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T-7 Red Hawk, T-50 Golden Eagle, M-346 Master et F-22 Raptor : les grandes ambitions du programme RFX Reforge de l’US Air Force

En 2018, l’US Air Force sélectionne Boeing et l’avionneur suédois Saab dans le cadre de la compétition T-X, visant à fournir un nouvel avion d’entrainement avancé pour remplacer les vieux T-38 Talon en service aux USA. Désigné T-7 Red Hawk, le nouvel appareil de Boeing/Saab s’est avéré particulièrement mature pour un simple prototype, et devrait être opérationnel dès 2024. Malgré ce délai assez court pour un nouvel avion, l’USAF a rapidement signifié son intention de louer des avions d’entrainement avancés en attendant l’arrivée du Red Hawk. En effet, outre le remplacement des Talon pour les missions de formation des pilotes, l’USAF ambitionne d’utiliser son nouvel avion d’entrainement avancé dans le cadre de son programme Rebuilding the Forge.

Plus couramment désigné Reforge, ce programme vise à utiliser les nouvelles technologies de simulation et d’entrainement, ainsi que les hautes performances des avions d’entrainement modernes, pour raccourcir considérablement la durée du cursus de formation des pilotes. Loin d’impacter uniquement la carrière des pilotes, Reforge pourrait avoir un impact direct sur la préparation opérationnelle de l’USAF, en libérant un grand nombre de chasseurs jusqu’à présent utilisés pour la transition opérationnelle des pilotes. La flotte d’avions furtifs F-22 Raptor pourrait être la principale bénéficiaire de ce programme Reforge. Mais pour que Reforge puisse être rapidement testé et mis en œuvre, l’USAF a besoin d’avions d’entrainement avancés dès l’année prochaine. Ironiquement, la compétition RFX a donc été relancée ces dernières semaines afin de sélectionner un avion intérimaire parmi les perdants de la compétition T-X.

T 50 Golden Eagle Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Le T-50 a été le grand perdant de la compétition T-X, mais il pourrait faire son retour, à une bien plus petite échelle, dans le cadre du programme Reforge

Comme nous l’avons indiqué en Avril dernier, le programme Reforge ne devait initialement faire appel qu’au seul Lockheed Martin Golden Eagle, mis à disposition en leasing par Hillwood Aviation. L’idée de l’US Air Force était alors de louer quatre à huit avions T-50 Golden Eagle du Sud-Coréen KAI, qui était proposé par Lockheed Martin dans le cadre de T-X. Prévus. Ces derniers auraient alors été loués dès 2021 avant de fournir 3000 à 4500 heures de vol annuelles. Cela devrait permettre à l’US Air Force d’expérimenter son nouveau concept Reforge avec des avions éprouvés, avant de pouvoir transposer le concept sur une variante dédiée du Red Hawk. L’idée de Reforge, est donc d’exploiter les dernières technologies en matière d’entrainement avancé pour réduire le cursus de formation des pilotes.

Pour le moment, il faut 40 mois pour former un pilote de chasse de l’US Air Force, entre l’entrainement basique, l’entrainement avancé et l’entrainement tactique. Cette formation passe par différents modèles d’avions d’entrainement, mais ce termine directement sur l’avion d’arme qui sera utilisé par le futur pilote, dont certains ne sont pas disponibles en version biplace (A-10, F-22 et F-35 notamment). A travers Reforge, l’US Air Force souhaite que la phase d’entrainement tactique s’effectue sur un avion d’entrainement avancé, similaire au T-7 Red Hawk, mais doté d’une avionique plus représentative d’un avion de chasse, et doté de systèmes de simulation embarqués. En réduisant au minimum la phase de transition vers les avions de combat, la durée totale de formation passerait alors de 40 à 22 mois.

Aermacchi M 346 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Leonardo espère toujours placer son M-346 auprès de l’US Air Force. Même si cela ne se fait qu’à travers le leasing d’un petit nombre d’appareil, il s’agira d’une excellente publicité pour le programme italien.

Initialement, les requêtes en matière d’avionique avaient imposé le choix du Golden Eagle, seul appareil d’entrainement avancé à être déjà nativement équipé d’un radar. Mais face aux propositions spontanées d’autres compagnies, l’US Air Force a accepté le 26 mars d’ouvrir la compétition RFX à d’autres candidats. Le bimoteur italien M-346 Master de Leonardo devrait notamment tenter sa chance, pour peu que l’avionneur italien arrive à confirmer l’intégration de son radar Grifo-346 à bord de l’avion d’ici la fin de l’année. Pour le moment, toutes les options sont donc ouvertes pour l’USAF, qui pourrait faire appel à plusieurs compagnies de leasing, et donc à plusieurs modèles d’avions, si cela lui permet d’obtenir le meilleur tarif. Et si les prix sont trop élevés, l’option « leasing » pourrait être tout bonnement annulée. L’évocation de ces différentes options laissent tout de même penser que l’ouverture de RFX à la concurrence aura surtout pour but de pousser Hillwood Aviation et Lockheed Martin a baisser substantiellement leurs prix.

Après une phase de location d’environ cinq ans, qui devrait permettre de valider le concept Reforge, l’USAF devrait se doter d’une variante plus avancée du Red Hawk, compatible avec l’entraînement tactique des pilotes. Une aubaine pour Boeing, qui a déjà vendu 351 Red Hawk d’entrainement avancé et pourra ainsi compter sur le financement de l’USAF pour une variante plus avancée du Red Hawk. Cette version du Red Hawk, qui pourrait être renommée TF-7 ou FT-7, sera ainsi capable de concurrencer les avions d’attaque légers sur le marché international.

T 7 Red Hawk Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Une variante adaptée du T-7 pourrait être utilisée pour l’entrainement tactique des pilotes de l’US Air Force. Pour Boeing, il s’agirait d’une excellente occasion de développer les capacités guerrières de son T-7, qui pourrait faire un excellent chasseur léger sur le marché de l’exportation.

A long terme, après un entrainement initial sur l’avion à hélice T-6 Texan II, les futurs pilotes s’entraineront à bord des Red Hawk, dans deux variantes différentes, directement au sein des escadrons opérationnels. Ils pourront ainsi très tôt se familiariser avec les tactiques propres au type d’appareil qu’ils piloteront, à bord de Red Hawk dotés d’une véritable avionique de combat. De quoi économiser au moins un an sur la période de formation.

Mais pour l’USAF, l’intérêt de Reforge ne consiste pas seulement à former plus rapidement ses futurs pilotes et à les familiariser très tôt avec leur environnement opérationnel particulier. En réalisant l’entrainement tactique à bord d’avions d’entrainement dotés d’une avionique de combat, l’US Air Force pourra retirer de cette mission certains de ses avions les plus précieux. Ainsi, les versions biplaces du F-16D ou du F-15D pourront être plus souvent utilisées pour des missions opérationnelles que pour des missions de transformation. Mais, surtout, l’US Air Force pourra remettre 29 F-22 Raptor supplémentaires en première ligne !

F22 Raptor Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
La remise en première ligne de 29 F-22 Raptor, même au Block 10 ou 20, permettrait d’augmenter d’un quart le nombre d’avions de supériorité aérienne furtifs de l’US Air Force

Pour l’heure, l’USAF ne dispose que de 186 chasseurs furtifs F-22 Raptor, considéré comme le meilleur avion de supériorité aérienne au monde mais dont la production a été interrompu en 2012. Mais maintenant que la Chine a lancé son J-20 furtif et que le Su-57 russe arrive en service, l’USAF réalise à quel point elle se retrouve limitée en matière de combat aérien furtif. Pour cause, sur les 186 F-22 en service, seuls 123 appareils sont intégrés dans des escadrons de première ligne. Les autres sont placés en réserve, utilisés pour des essais ou bien encore affectés à la transformation des pilotes. Cette dernière tâche mobilise ainsi 29 F-22 Raptor dans des anciens standards, Block 10 et Block 20. Pour peu que Reforge permette d’effectuer la transformation sur F-22 à partir de Red Hawk modernisés et de simulateurs, ces 29 appareils pourront être modernisés au dernier standard et réintégrer des unités de première ligne. Une partie de ces appareils pourrait également servir pour des missions « Red Air », afin de simuler des J-20 ou des Su-57 lors des exercices d’entrainement.

Cependant, pour que le nombre de F-22 en première ligne puisse être augmenté de 25%, il faudra d’abord valider tout le concept Reforge. D’où l’intérêt d’utiliser des appareils de leasing. Pour Lockheed Martin ou Leonardo, une sélection dans le cadre de RFX sera toujours une bonne publicité sur le marché international. Boeing y trouvera son compte à plus long terme, en développant une variante TF-7 pouvant intéresser le marché international. Et l’USAF pourra former ses pilotes plus rapidement, tout en augmentant substantiellement ses effectifs en première ligne.

La Grèce et Israël se regroupent pour produire la nouvelle classe de corvettes Themistocles

Au cours de la visite du Premier Ministre Grec en Israël, le 16 juin dernier, le chantier naval grec ONEX Neorion et le groupe israélien Israel Shipyards ont annoncé le lancement d’une nouvelle génération de corvettes destinées à la marine de guerre Hellénique, baptisée Corvette Themistocles. Cette annonce fait suite à la signature d’un accord entre les deux compagnies, en février dernier, et représente une très bonne nouvelle pour la Grèce, dont la flotte de surface est particulièrement vieillissante.

Sur le plan technique, cette nouvelle classe de corvette n’a rien d’exceptionnelle, puisqu’il s’agit d’une version adaptée aux besoins grecs de la corvette Sa’ar 72 en cours de construction pour la marine israélienne. Néanmoins, le lancement rapide de ce programme, et la communication qui est faite autour, montre les ambitions politiques qui entourent le rapprochement entre Israël et la Grèce. En effet, les deux pays se sont considérablement rapprochés ces dernières années, notamment autour du projet de gazoduc EastMed qui fait face à une virulente opposition de la part de la Turquie. La question énergétique, et l’opposition vis-à-vis d’Ankara, apparaissent très clairement au centre du projet Themistocles, également désigné sous l’appellation de Eastern Mediteranean Patrol Corvette.

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En version Surveillance, la Themistocles est équipée d’un canon léger, d’équipements de sauvetage et de matériel médical adapté aux opérations de sauvetage et d’intervention humanitaire, notamment.

Pour la Grèce, ce programme Themistocles est éminemment stratégique. D’une part, il permettra de relancer l’activité du chantier naval de Neorion, sur l’île de Syros, ce qui est une excellente nouvelle dans le contexte économique actuel. D’autre part, en sélectionnant un design de corvette déjà finalisé pour la marine israélienne, la Marine Hellénique devrait s’assurer des livraisons assez rapides. Etant donné les tensions de plus en plus importantes entre la Turquie d’une part et la Grèce et ses alliés d’autre part, il ne s’agira certainement pas d’un luxe pour Athènes. Enfin, pour Athènes, l’opération sera également l’occasion d’impliquer indirectement les USA autour de la défense du projet de gazoduc EastMed. En effet, le chantier de Neorion appartient à ONEX, une entreprise américaine, et l’ensemble du projet Themistocles semble se dérouler avec l’accord bienveillant de Washington.

D’un point de vue technique, comme le rappelle Naval News, la Corvette Themistocles n’est rien de plus qu’une Sa’ar 72 israélienne adaptée aux besoins grecs. Les visuels utilisés sur le site internet dédié au projet Themistocles sont d’ailleurs exactement les mêmes que ceux de la Sa’ar 72 utilisés depuis plus d’un an par Israel Shipyards. Dans sa version israélienne, la Sa’ar 72 est une corvette de 72 mètres de long et de 800 tonnes, embarquant huit missiles anti-navires et seize missiles de défense aérienne Barak 8, mais également des tubes lance-torpilles et une artillerie légère. Malgré son déplacement modeste, le bâtiment peut accueillir un hélicoptère médian et deux embarcations légères, et dispose de capacités de soutien pour une vingtaine de commandos. Son artillerie principale est composée d’un canon de 76 mm, et la partie centrale du navire dispose d’un espace modulaire permettant l’emport de conteneurs, ou la mise en place d’un lanceur pour missiles légers. Particulièrement compact, cette corvette dispose tout de même d’une vitesse de pointe de 30 nœuds et peut parcourir 5000 nautiques à la vitesse de 12 nœuds.

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Corvette Sa’ar 72 / Themistocles en configuration combat, avec missiles anti-navires et canon 76mm.

Dans l’ensemble, ces capacités sont particulièrement impressionnantes pour un navire de cette taille, qui se retrouve très bien armé pour opérer dans les eaux étroites de la mer Méditerranée et de la Mer Égée. Pour l’heure, si toutes ces options ont été proposées à la Grèce, aucune communication n’a été faite sur le nombre de navire désiré par la Marine Hellénique, ni sur la configuration d’armement effectuée. En effet, Israel Shipyards et ONEX proposeront la Themistocles à la fois pour le combat en surface, avec un armement lourd modulaire, et pour des missions de patrouille et de surveillance. Pour la protection de plateformes off-shore, la lutte contre l’immigration illégale, la protection des pêches ou le sauvetage en mer, une artillerie plus légère et des capacités hospitalières ou d’hébergement de fortune seront ainsi privilégiées à une densité d’armement importante. En fonction des besoins grecs, une demi-douzaine de bâtiments dotés de capacités intermédiaires pourraient être acquis dans un premier temps. Ce qui n’empêchera pas le chantier naval de l’île de Syros de pouvoir délivrer, par la suite, des navires plus lourdement armés.

Quels que soient les choix faits par la Grèce, il semble qu’Athènes a résolument l’intention de muscler son jeu face à Ankara, à la fois sur le plan matériel et symbolique. En effet, la désignation de cette classe de corvette fait référence au stratège athénien Thémistocle. Père fondateur de la puissance navale athénienne, Thémistocle a notamment contribué à la victoire de Salamine, durant la Seconde Guerre Médique, face à une marine Perse nettement plus nombreuse. Tout un symbole.

Greece Sends LOI to France for Belharra Frigates Looking for Financing Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
La Marine Hellénique est en négociation avec la France pour la livraison de deux frégates FDI construites en France chez Naval Group, avec potentiellement deux de plus à construire en Grèce.

Et en matière de stratégie des moyens, ces corvettes légères Themistocles pourraient ainsi constituer la partie basse d’un triptyque de nouveaux navires construits en collaboration avec des alliés locaux. En effet, la Marine Hellénique pourrait se doter de corvettes légères Themistocles (800 tonnes) pour la protection de ses abords maritimes et la lutte de surface, d’European Patrol Corvette (environ 3000 tonnes) mieux optimisées pour les déploiements lointains et la lutte anti-sous-marine et enfin de frégates multifonction de conception française, de type FDI (4200 tonnes) offrant une protection à longue portée contre tous types de cibles, aériennes, navales, sous-marines et terrestres. Reste à voir si Athènes aura les moyens de financer un tel renouvellement capacitaire, ou si au moins un de ces programmes sera sacrifié sur l’autel budgétaire. Sur le plan technique, l’European Patrol Corvette semble pour l’instant être le projet le moins solide, puisqu’il ne s’appuie pas sur une classe de navire en cours de production, contrairement aux frégates FDI et aux corvettes Sa’ar 72. Néanmoins, les frégates FDI restent des navires de premier rang coûteux, affrontant également une rude concurrence américaine.

Alors qu’ils ne sont pas encore pleinement opérationnels, les hélicoptères NH90 TTH belges pourraient être retirés du service

De tous les pays d’Europe Occidentale, la Belgique est sans doute un de ceux qui a le plus souffert des réductions d’effectifs liées aux « Dividendes de la Paix ». Si des plans de modernisations ont été lancés ces dernières années, après plusieurs décennies de coupes budgétaires, le budget famélique de la défense belge ne permettra pas de renouveler et maintenir toutes les capacités opérationnelles actuelles. D’autant plus que les micro-flottes de matériel sont complexes et coûteuses à entretenir. Le dimensionnement des flottes d’hélicoptères belges est tout particulièrement représentatif de ce phénomène, qui vise à conserver des capacités opérationnelles avec le moins de moyens possibles, rendant leur utilisation particulièrement ardue.

Ainsi, la participation belge au programme européen d’hélicoptère NH90 s’est limitée au stricte minimum. Pour les opérations navales, la Composante Air (force aérienne belge) n’a ainsi reçu que deux NH90 NFH-SAR, destinés aux opérations de sauvetage en mer, et deux NH90 NFH-MAR capables de réaliser des opérations de lutte anti-navire et anti-sous-marine. Pour le soutien aux opérations terrestres, ce sont également quatre appareils, des NH90 TTH, qui ont été commandés et livrés au début des années 2010. Pourtant, alors même que la pleine capacité opérationnelle des NH90 TTH belges n’est pas attendue avant 2022, la Défense a annoncé vouloir réduire le plan de vol des quatre hélicoptères TTH de la Composante Air. Une décision qui s’accompagne de rumeurs non-confirmées évoquant l’étude d’un retrait anticipé de ces appareils pourtant en tout début de carrière.

NH90 TTH belgique Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Les NH90 TTH de la Composante Air sont destinés aux opérations de sauvetage au combat, à l’appui des troupes de la Composante Terre, à l’évacuation médicale au profit de la Composante Médecine et à de nombreuses opérations de logistique. Le format de la flotte réduit à sa plus simple expression entraine cependant de gros problèmes de coûts opérationnels, de disponibilité de la flotte et de recrutement des pilotes.

Une micro-flotte trop coûteuse et complexe à opérer

Pour la Défense belge, la situation s’est tendue ces dernières années autour des questions aéronautiques. Particulièrement coûteux à l’achat, les aéronefs sont acquis en petites quantités (8 NH90 au total), là où les programmes terrestres concernent toujours plusieurs dizaines ou centaines de véhicules. Or, certains coûts liés à l’entretien et à l’exploitation des aéronefs sont fixes, indépendamment de la taille de la flotte, ce qui augmente encore le coût unitaire de chaque appareil. Ainsi, le coût à l’heure de vol des NH90 belges est plus élevé que celui des chasseurs F-16, qui consomment pourtant bien plus de carburant mais qui sont disponibles en plus grand nombre et disposent d’une base de soutien logistique plus importante. Ironiquement, les réductions de flottes destinées à réduire le coût global d’exploitation tend donc à augmenter drastiquement le coût unitaire de chaque aéronef.

Sur la question des problèmes de disponibilité opérationnelle, toutefois, la responsabilité n’est pas seulement à rejeter sur le faible nombre de NH90 opérés par la Belgique. Après tout, de nombreux opérateurs privés et publics gèrent des micro-flottes sans pour autant connaître des immobilisations aussi lourdes que les NH90. Pour le coup, et la Défense belge ne manque pas de le rappeler, la faute incombe également à NHIndustries. Ce consortium constitué d’Airbus Helicopters et Leonardo, avec une petite participation de Fokker, est réputé pour la complexité de sa chaîne logistique et ses lourdeurs administratives.

NH90MFH belgique Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Un désinvestissement de la Défense au sujet des quatre NH90 TTH permettrait de renforcer les moyens logistiques et humains attribués aux quatre NH90 NFH navals (deux pour le sauvetage en mer, deux pour le combat naval)

Autre problème majeur des micro-flottes : les mises à jour. Jusqu’à présent, la Défense belge a toujours indiqué qu’elle souhaitait moderniser en continu ses NH90, afin de les maintenir aux derniers standards en service dans les forces européennes. Pour 2020, 13 millions € sont ainsi prévus pour la mise à jour des quatre hélicoptères TTH. Cependant, certaines de ces mises à jour peuvent être particulièrement longues, la dernière remise à niveau des appareils NFH ayant pu durer jusqu’à 23 mois par appareil ! Pour une force aérienne disposant de plusieurs dizaines d’hélicoptères, ces mises à jour peuvent s’échelonner sur plusieurs années en ne ponctionnant pas plus de 10 à 15% de la flotte. Mais, dans le cas de la Belgique, chaque remise à niveau de longue durée d’un unique hélicoptère immobilise nécessairement 25 à 50% d’une flotte donnée, selon la variante du NH90 concerné.

Enfin, la Composante Air souffre depuis plusieurs années d’un problème chronique de recrutement et de budget. Pour l’heure, elle ne dispose tout simplement pas d’assez de financements pour permettre de réaliser les heures de vol nécessaires à l’obtention d’une pleine capacité opérationnelle avec ses quatre NH90. Pire encore, elle ne dispose pas non plus d’assez de pilotes pour réaliser cet objectif. Pour rappel, la Capacité Opérationnelle Finale (FOC) n’est pas liée aux fonctionnalités techniques implémentées dans les aéronefs, mais à la possibilité de réaliser un contrat opérationnel donné, que ce soit en terme de disponibilité, de déploiements et d’heures de vol. Cela impose donc de disposer des budgets et des ressources humaines suffisantes pour assurer le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères (maintenance) ainsi que le nombre d’heures de vol annuel minimal (nombre de pilote et budgets annuels).

NH90 Belgique Mali appui feu Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Les NH90 TTH ont pu être déployés au Mali, et participer au rayonnement diplomatique de la Belgique auprès des instances alliées. Plutôt qu’une réduction des moyens alloués aux quatre NH90, on peut s’interroger sur la pertinence que pourrait avoir un accroissement de la flotte à six ou huit exemplaires. Les coûts d’exploitation unitaires diminueraient drastiquement. Mais les tensions au niveau des ressources humaines ne feraient que croître.

F-35, A400M, Sky Guardian : la Composante Air établit ses priorités

Aujourd’hui, la Défense belge doit dégager des crédits pour de nombreux programmes de rééquipement, que ce soit dans la Composante Terre, avec notamment le programme CaMo, dans la Composante Marine, avec plusieurs programmes d’acquisition menés conjointement avec les Pays-Bas, ou bien évidemment dans la Composante Air, où les acquisitions d’avions de transport A400M, de drones MQ-9B Sky Guardian et surtout d’avions de combat F-35 s’avèrent bien plus coûteuses que prévues.

Sélectionné en 2019 suite à de très nombreux débats, le F-35 apparaît de plus en plus comme un tribut payé par Bruxelles auprès de Washington et de l’OTAN, bien plus que comme une véritable réponse aux besoins opérationnels de la Belgique. Malheureusement, le coût de ce programme –toujours bien plus élevé qu’annoncé– va sans doute forcer la Défense à sacrifier certaines de ses capacités existantes. Y compris celles qui répondent parfaitement à son besoin opérationnel, tant pour les missions de sécurité intérieure que pour les déploiements en opérations extérieures. Ce qui est le cas des NH90 TTH.

NH90 TTH Belgique UN Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Déployés au Sahel, les NH90 TTH belges participent tout autant au rayonnement diplomatique du pays que ne le ferait le déploiement d’une paire de F-16 ou de F-35. Avec un nombre d’heures de vol quasiment divisé par deux, ce genre de déploiements seront à l’avenir bien plus rares pour les NH90.

Avec une micro-flotte de quatre NH90 TTH et des problèmes de recrutement des pilotes, la Composante Air se retrouve aujourd’hui dans l’incapacité de remplir son contrat opérationnel à moins d’investir des sommes jugées bien trop importantes pour une si petite flotte. Une situation particulièrement ironique, sachant que ces petites flottes si coûteuses d’un point de vue relatif ont été dimensionnées au plus juste afin justement de coûter le moins cher possible en valeur absolue.

Dans un premier temps, face à la crise qui se profile et qui réduira ses possibilités de modernisation, la Composante Air a annoncé vouloir retirer immédiatement ses drones B-Hunter, sans attendre l’arrivée des MQ-9B Sky Guardian prévue pour 2023. Concernant les NH90 TTH, les annonces actuelles portent sur une réduction du nombre d’heures de vol annuelles à 600 heures, contre 1050 heures budgétées jusqu’à présent. Sachant qu’il aurait fallu 1200 heures annuelles pour atteindre la Capacité Opérationnelle Finale en 2022, et 1350 heures pour répondre aux recommandations de l’OTAN, on comprend l’ampleur de la crise qui se profile. Cette réduction capacitaire est considérée comme nécessaire afin de concentrer les efforts sur les quatre NH90 NFH destinés aux opérations navales.

MQ 9B Sky Guardian General Atomics Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Le MQ-9B Sky Guardian a été sélectionné pour remplacer les B-Hunter, qui devraient donc être retirés prématurément du service actif. Les budgets nécessaires à l’acquisition des vecteurs les plus stratégiques (F-35, A400M, MQ-9B) implique forcément de sacrifier les capacités opérationnelles les moins « cost effective », ce qui concerne tout particulièrement la micro-flotte de NH90.

Mais elle aura pour effet de réduire encore et toujours l’utilité opérationnelle des TTH, qui ne pourront jamais répondre à leur contrat opérationnel. Ainsi, cette décision va nécessairement impacter négativement les capacités de déploiement en opérations extérieures, mais aussi les missions d’appui en soutien aux forces terrestres et à la Composante Médicale. En pleine pandémie de coronavirus, la décision a de quoi surprendre.

Vers un retrait opérationnel des quatre NH90 TTH ?

A bien des égards, la décision qui vient d’être annoncée finirait de saborder purement et simplement la flotte de NH90 TTH belges. Acquis en trop petit nombre et disposant d’un budget de fonctionnement trop limité pour pouvoir remplir leur contrat opérationnel, les TTH sont désormais accusés de coûter trop cher, d’être trop peu disponibles et de ne pas avoir assez de pilotes pour rester opérationnellement viables. Ce qui est parfaitement normal pour une micro-flotte ne disposant pas d’assez de budgets de fonctionnement…

Ainsi, les NH90 TTH se retrouvant dans l’impossibilité physique d’atteindre leur FOC en 2022, des rumeurs grandissantes indiquent que les quatre appareils pourraient être tout simplement retirés du service d’ici deux ou trois ans. Pour peu que la Défense arrive à trouver un repreneur sur le marché de l’occasion (les appareils belges sont très proches des TTH de l’Armée de Terre française), elle pourrait juger plus intéressant de les remplacer par un appareil plus léger capable d’effectuer plus d’heures de vol annuelles.

Airbus Helicopters delivers first H145M to Luxembourg Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
La Défense belge pourrait être tentée de retirer sa flotte de NH90 afin de les remplacer par des H145M exploités conjointement avec les hélicoptères du même type opérés au Luxembourg. De tels appareils auraient cependant beaucoup de mal à s’insérer au sein d’un dispositif militaire complexe, que ce soit au Sahel ou au Moyen-Orient notamment.

Le H145M mis en œuvre par le Luxembourg avec l’aide de la Composante Air belge pourrait être un choix logique, puisqu’il serait peu coûteux à l’achat et à l’usage, adapté aux évacuations médicales et capable de mettre en œuvre des forces spéciales. Il permettrait surtout de remplacer simultanément les NH90 et les derniers Agusta A109 en service en Belgique. Deux fois plus léger que le NH90, le H145M n’est cependant pas du tout en mesure d’assurer les mêmes missions en opérations extérieur, que ce soit pour le transport de troupe ou l’appui logistique. Une autre solution pourrait être de se greffer sur la commande de H225M Caracal, plus proche du NH90 en terme de capacités, annoncée par le Ministère des Armées pour l’Armée de l’Air française, en bénéficiant, au même titre que pour le programme CAMO, d’une solution de maintenance mais également de formation mutualisée avec les forces françaises.

Dans tous les cas, qu’elle diminue les heures de vol de ses NH90 ou qu’elle les remplace par des hélicoptères plus économiques, la Composante Air devra sacrifier ses capacités opérationnelles sur l’autel des grands programmes aéronautiques, A400M et F-35 en premier lieu. Pour une question de prestige et de positionnement relatif au sein de l’OTAN, la Composante Air a donc tout intérêt à se concentrer sur les moyens les plus dimensionnant de toutes les armées de l’air occidentales : les avions de chasse, les avions de transport stratégiques et les drones MALE, quitte à sacrifier les hélicoptères d’appui. Nul doute que la pilule sera particulièrement difficile à avaler auprès de la Composante Terre, qui bénéficie en premier lieu du soutien aérien apporté par les NH90 TTH et les drones B-Hunter.

Une annonce pleine de promesses pour le programme de patrouilleurs hauturiers français

Le 10 juin, le ministère des armées français a annoncé le lancement du programme portant sur la conception et la construction des 10 patrouilleurs hauturiers devant prendre le relais des vénérables PHM, des avisos A69 retrofitées pour cette mission dans les années 90, et qui dépassent désormais les 40 années de service. Ce programme est le dernier volet d’un très mouvementé programme BATSIMAR visant à remplacer les patrouilleurs de la Marine Nationale. Si aucune information n’est évidemment disponible aujourd’hui concernant la configuration précise de ces 10 navires, la phase de conception n’ayant pas encore débuté, plusieurs annonces laissent présager de perspectives intéressantes en matière de performances et de capacités.

La première information dimensionnante est le budget alloué au programme, une enveloppe de 1 Md€ qui permet d’envisager des navires entre 1000 et 1500 tonnes, positionnant le programme français dans le haut du spectre des programmes OPV européens. Avec un tel tonnage, les patrouilleurs hauturiers français pourront potentiellement disposer d’une plate-forme pour hélicoptère, permettant d’augmenter l’allonge des capacités d’engagement du bâtiment, et ce en plus des drones dont l’utilisation à bord est déjà annoncée.

La seconde information relève des missions qui, selon la communication du Ministère des Armées, seront attribuées aux nouveaux PHM. En effet, au delà des missions traditionnelles pour les OPV, il est fait référence à une participation aux missions de dissuasion, ce qui laisse présager de capacités de lutte anti-sous-marines côtières, de sorte à protéger les submersibles stratégiques français lors des mouvements autours de leur base de l’Ile longue dans le Finistère. Cette mission a longtemps été assurée par les Avisos A69 qui bénéficiaient pour cela d’un sonar d’étrave, de torpilles anti-sous-marines lourdes L5 et d’un lance-roquette anti-sous-marine. Dès lors, on peut espérer que les futurs PHM seront, eux aussi, dotés d’une suite anti-sous-marine optimisées pour la lutte côtière, à l’instar, par exemple, des corvettes chinoises Type 056A de 1500 tonnes.

Reste à voir à quel point ce programme se rapprochera de l’initiative franco-italienne de corvette européenne à laquelle l’Espagne et la Grèce se sont jointes. Selon le cadre initialement défini pour ce programme, il semble davantage qu’il s’agisse de concevoir une corvette de 2500 à 3000 tonnes destinée, pour la France, à remplacer les Frégates de Surveillance et potentiellement les Frégates légères Furtives pour renforcer le segment intermédiaire et alléger la pression sur les frégates dites de premier rang Horizon, FREMM et FDI.

FDI grecque Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Dans sa configuration à 32 silos, la FDI de Naval Group représente aujourd’hui une des meilleures frégates occidentales en matière de rapport capacités / prix ou capacités / tonnage.

A noter qu’à l’instar de la FDI de Naval Group qui représente incontestablement aujourd’hui un des navires occidentaux les plus polyvalents et performants pour leur tonnage et leur prix, une corvette à 100 m€ (ou 150 m€ avec les armements) qui intègrerait des capacités anti-sous-marines côtières, anti-navires et une capacité d’autodéfense anti-aérienne, ne manquerait pas de se positionner avec de nombreux arguments dans les compétitions européennes et internationales, alors que la menace sous-marine redevient significative sur de nombreux théâtres d’opération.

Visite du président polonais à Washington : jusqu’où l’administration Trump jouera-t-elle la carte de la désunion européenne ?

À quatre jours du premier scrutin de la présidentielle polonaise et à la veille d’une visite officielle de l’actuel chef d’Etat Andrzej Duda à Washington, la presse polonaise rapporte que 2000 soldats américains pourraient potentiellement venir grossir les rangs des forces déjà pré-positionnées en Pologne. Si une telle annonce venait à être officialisée, elle renforcerait l’idée que Washington « joue les Européens les uns contre les autres », à l’heure où Donald Trump menace Berlin d’un retrait partiel des troupes américaines présentes sur son sol.

En effet, c’est probablement avec l’idée de réitérer son succès obtenu un an auparavant dans de pareilles circonstances, que le président Duda rencontre ce mercredi son homologue américain à la Maison Blanche. Cette visite intervenant dans un contexte de tensions extrêmes entre Berlin et Washington, le président polonais sortant pourrait bien exploiter l’insidieuse ingérence de Donald Trump dans le scrutin national pour obtenir des garanties de protection supplémentaire pour son pays, avec possiblement à la clé, un renforcement capacitaire du contingent américain présent sur le sol polonais.

F 35A USAF vol couverture USAF Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
En mars 2019, Donald Trump avait accepté la proposition polonaise de prendre en charge les coûts afférents au redéploiement du millier d’hommes en provenance d’Allemagne sur le sol polonais, en mettant notamment en avant la volonté de Varsovie d’acquérir 32 chasseurs F-35A. C’était chose faite en février dernier et ce, sans aucune contrepartie industrielle pour la Pologne.

Mais toute la question est désormais de savoir si nous allons assister à un retrait ou à un redéploiement des troupes américaines, notamment à l’Est du continent européen. Après avoir annoncé son intention de procéder à une réduction – à hauteur de 9500 unités – des effectifs militaires déployés en Allemagne, Washington pourrait franchir un pas supplémentaire en ce sens. La Pologne pourrait ainsi profiter de l’exaspération croissante de Donald Trump à l’endroit de Berlin, fustigeant cette dernière depuis maintenant plusieurs années quant à la faiblesse de ses dépenses de défense mais également à son implication dans le projet russe Nord Stream 2, allant même jusqu’à juger son comportement de « délinquant ».

Bien évidemment, le président américain est soutenue par une large majorité des députés siégeant au Congrès, jusqu’ici rien d’anormal, mais force est de constater que cette posture n’est pas du seul fait de Donald Trump mais remonte à son prédécesseur. Cela pourrait paraître en effet paradoxal, mais le président Obama avait suivi, sur ce plan, une ligne similaire à celle défendue actuellement par son successeur, bien qu’il ait su l’expliciter en des termes plus académiques et diplomatiques que l’actuel président. Il ne faut pas oublier que déjà, en 2012, il avait procédé au retrait de deux des quatre brigades de combat de l’armée de terre américaine basées en Europe, ne voyant pas ainsi la nécessité de les maintenir sur un continent riche et stable.

Trump ne fait que poursuivre la politique de ses prédécesseurs et une victoire de l’actuel candidat démocrate aux présidentielles américaines de novembre prochain n’y changera probablement rien. Il ne fait aucun doute que les relations transatlantiques s’éclairciront et qu’elles s’engageront vers une désescalade sur le plan commercial si Joe Biden venait à entrer à la Maison-Blanche. Mais le rapprochement des deux camps n’ira guère au-delà d’un dégel politique et le désamour continuera inévitablement sous une présidence démocrate : le fait est que les Américains se sont d’ores-et-déjà persuadés que l’OTAN est une affaire européenne et qu’il est désormais normal pour ces derniers d’y contribuer plus amplement qu’auparavant.

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Le modèle d’évolution capacitaires des forces armées allemandes et retenu par Berlin suppose un parc de matériels fourni, disponible et modernisé. Mais dans les faits, l’entretient et l’acquisition au sein de la Bundeswehr sont deux dynamiques soumises à de fortes contraintes. La disponibilité des systèmes d’armes allemands demeurent faible, à l’image du taux moyen de disponibilité des hélicoptères d’attaque tigre qui s’établissait en 2017 à 31%.

Bien que les dépenses de défense des Etats européens aient sensiblement augmentées depuis 2014, force est de constater que les efforts de Berlin ont été largement insuffisants, qui plus est au regard de la puissance économique qu’elle a su développer au cours des trois dernières décennies. Mauvaise élève de l’OTAN, elle est bien loin de respecter les engagements pris en 2014 dans le cadre du sommet de Newport (Pays de Galles), à savoir de porter le niveau de ses dépenses de défense à 2% du PIB d’ici à 2024. En l’état actuel, l’Allemagne atteint péniblement les 1.2%, et il est déjà acquis qu’elle n’atteindra pas le seuil de Newport en 2024, faisant le choix d’abaisser son ambition à 1.5% et de repousser l’objectif des 2% à 2031. Très logiquement, ce désinvestissement dans ses capacités a inévitablement impacté l’outil militaire allemand : le taux de disponibilités des systèmes d’armes constitue l’un des points noirs de la Bundeswehr et des doutes persistent quant à l’état de préparation opérationnelle des forces armées. Les premières hausses budgétaires amorcées dans la seconde moitié de la décennie 2010 n’ont pas permis de neutraliser une érosion quasi généralisée de la disponibilité du matériel allemand.

En un sens, l’argumentaire de Donald Trump est parfaitement audible et il n’est, à cet égard, pas surprenant de voir s’y rallier un large pan de la classe politique américaine mais surtout, une partie des éditorialistes de défense européens mais aussi d’outre-Rhin, à l’instar du quotidien allemand Hendelsblatt qui n’a pas hésité à comparer le peu d’entrain de Berlin en matière de défense à une « feinte indigne (…) qui n’est pas digne de la première puissance économique d’Europe ». L’attitude de l’Allemagne suscite donc de l’incompréhension à l’intérieur même de ses frontières, qui plus est lorsque des Etats comme la Pologne, l’Estonie ou bien encore la Lituanie parviennent à consacrer 2% de leur PIB à la défense. Pourquoi le poids lourd économique et politique de l’UE ne peut-il faire ce sacrifice ? C’est pour obtenir une réponse à cette question que Trump menace de retirer ses troupes d’Allemagne. Mais c’est, paradoxalement, pour des considérations d’ordre purement économique qu’il les prolifère, les déclarations ci-contre constituant l’acmé d’une vision géostratégique étriquée et réduite au champ purement économique : « Ce sont des soldats bien payés. Ils vivent en Allemagne, ils dépensent des tonnes d’argent en Allemagne. Partout autour de ces bases, c’est très riche, l’Allemagne en profite ».

Ainsi, si ce retrait partiel venait à être acté, il mésestimerait toutes considérations d’ordres opérationnel et stratégique car, fruit de l’héritage de la Guerre froide, la présence américaine sur le sol allemand constitue le premier point d’ancrage des Etats-Unis en Europe : sur les 63000 soldats américains déployés en permanence sur le sol européen, 34500 le sont en Allemagne. On y trouve également leurs commandements pour l’Europe (USEUCOM) et l’Afrique (USAFRICOM) à Stuttgart, ainsi que la base aérienne de Ramstein, véritable plaque logistique et opérationnelle, indispensable à l’exécution de la stratégie de défense nationale américaine au Moyen-Orient, en Afrique mais aussi en Arctique. Un tel retrait sous-tendrait un changement de paradigme considérable pour les forces armées américaines et leur emploi, et dont l’actuel locataire de la Maison Blanche ne semble manifestement pas en mesurer la portée.

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La base aérienne de Ramstein est l’une des plus grandes bases américaines situées en dehors du sol américain, véritable hub européen pour la projection des forces américaines en Afrique et au Moyen-Orient. Elle abriterait également le centre névralgique de la gestion du programme de drones militaires américains, opérant en Somalie, au Yémen ou bien encore en Afghanistan.

Il n’est dès lors pas surprenant d’entendre plusieurs voix s’élever contre cette initiative, y compris au sein même du camp républicain que du rang des militaires, au premier chef desquels le général Ben Hodges, anciennement à la tête du USEUCOM de 2014 à 2017, ce dernier n’hésitant pas à parler d’une prise de position « dénuée de tout sens opérationnel et dépourvue d’analyse stratégique ». Par ailleurs, questionné sur une éventuelle relocalisation des troupes en Pologne, celui-ci a rétorqué : « je crois que si les Etats-Unis ordonnaient de déplacer des troupes et des bases permanentes en Pologne ou ailleurs sur le flanc Est de l’OTAN, nous risquerions de rompre la cohésion de l’OTAN. Il est probable que les pays d’Europe occidentale considéreraient cela comme une violation de l’Acte fondateur OTAN-Russie ».

Ainsi, le memorandum qui pourrait être signé aujourd’hui entre le président polonais et Donald Trump pourrait déboucher sur un renforcement des capacités défensives de la Pologne au détriment de l’Allemagne mais aussi et surtout d’une Alliance qui ne parvient guère à empêcher la désunion d’une partie de ses membres fondateurs. Personne ne remet en cause le rôle que l’OTAN tient dans la sécurité collective du continent, si ce cadre n’existe pas, il n’y a rien en Europe : pas de standardisation, pas d’opérations conjointes, pas d’état-majors. Mais force est de constater que l’OTAN est malade, et le dire ne reviendra pas à souligner nos faiblesses mais davantage à illuminer le chemin restant à parcourir pour atteindre un niveau d’auto-suffisance qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut. Un processus qui s’inscrit dans un temps long, trop long pour des pays sous menace directe à l’instar de la Pologne et des pays baltes.

Dans un contexte international tendu, Airbus Helicopters vend encore quelques hélicoptères au Japon

Pour Airbus Helicopters, les seules bonnes nouvelles sur le marché international semblent définitivement venir du Japon. Ces derniers mois, le marché civil des hélicoptères souffre gravement de l’effondrement du prix du pétrole, qui entraine une suppression des commandes de l’industrie off-shore, mais aussi de la crise sanitaire mondiale qui ralentie toutes les branches du secteur aéronautique. Une situation gravissime qui a poussé le gouvernement français à annoncer récemment des commandes anticipées pour une vingtaine d’hélicoptères destinés à l’Armée de l’Air, à la Gendarmerie et à la Sécurité Civile.

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Le H225 est déjà l’hélicoptère lourd de référence des Gardes Côtes japonais. Les quatre Super Puma achetés par la police nationale serviront également, entre autres missions, aux opérations de secours.

Sur le marché de l’exportation, cependant, la situation est particulièrement morne, avec de très nombreuses annulations de commandes et une limitation drastique des appels d’offre, aussi bien pour les clients privés que gouvernementaux. En plein cœur de la crise, le gouvernement japonais avait cependant annoncé la commande de deux nouveaux H225 Super Puma pour les Gardes Côtes du pays. Aujourd’hui, Airbus Helicopters a annoncé que Tokyo se portait acquéreur d’un hélicoptère lourd H225 Super Puma supplémentaire ainsi que de quatre hélicoptères légers H135, cette fois-ci pour équiper Agence de Police Nationale (NPA).

Agence civile, la NPA disposera officiellement des variantes civiles de ces deux hélicoptères, et non pas des versions H225M et H135M destinées aux clients militaires. Néanmoins, lorsqu’ils sont utilisés par les forces de l’ordre et les agences gouvernementales, les hélicoptères d’Airbus présentent bien souvent des équipements développés typiques des variantes militaires : boules électro-optiques, treuils, radars, mais aussi supports pour fusils de snipers par exemple.

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Le petit biturbine H135 est déjà bien connu au Japon, que ce soit par les forces de police, la marine japonaise (ici en photo) et de nombreux opérateurs civils et militaires

A l’heure actuelle, environ trente hélicoptères de la famille Super Puma et une centaine de H135 sont utilisés au Japon, aussi bien par des opérateurs publics que privés. La NPA, à elle seule, dispose déjà de 12 H135, et a déjà passé commande pour trois Super Puma (un H215 et deux H225). Une dizaine d’hélicoptères Dauphin sont également utilisés par la NPA, à la fois dans leur variante H155 et AS365.

La version militaire de l’Airbus Helicopters H145 à cinq pales devrait être qualifiée l’année prochaine, avec de nouveaux atouts à faire valoir

En mars 2019, lors du salon Heli-Expo d’Atlanta, Airbus Helicopters a dévoilé la nouvelle variante de son hélicoptère biturbine à succès, le H145. Doté d’un nouveau rotor équipé de cinq pales, contre quatre sur les variantes précédentes, ce nouvel hélicoptère devrait être plus léger, plus économe et disposer d’une plus grande charge utile, tout en diminuant les besoins en maintenance. Destiné avant tout au marché civil et aux services publics (polices, ambulances, liaison, etc.), le nouveau H145 a été certifié par l’agence européenne de sécurité aérienne (EASA) et est en cours de certification par la FAA américaine. Cela devrait permettre une livraison aux premiers clients dans les prochains mois.

D’ici un an, la production du H145 à quatre pales devrait avoir été complètement remplacée par celle du nouveau H145 à cinq pales. Au-delà du marché civil, Airbus Helicopters espère également proposer rapidement une variante militaire équipée du nouveau rotor à cinq pales. Ce nouveau H145M devrait être certifié en 2021, et proposé à l’ensemble des clients militaires d’Airbus Helicopters. Les H145M déjà livrés au standard actuels pourront aussi être modifiés assez simplement au nouveau standard, plus léger et simple d’utilisation. Pour les clients actuels comme pour les futurs prospects, il faut reconnaître que cette nouvelle variante du H145M présente de nombreux avantages

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L’actuel système à quatre pales est techniquement plus complexe que le nouveau rotor récemment validé sur le H145 civil. Une variante militaire H145M dotée du nouveau rotor sera plus performante, plus silencieuse et nécessitera un entretien logistique réduit.

L’origine du H145 remonte aux années 1970, quand l’Allemand MBB s’est allié avec le Japonais Kawasaki afin de développer un nouvel hélicoptère biturbine léger. En fusionnant le programme allemand Bo107 et le programme japonais KH-7, MBB et Kawasaki ont créé le Bk117, vendu à plusieurs centaines d’exemplaires dans le monde. Au cours des années 1990, quand MBB fusionne avec Aérospatiale pour créer Eurocopter, la nouvelle compagnie décide de créer une version modernisée du BK117 nommée EC145 pour le marché civil, et EC645 pour le marché militaire. Ce nouvel hélicoptère s’impose rapidement comme une référence sur le marché international, et équipe notamment la Gendarmerie et la Sécurité Civile française ainsi que l’US Army, sous la désignation UH-72 Lakota.

Au début des années 2010, Eurocopter (devenu Airbus Helicopters) équipe l’hélicoptère d’un rotor arrière de type Fenestron, plus fiable et plus performant. La variante militaire s’appelle alors EC645 T2, avant d’être simplifiée en H145M. C’est cette variante actuelle du H145M, qui a été vendu à de nombreux clients (Allemagne, Hongrie, Serbie, Luxembourg, Thailande), qui pourra être modernisée avec le nouveau rotor à cinq pales. Mais Airbus Helicopters espère surtout convaincre de nouveaux clients d’opter pour cette dernière variante qui ne manque pas d’arguments.

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Certains clients militaires préfèreront sans doute conserver un système à quatre pales moins performant mais éprouvé, et déjà en service dans leurs forces armées. Si le nouveau rotor à cinq pales devrait remplacer peu à peu l’ancien modèle, Airbus Helicopters disposera encore des outils de production nécessaires pour l’entretien des anciens modèles et pour la construction de H145 aux anciens standard. L’US Army, notamment a récemment acheté un nouveau lot de UH-72 Lakota, similaire à l’EC645 d’ancienne génération.

Sur le plan technique, les modifications apportées au nouveau H145M sont minimes. La principale différence repose donc dans le nouveau rotor à cinq pales à la fois plus performant et bien plus simple, puisqu’il est dépourvu du système de roulement complexe des rotors traditionnels. Le nouveau rotor provoque également moins de bruit et moins de vibration, ce qui a permis aux ingénieurs d’Airbus de supprimer certains systèmes anti-vibration, améliorant d’autant la charge utile de l’appareil. Dans l’ensemble, le nouveau H145 est donc plus léger de 50kg, et présente une charge utile améliorée de 150kg.

Pour les clients militaires, ce nouveau rotor offre de nombreux avantages :

  • Moins bruyant, il améliore la discrétion globale de l’hélicoptère et le confort pour les équipages,
  • Le niveau de vibration moindre permettra de facilité l’intégration de certains équipements optique ou de certains armements latéraux par exemple,
  • L’amélioration des performances permettra d’augmenter la capacité d’emport d’environ 10%, qu’il s’agisse d’armes supplémentaires, de réservoirs de carburant agrandis, de matériels plus volumineux pour les troupes embarquées ou même d’un membre d’équipage en plus, notamment pour l’infiltration de commandos. Les H145M pourront également recevoir des protections balistiques pour l’équipages sans altérer la capacité d’emport actuelle.
  • Le nouveau rotor étant dépourvu des pièces mobiles traditionnelles les plus complexes, il est beaucoup plus simple à entretenir et devrait offrir une meilleure résistance au feu adverse.
  • Enfin, ce nouveau rotor est équipé nativement d’un système de repli des pales. Son empreinte au sol est donc drastiquement réduite, ce qui permet de camoufler plus facilement l’hélicoptère, de faciliter son stockage ou bien encore d’envisager une utilisation navale à bord de corvettes par exemple.
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Le système HForce comprend un calculateur et des softwares adaptés aux usages militaires, et permet une installation aisée de systèmes électro-optiques (boule optronique) et d’armement. Cette solution modulaire vient s’ajouter à l’avionique de base de l’hélicoptère et à son logiciel de gestion de vol, sans modification lourde.

Comme pour l’ensemble de sa gamme militaire, le H145M est proposé avec la solution software HForce. Conçu par Airbus Helicopters, HForce est un système d’arme modulaire et incrémental pouvant être installé à bord de toutes les variantes militaires des hélicoptères Airbus. Interfacé avec le système de gestion de vol des hélicoptères, HForce permet d’intégrer facilement des systèmes optroniques de navigation et de désignation d’objectifs, des viseurs de casque pour les pilotes et des pylônes d’emport pour divers armements. Dans le cas du H145M, l’appareil peut embarquer des mitrailleuses de 12,7 mm, des canons de 20 mm ou encore des paniers de roquettes de 68 mm ou 70 mm (y compris des roquettes à guidage laser). L’hélicoptère peut aussi être armé de quatre missiles antichars, tels que le Hellfire américain ou le Spike-ER israélien.

Particulièrement modulaire, et disponible aussi bien en version utilitaire qu’en variante armée, le nouveau H145M pourrait intéresser de nombreux prospects d’Airbus Helicopters, d’autant plus que le développement du nouveau rotor a déjà été financé pour la variante civile de l’appareil. Cette variante pourrait ainsi être proposée à l’Australie, qui recherche un appareil de la classe des quatre tonnes pour ses forces spéciales. De manière plus générale, la région Asie-Pacifique pourrait être particulièrement porteuse pour cet hélicoptère. Comme le BK117 et le EC145 avant lui, le H145 reste toujours produit en partie par Kawasaki. Outre la Thaïlande et la Malaisie, le nouveau H145M pourrait également être proposé en Inde, y compris dans une variante navale qui exploiterait pleinement le nouveau rotor de l’appareil, si jamais Airbus Helicopters estime que cet appareil convient le mieux aux appels d’offre en cours. De manière générale, cet hélicoptère léger devrait se retrouver dans tous les appels d’offre portant sur un appareil d’attaque léger ou de soutien aux opérations spéciales, que ce soit en Asie, en Europe, au Moyen-Orient ou en Amérique du Sud.

Défense anti-missile : le Japon annule l’achat de deux systèmes Aegis Ashore

En décembre 2017, le Japon approuvait la construction de deux sites de défense anti-missile Aegis Ashore afin de contrer la menace balistique nord-coréenne, mais également chinoise. Particulièrement stratégiques pour la politique de dissuasion japonaise, ces deux systèmes Aegis Ashore devaient permettre de couvrir l’ensemble du territoire japonais grâce aux missiles à très longue portée SM-3 Block IIA.

La semaine dernière, le Japon a cependant annoncé vouloir renoncer à cette acquisition. L’argument mis en avant est le risque que représente le premier étage (booster) du missile SM-3, qui pourrait retomber sur une zone habitée dans certaines configurations de tir. Modifier les missiles pour éviter de tels accidents aurait entrainé un surcoût de 1,87 milliard $, pour un projet d’un coût initial estimé à 2,15 milliards $. Une facture bien trop élevée pour Tokyo, qui aurait décidé d’arrêter les frais.

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Cette photo permet de distinguer la phase de propulsion par le booster du missile, ainsi que sa retombée vers le sol. La géographie particulière du Japon, très densément peuplé, rend l’implantation de systèmes de missiles particulièrement complexe.

Pourtant, l’aventure anti-missile japonaise semble loin d’être terminée. Déjà, se profile des idées permettant d’exploiter différemment les radars et missiles des deux systèmes Aegis Ashore, notamment en embarquant ce système… en off-shore. Une situation particulièrement ironique puisque Aegis Ashore, comme son nom l’indique, est une variante terrestre d’un système naval, le Aegis, qui équipe des destroyers et croiseurs américains mais aussi sud-coréens et japonais, entre autres.

Comme nous avons pu le voir à l’occasion d’un article sur les systèmes Aegis Ashore déployés en Europe, le Aegis Ashore est un système modulaire qui permet de placer à terre un système de combat anti-missile d’ordinaire embarqué à bord d’un navire de combat. A l’origine, l’Aegis Ashore a été développé après les échecs des systèmes d’interception de missiles balistiques purement terrestres. Les missiles SM-2, SM-3 et SM-6 de l’US Navy étant particulièrement efficace contre les missiles balistiques et les missiles de croisière adverses, il semblait logique d’en développer une variante terrestre.

Or, comme le montre l’exemple japonais, cette transposition d’un système d’arme naval vers des bases terrestres ne se fait pas sans conséquences. En pleine mer, les boosters de missiles sont largués à l’eau sans conséquences, ce qui n’est pas le cas au-dessus d’un pays aussi densément peuplé que le Japon. Toutefois, Yoshihiro Inaba du site Naval News rappelle que d’autres considérations ont pu également poussé Tokyo à annuler le contrat Aegis Ashore. Entre autre, le choix de Lockheed Martin pour fournir les radar AN/SPY-7, au détriment du SPY-6 de Raytheon, aurait été largement critiqué. En effet, alors que le SPY-6 repose sur des technologies éprouvées et a été sélectionné par l’US Navy, le SPY-7 de Lockheed Martin s’avère à la fois plus cher et moins performant. Il ne devrait sa sélection qu’à la promesse d’importants transferts de technologies, qui n’auraient finalement jamais eu lieu.

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Le système Aegis Ashore a été conçu pour protéger contre les missiles balistiques nord-coréen, et reste parfaitement pertinent dans cet usage. Son déploiement sur le territoire japonais pousseraient cependant Pékin, en cas de conflit, à attaque uniquement avec des planeurs hypersoniques, que Tokyo ne sait pas encore contrer.

Mais au-delà des enjeux techniques et politiques, les systèmes Aegis Ashore ont peut-être simplement été repoussés en raison de leur caractère obsolète. En théorie, deux Aegis Ashore offrent toujours le même niveau de protection face aux menaces balistiques nord-coréennes, qui ont officiellement justifié leur acquisition. Dans les faits, toutefois, ce système a été acheté par le Japon afin de protéger le territoire national contre la menace chinoise, tout autant que contre la Corée du Nord. Or, la menace balistique chinoise a considérablement évolué ces dernières années. Plutôt que de simples missiles balistiques à la trajectoire prévisible, Pékin met de plus en plus en œuvre des missiles de croisière et surtout des planeurs hypersoniques. Dotés d’ogives classiques ou nucléaires, ces planeurs hypersoniques évoluent dans les hautes couches de l’atmosphères, en dessous de l’altitude opérationnelle des missiles SM-3.

Dans un tel contexte, l’investissement de 2,15 milliards $ (+ 1,87 milliards $ pour le correctif de sécurité) est-il vraiment pertinent ? Cette même somme, Tokyo pourrait ainsi l’investir dans l’acquisition de destroyers de classe Maya supplémentaires. Ces derniers étant à la fois équipés de missiles SM-3 et de missiles SM-6, ils offriraient un niveau de protection supérieure, notamment contre les missiles de croisière, tout en restant mobiles et mobilisables outre-mer.

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Les destroyers Maya, comme d’autres navires AEGIS en service au Japon, disposent d’une capacité anti-missile bien supérieure à un système Aegis Ashore. Dans la vision stratégique japonaise, navires AEGIS et Aegis Ashore devaient cependant être complémentaires.

Mais le Japon pourrait surtout modifier radicalement sa posture dissuasive. Jusqu’à présent, Tokyo développait des systèmes anti-missiles afin de rendre inefficace toute attaque contre l’archipel nippon. Face à la multiplication des menaces balistiques et hypersoniques dans la région, Tokyo semble aujourd’hui s’orienter vers une variante non-nucléaire de la dissuasion par représailles automatiques. En effet, les autorités japonaises ont présenté en mars dernier deux modèles de missiles hypersoniques, capables de frapper des cibles en Chine ou en Corée du Nord, et pouvant également servir de base au développement de redoutables missiles anti-navires. Pour Tokyo, il s’agit véritablement d’une réponse à la mise en ligne de missiles hypersoniques par la Chine et la Russie. Incapable de se protéger de tels missiles par le biais de sa défense anti-aérienne, Tokyo a donc réagi en développant une capacité similaire, modifiant en profondeur sa doctrine stratégique.

Pour l’heure, il est difficile de deviner ce que pourra devenir l’Aegis Ashore. Une annulation pure et simple du projet, avec réallocation des fonds prévus, est toujours possible, même si peu probable sur le long terme. Mais Tokyo pourrait aussi décider d’embarquer les radars et les missiles à bord de destroyers Maya, ou sur une plateforme off-shore mobile, bien moins coûteuse et ne risquant pas de mettre en péril la sécurité des populations civiles.

Pour construire de nouveaux sous-marins en Inde, Naval Group cherche à développer des partenariats exclusifs avec les chantiers navals locaux

D’après une information du journal indien The Economic Times, le constructeur naval français Naval Group serait en discussion avec les deux chantiers navals indiens sélectionnés par New Delhi pour construire les six nouveaux sous-marins du Project 75i. Considéré comme l’un des deux plus sérieux candidats de cette compétition, Naval Group cherche cependant à promouvoir des relations d’exclusivités entre les constructeurs internationaux et les chantiers navals indiens.

Pour le groupe français, des liens forts et pérennes entre fournisseurs étrangers et constructeurs locaux permettraient au Ministère de la Défense indien de conduire ses programmes plus rapidement, à un meilleur coût, tout en assurant un renforcement de la base industrielle de défense indienne. En attendant, Naval Group entend se plier aux règles établies par les autorités indiennes et se tient prêt à toutes éventualités.

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L’INS Khanderi, second sous-marin de la classe Kalvari (type Scorpène) lors de sa cérémonie d’entrée en service opérationnel, en septembre 2019. Lorsque le sixième Scorpène sera livré, Naval Group et MDL auront encore un peu de charge industrielle (entretien, rétrofit avec une propulsion AIP, etc.). Mais seul un nouveau contrat (P75i) permettra d’assurer une continuité industrielle nécessaire pour la constitution d’un centre d’expertise national.

Malgré un contexte économique particulièrement défavorable aux gros investissements publics, l’Inde entend poursuivre ses principaux programmes de défense dans un contexte militaire particulièrement tendu. Après avoir affronté les avions de chasse pakistanais l’année dernière au-dessus du Cachemire, l’Inde est aujourd’hui au bord de l’affrontement avec la République Populaire du Chine, toujours dans la même région du Nord-Ouest de l’Inde. Si on peut aisément comprendre que cette situation pousse logiquement New Dehli à demander des livraisons accélérées de véhicules terrestres, de missiles anti-aériens et d’aéronefs de combat, les échanges de tir dans l’Himalaya poussent également les autorités indiennes à maintenir la pression sur les programmes de modernisation de leur force sous-marine.

En effet, la flotte sous-marine indienne est indispensable pour protéger le ravitaillement maritime du pays en cas de guerre, tout en représentant une menace tangible et invisible sur les intérêts maritimes pakistanais et chinois. Malheureusement, la flotte indienne actuelle est particulièrement vieillissante :

  • Sur les dix sous-marins de type Kilo russes livrés à partir de 1986, huit seulement sont encore opérationnels dans l’Indian Navy,
  • Quatre sous-marins allemands du Type 209, en partie construits sur place, ont également été mis en service dans les années 1980,
  • L’Indian Navy opère également un sous-marin d’attaque nucléaire de type Akula II, loué par la Russie. Son propre programme de sous-marin d’attaque nucléaire a été assez tôt transformé en programme de sous-marin lanceur de missiles balistiques, la classe Arihant,
  • Seuls sous-marins modernes dans l’inventaire indien, deux bâtiments de type Scorpène, conçus par Naval Group, sont aujourd’hui opérationnels (INS Kalvari et INS Khanderi) et quatre autres sont en cours de livraison ou de construction à Mumbai.
Type 209 inde Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Deux des quatre Type 209 (classe Shishumar) vus à quai en Septembre 2019, à Mumbai. En raison des opérations d’entretien et d’entrainement, les petites séries de sous-marins n’offrent pas les meilleurs taux de disponibilité opérationnelle pour une marine aussi ambitieuse que l’Indian Navy

Construits dans le cadre du Project 75, les six Scorpène sont intégralement construits à Mumbai, chez MDL (Mazagon Dock Shipbuilders Limited). A l’origine du projet, en 1999, le besoin était alors de 24 nouveaux sous-marins à livrer avant le milieu des années 2020. Au moins douze d’entre-deux auraient été des Scorpène (P75), et les douze suivants auraient dû résulter d’une nouvelle compétition internationale (P75i). Comme souvent en Inde, cette idée initiale ne verra jamais le jour, avant tout pour des raisons de budgets, de délais administratifs et de manque d’engagement politique. Au final, l’Inde ne recevra que six sous-marins avant 2025, au lieu des vingt-quatre initialement envisagés.

Pour autant, le programme P75i en lui-même n’est pas annulé, mais « simplement » retardé (de deux décennies, comme souvent en Inde) et réduit de moitié. Un changement qui impacte en profondeur l’état opérationnel de l’Indian Navy, mais qui annule également tout l’intérêt de la programmation initiale des Projets 75 et 75i. Selon la planification d’origine, l’Inde devrait à l’heure actuelle avoir construit localement deux douzaines de sous-marins occidentaux modernes, dans deux chantiers navals distincts, avec un niveau d’indigénisation de plus en plus important. Cet important effort industriel lui aurait alors permis de disposer d’un nombre important d’ingénieurs et d’ouvriers qualifiés, et donc de lancer son propre programme de sous-marin national, en capitalisant sur les ressources humaines et industrielles mises en place depuis deux décennies.

Or, dans l’état actuel des choses, l’industrie indienne n’est pas en mesure d’établir un lissage de ses différents programmes d’armement. Ainsi, si l’Indian Navy sélectionne un fournisseur russe et opte pour une construction auprès de L&T plutôt que de MDL, toute l’expérience accumulée par MDL pour la construction des Scorpène sera définitivement perdue le temps que L&T construise les six sous-marins P75i. Avec de si petites séries, espacées de plusieurs décennies, il n’est pas possible de conserver les acquis industriels, et donc de développer une véritable industrie sous-marine locale abreuvée par les transferts de technologie étrangers.

kilo indian navy Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
L’un des huit sous-marins Kilo (classe Sindhughosh) encore en service en Inde. L’un des dix bâtiments livrés a explosé et coulé à quai en 2013, et un autre a été livré d’occasion au Myanmar en mars dernier.

D’après The Economic Times, il semble donc que Naval Group cherche à briser ce cercle vicieux. Pour l’heure, le groupe français n’est qu’un des cinq fournisseurs étrangers sélectionné par le Ministère de la Défense indien, aux côtés du Russe Rubin, du Sud-Coréen DSME, de l’Espagnol Navantia et de l’Allemand TKMS. Néanmoins, seuls deux constructeurs locaux ont été également sélectionnés pour la production des nouveaux sous-marins : MDL et L&T. Naval Group, qui construit déjà les Scorpène avec MDL, dispose déjà de très bonnes relations avec ce chantier naval, mais collabore également avec L&T au cas où ce chantier naval soit finalement imposé.

Dans ce contexte, Naval Group milite donc pour que des accords d’exclusivités soient scellés entre les chantiers navals et les fournisseurs étrangers. Des négociations exclusives permettraient de construire une proposition industrielle plus solide, et de commencer à anticiper l’organisation industrielle avant même la fin de l’appel d’offre. Bien évidemment, des partenariats exclusifs auraient également l’avantage indéniable de réduire le nombre de compétiteurs étrangers à deux au lieu de cinq, étant donné que seuls deux chantiers navals ont été validés pour la construction des P75i.

smx 3.0 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Le concept de SMX 3.0 pourrait servir de base à la proposition française pour P75i. Si le partenariat entre Naval Group et MDL se poursuit, l’étape suivante pourrait être la construction d’une classe de sous-marins lourds, éventuellement compatibles avec une propulsion nucléaire. Encore faut-il que New Delhi accepte de développer une vision stratégique de son industrie sous-marine.

Si la proposition de Naval Group, qui n’est rien d’autre qu’un vœu pieu pour le moment, venait à être entendue à New Delhi, nul doute que l’industriel français cherchera à prolonger son partenariat avec MDL. Le chantier de Mazagon, au cœur de Mumbai, a en effet mis des années à acquérir l’expertise technique, les ressources humaines et es outils de production nécessaires l’assemblage des Scorpène. Naval Group souhaite capitaliser sur cet outil de production et surtout éviter de passer à nouveau des années à reconstruire cette capacité industrielle aux côtés de L&T, d’autant plus que la proposition française pour le P75i devrait être en partie dérivée des Scorpène.

A bien des égards, Naval Group semble vouloir pousser New Delhi à adopter une approche plus rationnelle sur sa construction sous-marine, avec un projet à long terme se reposant sur un unique fournisseur étranger et un unique constructeur national. Cela aurait l’avantage de permettre la création d’un véritable champion national de la conception et de la construction sous-marine, à l’instar de ce qui a pu être fait par TKMS en Corée du Sud. Après avoir construit sous licence les KSS-I (Type 209 allemand) puis les KSS-II (Type 214 allemand), la Corée du Sud produit maintenant le KSS-III de conception national, et se permet même d’exporter ses propres sous-marins. Un tel modèle pourrait parfaitement être à la portée de l’Inde, pour peu que New Delhi accepte de reconnaître ses erreurs de jugement passées et prenne des décisions politiques fortes en faveur d’une industrie stratégique.

Le Canada pourrait moderniser ses CF-18 Hornet en attendant de les remplacer par un nouveau modèle d’avion de chasse

Comme la Finlande et la Suisse, le Canada devrait très prochainement choisir le nouvel avion de chasse qui viendra remplacer sa flotte de F/A-18 Hornet, redésignés localement CF-188 ou CF-18A+. Si la date de remise des dossiers de candidature a été repoussée de quelques mois en raison de l’épidémie de Covid-19, les 88 nouveaux avions de chasse canadiens sont toujours attendus pour l’horizon 2025, avec une fin des livraisons en 2035. Ce calendrier signifie cependant que les CF-18 Hornet actuels devront jouer les prolongations au moins jusqu’en 2030, et très probablement au-delà, le temps que les nouveaux appareils soient non seulement réceptionnés mais également pleinement opérationnels au sein de la Royal Canadian Air Force (RCAF).

Afin que la flotte de Hornet puisse tenir encore une quinzaine d’année, plusieurs décisions ont été prises par les autorités canadiennes. D’une part, une vingtaine de Hornet ont été achetés d’occasion en Australie, afin de permettre à la RCAF d’aligner un escadron supplémentaire de Hornet et d’éviter la surutilisation des quelques 75 CF-18 encore en service au Canada. Mais cette décision a cependant soulevé de nombreuses critiques étant donné l’âge avancé des avions australiens. D’autre part, Ottawa a demandé à Washington d’autoriser la vente d’équipements et d’armements permettant de moderniser en profondeur, mais à coût réduit, au moins deux escadrons de CF-18 Hornet. Or, cette requête vient tout juste d’être acceptée par les autorités américaines.

CF 18 des forces aeriennes candiennes Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Les CF-18 canadiens sont des Hornet de première génération, déjà modernisés au standard CF-18A+, équivalent des F/A-18C Hornet. La nouvelle modernisation, validée par Washington, leur conférerait des capacités opérationnelles proches de celles du F/A-18E/F Super Hornet, pourtant bien plus volumineux.

Dans le détail, la demande canadienne porte sur suffisamment de matériel pour moderniser 36 Hornet, soit deux escadrons de chasse. Pour un total d’environ 860 millions $, la liste des demandes comprend :

  • 50 missiles air-air à courte portée AIM-9X Block II,
  • 38 radars AESA APG-79(V)4 et leurs équipements associés,
  • 20 bombes planantes AGM-154C JSOW (munition déjà en service dans la RCAF),
  • 30 leurres planants ADM-141C ITALD,
  • Des systèmes anticollisions automatiques,
  • De nouveaux équipements de simulation et d’entrainement,
  • De nouveaux équipements de communication, de nouveaux pylônes d’armement, etc.

Relativement modeste, la liste des doléances canadiennes est cependant particulièrement bien conçue, puisqu’elle permet d’optimiser les points forts de la flotte actuelle de Hornet, tout en corrigeant ses principaux points faibles. Ainsi, les AIM-9X Sidewinder permettront aux pilotes canadiens de pouvoir enfin exploiter pleinement leur viseur de casque JHMCS, notamment pour le tir « par-dessus l’épaule », hors de portée des AIM-9L/M actuellement en service dans la RCAF.

Sidewinder Amraam F15 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Comme sur ce F-15 de l’USAF, les CF-18 canadiens pourraient être dotés de missiles AIM-9X compatibles avec les viseurs de casque JHMCS déjà opérationnels. L’arrivée d’un radar AESA permettra également d’exploiter pleinement le potentiel des AIM-120D AMRAAM déjà commandés par la RCAF.

A l’inverse, l’arrivée du radar à antenne électronique active APG-79 permettra enfin d’exploiter pleinement les capacités du missile AIM-120D AMRAAM. Conçue pour l’interception air-air à très longue portée, cette dernière variante de l’AMRAAM dispose d’une portée opérationnelle bien supérieure à celle du radar APG-73 qui équipe actuellement les CF-18 canadiens mais également les F/A-18 achetés d’occasion en Australie. Avec sa nouvelle antenne électronique, l’APG-79 dispose d’une portée pratique bien supérieure, compatible avec l’AIM-120D déjà commandé par le Canada.

Au-delà du combat aérien à longue portée, l’APG-79 devrait conférer des performances véritablement exceptionnelles aux derniers Hornet canadiens. Il s’agit en effet du radar équipant actuellement les variantes les plus récentes du Super Hornet en service dans l’US Navy et dans la force aérienne australienne, en remplacement des Hornet de première génération. S’il dispose d’une longue portée de détection, ce radar AESA améliore également considérablement les capacités de navigation, de pénétration et de détection de cibles air-sol. Couplé aux leurres aériens ITALD, ce nouveau radar pourrait conférer au CF-18 Hornet des capacités opérationnelles très proches de celles des Super Hornet bien plus récents.

F 35 Hornet Finland Finnish Air Force Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Au Canada, comme en Finlande et en Suisse, le F-35 de Lockheed Martin se présente comme un candidat sérieux pour le remplacement des Legacy Hornet. Avant de lancer un appel d’offre international, le Canada envisageait de se doter de Super Hornet comme solution d’intérim en attendant l’arrivée du F-35, à l’instar de ce qu’a fait la Royal Australian Air Force.

Pour l’heure, si Washington a accepté de vendre tout ce matériel au Canada, il n’est pas encore dit qu’Ottawa signe pour l’intégralité du package. En comptant les coûts d’intégration et de formation, il s’agit tout de même d’un contrat à un milliard $ pour une durée opérationnelle d’environ 10 ans, et pour une intégration à bord d’avions à bout de potentiel. La question de l’ampleur des travaux de modernisation se pose également, notamment pour le remplacement du radar APG-73 par l’APG-79. On se souviendra ainsi que les premiers Super Hornet, livrés avec un APG-73 mécaniques, n’avaient pas pu être mis à niveau avec l’APG-79 à balayage électronique, ce qui peut laisser entendre que le remplacement du radar des Hornet canadiens ne sera pas forcément très simple.

Toutefois, cette annonce pourrait être une bonne nouvelle pour Boeing, pour peu que l’avionneur américain puisse la valoriser dans le cadre de l’appel d’offre canadien. En effet, pour remplacer les Hornet canadiens de première génération, Boeing propose logiquement le Super Hornet de dernière génération dans sa nouvelle version Block III. Il y est opposé au petit avion suédois Gripen E/F, véritable outsider sur ce marché, mais surtout au F-35 Lightning II de Lockheed Martin, qui a pour lui l’avantage d’être furtif et doté d’une avionique bien plus moderne.

320781 CF 18E Blk III near Tofino and Ucluelet layered FINAL1 1 Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque | Aviation de chasse
Si la RCAF opte pour le F/A-18E/F Block III, elle pourra réutiliser une partie des équipements et des outils logistiques intégrés sur les CF-18 actuels et sur les deux escadrons de CF-18 qui devraient être prochainement modernisés.

Après son bras de fer avec l’avionneur canadien Bombardier, Boeing n’est pas vraiment en odeur de sainteté à Ottawa, même si le F-35 n’a pas spécialement bonne presse non plus. Pour tenter de se démarquer auprès de la RCAF, Boeing mise beaucoup sur la communalité technique et philosophique entre le « Legacy Hornet » et le nouveau Super Hornet, notamment en terme de logistique et d’armement. Mais si deux escadrons de CF-18 se voient dotés non seulement des mêmes missiles mais également des mêmes radars que le Super Hornet, cette communalité technique viendrait radicalement se renforcer.

Ainsi, pour peu qu’Ottawa sélectionne le Super Hornet face au Gripen NG et au F-35, la RCAF disposera déjà d’un stock de pièces détachées et des équipements de maintenance pour les nouveaux radars du Super Hornet. En 2032, plutôt que de retirer du service les 38 APG-79 achetés à peine dix ans plus tôt pour moderniser les vieux CF-18, la RCAF pourrait alors les intégrer au stock de radars prévus pour les 88 nouveaux Super Hornet, ou bien les utiliser à des fins de formation pour son personnel technique. Reste à voir si ce petit argument permettra de faire pencher la balance en faveur de Boeing, qui est actuellement en très grande difficulté, aussi bien sur le marché civil que militaire.