De toutes les transformations en cours de la géopolitique mondiale, le renforcement sans précédant des capacités miltaires des grandes puissances asiatiques est sans conteste celui qui aura, dans la durée, la plus grande influence sur les équilibres mondiaux. Outre la Chine qui, en quelques décennies, est venue tangenter la puissance militaire américaine au point que cette dernière doive désormais accroitre son effort pour y résister, la montée en puissance des dragons asiatiques, Taiwan, Singapour, le Japon et la Corée du Sud, va profondément bouleverser les rapports de force militaire et politique bien au delà du seul théâtre indo-pacifique. Ainsi, Séoul entend porter son effort de défense au delà des 3% de son PIB, alors que Taiwan va augmenter ses dépenses de défense de presque 14% en 2023. Quant au Japon, la troisième économie mondiale avec un PIB de plus de 5.000 Md$ deux fois plus important que celui de la France, il entend porter son effort de défense à 2% de son PIB dans les années à venir, faisant du pays la troisième puissance militaire de la planète avec un budget dépassant les 100 Md$ par an, du moins du point de vue budgétaire.
En parallèle de cette hausse de credit inédite alors que le pays du soleil levant n’avait jamais dépensé plus de 1% de ses richesses pour ses forces d’autodéfense, Tokyo entend également profondément faire évoluer son industrie de défense, avec l’annonce de nombreux programmes ambitieux ces derniers mois, ainsi que ses doctrines de défense, y compris en prenant certaines libertés avec la Constitution du pays. Il est vrai que celle-ci, rédigée par une poignée de diplomates américains lorsqu’ils arrivèrent dans le pays après la défaite de 1945, était particulièrement contraignante, rédigée sous le coup d’une émotion héritée de la difficile et couteuse campagne du Pacifique pour les forces américaines, privant Tokyo de nombreuses attributs régaliens quant à l’emploi potentiel de ses forces armées. Cependant, le théâtre Pacifique ayant été une zone de confrontation secondaire entre les Etats-unis et l’Union Soviétique pendant la Guerre Froide, et la Chine communiste n’ayant alors pas de capacités de projection de puissance, ces contraintes ne furent pas un grand handicap pour la sécurité de l’archipel nippon durant cette période.
La situation a de toute évidence profondément évolué ces dernières années, et à l’instar des autres dragons asiatiques, Tokyo n’a pas souffert de la myopie qui affecta les européens lors de la précédente décennie, ayant repris les investissements envers ses capacités de défense dès 2015 afin, notamment, de moderniser et d’étendre sa flotte en se dotant de nouveaux destroyers, de nouvelles frégates et de nouveaux et très performants sous-marins, ainsi qu’en transformant deux de ses LHD en porte-aéronefs capables de mettre en oeuvre le chasseur F-35B. Le pays entreprit également de moderniser sa force aérienne avec l’acquisition de plus de 140 F-35, la modernisation de ses F-15J et le developpement d’un nouveau chasseur polyvalent, en coopération avec les britanniques. Enfin, il s’engagea dans le développement de systèmes de très haute technologie, comme un rail gun, des systèmes à énergie dirigée, un drone de combat ainsi que de missiles dotés de planeurs hypersoniques capables de frapper des cibles navales ou terrestres à plusieurs centaines de kilomètres. De toute évidence, ce dernier programme sera stratégique pour Tokyo, les autorités nippones ayant annoncé que pour contenir la menace russe et chinoise, elles se doteraient d’un millier de ces missiles hypersoniques.
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