La modernisation de l’Armée de terre française passe aujourd’hui par deux programmes majeurs . Le programme SCORPION actuellement en cours vise à remplacer la composante légère et moyenne des moyens dont elle dispose à horizon 2035 avec la livraison de 1872 véhicules de transport de troupe blindés 6×6 VBMR Griffon, de 54 Griffons équipés du système d’artillerie MEPAC, de 300 engins de reconnaissance et de combat EBRC Jaguar et de 2038 VBMR 4×4 Serval, auxquels d’ajoutent le remplacement des Véhicules Blindés Légers à partir de 2025 et l’acquisition de 33 nouveaux canons CAESAR. Le programme TITAN dont les études ont déjà débuté, vise à remplacer les équipements lourds comme le char de combat Leclerc par le programme MGCS, mais également le véhicule de combat d’infanterie VBCI et les systèmes d’artillerie sous blindage et lance-roquettes multiples à horizon 2040-2045. Mais une étude qui doit rendre ses conclusions d’ici la fin d’année pourrait bien voir l’émergence d’un troisième programme majeur : l’étude VULCAIN étudie en effet l’applicabilité de la robotique au combat terrestre, notamment pour accroitre la masse au combat, l’un des défis les plus difficiles à résoudre pour l’Armée de Terre dans les années à venir.
Au delà des problématiques budgétaires qui semblent être en voie de résolution, tout du moins partiellement, l’Armée de Terre peine déjà à recruter des profils de qualité pour maintenir son format actuel, qui ne porte pourtant que sur 130.000 miltaires dont 77.000 appartenant à la Force Opérationnelle Terrestre, le bras armé de cette force professionnelle. L’augmentation du budget annoncé par Emmanuel Macron, reposant selon toute vraisemblance sur le respect stricte de la LPM jusqu’en 2025 avec une hausse annuelle de 3 Md€ par an, puis la prolongation de cette hausse sur la LPM à suivre, ne permettra en effet pas d’augmenter sensiblement le nombre de candidats, et donc le format des armées, tout au moins dans sa branche professionnelle. Si l’extension de la reserve constitue incontestablement une réponse partielle à ce problème de masse, rappelons à ce titre que les armées russes ont perdu, après moins de 120 jours de guerre en Ukraine, l’équivalent de la FOT française et de son inventaire matériel, il reste à l’Etat-Major français à imaginer des solutions pour accroitre la masse de ses forces combattantes, ou tout au moins son équivalent masse opérationnelle, c’est à dire sa capacité à mener simultanément des missions et un flux logistique au combat.
C’est précisément l’object de l’étude Vulcain, qui cherche à étudier non seulement la maturité présente et à venir des technologies robotiques dans le domaine du combat terrestre, mais également d’en définir, de manière prospective, l’applicabilité efficace dans ce domaine. Au delà des images de robots tueurs autonomes qui relèvent de la science fiction, il s’agit d’étudier l’adéquation entre les besoins des armées et la réponse technologique robotique, au spectre de critères comme la fiabilité, l’autonomie, la sureté et la prévisibilité. En d’autres termes, Vulcain étudie tous les domaines opérationnels pour lesquels la robotique permettrait de diminuer le recours à une action humaine, de manière efficace et sure, comme ce peut être le cas du flux logistique, de la reconnaissance armée ou de la surveillance, de sorte à conserver voire étendre la capacité opérationnelle tout en réduisant son poids relatif sur les effectifs, et ainsi à les réorienter vers des missions à plus forte valeur humaine ajoutée.
Pour autant, le défi est de taille, d’autant que de nombreux défis subsistent pour l’intégration robotique au sein des armées, parmi lesquels l’autonomie, la sécurité cyber, la sécurité des communication, l’indispensable homme dans la boucle et l’élaboration d’itinéraires et le déplacement en tout terrain. Toutefois, les solutions étant effectivement à portée de main, l’étude Vulcain pourrait bien voir son statut évoluer de celui d’étude prospective vers celui de programme majeur à l’égal de Scorpion et Titan, avec pour finalité de doter l’armée de terre d’une flotte robotique agissant comme un multiplicateur de force pour en accroitre sa masse opérationnelle, si pas son format humain. Rendez-vous est donc posé pour la fin d’année pour savoir si telle sera la trajectoire suivie par l’Armée de terre, ou pas …
Alors que la menace russe et chinoise devenait de plus en plus pressante, le Congrès américain entreprit d’augmenter le budget alloué aux forces armées américaines pour l’année fiscale 2023 de 45 Md$ au delà des 803 Md$ demandés par la Maison Blanche. Cette augmentation est désormais actée par le Sénat et la Chambre des Représentants, et le Pentagone disposera bel et bien de 847 Md$ dans son budget 2023. Pour autant, ce qui devait initialement permettre d’accélérer la modernisation et la transformation des forces américaines face aux défis à venir, pourraient bien s’avérer n’être, au final, qu’une compensation pour faire face à l’inflation très importante dans le pays, mais également pour regarnir les stocks d’armes et surtout de munitions, très amoindris par le soutien américain à l’Ukraine dans son combat face à la Russie.
Les Etats-Unis sont aujourd’hui le principal contributeur de l’effort de guerre ukrainien, avec l’envoi de 200 véhicules de transport de troupe blindés M113, de 120 canons d’artillerie tractés M777, de plusieurs centaines de Humvees et autant de munitions vagabondes, une vingtaine d’hélicoptères Mi-17V5, plusieurs milliers de missiles Stinger et Javelin, des dizaines de drones et de radar, ainsi que des centaines de milliers de munitions d’artillerie et de munitions légères, pour un montant total qui dépasse désormais les 6 Md$. Et l’effort ira en s’intensifiant, alors que le Congrès a avalisé la loi Land & Lease permettant à Washington d’apporter un soutien miltaires de plus de 20 Md$ à Kyiv. Pour autant, cet effort a lourdement entamé les stocks des forces armées US, en particulier pour ce qui concerne les munitions d’artillerie de 155mm, et les missiles d’infanterie Stinger et Javelin, plus de 50% des stocks dont disposaient l’US Army ayant été envoyés en Ukraine.
Le M777 est intensément utilisé sur les fronts est et sud par les armées ukrainiennes pour contrer l’écrasante supériorité numérique des armées russes dans le domaine de l’artillerie.
Mais la plus grande menace pour l’exécution du budget 2023 n’est pas l’Ukraine, mais l’inflation qui frappe durement l’économie américaine, et dont les effets commencent à se faire ressentir notamment dans les contrats d’armement qui voient leur facture s’envoler alors que l’inflation alimentaire dépasse les 10,5% en Mai 2022 outre-atlantique, et que l’inflation énergétique culmine à presque 35%. En outre, le Congrès a autorisé le Pentagone à attribuer une hausse de salaire de 4,6% aux militaires américains, une hausse qui, à elle seule, représente plus de 10 Md$. sur le budget des armées. Au final, la hausse des dépenses de fonctionnement, la hausse des contrats d’équipement, et la nécessité de résorber le déficit de munitions et d’équipements lié au soutien à l’Ukraine, auront consommé l’ensemble des 45 Md$ supplémentaires alloués par l’effort bipartisan du Congrès il y a quelques mois. Pour autant, il aura permis d’absorber ces surcouts, évitant ainsi de devoir procéder à des coupes franches dans l’exécution de certains programmes d’équipement que l’on sait être, comme dans toutes les armées, la variable d’ajustement budgétaire en cas de forte variation.
Les Etats-Unis ont expédié 5.500 missiles antichars Javelin en Ukraine, l’équivalent de 8 années de production
Reste que le problème qui touche aujourd’hui l’exécution du budget 2023 du Pentagone, touchera de la même manière l’exécution des budgets des armées sur la planète, et en particulier en Europe, où l’inflation mais également le soutien à l’effort de defense ukrainien sont tout aussi sensibles, rapportés au PIB et au budget de l’Etat, que pour les Etats-Unis. Ainsi, l’inflation en mai au sein de l’Union européenne atteint les 8,1%, soit autant qu’aux Etats-Unis, alors qu’une fois rapporté au PIB, le soutien des pays européens à l’Ukraine égale et parfois excède très largement celui des Etats-Unis. Ainsi, la Pologne a consacré 0,6% de son PIB au soutien de l’Ukraine depuis le début de la guerre, la France et l’Allemagne prés de 0,2%, et l’Estonie plus de 1% de son PIB, alors que les Etats-Unis excède de peu des 0,2%. De fait, il est probable que toutes les hausses inférieures à 5% pour le budget défense en 2023 des pays européens, ne permettraient que de compenser l’inflation et le soutien à l’Ukraine, ou tout au moins d’en diminuer les effets.
Héritières d’une tradition britannique, les forces armées indiennes sont entièrement professionnelles, et les militaires indiens signent, en général, un contrat de très longue durée à l’engagement, jusqu’à 17 ans pour les moins gradés. Pour le gouvernement Modi, cette situation apparaissait problématique, puisqu’il s’agissait de maintenir une force de 1,4 millions de militaires professionnels, dont la masse salariale ne cesse de croire alors que le niveau de vie s’élève dans le pays. A l’instar des forces armées occidentales professionnelles, New Delhi a donc décidé de mettre en oeuvre une nouvelle politique de recrutement pour ses forces armées, avec un premier contrat de 4 ans proposé aux jeunes recrues, et une extension de contrat pour seulement un quart des militaires arrivés à terme de celui-ci, de sorte à mettre en place une pyramide des âges et des grades efficaces, mais surtout afin de rajeunir les effectifs, et sensiblement diminuer le poids de la masse salariale des armées.
Mais pour ce pays dont la population est encore très traditionaliste et pour laquelle les principes de caste restent encore très présent, cette nouvelle loi, dénommée ‘Le chemin vers le combat » en Hindi, passe mal, engendrant de nombreuses manifestations, parfois violentes, au travers du territoire. Ainsi, de nombreuses nouvelles recrues potentielles, soutenues par des vétérans, des membres du l’opposition mais également certains membres du Bharatiya Janata Party de Narendra Modi, s’opposent à cette nouvelle politique de recrutement, et des manifestations se sont multipliées dans le pays pour tenter d’infléchir la determination gouvernementale, allant jusqu’à incendier des centres de recrutement et à bloquer la circulation des trains dans certaines régions. Ces derniers craignent qu’à l’issue des 4 années de service, s’ils ne font pas parti des 25% reconduits pour une carrière longue, ils ne se retrouvent sans emploi et sans formation valorisable, alors que l’âge de recrutement est de 17 à 21 ans pour un premier contrat.
L’âge moyen des militaires indiens est de 33 ans, alors que l’âge moyen de la population indienne n’est que de 26 ans. A titre de comparaison, l’âge moyen au sein de l’Armée de Terre française est de 32 ans, pour un âge moyen de la population française de 42 ans.
Pour autant, il est peu probable que le gouvernement puisse faire marche arrière, au delà de quelques concessions cosmétiques, alors que les prochaines élections législatives indiennes n’interviendront qu’en 2024, que Narendra Modi bénéficie d’une confortable avance avec 345 des 545 sièges de députés, et que les tensions avec le Pakistan et la Chine ne cessent de croitre. En effet, le salaire moyen en Inde a été multiplié par 4 en 20 ans, et les soldes des miltaires doivent suivre une trajectoire proche afin de maintenir les effectifs. En outre, en maintenant le système actuel, les armées indiennes se composeraient non pas d’une pyramide pour les âges, les grades et les compétences cohérentes avec les besoins, mais d’un pilier ayant une base et un sommet presque aussi larges pour ces 3 critères, alors même que la solde évolue naturellement avec l’âge et le grade, et que les besoins d’encadrement et de compétences ne justifient pas une telle structure. En d’autres termes, si le modèle était soutenable lorsque le salaire moyen d’un militaire indien était de 30 $ par mois en 2000, il ne l’est plus aujourd’hui à 200 $ par mois, lorsque les armées alignent 1,4 millions de miltaires, même si le PIB du pays a été multiplié par 5 sur la même période.
A l’occasion du salon Eurosatory 2022, le directeur de l’Administration des materiels de défense suédoise, a signé avec Lena Gillström, directrice executive de BAE, une lettre d’intention portant sur l’acquisition, d’ici 2025, de 24 canons automoteurs portées de 155 mm Archer afin d’équiper un troisième bataillon d’artillerie de l’Armée suédoise, qui dispose déjà de 48 de ces systèmes. Ce contrat, en discussion depuis 2020, s’inscrit dans l’effort renouvelé des autorités suédoises en vue de renforcer les capacités défensives des forces armées du pays, mais également de s’intégrer aux standards de l’OTAN, avec un effort de défense qui sera amené de 1,3% du PIB aujourd’hui, à 2% en 2028, après avoir touché un planché de 0,9% du PIB en 2015.
Longtemps présenté comme une alternative au CAESAR français, l’Archer est entré en service au sein des armées suédoises, son seul client à ce jour, en 2013. Initialement commandé à 24 exemplaires par la Suède et par la Norvège, Stockholm prit la décision de commander 48 exemplaires en 2016, après qu’Oslo ait décidé de se retirer du contrat pour se tourner vers le K9 sud-coréen. A l’instar du CAESAR, l’Archer est équipé d’un canon de 155mm de 52 calibres (ceci représentant la longueur du tube vis-à-vus de son calibre, soit 52×15,5 cm = 8,06 mètres) monté sur un camion 6×6 de marque Volvo, et intègre un système de chargement semi-automatique et un système de pointage automatisé, lui conférant une importante mobilité et des capacités de portée et de précision proches de celles du système français. En revanche, du fait d’un blindage plus important, il atteint une masse de 30 tonnes au combat, contre moins de 18 tonnes pour le CAESAR 6×6, soit une masse par essieu de 10 tonnes supérieure à la limite de 8 tonnes par essieu pour maintenir une mobilité tout terrain sur roue. Le CAESAR lourd, qui offre des performances de blindage et d’automatisation comparables à l’Archer, atteint lui aussi 30 tonnes au combat, mais sur un châssis 8×8, soit avec une masse par essieu de 7,5 tonnes.
L’erreur de conception initiale a depuis été corrigée par BAe, puisque la nouvelle version de l’Archer, celle qui sera probablement acquise par l’Armée suédoise, est désormais montée sur un camion Rheinmetall RMMV HX2 8×8. Pour autant, celui qui est souvent présenté comme le principal concurrent du CAESAR, a désormais pris un important retard sur le plan commercial sur son compétiteur, puisqu’en dehors de la Suède, il n’a été commandé par aucune force armée à ce jour, alors que la système de Nexter a été commandé par une dizaine de clients à l’exportation. Cette nouvelle version parviendra-t-elle à inverser la tendance, et à relancer l’Archer sur la scène internationale ? La forte demande de systèmes d’artillerie mobile liée à la dégradation rapide des tensions internationales sur la planète, et le carnet de commande déjà bien rempli de Nexter dans ce domaine, entrainant des délais de livraison importants pour tout nouvel acquéreur, pourrait en effet offrir de nouvelles opportunités à l’Archer.
L’annonce de la décision australienne d’annuler de manière unilatérale le contrat portant sur la construction locale de 12 sous-marins à propulsion conventionnelle de la classe Attak par le premier ministre Scott Morrison en septembre 2021 fut, dans le fond comme dans la forme, perçue par la France comme une profonde humiliation, provoquant une des plus graves crises diplomatiques de ces dernières décennies entre la France et le triptyque rassemblé autour de la nouvelle alliance AUKUS, l’Australie, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Pour Canberra, il s’agissait de se tourner vers des sous-marins à propulsion nucléaire, considérés plus à même de répondre aux besoins en devenir de la Marine Royal Australienne face à l’évolution de la menace chinoise dans le Pacifique, qui plus est s’agissant d’un modèle en provenance des Etats-Unis ou de Grande-Bretagne, pour une meilleure interopérabilité avec les membres de la nouvelle alliance (et déjà alliés dans le cadre du Five Eyes qui rassemble également la Nouvelle-Zélande et le Canada).
Pour autant, le premier ministre australien ne parvint pas à capitaliser sur cette annonce spectaculaire pour sauver son mandat électoral, et celui-ci fut remplacé par le travailliste Anthony Albanese en mai dernier, à la suite d’une cinglante défaite électorale du parti Libéral de Scott Morrison lors des élections législatives. Paradoxalement, il revint donc au nouveau gouvernement travailliste de négocier la sortie de contrat avec la France et notamment Naval Group, et de normaliser les relations avec Paris, alors même que durant les 6 années ayant précédé l’annulation du contrat, ce même parti travailliste fut un fervent opposant à ce contrat et au choix du constructeur naval français pour l’exécuter. Quoiqu’il en soit, l’affaire fut promptement conclue, avec la signature d’un accord incluant un solde à payer de 555 m€ en faveur de Naval Group, permettant au président Français nouvelle réélu et à son homologue australien tout aussi frais des urnes, d’annoncer la reprise des relations et de la coopération entre les deux pays. Car en effet, humiliation ou pas, l’Australie reste l’allié majeur le plus proche du territoire français de Nouvelle-Calédonie, et ce faisant, la France est la puissance nucléaire la proche du territoire australien.
La production de SNA de la classe Virginia et de son successeur SSN(x) des chantiers navals US sera exclusivement dédiée à la modernisation et l’extension de l’US Navy pour les 20 années à venir.
Si la future coopération entre Paris et Canberra est inéluctable, reste à en définir les contours, et l’ambition. Dans ce domaine, il se trouve que la France est probablement l’un des seuls pays en mesure de résoudre l’une des conséquences les plus problématiques pour la Royal Australian Navy de l’annulation du contrat SEA 1000 en faveur de l’alliance AUKUS. En effet, selon les projections, il est très improbable que Canberra puisse voir le premier sous-marin nucléaire d’attaque co-produit avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne en Australie avant 2040, alors même que ses 6 sous-marins classe Collins peineront à dépasser la barre fatidique de 2030. Plusieurs alternative ont été envisagées, comme la prolongation opérationnelle des Collins, la location de SNA classe Vanguard ou Los Angeles en fin de vie auprés de l’US Navy ou de la Royal Navy, ou la mise en oeuvre d’équipages mixtes à bord de nouveaux sous-marins classe Virginia américains. Mais aucune d’elle ne semble en mesure de proposer de solution efficace du point de vue opérationnel et économiquement soutenable, d’autant que pour l’US Navy, il est très difficile d’imaginer se défaire d’un ou plusieurs de ses SNA, même de manière anticipée ou temporaire, pour faire face à la montée en puissance chinoise. La France, et Naval Group, pourraient en revanche, être en mesure de proposer cette précieuse alternative, sous la forme d’une location de SNA de la classe Suffren spécialement construits à cet effet.
En effet, à ce jour, la production des nouveaux SNA de la classe Suffren s’étend jusqu’en 2030, alors que le lancement de la dernière coque, le Casabianca, est prévue pour 2028. Il est donc parfaitement possible pour la France d’intégrer à son planning de production deux unités supplémentaires, qui pourraient être livrées en 2031 et 2032, pour être louer sur une période de 10 années à la Royal Australian Navy, dans l’attente de la livraison des premiers Virginia fabriqués dans le pays (qui peut croire qu’il pourrait s’agir d’Astute britannique ?), sur un modèle similaire à celui appliqué pour la location du sous-marin nucléaire INS Chakra par la Russie à la Marine Indienne. Une telle approche serait en effet, un parfait support pour renouer les relations étroites entre les deux pays, dans un approche d’intérêts réciproques, ou win-win pour les anglicistes. En effet, la location sur 10 ans d’un SNA permettrait à l’Australie de ne pas devoir se soucier des questions de renouvellement du coeur nucléaire des réacteurs K-15, prévu pour durer précisément 10 ans. En outre, s’agissant de réacteur employant du combustible nucléaire civil faiblement enrichi, aucune contrainte particulière sur la scène internationale n’est à craindre. Enfin, les Suffren sont aujourd’hui les SNA les plus performants du moment dans le domaine de la lutte anti-sous-marine, et disposent en outre de capacités de frappe vers la terre par l’intermédiaire des missiles MdCN, conformément aux attentes de Canberra. En d’autres termes, louer deux Suffren sur une période de 10 répondrait incontestablement aux besoins de la Marine Australienne.
Le dernier des 6 sous-marins de la classe Suffren construits par Naval Group à Cherbourg sera lancé en 2028 pour une entrée en service en 2030.
La France y trouverait également largement son interêt. En premier lieu, sur la base de la location de l’INS Chakra à l’Inde, une telle location, qui plus est d’un sous-marin neuf, serait facturée entre 120 et 150 m$ par, permettant, au bout de 10 années, de couvrir les couts de construction du navire français qui, en plus d’être très performant, s’avère particulièrement economique vis-à-vis des autres SNA de sa génération. En outre, l’Etat Français serait largement bénéficiaire d’une telle opération, puisqu’il encaisserait lors de la construction des deux navires, plus d’un Md€ de recettes fiscales et sociales, payées en l’occurence par la location australienne. Surtout, en 2040, la Marine Nationale pourrait reprendre possession de deux navires n’ayant servi que 10 années, sans avoir eut à en assumer les couts de construction, alors que chaque navire est prévu pour servir au moins 30 années. Qui plus est, dans une telle hypothèse, il serait possible de scinder les doubles équipages de deux SNA en service, pour armer les deux nouveaux navires, offrant l’équivalent opérationnel de 3 SNA en double équipage, avec 4 SNA en simple équipage, et donc sans augmentation des ressources humaines.
Par ailleurs, et c’est un point crucial, dans le cadre d’une location, le ou les navires sont livrés selon la finition opérationnelle française, et ne sont pas adaptés aux exigences spécifiques australiennes au delà de quelques adaptations cosmétiques. De fait, l’exécution du contrat de construction et de livraison serait parfaitement maitrisée, après 6 autres SNA construits à destination de la Marine Nationale, éliminant tout risque de délais supplémentaires et de surcouts. Enfin, et c’est loin d’être anecdotique, la Royal Navy pourrait très bien, à l’issue des 10 années de location, se prononcer sur une extension du contrat de location, voire sur une option d’achat, d’autant que les marins australiens auront alors eu pleinement loisir d’apprécier la qualité et les performances avérées du sous-marin français, et de les confronter à celles des modèles chinois dans le Pacifique et l’Ocean Indien, tout en favorisant le déploiement et la maintenance d’un navire de ce type de la Marine nationale dans le Pacifique de manière permanente.
A l’instar des Virginia, les Suffren peuvent mettre en oeuvre des missiles de croisière à changement de milieu, en l’occurence le MdCN d’une portée supérieure à 1500 km
On le voit, les arguments en faveur d’une telle approche sont nombreux. Reste que, naturellement, il est probable que les Etats-Unis, mais surtout la Grande-Bretagne, ne voient pas d’un très bon oeil le retour de la France et de Naval Group dans ce dossier, qui plus est avec une offre qui pourrait bien, à terme, venir faire de l’ombre à leurs propres attentes industrielles. En outre, si la Royal Australian Navy et les travaillistes pourront, éventuellement, être convaincus, il sera beaucoup plus difficile de presenter une telle hypothèse à l’opinion publique australienne, elle qui a été chauffée à blanc par la presse anglo-saxonne après l’épisode AUKUS, avec un French-bashing aussi dénué de sens qu’efficace. Toutefois, il est très probable qu’une telle solution serait, tant du point de vue economique que du point de vue opérationnel, de loin la meilleure approche pour assurer l’intérim opérationnelle entre le retrait des Collins et l’arrivée des Virginia made in Australia au sein de la RAN. Reste à voir si une telle hypothèse sera étudiée, et le cas échéant, si elle sera en mesure de surmonter les nombreux obstacles se dressant sur son chemin, même si ceux-ci n’ont aucun rapport avec la problématique à résoudre.
Au sein de l’Assemblée Nationale française, la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées est loin d’être la commission la plus prisée de la part des députés. La fonction régalienne par excellence étant un domaine réservé de l’Elysée, il est difficile d’y briller, ou de faire valoir une voix alternative ou tout simplement constructive, face à la doxa imposée par la présidence de la République et le Ministère des Armées. De fait, il est rare que des députés, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, y jouent un rôle significatif. Pourtant, lors de la précédente magistrature, plusieurs députés ont su, par leur engagement ainsi que par la pertinence de leurs analyses, mettre en avant cette réflexion stratégique étendue, tout en s’impliquant dans la conception et le suivi de la première Loi de Programmation Militaire respectée depuis la création de cet exercice.
Parmi ces députés, 3 sont aujourd’hui candidats à leur propre réélection, et sont en ballotage à l’issu du premier tour des élections législatives : Fabien Gouttefarde, Jean-christophe Lagarde et Jean-Louis Thériot (ordre alphabétique). Alors que les questions de défense sont redevenues un sujet majeur pour la conduite de l’Etat, et que bien peu de députés ou de candidats peuvent se prévaloir d’une expérience ou d’une expertise avérée dans ce domaine, il semble important de conserver de tels profils au sein de la Commission de la Défense Nationale et des Forces Armées de l’Assemblée Nationale, tant pour en encadrer le fonctionnement alors qu’une révision de la Loi de Programmation est en cours et qu’une probable nouvelle Revue Stratégique ne tardera pas à émerger, que pour, parfois, mettre la planification défense face à ses incohérences.
Pour Fabien Gouttefarde, il serait pertinent de convertir deux des SNLE de la classe Triomphant lors de leur remplacement par les SNLE 3G, en SSGN à l’instar de ce que fit l’US Navy avec certains SNLE de la classe Ohio
Député de la seconde circonscription de l’Eure depuis 2017, Fabien Gouttefarde fait parti de ces nouveaux venus en politique ayant rejoint la dynamique En Marche d’Emmanuel Macron lors de la précédente élection présidentielle. Pour autant, ce juriste avait toujours maintenu des liens étroits avec La Défense et les armées, étant lui-même Lieutenant de Vaisseau de réserve au sein de la Marine Nationale, et en ayant participé à de nombreuses actions et missions pour le Ministère avant son élection. Bien qu’élu de la majorité présidentielle, sous l’étiquette En Marche, le député Gouttefarde n’a pas hésité à porter des propositions n’étant pas dans la droite ligne de la politique gouvernementale dans ce domaine durant sa magistrature, sans pour autant prendre une position dissidente à ce sujet. En particulier, en amont de l’élection présidentielle, il publia dans la presse plusieurs articles en faveur d’une politique défense bien plus ambitieuse, notamment pour être en mesure de faire face aux nouvelles menaces en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et dans la zone indo-Pacifique. Il proposa notamment la conversion de deux SNLE de la classe Triomphant en sous-marins nucléaires lance-missiles de croisière, mais également la conception d’avions Rafale dédiés à la guerre électronique et la suppression des défenses anti-aériennes, ainsi que l’extension la flotte de SNA à 7 unités. En outre, et comme les deux autres députés de cet article, il défend la possibilité d’augmenter les investissements en matière de défense en s’appuyant, notamment, sur l’efficacité économique de l’industrie de défense nationale.
Si F.Goutterfarde et JL.Theriot étaient des nouveaux venus à l’Assemblée Nationale durant cette magistrature, ce n’était pas le cas de Jean-Christophe Lagarde, qui occupe le poste de député de la 5ème circonscription de la Seine Saint Denis depuis 2002. En outre, il était le seul Président de Groupe Parlementaire, en l’occurence du parti centriste UDI, a avoir choisi de siéger au sein de la Commission Défense Nationale et des Forces Armées, un rôle qu’il prit à coeur dans une opposition constructive. Ainsi, il soutint la Loi de Programmation Militaire ainsi que sa Révision, mais n’hésita pas, à plusieurs reprises, à pointer les incohérences ou le manque d’ambition face à l’évolution des menaces de la programmation militaire française, comme l’absence de programme Rafale dédié à la guerre électronique (encore lui), ou de programme de drone de combat, potentiellement basé sur les acquis du programme de démonstrateur Neuron. Même si le Ministère des Armées n’a tenu aucun compte de ces appels, ceux-ci profitèrent d’une sur-exposition médiatique venue d’une président de groupe mais également du Président du parti politique UDI qui, à force de répétition, commence à porter ses fruits.
Pour JC Lagarde et F Gouttefarde, il est indispensable que la France se dote d’une version du Rafale dédiée à la guerre électronique et à la suppression des défenses anti-aériennes adverses. Une position largement renforcée par les enseignements de la guerre en Ukraine
Maire de Beauvoir depuis 2008 sous l’étiquette UMP puis LR, Jean-Louis Thériot a eu des débuts discrets au sein de l’Assemblée Nationale, élu comme suppléant d’Yves Jego. Il prit la position de député de la troisième circonscription de Seine et Marnes en 2018, lorsque ce dernier annonça son retrait de la vie politique. Cet avocat féru d’histoire militaire et politique, à propos de laquelle il publia plusieurs ouvrages, rejoignit la Commission Défense dans une approche, là encore, d’opposition constructive. C’est toutefois incontestablement son excellent rapport parlementaire sur la guerre de haute-Intensité, co-rédigé avec la député de la première circonscription de l’Héraut Patricia Miralles et publié quelques jours à peine avant le début de l’offensive Russe en Ukraine, qui lui conféra une autorité parlementaire sur les questions de défense, et une exposition médiatique employée à bon escient depuis. Comme F. Gouttefarde et JC Lagarde, Jean-Louis Thèriot soutien l’augmentation des moyens mais également du format des armées, avec plusieurs propositions pertinentes notamment en terme d’exploitation de la Reserve, en s’appuyant là encore sur l’efficacité économique de l’Industrie de défense pour en assurer la soutenabilité.
Pour JL Thériot, les armées françaises souffrent d’importantes défaillances en matière de combat de Haute Intensité, en particulier pour ce qui concerne le Format des forces, et les réserves dont elles disposent, notamment en terme de munitions.
Alors que les élections législatives à venir promettent un scrutin serré, il serait incontestablement plus que profitable aux armées et à La Défense nationale que ces 3 députés soient reconduits dans leurs fonctions par leurs électeurs respectifs, de sorte à constituer, sur la base des convictions partagées plus que des alignements politiques, un socle parlementaire permettant la mise en oeuvre efficace d’une nouvelle politique de défense, politique dans laquelle le Parlement, et en particulier la Commission de la Défense nationale et des Forces Armées, jouerait un rôle plus structurant que lors des mandatures précédentes.
La groupe allemand Diehl Defence a présenté, a l’occasion du salon Eurosatory 2022, une nouvelle version de son missile air-air à courte et moyenne portée IRIS-T. Désigné Iris-T FCAAM pour Futur Combat Air to Air Missile, le nouveau missile se veut conçu pour le futur SCAF, en apportant plusieurs innovations majeures, dont une forme furtive.
Développé comme une alternative aux missiles ASRAAM britanniques et AIM-9 Sidewinder américain, le missile air-air IRIS-T a été conçu par le groupe allemand Diehl Defence en coopération avec le Canada, la Grèce, l’Italie, la Norvège et la Suède à partir de 1995.
Le missile entra en service en 2005, et rencontra un important succès sur la scène internationale, avec des commandes de 9 pays en plus des 6 pays participants au programme, faisant presque jeu égal avec le MICA français et ses 17 utilisateurs.
Ainsi, l’IRIS-T FCAAM pour Futur Combat Air to Air Missile dispose d’une portée accrue grâce à un moteur à impulsion multiple permettant de soutenir une vitesse de Mach 3 et une grande capacité de manœuvre jusqu’à une distance de 50 km.
Si le guidage final du missile est toujours assuré par un autodirecteur infrarouge, celui-ci dispose désormais d’une liaison de données permettant à l’appareil lanceur de contrôler et de corriger la trajectoire du missile lors du transit vers sa cible, jusqu’à ce que l’autodirecteur infrarouge prenne le relais pour la trajectoire d’interception.
Enfin, le missile s’est doté d’une forme et de matériaux destinés à en réduire la signature radar, en faisant l’un des premiers missiles furtifs du moment.
L’emport de charges externes dégrade la furtivité du F-35, alors que sa soute interne est relativement modeste. Dans ce contexte, l’utilisation de munitions et de charges externes « furtives » permet de préserver cette furtivité, ou tout de moins de ne pas la dégrader aussi manifestement.
La furtivité n’a que très peu d’intérêt pour un missile d’interception aérienne, sauf si celui-ci est installé sur un support externe d’un appareil lui-même furtif, lui permettant ainsi de ne pas détériorer outre-mesure la furtivité globale de l’appareil.
Il s’agit, en fait, d’une approche sensiblement similaire à celle mise en œuvre par les ingénieurs israéliens concernant les bidons largables furtifs destinés à équiper les avions de combat F-35i afin de leur permettre de mener des frappes jusqu’en Iran sans ravitaillement en vol, et sans détériorer leur furtivité.
Il est d’ailleurs probable que ce type de munition vienne à se multiplier dans les années à venir, la solution reposant sur l’emport de munitions exclusivement en soute interne pour les appareils furtifs étant particulièrement contraignante et limitante au combat.
À ce titre, on peut penser que le nouveau missile de Diehl Defence, présenté en 2022, se destine avant tout au juteux marché des utilisateurs de F-35 américains, plutôt qu’à celui du futur SCAF à l’avenir incertain, et dont le service opérationnel ne débutera, dans le meilleur des cas, qu’après 2045.
Le ministre polonais de la Défense, Mariusz Błaszczak, a annoncé à l’issue d’une réunion avec le président Duda et l’état-major polonais, que Varsovie allait commander 32 hélicoptères moyens AW149 auprés de l’italien Leonardo, en 3 versions qui seront assemblées sur place par l’usine PZL Świdnik détenue par l’avionneur italien.
La Défense est, de toute évidence, LE SUJET politique du moment en Pologne. En effet, les annonces concernant de nouveaux programmes ou de nouveaux investissements se multiplient à à rythme quasi-journalier depuis quelques semaines, alors que Varsovie entend fournir un effort sans précédant pour moderniser ses forces armées, en faisant croitre son effort de défense à plus de 3% du PIB d’ici quelques années. Aujourd’hui, à la sortie d’une réunion rassemblant autour du président Duda l’Etat-major et le ministre de La Défense polonais, ce dernier a annoncé la prochaine acquisition de 32 hélicoptères moyens AW149 auprés de l’avionneur italien Leonardo. Les appareils seront livrés en 3 versions dont certaines seront armées : soutien au combat, commandement ainsi que reconnaissance et guerre électronique. Les appareils seront assemblés par PZL Świdnik, le spécialiste polonais de la fabrication d’hélicoptères racheté par Leonardo en 2010.
L’Egypte a commandé en 2019 24 hélicoptères AW149 auprés de Leonardo
Cette déclaration, si elle s’inscrit dans une impressionnante liste d’annonces concernant les sujets de défense en Pologne ces dernières semaines, est toutefois exceptionnelle. En effet, pour la première fois depuis bien longtemps, Varsovie se tourne vers un fournisseur européen pour ses équipements de défense. Il n’était, naturellement, pas question que ces équipements puissent êtres français ou allemands, tant les relations entre Varsovie et le couple franco-allemand sont exécrables ces derniers mois. En outre, Varsovie s’est tournée vers le plus américain des hélicopteristes européens, Leonardo ayant une longue histoire de coopération avec Sikorsky. Pour autant, l’AW149 est un appareil européen, y compris dans sa motorisation assurée par 2 turbines Aneto-1K de 2300 cv construites par le français Safran.
L’arrivée du H160 et de sa version militaire va probablement sensiblement réduire les opportunités commerciales de l’AW149 italien dans les années à venir.
Long de 17 mètres pour une masse brute de 8,5 tonnes, l’AW149 peut transporter, en plus des deux membres d’équipages, jusqu’à 12 soldats en arme à une vitesse de 150 noeuds (280 km/h) sur une distance de 800 km, et peut tenir l’air pendant prêt de 4 heures avec une charge plus réduite. Présenté officiellement en 2009, il a été choisi à ce jour, en dehors de l’annonce polonaise, par la Thaïlande qui en a commandé 6 exemplaires dont 1 pour la police en 2016, puis par l’Egypte qui en a commandé 24 exemplaires en 2019. Il est probable, vu le faible engouement à l’exportation pour le modèle, que Leonardo aura intégré à son offre polonaise une fabrication locale complète de l’appareil, y compris pour les futures éventuelles exportations, même si les perspectives dans ce domaine sont relativement faibles sur un marché largement détenu par Airbus hélicoptère avec la gamme Dauphin et le nouveau H160, et par Sikorsky avec le Black-Hawk et le S-76.
L’agence d’innovation du Pentagone, la DARPA, a publié un appel à proposition concernant la possibilité d’équiper les avions ravitailleurs de l’US Air Force KC-36 et KC-135 d’un pod laser à haute énergie capable de transférer de l’énergie vers des drones en vol, de sorte à en étendre l’autonomie et d’en alléger les dispositifs de stockage d’énergie.
La DARPA, l’agence d’innovation des forces armées américaines, a publié le 13 juin une demande d’information concernant un dispositif susceptible de transférer de l’énergie entre un avion ravitailleur, comme le KC-46 ou le KC-135, et un drone en vol, au travers d’un laser à haute énergie embarqué dans un pod dédié à cette fonction. L’objectif annoncé est de parvenir à créer un « puit d’énergie » auprés duquel les drones pourront recharger leurs batteries en vol, permettant ainsi d’en entendre considérablement l’autonomie mais également d’en alléger les dispositifs de stockage d’énergie, une contrainte critique dans la conception de drones à très grande autonomie. La DARPA demande également que le Pod soit capable de gérer de manière autonome ses contraintes thermiques, pour un laser d’une puissance supérieure ou égale à 100 Kw.
Le programme SHIELD vise à developper une capacité d’auto-défense anti-missiles pour les avions de l’US Air Force basée sur un laser à haute énergie embarquée à bord des appareils eux-mêmes.
Si l’objectif initial est de permettre de transférer de l’énergie à un drone en vol, le programme initié par la DARPA a des ambitions bien plus étendues, notamment afin de permettre de créer un réseau de transfert d’énergie indépendant des énergies fossiles ou du transport électrique traditionnel, avec un potentiel opérationnel que l’on imagine aisément pour peu qu’une telle technologie puisse émerger et s’avérer performante, permettant notamment de repartir la distribution énergétique de manière dynamique sur le champs de bataille, tout en protégeant les sources de production elles-mêmes. Les soumissionnaires ont jusqu’au 11 juillet pour faire parvenir leurs propositions à l’agence américaine, qui décidera de l’opportunité de poursuivre le programme avec une ou plusieurs entreprises, comme telle est son approche traditionnelle.
Toutefois, les difficultés technologiques et les contraintes autour de cet ambitieux projet, sont à la mesure de son potentiel opérationnel. Si les avions ravitailleurs de l’US Air Force seront effectivement capables de produire l’énergie électrique nécessaire pour alimenter un pod consommant plus de 100 Kw, notamment au travers des besoins du programme de laser d’auto-protection SHIELD en cours de developpement par l’US Air Force, recharger un drone au travers d’un rayon laser sera tout sauf une mince affaire, d’autant qu’avec une puissance de 100 Kw, le laser peut potentiellement engendrer des dommages ou des dégagements thermiques sur le drone visé. En outre, les délais nécessaires à une recharge peuvent rapidement devenir très importants, d’autant que le rendement énergétique d’un tel dispositif est encore à démontrer, alors que l’avion ravitailleur comme le drone seront contraints dans leur manoeuvre pendant cette étape. Enfin, selon les fréquences et la technologie laser employées, la puissance du rayon peut être atténuée par les conditions météorologiques, même si l’on imagine que ces dispositifs sont prévus pour être mis en oeuvre à très haute altitude, là ou l’atmosphère est stable et l’humidité très réduite.
L’US Navy a lancé il y a quelques semaines un programme de drone à très grande autonomie, susceptible de garder l’air pendant une semaine. avec un système de transfert d’énergie en vol, un tel drone pourrait tenir l’air pendant plusieurs semaines.
Paradoxalement, l’ambition de la DARPA pourrait avoir été aiguillonne par les travaux d’une société Russe. En effet, en 2015, la société RKK Energia avait démontré qu’il était possible, en employant un laser dans le spectre infrarouge et de nouvelles cellules photoélectriques spécialement conçues, d’obtenir un rendement énergétique de l’ordre de 25%, permettant de générer une puissance électrique finale transférée de 50 watt pour un laser de 200 watt, soit une puissance suffisante pour maintenir « indéfiniment » en l’air un drone de catégorie 2. Au travers des avancées enregistrées depuis 2015, tant dans le domaine des laser que des cellules photovoltaïques, il est raisonnable de penser que le rendement d’un tel dispositif aujourd’hui dépasserait les 35%, ce qui, effectivement, s’avérerait adéquate pour recharger les batteries des drones à très longue endurance pour une puissance initiale de 100 Kw.
Déçue de certaines des performances constatées en situation de combat, l’Amirauté russe aurait décidé de ne pas commander le second lot de corvettes de la classe Vasily Bykov, dont 4 unités forment actuellement la colonne vertébrale de la flotte de la Mer Noire. En outre, les 4 premières corvettes en service seront toutes équipées d’un système anti-aérien Tor-M2MK déjà observé sur la première unité de la classe.
Les 4 premières corvettes de la classe Vasily Bykov constituent aujourd’hui l’un des principaux piliers opérationnels de la Flotte de la Mer Noire russe. Par leur capacité à mettre en oeuvre 8 missiles de croisière Kalibr-NK, ces navires jouent un rôle crucial dans les frappes à longue portée que mènent les forces russes contre l’Ukraine. Pour autant, selon l’agence Tass citant une source proche du dossier, l’Amirauté russe aurait renoncé à commander comme prévu un nouveau lot de 6 corvettes une fois la dernière unité du premier lot, le Nikolai Sipyagin, entrée en service d’ici la fin d’année 2023. En effet, l’état-major naval russe, sur la base des retours d’expérience de ces navires au combat, estiment ces corvettes insuffisamment armées, notamment dans le domaine anti-aérien et anti-missile, insuffisamment blindées, et d’une fiabilité contestable, notamment pour ce qui concerne les centrales électriques.
La Mosquito fleet russe a été conçue avant tout pour pouvoir contourner les contraintes du traité INF en mettant en oeuvre un important nombre de missiles de croisière Kalibr
A l’instar des corvettes Buyan-M (Pr 21631) et Karakurt (Pr 22800), les Vasily Bykov appartiennent à la « Mosquito fleet » russe dont la construction a débuté au début des années 2010, afin de mettre en oeuvre des missiles de croisière Kalibr d’une portée de plus de 1.500 km, ce afin de contourner les limitations du traité INF qui empêchait russes et américains de disposer de missiles balistiques et de croisières terrestres d’une portée allant de 500 à 5500 km. En outre, ces navires légers permettaient aux chantiers navals russes, très éprouvés par la fin de l’Union Soviétique et ayant perdu d’importantes capacités industrielles depuis 1991, de remonter en puissance progressivement, sans souffrir des délais extrêmes que connurent la construction de certaines classes plus imposantes, comme la première frégate de la classe Admiral Gorshkov dont l’entrée en service intervint 12 ans après l’entame des travaux, ou le sous-marin Severodvinsk, première unité de la classe Iassen, dont la construction s’étala sur plus de 17 ans.
En revanche, les Vasily Bykov n’ont pas été conçues pour la haute intensité. Longues de 94 mètres pour une jauge à 1700 tonnes, elles n’emportent, au delà des 8 silos UKSK pour missiles Kalibr, qu’un canon de 76mm, et aucun système anti-aérien à courte portée ou CIWS, même si les chantiers navals Zaliv proposaient l’ajout d’un système 3S90M de la famille Buk en silos verticaux en option. Face à la menace que représentent les drones et les missiles anti-navires ukrainiens, la flotte de la Mer Noire a donc décidé de systèmatiser l’emport d’un système terrestre modulaire Tor M2KM sur l’hélipad des 4 corvettes en service afin d’en renforcer les capacités d’auto-défense, même si cette approche est loi d’être optimale. Il est d’ailleurs probable que l’emport de systèmes anti-aériens et anti-missiles, comme le Pantsir-M installé sur la corvette Stavropol, dernière unité de la classe Buyan-M, tendra à se généraliser sur les Buyan-M et les futurs Karakurt.
L’installation de systèmes modulaire Tor M2KM sur la plage arrière des corvettes offre un regain de protection contre les menaces aériennes et les missiles, mais souffre de plusieurs défaillances, notamment en terme de couverture de la détection, d’intégration au système de combat du navire, et de mise en oeuvre par mer formée.
Cette décision de l’Amirauté Russe, qui pourtant met en oeuvre ses corvettes lance-missiles principalement dans les mers fermées (Caspienne) ou controlées (Mer Noire, Mer Blanche, Baltique), devrait inviter les amirautés occidentales à reconsidérer l’armement souvent faible de leurs corvettes et OPV, en particulier dans le domaine de la protection anti-aérienne et anti-missiles. La diffusion rapide observées de ce type de menace, notamment par l’emploi de drones et de missiles légers comme les missiles anti-chars en version anti-navire, ne devrait plus être ignorée désormais, d’autant que ces navires évoluent le plus souvent de manière autonome sans pouvoir profiter d’un soutien aérien ou de la protection d’une grande unité navale.