En 2018, l’US Air Force sélectionne Boeing et l’avionneur suédois Saab dans le cadre de la compétition T-X, visant à fournir un nouvel avion d’entrainement avancé pour remplacer les vieux T-38 Talon en service aux USA. Désigné T-7 Red Hawk, le nouvel appareil de Boeing/Saab s’est avéré particulièrement mature pour un simple prototype, et devrait être opérationnel dès 2024. Malgré ce délai assez court pour un nouvel avion, l’USAF a rapidement signifié son intention de louer des avions d’entrainement avancés en attendant l’arrivée du Red Hawk. En effet, outre le remplacement des Talon pour les missions de formation des pilotes, l’USAF ambitionne d’utiliser son nouvel avion d’entrainement avancé dans le cadre de son programme Rebuilding the Forge.
Plus couramment désigné Reforge, ce programme vise à utiliser les nouvelles technologies de simulation et d’entrainement, ainsi que les hautes performances des avions d’entrainement modernes, pour raccourcir considérablement la durée du cursus de formation des pilotes. Loin d’impacter uniquement la carrière des pilotes, Reforge pourrait avoir un impact direct sur la préparation opérationnelle de l’USAF, en libérant un grand nombre de chasseurs jusqu’à présent utilisés pour la transition opérationnelle des pilotes. La flotte d’avions furtifs F-22 Raptor pourrait être la principale bénéficiaire de ce programme Reforge. Mais pour que Reforge puisse être rapidement testé et mis en œuvre, l’USAF a besoin d’avions d’entrainement avancés dès l’année prochaine. Ironiquement, la compétition RFX a donc été relancée ces dernières semaines afin de sélectionner un avion intérimaire parmi les perdants de la compétition T-X.
Comme nous l’avons indiqué en Avril dernier, le programme Reforge ne devait initialement faire appel qu’au seul Lockheed Martin Golden Eagle, mis à disposition en leasing par Hillwood Aviation. L’idée de l’US Air Force était alors de louer quatre à huit avions T-50 Golden Eagle du Sud-Coréen KAI, qui était proposé par Lockheed Martin dans le cadre de T-X. Prévus. Ces derniers auraient alors été loués dès 2021 avant de fournir 3000 à 4500 heures de vol annuelles. Cela devrait permettre à l’US Air Force d’expérimenter son nouveau concept Reforge avec des avions éprouvés, avant de pouvoir transposer le concept sur une variante dédiée du Red Hawk. L’idée de Reforge, est donc d’exploiter les dernières technologies en matière d’entrainement avancé pour réduire le cursus de formation des pilotes.
Pour le moment, il faut 40 mois pour former un pilote de chasse de l’US Air Force, entre l’entrainement basique, l’entrainement avancé et l’entrainement tactique. Cette formation passe par différents modèles d’avions d’entrainement, mais ce termine directement sur l’avion d’arme qui sera utilisé par le futur pilote, dont certains ne sont pas disponibles en version biplace (A-10, F-22 et F-35 notamment). A travers Reforge, l’US Air Force souhaite que la phase d’entrainement tactique s’effectue sur un avion d’entrainement avancé, similaire au T-7 Red Hawk, mais doté d’une avionique plus représentative d’un avion de chasse, et doté de systèmes de simulation embarqués. En réduisant au minimum la phase de transition vers les avions de combat, la durée totale de formation passerait alors de 40 à 22 mois.
Initialement, les requêtes en matière d’avionique avaient imposé le choix du Golden Eagle, seul appareil d’entrainement avancé à être déjà nativement équipé d’un radar. Mais face aux propositions spontanées d’autres compagnies, l’US Air Force a accepté le 26 mars d’ouvrir la compétition RFX à d’autres candidats. Le bimoteur italien M-346 Master de Leonardo devrait notamment tenter sa chance, pour peu que l’avionneur italien arrive à confirmer l’intégration de son radar Grifo-346 à bord de l’avion d’ici la fin de l’année. Pour le moment, toutes les options sont donc ouvertes pour l’USAF, qui pourrait faire appel à plusieurs compagnies de leasing, et donc à plusieurs modèles d’avions, si cela lui permet d’obtenir le meilleur tarif. Et si les prix sont trop élevés, l’option « leasing » pourrait être tout bonnement annulée. L’évocation de ces différentes options laissent tout de même penser que l’ouverture de RFX à la concurrence aura surtout pour but de pousser Hillwood Aviation et Lockheed Martin a baisser substantiellement leurs prix.
Après une phase de location d’environ cinq ans, qui devrait permettre de valider le concept Reforge, l’USAF devrait se doter d’une variante plus avancée du Red Hawk, compatible avec l’entraînement tactique des pilotes. Une aubaine pour Boeing, qui a déjà vendu 351 Red Hawk d’entrainement avancé et pourra ainsi compter sur le financement de l’USAF pour une variante plus avancée du Red Hawk. Cette version du Red Hawk, qui pourrait être renommée TF-7 ou FT-7, sera ainsi capable de concurrencer les avions d’attaque légers sur le marché international.
A long terme, après un entrainement initial sur l’avion à hélice T-6 Texan II, les futurs pilotes s’entraineront à bord des Red Hawk, dans deux variantes différentes, directement au sein des escadrons opérationnels. Ils pourront ainsi très tôt se familiariser avec les tactiques propres au type d’appareil qu’ils piloteront, à bord de Red Hawk dotés d’une véritable avionique de combat. De quoi économiser au moins un an sur la période de formation.
Mais pour l’USAF, l’intérêt de Reforge ne consiste pas seulement à former plus rapidement ses futurs pilotes et à les familiariser très tôt avec leur environnement opérationnel particulier. En réalisant l’entrainement tactique à bord d’avions d’entrainement dotés d’une avionique de combat, l’US Air Force pourra retirer de cette mission certains de ses avions les plus précieux. Ainsi, les versions biplaces du F-16D ou du F-15D pourront être plus souvent utilisées pour des missions opérationnelles que pour des missions de transformation. Mais, surtout, l’US Air Force pourra remettre 29 F-22 Raptor supplémentaires en première ligne !
Pour l’heure, l’USAF ne dispose que de 186 chasseurs furtifs F-22 Raptor, considéré comme le meilleur avion de supériorité aérienne au monde mais dont la production a été interrompu en 2012. Mais maintenant que la Chine a lancé son J-20 furtif et que le Su-57 russe arrive en service, l’USAF réalise à quel point elle se retrouve limitée en matière de combat aérien furtif. Pour cause, sur les 186 F-22 en service, seuls 123 appareils sont intégrés dans des escadrons de première ligne. Les autres sont placés en réserve, utilisés pour des essais ou bien encore affectés à la transformation des pilotes. Cette dernière tâche mobilise ainsi 29 F-22 Raptor dans des anciens standards, Block 10 et Block 20. Pour peu que Reforge permette d’effectuer la transformation sur F-22 à partir de Red Hawk modernisés et de simulateurs, ces 29 appareils pourront être modernisés au dernier standard et réintégrer des unités de première ligne. Une partie de ces appareils pourrait également servir pour des missions « Red Air », afin de simuler des J-20 ou des Su-57 lors des exercices d’entrainement.
Cependant, pour que le nombre de F-22 en première ligne puisse être augmenté de 25%, il faudra d’abord valider tout le concept Reforge. D’où l’intérêt d’utiliser des appareils de leasing. Pour Lockheed Martin ou Leonardo, une sélection dans le cadre de RFX sera toujours une bonne publicité sur le marché international. Boeing y trouvera son compte à plus long terme, en développant une variante TF-7 pouvant intéresser le marché international. Et l’USAF pourra former ses pilotes plus rapidement, tout en augmentant substantiellement ses effectifs en première ligne.



















