BND a mis en place un important réseau de renseignement humain en Russie, lui conférant une compréhension efficace des évolutions en cours au sein du Kremlin comme des Armées et de la société du pays. De toute évidence, ce dispositif de captation de renseignements reste en place et efficace aujourd’hui, permettant au BND d’avoir une vision relativement claire des rapports de forces dans le pays, et donc de leur influence sur la conduite de la guerre.

Ainsi, pour le service allemand, rien n’indique, à ce jour, que la détermination du Kremlin à poursuivre la guerre contre l’Ukraine soit altérée, ni que le pouvoir de Vladimir Poutine qui tient fermement les rênes du pays, soit en quelques manières menacées. Si un bouleversement au plus haut de l’État russe ne peut être exclu à ce jour, rien ne permet, pour le BND, de l’anticiper, même si des voix souvent disparates et isolées s’élèvent contre la poursuite de cette guerre.

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Les occidentaux doivent s’attendre à une guerre qui pourrait durer en Ukraine selon le BND, et donc à soutenir encore longtemps l’effort de défense ukrainien

Surtout, le service allemand estime aujourd’hui que la Russie est en mesure de poursuivre la guerre pour encore de nombreux mois, sans que cela vienne menacer la structure de l’état. En outre, rien n’indique que le Kremlin puisse effectivement rencontrer de sérieuses difficultés pour recruter pour ses forces armées, et poursuivre son effort de guerre, y compris industriel.

Et de conclure que les occidentaux, et plus particulièrement les européens, doivent se préparer à soutenir l’Ukraine pendant toute la durée de ce conflit qui peut s’étendre, faute de quoi la stratégie de Vladimir Poutine d’une guerre longue basée sur le pari d’une érosion du soutien occidental face à une Ukraine qui, sans cela, serait rapidement exsangue, pourrait bien se trouver couronner de succès.

Le F-35 serait une bombe à retardement budgétaire pour les armées européennes

Ces dernières années, et à quelques exceptions près, l’avion de combat F-35 de l’américain Lockheed Martin s’est imposé auprès de la plupart des forces aériennes européennes dans le cadre de leur modernisation.

Furtif, connecté et doté de senseurs surpuissants, le Lightning II a ainsi convaincu, à ce jour, pas moins de 10 forces aériennes européennes (Allemagne, Belgique, Danemark, Finlande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Royaume-unis et Suisse), alors que quatre autres ont annoncé leur intention de le faire (Grèce, Espagne, République tchèque et Roumanie), faisant de l’appareil un standard de fait pour la chasse européenne.

Toutefois, de récentes révélations indiquent que les couts de possession du chasseur furtif de Lockheed Martin, dépasseront de beaucoup les seuils annoncés, notamment lors des compétitions internationales qu’il a remportées systématiquement, au point de menacer, d’ici à quelques années, les équilibres budgétaires de nombreuses forces aériennes en Europe.

Le F-35, un avion conçu pour séduire et s’imposer sur le marché

Il faut dire que l’appareil ne manque pas d’argument pour convaincre. Appartenant à la très médiatique bien que contestable 5ᵉ génération de combat, il dispose de capacités jusque-là inaccessibles aux autres appareils du moment, notamment les Saab Gripen, Eurofighter Typhoon et Dassault Rafale, comme une importante furtivité et une très puissante fusion de données lui conférant des capacités opérationnelles sans équivalent, notamment pour évoluer face à des défenses anti-aériennes modernes.

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Des 3 modèles d’avions de combat européens disponibles aujourd’hui, seul le Rafale est parvenu à s’imposer en Europe ces dernières années en Grèce et en Croatie.

En outre, l’avion de combat ayant été acquis par 3 des 4 forces armées US, l’Air force, la Navy et le Corps de Marines, pour plus de 2300 exemplaires, son avenir et sa pérennité sont garantis sur les décennies à venir. Le Lightning II présente également un prix d’appel attractif, évoluant dans la même catégorie de prix que le Rafale autour de 90 m$ en condition de vol.

Enfin, il a bénéficié d’un appui sans faille du Département d’État et du Pentagone, alors que plus que jamais, les États-Unis apparaissent comme les garants de la sécurité européenne.

Dès lors, et en dépit des nombreuses protestations françaises quant à la menace que représenterait l’appareil de Lockheed sur l’avenir de l’industrie aéronautique, et donc de l’autonomie stratégique européenne, son succès était pour le moins attendu et prévisible.

Pour autant, et sans entrer dans le débat consistant à savoir si l’appareil est ou n’est pas effectivement aussi performant, du point de vue opérationnel, qu’anticipé, il pourrait bien représenter une menace colossale pour les armées européennes dans les années à venir.

Non pas par l’apparition des systèmes susceptibles de détecter les avions furtifs et qui le priveront de son principal atout, et pas davantage concernant la dépendance sévère non seulement aux États-Unis, mais surtout à Lockheed Martin que le système de l’appareil impose à ses utilisateurs. Le véritablement danger à venir, serait en réalité budgétaire.

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Les F-16 de l’US Air Force, pourtant âgés en moyenne de 31 ans, ont un cout à l’heure de vol plus de 2 fois moins élevé que le F-35A

Le prix réel de l’heure de vol du F-35 s’approcherait des 50.000 $ aujourd’hui

Le sujet a été démontré par une étude simultanément très documentée et parfaitement argumentée, menée par un auteur grec dans un article publié sur le site Belisarius dédié aux questions de défense de ce pays en perpétuelle compétition avec son voisin turc.

L’article montre, en effet, que les couts à l’heure de vol du F-35 dans sa version A majoritairement acquise par les forces aériennes européennes, s’approche désormais du seuil des 50.000 $, alors qu’à périmètre strictement identique, le F-16 C/D, quant à lui, demeure sous la barre des 25.000 $.

En effet, selon plusieurs études et projections réalisées par des instituts parfaitement neutres, comme le GAO américain (équivalent de la Cour de Compte en France), le prix d’une heure de vol dépasse déjà aujourd’hui les 38.000 $ (contre 22k$ pour le F-16), alors que l’âge moyen de la flotte US n’est qu’à peine supérieure à 3 ans, et que de nombreuses évolutions onéreuses à venir se profilent, comme pour le turboréacteur F-135 ou le passage au standard Block 4.

Le prix à l’heure de vol de 36.000 $ du F-35, était exprimé en $ 2012

À ce titre, en mars de cette année, l’audition du Lieutenant-général Michael Schmidt, qui dirige le programme F-35 pour le Pentagone, par le sous-comité des forces aériennes et terrestres du Comité des forces armées de la Chambre des Représentants du Congrès US, permit de détailler encore davantage ces couts.

Selon l’officier général américain, le prix à l’heure de vol aujourd’hui du F-35, toute version confondue, atteint 36.000 $, exprimés en $ 2012, soit près de 46.000 $ en $ 2023. Rappelons que Lockheed Martin s’était engagé il y a quelques années, face à une volée de critiques quant aux couts de possession de son appareil, à atteindre « rapidement », un cout à l’heure de vol de 25.000 $ jusqu’en 2025, exprimés en $ 2012.

Sur sa durée de vie, le F-35 coutera deux fois le prix d’un Rafale ou d’un Typhoon

Non seulement le programme en est très loin, et même 45% trop loin, mais la crise inflationniste de ces dernières années a considérablement accru la pression budgétaire qu’il exerce sur les budgets des armées qui le mettent en œuvre.

HMS Queen Elizabeth F35B Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
La version à décollage et atterrissage vertical ou court, le F-35B, est le seul appareil capable d’être mis en oeuvre à partir de porte-avions sans brins d’arrêt

En effet, en tenant compte des couts d’acquisitions réels facturés par Lockheed Martin, et des couts de possession sur la base d’une heure de vol à 50.000$, l’acquisition-possession d’un unique F-35A dépassera le demi-milliard de dollars US sur 20 années, soit plus de deux fois le prix d’un F-16V, Gripen ou Rafale.

Cette pression budgétaire en devenir inquiète depuis de nombreuses années outre-atlantique, y compris au sein de l’US Air Force, qui craint de devoir sensiblement diminuer ses investissements à venir pour le renouvellement de sa flotte, simplement pour financer l’utilisation de sa flotte de F-35.

Mais le problème pourrait être bien plus désastreux pour les forces armées européennes, notamment celles de pays consacrant déjà une importante part de leur PIB à leur défense, et qui seront, de fait, dépourvus de marges de manœuvre budgétaires pour absorber de tels couts.

C’est évidemment le cas de la Grèce, qui entend commander une vingtaine de F-35A devant être livrés à partir de 2029, et qui consacre déjà plus de 3% de son PIB à son effort de défense.

Trois F-35A coutent autant qu’une frégate FDI sur la durée de vie des équipements

En effet, les couts de 3 F-35A hors munitions sont équivalents, sur la durée de vie des appareils, à ceux d’une frégate moderne comme la FDI, munitions incluses, ou à une centaine de chars lourds modernes comme le Leopard 2A8. Rappelons qu’à budget fixe, les couts de l’un se font nécessairement au détriment d’autres programmes.

La question, posée par l’article en référence, est donc de savoir si l’arbitrage en faveur des F-35A d’Athènes se justifie d’un point de vue de la plus-value militaire attendue ?

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Pour la défense grecque, les couts de 3 F-35A seront équivalents, sur 20 ans, à ceux d’une frégate comme les FDI HN en cours de construction

Et c’est là que le bâs blesse. En effet, alors que 900 F-35 ont d’ores et déjà été livrés, la disponibilité opérationnelle du chasseur au sein de l’US Air Force n’atteint que 52% en 2022. Or, cette valeur représente le nombre d’appareils capables de mener « au moins l’une des missions qui doivent lui être confiées ».

Dès lors que l’on s’intéresse au taux de disponibilité pour répondre à l’ensemble des missions de l’avion, celui-ci passe sous la barre des 30%. Dans les faits, donc, il convient, pour les grecs, de comparer la plus-value opérationnelle apportée par 6 F-35A en vol, face à 3 ou 4 frégates anti-aériennes à la mer, ou 350 chars de combat lourds prêts au combat.

Il s’agit évidemment ici d’une sur-simplification de la problématique, mais elle a le mérite de poser efficacement le dilemme auquel les armées helléniques doivent faire face aujourd’hui.

Les États-Unis auront des moyens que n’auront pas les européens pour restructurer leurs flottes de chasse pour absorber le F-35

Reste qu’au-delà de la Grèce, l’augmentation des couts de possession des F-35 au sein des forces armées européennes, pourrait bien, dans les années à venir, lourdement ébranler les capacités d’investissement de ces armées pour poursuivre leur modernisation face à une menace qui ira, sans le moindre doute, croissante.

NGAD Loyal Wingman e1678290677549 Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
L’USAF prévoit de faire épauler ses F-35A par des drones de combat lourds pour en accroitre l’efficacité opérationnelle.

Car si l’US Air Force disposera des moyens pour restructurer sa flotte de chasse le cas échéant, notamment en augmentant la dotation en nombre de drones Loyal Wingman issus du programme NGAD, ou Remote Carrier comme le Longshot de la DARPA, y compris pour palier les futures défaillances de la furtivité de l’appareil face aux nouveaux systèmes de détection, il sera certainement bien plus difficile à de nombreux pays européens de faire de même, se retrouvant, comme ce fut le cas il y a 50 ans avec le F104, face à des arbitrages aussi difficiles qu’onéreux.

Conclusion

Plus globalement, ce problème en devenir, une fois mis en perspective de la neutralisation observée des forces aériennes en Ukraine, mais également des développements en cours pour accroitre les performances des systèmes anti-aériens, doit mener à une réflexion quant au dimensionnement mais également aux équilibres technologiques et budgétaires des forces aériennes, et plus précisément des flottes de chasse.

Et de se rappeler qu’en amont de la guerre du haut-Karabagh, l’Arménie avait lourdement investi dans l’acquisition de 4 avions de combat Su-30SM, appareils qui, faute de munitions et d’entrainement, ne jouèrent aucun rôle dans le conflit de 2020, alors que les 400 m$ investis par Erevan auraient pu donner aux forces terrestres arméniennes des moyens autrement performants pour contenir l’offensive azérie.

La Marine française appelle les flottes européennes à remplir les espaces laissés par les Etats-Unis

Alors que la flotte américaine est appelée à accroitre ses déploiements sur le théâtre Pacifique, l’Amiral français Pierre Vandier, chef d’etat-major de la Marine Nationale, a appelé les flottes européennes ) se substituer à leur allié pour remplir les espaces libérés par les Etats-Unis.

On le sait, les chantiers navals chinois lancent, chaque année, prés d’une dizaine de destroyers et frégates, ainsi que de nombreux autres navires y compris les plus imposants et modernes, destinés à venir grossir la flotte de l’Armée Populaire de Libération.

Pour y faire face, l’US Navy peut encore s’appuyer sur la masse et l’efficacité que lui confère sa flotte, ainsi que sur les moyens renouvelés de ses alliés régionaux comme l’Australie, le Japon ou la Corée du Sud.

Toutefois, dans les années à venir, et en dépit de l’augmentation de la production navale US, Washington va devoir concentrer toujours plus de ses moyens dans le Pacifique pour faire face à la montée en puissance de l’APL, réduisant de fait sa présence sur d’autres théâtres, non moins exposés.

C’est précisément pour anticiper ce basculement irrémédiable américain face à la Chine, que l‘Amiral Pierre Vandier, Chef d’état-major de la Marine Nationale, a appelé les Marines européennes à s’organiser pour venir combler les espaces libérés par l’US Navy, à l’occasion de la First Sea Lord’s Seapower Conference 2023 qui s’est tenue à Lancaster House les 16 et 17 Mai dernier.

La Marine française et les flottes européennes collaborent fréquemment lors de déploiement
Les flottes européennes collaborent fréquemment lors de déploiements

Pour l’amiral français, il est non seulement indispensable que les marines européennes accroissent leur présence en Méditerranée comme dans l’Atlantique nord, leurs théâtres d’opération traditionnels, mais également dans le Golfe Persique et dans le nord de l’Océan indien, précisément pour permettre un désengagement de l’US Navy tout en maintenant une présence importante et dissuasive sur ces théâtres critiques pour l’approvisionnement des européens, notamment en hydrocarbures.

Au delà des déploiements eux-mêmes, l’amiral Pierre Vandier a également appelé à accroitre et renforcer l’interopérabilité des flottes européennes, tant au niveau technologique qu’opérationnel, de sorte qu’une flotte multinationale européenne puisse agir comme une flotte unifiée.

En améliorant cette interopérabilité et cette expérience commune, les déploiements européens seront dès lors bien plus efficaces et dissuasifs, en agissant comme une force navale unifiée de sorte à priver un adversaire potentiel d’une quelconque opportunité pouvant le convaincre de passer à l’action.

Reste que, si une telle coopération est évidemment souhaitable, elle sera, dans les faits, complexe à mettre en oeuvre, tout au moins pour effectivement remplacer l’US Navy.

En effet, les Marines européennes sont avant tout conçues comme des flottes nationales, répondant à des impératifs de protection qui, s’ils prennent également en compte les besoins de l’OTAN, ne sont pas structurées pour la plupart pour les déploiements distants soutenus.

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Si les marines européennes disposent de nombreux sous-marins, seuls la Royal Navy et la Marine Nationale alignent des sous-marins nucléaires d’attaque

Ainsi, si les flottes européennes alignent presque une centaine de frégates et destroyers, autant que l’US Navy, elles ne disposent que de 5 porte-aéronefs, dont seulement 3 véritables porte-avions, et moins d’une dizaine de grands navires amphibies, moins de la moitié de la dotation de l’US Navy.

En matière de sous-marins, la situation est encore plus problématique, puisque sur la cinquantaine de sous-marins d’attaque en service, seuls 11 navires, 6 Astute britanniques, 4 Rubis (en comptant la Perle) et 1 Suffren français, sont à propulsion nucléaire donc adaptés à des déploiements distants et à l’escorte de Groupe aéronaval.

Surtout, les flottes européennes manquent cruellement de grands navires logistiques, capables de soutenir une flotte à la mer sur la durée, même si un effort évident est fait dans ce domaine depuis quelques années.

Qui plus est, chaque classe de navire ayant été construite sur des considérations nationales, leur interopérabilité au delà du partage de renseignement et d’engagement, est souvent faible, que ce soit dans le domaine des munitions, des pièces détachées, du parc aérien ou encore de la coopération électronique, par exemple pour mettre en oeuvre des procédures de détection multi-statiques conjointes.

Enfin, et c’est probablement le problème le plus difficile à résoudre, les marines européennes ne répondent pas à un commandement unifié ayant pour fonction d’en organiser les missions et l’allocation des moyens, chaque mission devenant un patchwork de moyens libérés sur des fenêtres de temps différentes par les Marines de chaque état, en fonction de leurs propres impératifs.

On peut ainsi se rappeler l’échec flagrant des marines européennes quant il fut question de déployer des éléments navals dans le Golfe persique en juillet 2019, après que l’Iran ait tenté d’arraisonner un pétrolier britannique, le British Heritage.

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Les Marines européennes manquent cruellement de grands navires logistiques pour soutenir des déploiements distants de longue durée

De fait, et comme l’a indiqué l’Amiral Vandier, les Européens doivent désormais s’organiser non seulement du point de vue opérationnel, mais organique et programmatique, s’ils entendent effectivement remplir les espaces qui seront laissés vaquant par l’US Navy dans les années à venir, y compris en s’engageant dans des programmes structurant permettant de déployer efficacement des forces navales sous commandement européen, au delà de leur périmètre opérationnel traditionnel.

On peut, à ce titre, se demander si le rôle des « grandes marines européennes », notamment britanniques et françaises, ne serait pas de renforcer leurs moyens exclusifs, sous-marins nucléaires d’attaque, porte-avions, grands navires amphibies et navires logistiques, plutôt que d’étendre leurs flottes de frégates et corvettes, laissant ces missions à des marines ne disposant pas de telles capacités ?

Vers une évolution du cahier des charges pour les sous-marins polonais ?

Longtemps indécis, le programme de sous-marins polonais du programme ORKA a été relancé par les autorités du pays, avec un nouveau cahier des charges à la clé.

Ces derniers jours ont été riches en annonces au sujet du devenir de l’effort de défense polonais. Outre les informations concernant les programmes terrestres et aériens, le ministre de la Défense polonais, Mariusz Błaszczak, s’est également ouvert à l’occasion de la manifestation Defense24 Day organisée par le site d’informations Defense éponyme, au sujet du programme Orka de sous-marin polonais.

Longtemps en gestation, ce programme qui vise à redonner à la marine polonaise une capacité sous-marine d’attaque avancée, semblait d’orienter vers des navires de relativement faible tonnage pour évoluer en Mer Baltique.

C’est la raison pour laquelle, jusqu’à présent, les offres européennes étudiées par Varsovie reposaient sur le A26 Blekinge su suédois Kockums, le Type 214 de l’allemand TKMS et le Scorpene du français Naval Group, des navires évoluant entre 1600 et 1900 tonnes, répondant parfaitement à un tel usage opérationnel. Toutefois, les attentes exprimées par le ministre de la Défense polonais lors de cet événement, diffèrent sensiblement de ce cahier des charges initialement exprimé, alors que le programme ORKA doit être officiellement lancé au cours de cette année 2023.

Les Scorpene français sont candidats pour devenir les futurs sous-marins polonais
Les sous-marins de moins de 2000 tonnes comme les Scorpène ou les Type 214 semblent ne plus répondre aux attentes des autorités polonaises

En effet, pour Mariusz Błaszczak, les sous-marins polonais devront être dotés d’une grande autonomie, de la capacité à mettre en œuvre des missiles de croisière lancés en immersion, mais également d’évoluer à grande vitesse tout en restant discret comme de rester en plongée pendant une longue durée en évoluant à faible vitesse.

En outre, le navire devra être en mesure de mener des missions loin de sa base de manière autonome, alors que Varsovie entend bénéficier d’importants transferts de technologies pour faire monter en compétence sa propre industrie navale.

De fait, ces besoins sont très différents de ceux initialement exprimés, puisque la Marine polonaise entend ouvertement se doter d’une capacité sous-marine océanique plutôt que littorale, disposant en outre d’une grande puissance de feu tant vers la terre que contre des cibles navales et sous-marines.

Et les navires initialement proposés par Kockums, TKMS et Naval group, ne correspondent pas à ce nouveau cahier des charges. Deux d’entre eux, TKMS avec le Type 212CD et Naval Group avec le Merlin (Shortfin Barracuda), disposent d’un modèle alternatif plus imposant pouvant répondre aux besoins exprimés.

Quant à Kockums, il devra probablement reproduire le partenariat mis en œuvre avec Lockheed-Martin pour tenter de s’imposer aux Pays-Bas, avec un navire plus imposant que le Blekinge.

KDX III Dosan South korea submarine Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Les sous-marins de la classe Dosan Anh Changho sud-coréens sont désormais probablement les favoris de la compétition polonaise

Ce cahier des charges va probablement attirer d’autres acteurs susceptibles de se positionner plus efficacement face aux navires européens que précédemment. C’est notamment le cas des sous-marins sud-coréens de la classe Dosan Anh Changho, dérivés du Type 214, mais beaucoup plus imposant avec un déplacement en plongée de 3700 tonnes et surtout un système de lancement vertical de missile permettant de mettre en œuvre 6 à 10 missiles de croisière ou balistique.

Sachant la proximité développée entre les industries de défense polonaises et sud-coréennes, le Dosan Anh Changho fait office de grand favori désormais, avec un cahier des charges qui semble taillé pour lui.

Le Japon, avec la classe Taïgei pourrait lui aussi s’inviter dans cette compétition, le navire de 84 mètres et de plus de 3500 tonnes en plongée, étend à ce jour le seul sous-marin équipé de batteries lithium ions à être opérationnel. Enfin, le S-80 Plus espagnol de la classe Isaac Peral de 3400 tonnes en plongée pourrait profiter de la refonte de cahier des charges pour tenter de s’inviter à nouveau dans le programme Orka, avec cette fois un navire correspondant davantage aux attentes exprimées.

Shortfin Barracuda pumpjet Bombardiers Stratégiques | Etats-Unis | Flash Défense
Les capacités du Marlin de Naval Group en font le navire répondant au mieux aux attentes polonaises, mais cela sera-t-il suffisant ?

Reste que le modèle le plus performant pour répondre aux attentes polonaises, notamment en termes de vitesse et d’autonomie, est très probablement le Marlin de Naval Group, seul navire à être équipé d’un Pump-jet hérité du programme de sous-marins nucléaires d’attaque Suffren, dont il reprend certaines des caractéristiques clés en matière de discrétion et de performances.

En outre, un partenariat entre Varsovie et Paris dans ce domaine hautement critique, serait un symbole des plus bienvenus quant à la reprise de la coopération franco-polonaise en matière de défense, après plusieurs années de relations plus que tendues. Pour autant, la concurrence sera très rude pour Naval Group, en particulier face à l’omniprésence de l’industrie sud-coréenne dans le pays.

La DARPA développe une propulsion silencieuse pour sous-marin similaire à celle de l’Octobre Rouge

La DARPA, l’agence d’innovation du Pentagone, développe une propulsion silencieuse magnétohydrodynamique pour sous-marins comparable à celle au cœur de l’intrigue du roman « à la poursuite de l’Octobre Rouge » de Tom Clancy.

À la fin de l’année 1984, une nouvelle publiée par le naval institue Press d’un auteur américain alors peu connu commença à rencontrer un grand succès non seulement auprès des lecteurs traditionnels des nouvelles militaires, mais auprès du grand public.

5 millions de copies plus tard, « A la poursuite de l’Octobre Rouge » était devenu un succès mondial, propulsant Tom Clancy sur le devant de la scène et créant même un nouveau style littéraire, le techno-thriller. Ce succès reposait en grande partie sur la précision du livre, et notamment sur ses descriptions de l’univers de la guerre sous-marine moderne, jusque-là relativement obscure pour le grand public.

Le roman décrit la fuite d’un capitaine de sous-marin soviétique et d’une partie de son équipage, vers les États-Unis, emportant avec lui le dernier-né des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la flotte soviétique, l’Octobre Rouge, un navire dérivé de la classe Typhoon. Surtout, le navire emporte un nouveau système de propulsion magnétohydrodynamique baptisé la chenille, le rendant virtuellement indétectable aux sonars américains de la ligne SOSUS mais également de ceux des sous-marins et frégates de l’US Navy.

Si l’Octobre rouge n’a jamais existé, cette technologie répondant à l’acronyme MHD, elle, a fait l’objet d’importantes recherches à partir des années 60, aux États-Unis comme en Union Soviétique, précisément dans le but de doter navires et sous-marins d’une propulsion sans parties mobiles, et donc beaucoup plus discrète.

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Les vibrations et cavitations des hélices propulsives constituent l’une des plus importantes sources de sons émis par un sous-marin. Plus le sous-marin va vite et évolue à faible profondeur, plus ces sons sont élevés et permettent de localiser le navire.

Concrètement, la Magnétohydrodynamique étudie le comportement des fluides lorsqu’ils sont soumis à un champ magnétique. Si la MHD recouvre de nombreux domaines, dont les plasmas, elle permet également de produire une poussée en appliquant un puissant champ électromagnétique à l’eau de mer, base du roman de Tom Clancy.

Malheureusement, les rendements obtenus dans les années 60 et 70 étaient très faibles, alors qu’ils nécessitaient des installations massives et complexes pour produire une poussée résultante faible. En d’autres termes, cette technologie, bien que prometteuse, était jusque-là inapplicable, la plus importante vitesse expérimentale ayant été atteinte en 1993 par le navire expérimental japonais Yamato-1, qui parvint à atteindre 6,6 nœuds en appliquant un champ magnétique de 2 tesla, soit un rendement inférieur à 30%.

Ces dernières années, la technologie a considérablement évolué dans le domaine de l’électromagnétisme, au point qu’il est désormais possible de produire des champs électromagnétiques de 20 Tesla à bord d’un navire, ce qui, selon les modélisations, devrait permettre d’atteindre un rendement de 90%, de quoi changer radicalement l’intérêt des militaires pour cette technologie.

C’est précisément le domaine d’étude du nouveau programme Principles of Undersea Magnetohydrodynamic Pumps, ou PUMP, lancé par la DARPA, l’agence d’innovation du Pentagone.

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En 1993, le navire expérimental Yamato-1 de Mitsubishi Heavy Industrie a atteint une vitesse de 6,6 noeuds pour un rendement de 30%

Ce programme se donne 42 mois pour concevoir un démonstrateur permettant de valider le modèle et son efficacité, mais également de résoudre les obstacles qui se dressent encore aujourd’hui, notamment pour ce qui concerne la corrosion des électrodes et l’apparition de bulles qui accélèrent leur détérioration, mais également génère des bruits parasites loin de l’objectif recherché.

La DARPA a, en ligne de mire, rien d’autre que de produire un système de propulsion magnétohydrodynamique applicable aux sous-marins et navires de combat, susceptibles, comme pour l’Octobre rouge, de rendre le navire beaucoup plus difficilement détectable avec des sonars, même si la puissance du champ magnétique ainsi généré le rendrait beaucoup plus aisément détectable par les magnétomètres des systèmes de détection d’anomalies magnétiques.

Reste que les applications de la magnétohydrodynamique vont bien au-delà de la simple propulsion silencieuse des sous-marins. Certaines recherches dans ce domaine visent ainsi à concevoir un système de propulsion aérien exploitant l’air atmosphérique comme un fluide en le transformant en plasma, de sorte à produire une poussée indépendante du mur de chaleur qui aujourd’hui handicape les propulseurs aériens (turboréacteurs, ramjet, scramjet) pour atteindre et dépasser les vitesses hypersoniques. Une autre application de cette science permet de concevoir des pompes magnétiques capables de produire des pressions de relevage très élevées.

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La propulsion magnéto-plasmique à impulsion spécifique variable ou VASIMR mettrait Mars à seulement 39 jours de voyage de la Terre

Mais le Graal de la MHD se trouve dans le domaine spatial, pour remplacer les moteurs spatiaux traditionnels nécessitant une réaction exothermique entre un carburant et un comburant pour produire une poussée.

Plusieurs approches ont été développées dans ce domaine, de sorte à employer le champ électromagnétique pour accélérer les particules et ainsi produire une poussée qui résulte en grande partie de la conversion de l’énergie électrique disponible à bord du véhicule spatial.

Elles permettent ainsi d’emportant beaucoup moins de carburant pour une poussée identique, ou d’obtenir une poussée plus intense ou beaucoup plus longue à consommation de masse de carburant identique. Cette technologie est aujourd’hui au cœur des programmes visant à étendre la conquête spatiale, notamment pour atteindre mars.