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Australie : Airbus Helicopters et Bell veulent placer leurs hélicoptères auprès des forces spéciales

Il y a deux ans, l’Australie émettait une demande d’information auprès des principaux constructeurs d’hélicoptères occidentaux. Dans le cadre du « Project Land 2097 Phase 4 », les forces armées australiennes prévoient d’acheter au moins seize hélicoptères de la « classe 4 tonnes » afin d’appuyer les forces spéciales du pays, aussi bien pour des opérations anti-terroriste en Australie que pour des opérations extérieures.

Alors qu’un appel d’offre était initialement prévu pour la fin 2019, les candidats ont finalement jusqu’au 11 juillet 2020 pour remettre leurs propositions. Et, pour l’heure, seuls deux constructeurs ont annoncé leur intention de concourir sur ce marché très spécifique : Bell et Airbus Helicopters. Mais d’autres constructeurs pourraient bien se tenir en embuscade. Pour le moment, les grandes lignes de l’appel d’offre semblent sourire au H145M d’Airbus Helicopters et au Bell 429, mais laissent suffisamment de place pour de nouveaux arrivants.

Babcock Bell 429 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Babcock présentera une offre articulée autour du Bell 429. L’appareil a également été sélectionné comme base pour l’offre de Hawker Pacific, et NorthStar Aviation pourrait éventuellement être candidat avec le Bell 407

En effet, les forces spéciales australiennes cherchent à acquérir 16 à 18 exemplaires d’un hélicoptère de la classe des 4 tonnes, capable d’être déployé par lots de quatre à l’intérieur d’un avion-cargo C-17. L’hélicoptère doit être en mesure d’embarquer une petite escouade de forces spéciales et de les déployer rapidement, au sol ou par descente de cordes. Les missions secondaires de ces hélicoptères seront assez diversifiées, allant de la reconnaissance au transport logistique en passant par l’appui feu. L’installation d’armement lourd restera secondaire, mais sera évaluée par les forces australiennes. Le futur hélicoptère devrait aussi être capable d’interagir avec les NH90 de l’armée australienne, qui sont employés pour le moment pour le soutien aux forces spéciales.

Le H145M d’Airbus Helicopters sort le grand jeu

Très tôt après les annonces australiennes de l’automne 2018, Airbus Helicopters a indiqué vouloir présenter son H145M aux forces spéciales australiennes. Pesant à peine moins de quatre tonnes à pleine charge pour 1,8 tonnes à vide, le H145M dans sa dernière version est sans aucun doute l’hélicoptère le plus puissant de sa catégorie. Ses deux turbines Ariel 2E développent près de 900cv chacune, contre 600 à 750cv chez les principaux concurrents. Ces turbines plus puissantes consomment naturellement un peu plus, ce qui ne permet pas au H145M d’être le champion de l’autonomie, sans qu’il n’ait à rougir pour autant devant la concurrence. Toutefois, cette impressionnante puissance motrice lui permet d’emporter une charge utile bien supérieure à tous ses concurrents, soit un peu plus de 2 tonnes contre environ 1,5 tonnes pour le Bell 429 et le Leonardo AW109, et à peine une tonne pour les modèle pouvant être proposés par Boeing ou MD Helicopters.

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Pouvant être utilisé aussi bien pour la dépose de commandos, l’évacuation sanitaire, la reconnaissance armée ou l’appui-feu, y compris par temps chaud, le H145M d’Airbus a de sérieux arguments à faire valoir en Australie. Avec son plein de carburant, le H145M peut emporter une charge maximale de 1,4 tonne, contre environ 900kg pour le Bell 429.

Mieux encore, la puissance du H145M lui permet de déployer un groupe tactique et son équipement depuis des pistes situées en haute altitude, dans un environnement particulièrement chaud. Un argument qui devrait sans doute plaire aux militaires australiens. Enfin, grâce à son rotor anti-couple de type Fenestron, le H145M s’avère relativement silencieux et très sûr à l’usage, y compris en zone urbaine. Autant d’arguments qui ont déjà convaincu les forces spéciales allemandes, notamment.

Dans le cadre du Project Land 2097 Phase 4, en accord avec les règlementations locales, Airbus Helicopters s’est associé à une quinzaine d’industriels locaux, tels que Safran Australia, Qinetiq Australia, HeliMods, Toll Helicopters, Helicopter Logistics, Sigma Bravo et la branche australienne de Thales. Pour assurer une adaptation continue de l’hélicoptère aux besoins des opérationnels, Airbus Helicopters a également noué un partenariat avec l’université Deakin, près de Melbourne.

Lakota H145 UH 72 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Le H145M proposé à l’Australie est une variante modernisée du EC-145 qui équipe massivement l’US Army sous la désignation UH-72 Lakota.

Outre ses partenaires locaux, Airbus Helicopters entend également jouer la carte de la communalité des équipements et des fournisseurs. Après tout, le groupe européen est l’un des principaux acteurs de NHIndustries, qui a livré les NH90 de l’armée australienne, mais est aussi le fabricant de l’hélicoptère d’attaque Tiger ARH, également exploité par les forces armées australiennes. Enfin, Airbus Helicopters propose également le H145M à l’armée en marge d’un second appel d’offre, le Project Land 4503, visant à remplacer les hélicoptères Tigre. Plutôt que l’achat de nouveaux hélicoptères d’attaque, Airbus Helicopters propose désormais une revalorisation des Tigre associée à l’acquisition de sept H145M dédiés à la reconnaissance armée.

Néanmoins, le constructeur européen a fait l’objet, ces dernières années, d’une mauvaise presse, en raison de problèmes techniques sur le Tigre justement et des difficultés de maintenance des MRH-90 Taipan, version locale du NH90. Si la plupart de ces problèmes sont aujourd’hui résolus ou en passe de l’être, le groupe européen souffre toujours d’un problème d’image, que la presse alimente régulièrement avec le soutien plus ou moins direct du principal concurrent d’Airbus Helicopters en Australie : Bell.

L’hélicoptériste Bell mène l’offensive

En 2018, alors que le projet australien venait d’être annoncé, des représentants de l’américain Bell en Australie avaient indiqué que la compagnie proposerait très certainement son Bell 407GT, variante militaire du Bell 407 civil. Cet appareil de 2,5 tonnes à pleine charge s’avèrera finalement un peu trop léger pour les requêtes australiennes, poussant Bell à mettre en avant son Model 429 Global Ranger plus récent et surtout plus lourd.

Royal Australian Navy Bell 429 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
La Royal Australian Navy a utilisé des Bell 429 de 2012 à 2019. Sa très large porte latérale est l’un de ses meilleurs arguments pour séduire les forces spéciales australiennes

Avec une masse maximale d’environ 3,5 tonnes, pour une masse à vide de 2 tonnes, le Bell 429 dispose de deux turbines PW207 d’environ 730cv chacune, au décollage. Avec le plein interne de carburant, cette configuration lui confère une vitesse et un rayon d’action à pleine charge supérieurs au H145M, mais au prix d’une capacité d’emport en cabine au moins deux fois plus faible.

Aux forces spéciales australiennes de décider, donc, si elles préfères mettre en avant le rayon d’action ou la capacité d’emport. Mais Bell semble vouloir compter sur ses faibles coûts d’exploitation pour séduire Canberra. Et les arguments de l’Américain doivent être aujourd’hui pris très au sérieux, puisque le Bell 429 pourrait servir de base à pas moins de deux compétiteurs du Project Land 2097 Phase 4 ! En effet, cet hélicoptère a été sélectionné à la fois par Babcock et Hawker Pacific, qui proposent chacun une offre de service distincte autour du même appareil, même si Hawker Pacific ne semble pas encore avoir finalisé et détaillé son propre dossier de candidature. Dans tous les cas, il s’agit d’une bonne affaire pour Bell qui occupe très largement le terrain en Australie !

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Le AW109 Trekker de Leonardo présente des caractéristiques assez proches du Bell 429, que ce soit en terme de masse, d’autonomie ou de vitesse. Reste à voir si Leonardo présentera ce modèle en Australie.

D’ailleurs, rien ne dit que Bell ne se trouvera pas embarqué à bord d’une troisième offre. En 2018, d’autres industriels avaient évoqué leur intérêt pour ce marché. Boeing avait ainsi évoqué une participation de son AH-6i Little Bird, tandis que MD Helicopters aurait proposé son MD-530G. Mais ces hélicoptères, tous deux dérivés du MD-500, ne pèse que 1,6 tonnes à pleine charge, et auront bien du mal à faire le poids face à Bell et Airbus Helicopters. Resterait alors Leonardo et son AW109 Trekker, assez comparable au Bell 429, mais aussi NorthStar Aviation et son 407MRH Lightning qui n’est rien d’autre qu’un dérivé armé du Bell 407 ! Tous ces industriels ayant jusqu’au 11 juillet pour présenter une offre encadrée par des partenaires australiens, tout est encore possible !

En pleine crise face à la Chine, l’Inde décide d’acheter des avions de combat russes et d’accélérer les livraisons de Rafale français

Depuis quelques années, Pékin multiplie les provocations dans le cadre d’une politique du fait accompli, profitant de la relative apathie diplomatique des grandes puissances occidentales, Etats-Unis en tête. Régulièrement, la presse fait ainsi état des déploiements navals chinois à proximité de Taïwan ou de divers archipels japonais. Ces derniers temps, l’ingérence chinoise au sein de la politique intérieure de Hong Kong, en violation des accords de rétrocession de 1997, a également fait la une des journaux. Cependant, en plein cœur de la crise sanitaire mondiale, c’est désormais au niveau de la frontière indienne que se sont déroulées des escarmouches sanglantes.

Avec plusieurs dizaines de morts de part et d’autre de la Ligne de Contrôle Effectif (Line of Actual Control), dans la région himalayenne du Ladakh, la crise sino-indienne qui a débuté au mois de mai est la plus grave depuis le conflit qui avait opposé les deux pays en 1962. Alors que Pékin et New Delhi continuent d’amasser leurs troupes dans les montagnes, les diplomates tentent de plus en plus difficilement d’apaiser les tensions. Dans ce contexte explosif, les autorités indiennes ont donc logiquement accéléré la modernisation des forces armées du pays. Cela passe dans un premier temps par une accélération des livraisons militaires, ralenties par la pandémie, mais également par la commande de 33 nouveaux avions de combat russes : 21 MiG-29 et 12 Su-30MKI.

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Le Su-30MKI constitue le fer de lance de l’Indian Air Force, avec 260 exemplaires environ. Le fait que l’IAF communique autant sur la commande d’une seule douzaine d’appareils est révélateur du manque de moyens attribués ces dernières années au renouvellement de l’IAF.

Un contexte particulièrement tendu

Deux différents territoriaux opposent aujourd’hui la Chine et l’Inde, qui contestent chacune l’interprétation que l’autre fait de la LAC. Le premier conflit frontalier, au Nord-Est de l’Inde, implique également le Bhoutan, les trois pays revendiquant notamment le plateau du Doklam. Le 10 mai dernier, des militaires chinois et indiens s’y sont battus à coup de poing, de pierres et de batons. L’autre zone de tensions, bien plus complexe, se trouve au Nord-Ouest de l’Inde, dans la région du Cachemire, plus connue pour voir s’y opposer l’Inde et le Pakistan. Toutefois, la Chine revendique également une partie du Ladakh, un Territoire de l’Union indienne qui, jusqu’en 2019, faisait partie intégrante de l’ancienne région administrative indienne du Jammu et Cachemire.

Et c’est justement là, le 5 mai dernier, que plusieurs centaines de soldats chinois auraient franchi la LAC, entrainant plusieurs combats au corps à corps avec des militaires indiens, mais également l’envoi de renforts massifs de part et d’autre de la frontière. Malgré la recherche d’une solution diplomatique par les autorités indiennes, un affrontement a encore eu lieu dans la nuit du 15 au 16 juin, entrainant la mort de pas moins de vingt soldats indiens, et d’un nombre inconnu –mais probablement important– de militaires chinois. Sachant que ces combats se sont déroulés sans armes, on imagine facilement l’horreur de la situation sur place.

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Les forces armées indiennes sont particulièrement bien adaptées au combat en zones montagneuses.

Depuis 1996, un accord entre la Chine et l’Inde interdit en effet l’usage d’armes à feu à proximité de la LAC, même si les combats au corps à corps étaient déjà répandus dès les années 1960, le dernier échange de tir entre les deux pays ayant eu lieu en 1975. En recourant à des armes primitives ou au combat à mains nues, ces affrontements ne peuvent être qualifiés d’actes de guerre, et permettent donc de limiter les actions militaires au cadre local, celui de l’occupation du terrain et de la redéfinition continue de la LAC.

Les raisons d’un affrontement

Il n’en reste pas moins que les affrontements des dernières semaines sont les plus violents jamais enregistrés entre les deux pays depuis 1975, et interviennent dans un contexte de tensions mondiales généralisées. Pour Pékin, qui semble orchestrer cette escalade de violence, il s’agit surtout d’envoyer un message à l’Inde, tout en marquant des points à plus grande échelle. Après tout, même si la Chine et l’Inde s’opposent régulièrement au sujet de la construction de routes ou de barrages dans la région, la possession de quelques vallées himalayennes ne justifie pas à elle-seule un risque de conflit ouvert entre deux puissances nucléaires. D’autres raisons plus politiques expliquent donc le regain d’agressivité de la Chine dans la région du Cachemire.

Depuis le début de la crise du coronavirus, l’Inde a ainsi soutenu les initiatives internationales demandant une enquête sur la gestion de l’épidémie par la Chine. Pire encore, aux yeux de Pékin, des dignitaires indiens ont assisté à la prestation de serment de la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen, réélue le 20 mai dernier. Pour New Delhi, il s’agissait avant tout de rappeler que si la Chine soutient le Pakistan dans ses conflits avec l’Inde, alors l’Inde peut parfaitement soutenir Taïwan dans les dossiers qui l’oppose à la Chine continentale. Une attitude que Pékin ne semble pas prêt à accepter.

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Les contentieux territoriaux entre l’Inde et la Chine se concentrent principalement dans deux régions, au Nord et au Nord-Est de l’Inde. Source: Noria Research

De manière plus pernicieuse, il est également très probable que la Chine cherche, encore une fois, à mettre la diplomatie américaine en difficulté. En février dernier, alors qu’il était en visite officielle en Inde, Donald Trump a ainsi cherché à renforcer les liens entre les Etats-Unis et l’Inde, en impliquant clairement New Delhi dans une collaboration stratégique anti-Chine, aux côtés du Japon ou encore de l’Australie. Mais en provoquant une grave crise avec l’Inde en plein cœur de l’épidémie américaine du Covid, Pékin s’est assuré que l’Inde ne trouverait rien d’autre qu’un certain silence gênant en provenance de la Maison Blanche. Si Donald Trump tente désormais de se présenter comme un facilitateur diplomatique, ses prises de position en faveur de l’Inde arrivent bien trop tard, après que New Delhi a déjà stabilisé la situation tactique et mobilisé ses principaux alliés et amis.

De nouvelles commandes d’armement

Ainsi, les autorités militaires indiennes ont tout fait pour rattraper le retard pris dans les livraisons de matériel militaire en raison de la pandémie. Mieux encore, là où c’est possible, New Delhi a demandé à ses fournisseurs d’accélérer les livraisons d’armements stratégiques. C’est tout particulièrement le cas des avions de combat Rafale, dont trente-six exemplaires ont été achetés en France en 2016. Si le premier Rafale indien a été officiellement livré à l’Indian Air Force en octobre 2019, les avions sont pour l’instant restés en France pour permettre aux pilotes indiens de s’y entrainer. Néanmoins, les livraisons devaient à l’origine débuter au mois de mai, avant que la pandémie de coronavirus ne pousse Dassault Aviation à les retarder.

En raison de la situation tendue avec la Chine, les autorités françaises et Dassault Aviation ont donc accepté de livrer en Inde d’ici à la fin du mois de juillet six premiers Rafale, au lieu des quatre prévus à cette date. Pour leur transit vers leur base d’Ambala, située à une demi-heure de vol du Cachemire, les Rafale devraient bénéficier du soutien d’un ravitailleur A330 MRTT de l’Armée de l’Air Française, ainsi que d’une escale sur la base aérienne française d’Al-Dhafra, aux Emirats Arabes Unis. Depuis les combats aériens entre l’Inde et le Pakistan de l’année dernière, les chasseurs Rafale équipés de missiles METEOR et de missiles de croisière SCALP sont attendus par l’IAF avec beaucoup d’impatience. Prévus pour être déployés d’abord à proximité du Cachemire et du Ladakh puis, vers 2021, dans le Nord-Est du pays, les Rafale indiens ne seront pas nombreux mais constitueront une menace particulièrement crédible face aux chasseurs chinois dorénavant déployés à quelques centaines de mètre seulement de la LAC.

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Une dizaine de Rafale indiens sont déjà sortis d’usine, mais restent employés en France pour l’entrainement des pilotes et mécaniciens indiens.

De plus, l’Inde a annoncé avoir passé commande en urgence de 33 chasseurs russes, en l’occurrence 21 MiG-29 et 12 Su-30MKI. Sur le papier, cette nouvelle commande semble plus importante qu’une accélération des livraisons de Rafale, mais elle agit en réalité sur une temporalité bien différente. Achetés pour moins d’un milliard de dollars, les MiG-29 seraient issus de cellules déjà en partie assemblées pour une précédente commande qui n’aurait jamais été livrée. Cela permet à l’IAF d’obtenir ces appareils à un bon prix, mais surtout d’être livrée rapidement, sous deux à trois ans. Ils viendront alors former un quatrième escadron de MiG-29, l’IAF opérant déjà 65 avions de ce type, livrés il y a trente ans et récemment modernisés. Les douze Sukhoï, quant à eux, viendront surtout remplacer la douzaine d’appareils perdus lors d’accidents, permettant à l’IAF de retrouver le format de 272 Su-30MKI prévu à l’origine. Ces appareils seront selon toute vraisemblance assemblés en Inde, chez HAL, et permettront de prolonger l’activité de la chaîne d’assemblage au-delà de 2021.

Une situation toujours préoccupante en Inde

Au final, si les annonces indiennes peuvent paraître impressionnantes et rassurantes, elles ne font que retarder l’inévitable. Dans les trois prochaines années, l’IAF ne devrait mettre en service qu’un seul nouvel escadron de MiG-29, deux escadrons de Rafale, un ou deux escadrons de Su-30MKI, et sans doute moins de trois escadrons de chasseurs légers LCA Tejas, étant donné le rythme très lent des livraisons. Dans le même temps, l’IAF devrait procéder au retrait d’un nombre important de MiG-21 mais aussi de Jaguar, dont le programme de modernisation bat de l’aile. Dans un tel contexte, qui reflète la situation de l’ensemble des forces armées indiennes, on peut légitimement douté de la pertinence de l’outil militaire indien s’il devait être opposé simultanément à la Chine et au Pakistan.

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L’IAF n’a pas reçu de nouveaux MiG-29 depuis près de trente ans. Cependant, durant les années 2010, l’Indian Navy a reçu une cinquantaine de MiG-29K adaptés à l’utilisation sur porte-avions.

Les solutions ne manquent pas, cependant. De nombreux constructeurs étrangers, notamment les français Dassault Aviation et Naval Group, sont prêts à vendre d’importantes quantités d’avions de combat et de sous-marins, avec un transfert de technologie complet et une production locale maximisée. Mais il faudrait pour cela que les autorités politiques indiennes acceptent de laisser les industriels étrangers établir les partenariats nécessaires en Inde, en minimisant l’ingérence politique et administrative. Malheureusement, si les échanges de tir avec le Pakistan en 2019 n’ont pas pu servir d’électrochoc à la classe politique indienne, on peut douter que la situation actuelle dans le Ladakh puisse faire changer les choses en profondeur.

Le Parlement Koweïti s’interroge sur le prix exorbitant de ses Eurofighter Typhoon

Depuis plusieurs mois, la vente de 28 Eurofighter Typhoon au Koweït signée en 2016 intéresse de très près les autorités judiciaires du Koweït, qui auraient ouvert plusieurs enquêtes pour corruption. Parallèlement au procédures judiciaires en cours, c’est désormais le Parlement Koweïti qui s’interroge sur la facture totale du contrat. En effet, les Eurofighter Typhoon achetés par le Koweït auprès de l’Italie sont facturés plus de 320 millions $ pièce, contre en moyenne 110 millions $ pour les appareils vendus à d’autres pays.

Si ces chiffres mis en avant par la presse locale peuvent interroger, il convient cependant de les relativiser. En effet, les contrats d’armement sont particulièrement complexes, et ne peuvent pas être simplifiés en un simple prix unitaire, comme le rappelait Bruno Etchenic dans un excellent papier en 2015. Toutefois, au-delà de la question du prix des avions de combat moderne, les enquêtes menées au Koweït ont soulevé certains points particulièrement sensibles, à la fois pour l’Eurofighter mais également pour d’autres contrats impliquant Airbus, au Koweït et ailleurs dans le monde.

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Comme en Arabie Saoudite et en Autriche, la vente de Typhoon au Koweit est soupçonnée d’avoir été menée sur fond de corruption, de commissions et de rétro-commissions

Eurofighter Typhoon : trop cher ?

Calculer le prix d’un avion de combat est une chose complexe. Au-delà de son coût de fabrication, qui comprend le prix des composants livrés par les sous-traitants ainsi que la main d’œuvre nécessaire à l’assemblage, il faut généralement rajouter de nombreux éléments annexes indispensables : coûts de développement, marges du fabricant, taxes éventuelles, etc. Cela donne le prix sur étagère de l’appareil, ou prix « fly away », qui correspond uniquement au prix de l’avion sans aucun accessoire ou service associé.

Or, dans la quasi-totalité des contrats à l’exportation, les équipements annexes peuvent facilement doubler ou tripler la facture totale. Selon les contrats, on peut y inclure la formation des mécaniciens et des pilotes, les armements, le soutien opérationnel sur une période donnée, mais également des transferts de technologie vers l’industrie locale, ou encore la construction de bases aériennes spécialement adaptées aux nouveaux avions ! L’adaptation de deux bases aériennes pour permettre d’opérer jusque quatre escadrons de Rafale, en plus des armements et équipements spécifiques à l’Indian Air Force, a notamment contribué au montant assez élevé du contrat pour la vente de 36 Rafale en Inde. Ces derniers temps, ce sont les coûts liés à l’exploitation du Lockheed Martin F-35, à travers ses nombreuses –et coûteuses– mises à jour obligatoires, qui sont largement critiqués, puisqu’ils permettent de réduire artificiellement le prix « fly away » de l’appareil.

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La vente de Rafale au Qatar a également été accompagnée d’un important volet formation, logistique et armement. Au final, le coût unitaire pour ce type d’avions auprès d’une petite force aérienne est généralement compris entre 250 et 300 millions $ pièce

En cela, la vente de 28 Typhoon au Koweït est parfaitement exemplaire. Outre les vingt-deux avions monoplaces et six biplaces eux-même, le montant du contrat comprend un très important volet logistique, avec plusieurs années de soutien opérationnel, la formation des pilotes, la mise à jour des infrastructures, la fourniture de simulateurs mais aussi la construction de plusieurs bâtiments administratifs et logistiques sur les bases aériennes concernées. Enfin, les Eurofighter Typhoon vendus au Koweït seront aussi les plus modernes jamais fabriqués, avec notamment la présence d’un radar AESA, plusieurs années avant que les Typhoon allemands et espagnols n’en soient équipés. A ce sujet, voir notre article dédié aux radars AESA de l’Eurofighter.

Le Koweït ayant demandé un équipement plus moderne, il est logique que le prix « fly away » de ses avions soit plus élevé, mais si le montant exorbitant de la facture s’explique principalement par les services associés. A elle seule, la formation des pilotes auprès de l’Aeronautica Militare Italiana coûtera bien plus cher que pour d’autres forces aériennes. En effet, comme le Qatar, le Koweit entreprend aujourd’hui d’augmenter radicalement les effectifs de sa force aérienne. Alors que la Kuwait Air Force utilise aujourd’hui 27 F/A-18 Hornet, elle a commandé en quelques années 28 Super Hornet auprès de Boeing, et 28 Eurofighter Typhoon. Or, comme au Qatar, la taille réduite de la population rend très complexe le recrutement des pilotes, qui ont souvent besoin d’une formation plus longue et plus coûteuse qu’en Europe ou aux Etats-Unis.

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Les 28 Super Hornet vendus au Koweit l’ont été pour moins de 2 milliards $. Par rapport au contrat Eurofighter, la différence de prix s’explique en partie par un coût « fly away » bien plus faible, mais également parce que le Koweit opère déjà des Hornet de première génération, avec des armements et équipements logistiques compatibles avec le Super Hornet

Ainsi, si l’Eurofighter est effectivement vendu environ 100 millions € pièce en Europe, auprès des pays qui le produisent, son prix à l’exportation varie grandement d’un client à un autre. Oman a ainsi payé ses 24 Eurofighter Typhoon moins de 100 millions $ pièce, c’est principalement parce que les questions de logistique, de formation et d’armement ont été traitées par des contrats annexes. Au Qatar, où la situation est assez proche de celle du Koweït, le prix unitaire des vingt-quatre Eurofighter se situe aux environs de 260 millions $, bien plus proche des 320 millions $ par avion du contrat koweïti.

Soupçons de corruption à plus grande échelle

Si cela permet de relativiser le prix payé par la Koweït par rapport à d’autres forces aériennes, il faut toutefois reconnaître que l’Eurofighter Typhoon est un avion relativement coûteux à l’achat comme à l’usage. Ces dernières semaines, ce sont notamment les autorités autrichiennes qui ont largement critiqué le prix de l’heure de vol sur Typhoon, qui serait estimée à 60.000€ ! Un prix jugé d’autant plus élevé que les soupçons de corruption autour de l’achat d’Eurofighter par l’Autriche ont été au cœur d’un gigantesque scandale politique.

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Assemblé dans quatre pays, l’Eurofighter Typhoon reste particulièrement coûteux à construire mais également à mettre à jour. La question des multiples radars AESA développés pour un même avion est en ce sens particulièrement exemplaire.

Au Koweït, pour le moment, l’enquête suit son cours, et révèle certains faits troublants. Apparemment, les premières ébauches de contrat entre le Koweït et l’Italie incluaient des annexes portant notamment sur la construction d’un club cinq étoiles pour le repos des pilotes, ainsi que d’une usine de désalinisation de l’eau de mer, officiellement à l’usage de la base aérienne. Ces constructions auraient alors été confiées à un unique entrepreneur local, au détriment des règlementations locales imposant une mise en concurrence. Rien n’indique cependant que ces annexes aient été maintenues dans le contrat définitif.

Si la vente des Eurofighter a été initiée par l’Italien Leonardo, les Typhoon restent majoritairement construits par Airbus, à la fois en Espagne et en Allemagne. Or, les enquêtes koweïties autour des Eurofighter ont d’ores et déjà été associées à d’autres investigations portant plus largement sur les activités d’Airbus dans le pays. La vente de trente hélicoptères H225M Caracal est ainsi étudiée avec attention. Dans le même temps, plusieurs gros contrats portant sur la vente d’avions de ligne d’Airbus auprès de Kuwait Airways ont été mentionnés afin de fixer le montant de l’amende record payée par Airbus en début d’année.

Rafale: les essais en vol de la nouvelle munition AASM de 1000 kg ont commencé

Il y a quelques mois, nous vous avions présenté de manière détaillée le nouveau standard F4 du chasseur français Rafale, produit par Dassault Aviation. Outre des améliorations notables en matière de capteurs, de connectivité et de logistique, le Rafale F4 devait également intégrer de nouveaux armements air-air et air-sol. Si les MICA-NG et le SCALP rénové sont basés sur des armements connus, l’AASM 1000 kg développé par Safran est bel et bien une toute nouvelle munition.

Depuis quelques années déjà, des maquettes de l’AASM-1000 étaient exposées lors de divers salons et expositions aéronautiques. Depuis le lancement du programme F4 en janvier 2019, on était cependant resté sans nouvelle de cette nouvelle bombe propulsée destinée à remplacer la GBU-24 d’origine américaine sous les ailes du Rafale. Jusqu’à aujourd’hui, néanmoins, quand une photo d’un Rafale équipé d’une paire d’AASM-1000 a été dévoilée sur les réseaux sociaux, notamment sur le compte Twitter de Defense’Aero.

Si une seule GBU-24 était emporté sous le ventre du Rafale, l’AASM de 1000 kg semble pouvoir également être embarquée par paire sous les ailes de l’avion. La version testée en vol semble équipée d’un corps de bombe BLU-109, optimisée pour la pénétration des cibles durcies. Une variante d’emploi général avec un corps de bombe Mk84 pourrait également être développer par la suite.

Cette première photo, qui aurait a priori été dévoilée par Dassault Aviation, ne présente pas un avion de série mais un des Rafale utilisés pour les essais en vol. La présence d’une configuration opérationnelle, avec trois réservoirs externes et quatre missiles air-air MICA, laisse à penser qu’il s’agit d’un avion utilisé par Dassault Aviation plutôt que par la Direction Générale de l’Armement. Dans tous les cas, cela indique plusieurs choses :

  • D’une part, la configuration générale et le prototypage des nouvelles bombes se sont déroulés dans les temps,
  • D’autre part, les essais en vol ayant débutés, on peut s’attendre à des premiers largages dans les prochains mois, avec éventuellement des premiers tirs propulsés avant la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Un timing qui permettrait d’envisager une mise en service de la nouvelle bombe en 2022 ou 2023.

AASM/Hammer : bombe ou missile ?

En septembre 2000, la société Sagem a été sélectionnée pour développer un nouvel armement air-sol modulaire, ou AASM, qui devrait servir de munition air-sol de référence pour le Rafale, en complément du missile de croisière SCALP. Souhaitant éviter de multiplier les types de munitions intégrées sur le Rafale, l’Armée de l’Air et la Marine Nationale ont très vite demandé à ce que cet AASM soit conçu pour remplir des missions dévolues traditionnellement à la fois à des bombes guidées et à des missiles tactiques. En comparaison des armements américains, l’AASM devait ainsi offrir une portée supérieure à un missile Maverick, la puissance et la versatilité des bombes à guidage laser Paveway, et la capacité de tir tous-temps des bombes à guidage GPS de type JDAM.

Le Rafale F3R Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
En théorie, un unique Rafale pourrait embarquer une AASM 1000kg sous le ventre, six AASM 250 kg sous les ailes, deux réservoirs de 2000 litres et conserver la place pour six missiles air-air. Toutefois, l’ouverture des points externes de voilure pour missiles MICA n’a pas encore été validée, et les essais en vol actuels devront déterminer les points d’emport qualifiés pour le tir de la nouvelle AASM

En 2007, Sagem livre alors les premières AASM équipées d’un guidage inertiel/GPS, similaire aux JDAM américaines. Contrairement à ces dernières, cependant, l’AASM est équipée à l’arrière d’un booster à poudre. Ce dernier lui confère une grande portée opérationnelle, une capacité de tir vers le côté ou vers l’arrière, mais aussi un supplément de vitesse qui se traduit par une plus grande maniabilité et la possibilité de frapper une cible verticalement. Deux ans plus tard, Sagem livrera les premières AASM dotées d’un autodirecteur à imagerie infrarouge, capable de trouver automatiquement sa cible en cas de brouillage du signal GPS par exemple. En 2012 apparaît l’ultime variante de l’AASM dotée d’un guidage laser, lui permettant de frapper des cibles mobiles. Pour le marché international, l’AASM est désignée Hammer, SBU-38 pour la version INS/GPS, SBU-64 pour la variante INS/GPS/IIR, et SBU-54 pour la version INS/GPS/Laser. Si Sagem, qui a depuis été intégré à Safran, a longtemps cherché à proposer la munition Hammer sur divers avions, notamment des F-16 ou encore des avions C-130 Hercules, l’arme n’est pour l’instant intégrée officiellement que sous le Rafale et le Mirage F1, dans sa variante modernisée en service au Maroc. Afin de préserver l’avantage compétitif que l’arme offre au Rafale, Dassault Aviation aurait même milité pour que l’AASM ne soit pas intégrée sous le Mirage 2000.

Dans les faits, une munition guidée et propulsée est un missile, et non pas une bombe. Pourtant, l’AASM est conçu autour d’un corps de bombe, en l’occurrence une Mk82 de 250 kg, et dispose d’un agencement général très proche des bombes Paveway II ou Paveway III. Contrairement à ces dernières, cependant, une AASM tirée à très haute altitude dispose d’une portée opérationnelle de plus de 60km, et de la possibilité d’être pointé dans n’importe quelle direction autour de l’avion, à 360°, comme un véritable missile tactique. En opération, toutefois, il est assez courant que l’AASM soit utilisée sans avoir à recourir à son propulseur, notamment pour le tir sur de cibles situées à très courte distance. De manière générale, pour parler de l’AASM/Hammer, le terme le plus souvent utilisé est donc celui de bombe propulsée, qui met en avant le fait que la munition peut être utilisée comme une bombe ou comme un missile selon le contexte tactique.

nacelle canon 30mm Mirage 2000D Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Si l’AASM d’une tonne devrait remplacer la GBU-24 sous les Rafale français, la bombe lourde américaine devrait continuer à être utilisée à partir des Mirage 2000D en cours de rénovation.

Les avantages d’une AASM d’une tonne

Jusqu’à présent, l’armement standard du Rafale consiste donc en six munitions AASM de 250kg, ou éventuellement six bombes à guidage laser de type GBU-12, moins puissantes mais moins coûteuses, et largement suffisantes pour traiter des cibles peu protégées. Pourtant, depuis cinq ans maintenant, les Rafale français sont également utilisés pour frapper des cibles durcies avec une bombe lourde d’origine américaine, la GBU-24 d’une tonne. Ce type de bombes à guidage laser est principalement utilisé pour traiter des objectifs durcis, comme des bunkers, mais dont le niveau de protection n’est pas assez élevé pour nécessiter un tir de missile de croisière SCALP, bien plus cher. Mais si le Rafale emploie la GBU-24 depuis quelques années à peine, pourquoi développer une nouvelle AASM d’une tonne ?

Comparativement à une GBU-24, une AASM de 1000 kg (sa désignation Hammer n’est pas encore connue) présente en réalité de nombreux avantages. D’une part, comme les versions de 250kg, cette nouvelle bombe disposera d’un propulseur à poudre. Etant donné le poids de l’arme, il est probable qu’elle se contentera d’une portée maximale d’environ 20 ou 30km, au mieux, contre le double pour le Hammer de base. Dans tous les cas, la nouvelle bombe pourra frapper des cibles depuis de plus longues distances que la GBU-24, permettant à l’avion tireur de rester hors de portée de certains systèmes de défense anti-aérienne de moyenne portée.

AASM gamme Safran Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Outre l’AASM-1000 et l’AASM-250 actuelle, Safran propose également une AASM-500 et une AASM-125. Ces deux derniers modèles n’ont cependant pas encore trouvé preneur parmi les forces françaises.

Mais, surtout, le propulseur à poudre devrait offrir à cette bombe propulsée une vitesse supplémentaire qui pourra être convertie en maniabilité et donc en précision extrême, grâce aux surfaces mobiles placées très en avant de la munition et à un autodirecteur pouvant intégrer de l’imagerie infrarouge. Contrairement à la GBU-24, l’AASM-1000 pourra ainsi frapper une cible durcie selon un angle bien précis, afin de viser une zone de fragilité d’un bunker notamment. Elle pourra également être tirée sur le côté voire sur l’arrière du Rafale, permettant à ce dernier de contourner plus facilement les défenses antiaériennes.

Enfin, si cette nouvelle munition conserve la modularité des premiers Hammer, elle pourra être dotée de différents autodirecteurs adaptés à tous types de cibles, y compris des cibles navales. Sachant que les forces françaises ne disposent que de quelques dizaines de missiles Exocet, et que ces derniers sont uniquement mis en œuvre par les Rafale M de la Marine Nationale, on imagine que cette nouvelle AASM-1000 pourrait parfaitement devenir une arme antinavire de choix pour l’Armée de l’Air, grâce à sa grande charge militaire, sa capacité à frapper des cibles mobiles relativement lentes et sa portée étendue.

Face à la menace russe, l’Irlande pourrait se doter d’avions de combat

En 1998, la force aérienne irlandaise (Irish Air Corps) retire du service ses avions d’entrainement à réaction Fouga Magister, achetés d’occasion en France en 1975, signant la fin de l’aviation de combat à réaction pour l’Irish Air Corps. Dans les faits, cependant, ces Fouga Magister, comme les DeHavilland Vampire T.55 avant eux, n’étaient pas de véritables chasseurs, mais simplement des avions d’entrainement capable de réaliser quelques opérations de frappe au sol. Aujourd’hui encore, l’Irish Air Corps ne met en œuvre qu’une vingtaine d’aéronefs, avions et hélicoptères confondus, principalement dédiés aux missions de reconnaissance et de sauvetage. Ses seuls avions armés sont donc huit PC-9 achetés en Suisse, des avions d’entrainement à hélice capables d’emporter des mitrailleuses légères et des roquettes.

Depuis plus de cinq ans déjà, les parlementaires irlandais discutent toutefois de la possibilité de reconstituer une aviation de combat capable de protéger l’espace aérien national contre d’éventuelles incursions de bombardiers et d’avions de reconnaissance russes. Et l’hypothèse a une nouvelle fois été soulevée officiellement dans le cadre du Project Ireland 2040 révélé par le ministère de la défense irlandais. Comme en 2016, le principal argument mis en avant est donc la recrudescence des activités russes. En effet, les patrouilles de l’aviation à longue portée russe contournent généralement le Nord de l’Ecosse et de l’Irlande avant de virer au Sud vers le Golfe de Gascogne, et risquent à tout moment d’empiéter sur l’espace aérien de l’Irlande, qui reste pourtant un pays neutre.

Irish Air Corps Armed PC 9 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Pour le moment, les huit PC-9 irlandais sont capables d’embarquer des mitrailleuses et des roquettes pour des missions d’appui feu. L’avion et son armement sont cependant incapables de réaliser des opérations d’interception, même contre des avions civils.

Pour autant, la neutralité politique et diplomatique n’est pas toujours synonyme de démilitarisation, bien au contraire. Si la neutralité irlandaise vis-à-vis de l’OTAN n’est pas censé en faire une cible dans le cas d’une éventuelle guerre avec la Russie, l’absence de défense aérienne pourrait pousser l’un ou l’autre des belligérants à effectuer des survols de l’Irlande, qui deviendrait alors un « raccourcis » dans le cadre d’un conflit en Atlantique Nord. L’autre camps pourrait alors accuser l’Irlande de collusion avec son adversaire, tandis que des pilotes des deux bords pourraient utiliser l’espace aérien irlandais comme une zone refuge, ce qui entrainerait peu à peu des combats au-dessus du sol irlandais. Historiquement, les exemples ne manquent pas de pays neutres ayant vu leur territoire envahi en raison de sa position géographique, ou bien survolé par des avions de combat étrangers cherchant à économiser du carburant, comme ce fut le cas au-dessus de l’Autriche dans les années 1990.

Ainsi, certains pays comme la Suisse ont adopté une attitude bien différente. Pour la Confédération Helvétique, la neutralité doit pouvoir s’imposer et se faire respecter par la force s’il le faut. Si cette posture a contribué à protéger la Suisse d’une invasion allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, elle est toujours valorisée aujourd’hui, notamment dans le cadre des procédures de modernisation de la défense aérienne suisse. L’Irlande, de son côté, a fait le choix de déléguer sa protection aérienne au Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, à la France. En 2016, la révélation que l’accord avec la Royal Air Force couvrait également la possibilité d’abattre des avions de lignes détournés par des terroristes avait cependant entrainé un véritable débat politique en Irlande, à la fois autour de question des avions de combat dans l’Irish Air Corps, mais aussi autour de la question de neutralité elle-même.

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La Suisse a toujours défendu activement sa neutralité, en disposant d’une force aérienne capable d’interdire l’accès à l’espace aérien suisse à tout avion militaire étranger

On peut en effet s’interroger sur les raisons qui poussent certains parlementaires irlandais à militer pour une aviation de combat à partir de 2016, alors même que l’Irlande a pu se passer de chasseurs à réaction durant la totalité de la Guerre Froide, quand la menace soviétique et les menaces terroristes locales étaient bien plus présentes qu’aujourd’hui. Il y a sans doute plusieurs raisons à cela. D’une part, si l’Irlande a connu plusieurs décennies de terrorisme particulièrement violent, notamment à la frontière avec l’Irlande du Nord, le 11 septembre 2001 n’avait pas encore eu lieu, et l’idée que des avions détournés puissent être utilisés comme des armes de destruction massives était encore irréelle. D’autre part, la Royal Air Force était, avant 1990, une force aérienne particulièrement redoutable. En cas d’incursion soviétique, de crise grave ou même de conflit ouvert, les Britanniques auraient sans aucun doute été capable d’englober l’Irlande dans leurs patrouilles de combat.

Depuis la fin de la Guerre Froide, et le début des années 2010 tout particulièrement, la donne a changé. En prise avec des conflits particulièrement coûteux en Irak et en Afghanistan, la Royal Air Force a été contrainte de se séparer de manière prématurée de certains de ces avions de combat, notamment ses Jaguar en 2007 ainsi que ses Harrier GR.9 en 2011, pourtant récemment modernisés en profondeur. Si les Eurofighter Typhoon ont permis de remplacer avantageusement les vieux Tornado F3 pour la protection aérienne, les nouveaux F-35 furtifs tardent à être livrés et, surtout, commandés en grande quantité. De plus, un nombre croissant d’escadrons ont troqué leurs avions de combat pour des drones armés, de type MQ-9 Reaper. Si ces derniers sont très utiles dans des conflits asymétriques, ils ne sont d’aucune utilité pour défendre un espace aérien.

helicopter H135 AW139 Irish Air Corps Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
A l’exception d’un unique Learjet utilisé pour le transport VIP et l’évacuation sanitaire, tous les aéronefs irlandais sont d’origine européenne. Ici, un AW139 italien précède un EC135 européen assemblé en France.

A bien des égards, la volonté irlandaise de se doter d’une aviation de chasse est le signe que la Royal Air Force britannique est en perte de vitesse actuellement, avec trop peu d’avions disponibles, et des aéronefs mal adaptés aux opérations de défense aérienne. Pour autant, rien ne garantit que l’Irish Air Corps récupère rapidement une quelconque capacité d’interception aérienne. Pour l’heure, si l’idée est évoquée officiellement, il restera à la développer et à la faire valider –et financée– par les autorités parlementaires. Pour rappel, une proposition similaire avait déjà été faite en 2016 avant d’être rejetée à la fin de l’année dernière après plusieurs années de débat. Rien de bien nouveau, donc, si ce n’est le Brexit.

Jusqu’à présent, la question du Brexit avait plutôt pousser les autorités irlandaises à la prudence. Le possible retour des tensions communautaires autour de la frontière avec l’Irlande du Nord, suite au Brexit, constitue déjà un sujet de préoccupation majeur pour la défense irlandaise. Néanmoins, un Brexit se déroulant dans un contexte économique particulièrement morose pourrait avoir de graves conséquences sur la défense britannique et, par effet de bord, sur la défense aérienne irlandaise.

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Outre les traditionnels Gripen, Rafale et Typhoon, l’Irish Air Corps pourrait également envisager l’acquisition d’avions de combat légers basés sur des avions d’entrainement avancés. Moins coûteux, ces avions présentent cependant l’inconvénient de ne pas être en mesure de réaliser des interceptions supersoniques.

Dans ce contexte bien particulier, il est logique Dublin envisage à nouveau l’acquisition d’avions de combat, quelques mois seulement après avoir rejeté cette idée. Si l’Irish Air Corps venait à se doter d’une défense aérienne crédible, toutefois, il est très probable que le Corps fasse le choix d’avions européens, comme à son habitude. Outre plusieurs radars au sol, le nombre de seize chasseurs a été avancé afin de permettre une défense aérienne minimale mais tout de même efficace. Si l’irish Air Corps s’oriente vers des chasseurs d’occasion, le Gripen suédois et l’Eurofighter Typhoon restent alors les candidats les plus probables, même si de nombreux F-16 d’origine américaine, mais mis en œuvre par des armées européennes, devraient bientôt être disponibles sur le marché de l’occasion avec l’arrivée du F-35. En cas d’achat de matériel neuf, toutefois, le Gripen sera sans doute opposé au Rafale français, à moins que l’Irish Air Corps ne s’oriente vers une solution subsonique, moins efficace mais moins coûteuse. Affaire à suivre donc.

Covid-19: Singapour retarde ses livraisons de sous-marins et d’hélicoptères, mais poursuit la modernisation de sa défense

D’après Defense News, les forces armées singapouriennes ont récemment fait des annonces à propos de l’impact de la pandémie de Covid-19 sur leurs programmes d’acquisition de matériel. Les principaux retards devraient concerner les livraisons de sous-marins de nouvelle génération et d’hélicoptères de transport prévues cette année, et qui devraient être reportée d’un ou deux ans. Le planning d’achat d’avions de combat furtifs F-35B ne serait cependant pas impacté par la crise actuelle, pour l’instant.

Si la région Asie-Pacifique a été l’une des premières touchées par la pandémie, la situation semble désormais quasiment revenue à la normale à Singapour, qui a su gérer avec efficacité la propagation du virus dans le pays. Ainsi, le ministre de la défense Ng Eng Hen a confirmé que les jeunes hommes appelés à servir dans les forces armées dans le cadre de la conscription avaient repris leur entrainement. Les forces singapouriennes devraient également reprendre leur participation aux principaux exercices internationaux organisés dans la région. Une frégate de la classe Formidable (version singapourienne de la classe Lafayette française) devrait ainsi participer à l’exercice international RIMPAC organisé par l’US Navy à Hawaï le mois prochain.

Type 218SG Invincible Singapour Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Le premier Type 218SG a été lancé en février 2019, à Kiel en Allemagne. Il ne devrait pas être livré à la marine de Singapour avant 2022 désormais.

Néanmoins, si les affaires reprennent à Singapour, la défense du pays reste aujourd’hui impactée par les conséquences de l’épidémie en Europe et aux Etats-Unis. En effet, bien que l’industrie de défense singapourienne se développe énormément ces dernières années, notamment dans le secteur naval, mais aussi dans le domaine aéronautique et la robotique, le pays reste encore très dépendant de ses fournisseurs européens et américains.

Ainsi, la livraison du premier sous-marins Type 218SG, qui a été lancé il y a un peu plus d’un an, risque d’être retardée de plusieurs mois. Construit en Allemagne par TKMS, les quatre bâtiments du Type 218 formeront la classe Invincible dans la marine singapourienne, et remplaceront les sous-marins Challenger et Archer acquis d’occasion auprès de la Suède. Initialement, la livraison du RSS Invincible à la Republic of Singapore Navy était attendue pour 2021. Désormais, le sous-marin n’est plus attendu avant 2022, sans précision sur la durée exacte du retard.

Il en va de même pour les nouveaux hélicoptères de la Republic of Singapore Air Force. En 2016, la RSAF avait commandé des H225M auprès de Airbus Helicopters ainsi que des CH-47F Chinook auprès de Boeing. Les H225M devaient remplacer la flotte de Super Puma, ancêtre du H225M, mis en service il y a plus de trente ans dans les forces singapouriennes, tandis que les CH-47F doivent prendre la place des plus anciens CH-47D en service dans la RSAF. Les premiers H225M et CH-47F étaient attendus pour 2020, mais devraient finalement n’être livrés qu’au début de l’année 2021, suite aux longues semaines de fermeture des chaînes d’assemblage de Boeing et Airbus.

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Avec les véhicules blindés Hunter conçus localement, les Type 218SG, CH-47F et H225M sont les principaux programmes de modernisation des forces armées de Singapour. A plus longue échéance, ils seront suivis par l’acquisition de F-35 et des navires de surface MRCV et JMMS.

Pour l’heure, cependant, le planning de livraison des F-35B singapourien ne devrait pas être modifié, et les premiers appareils sont toujours attendus pour 2026. Pour la cité-État, ces nouveaux chasseurs devraient véritablement marquer le début d’une nouvelle ère. De par la taille de son territoire, Singapour ne dispose d’aucune profondeur stratégique et est particulièrement vulnérable à une première frappe surprise. Jusqu’à présent, la résilience de la RSAF reposait dans sa capacité à opérer certains de ses escadrons depuis des bases amies, notamment en France ou aux USA. Avec l’acquisition d’un petit nombre de F-35B, version à décollage et atterrissage vertical du chasseur furtif de Lockheed Martin, Singapour entend tester une nouvelle stratégie qui pourrait conduire à l’achat d’un plus grand nombre de F-35B, si les premiers essais s’avèrent concluants. En plus de ses chasseurs F-16 et F-15 opérant depuis des bases aériennes, la RSAF opérera des F-35B depuis des terrains improvisés et dispersés : routes, parkings, etc. De quoi garantir une certaine continuité des opérations aériennes, même face à une attaque massive de la part d’une nation adverse.

De manière générale, la montée en puissance de la Chine, que la crise du Covid-19 ne semble gère avoir stoppé, pousse la plupart des pays asiatique à poursuivre leurs programmes de modernisation, malgré le contexte économique peu favorable à de telles dépenses. Pour les industriels européens et américains, la région Asie-Pacifique pourrait bien prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir. En pleine crise économique mondiale, un grand nombre de sociétés des secteurs de l’aéronautique et de la défense vont devoir littéralement se battre pour leur survie.

F 35B Queen Elizabeth Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires

Sur les quelques marchés porteurs, notamment au Moyen-Orient en Asie-Pacifique, la concurrence sera plus rude que jamais, avec un nombre toujours élevé de compétiteurs mais des appels d’offre de moins en moins nombreux. Aujourd’hui, plus que jamais, les grands groupes de défense européens devront tout particulièrement être attentifs à leurs stratégies marketings et à leurs relations publiques, qui ne devront pas être sacrifiés sur l’autel des réductions de dépenses. A Singapour, Naval Group a ainsi récemment inauguré un centre de R&D spécialisé dans les technologies navales disruptives. Dans les années qui viennent, il est impératif que ce genre d’initiatives soient maintenues et généralisées, indépendamment de leur coût immédiat. Faute d’un accroissement substantiel des commandes étatiques en Europe, les industriels de la défense n’auront sans doute pas d’autres choix que de se rendre indispensables auprès de leurs clients, de la base industrielle locale mais aussi des centres de R&D.

Les S-400 turcs pourraient-ils être rachetés par les États-Unis ?

La proposition aurait de quoi faire sourire si elle n’émanait pas du Sénat américain : les Etats-Unis pourraient racheter les systèmes de défense anti-aérienne S-400 d’origine russe récemment livrés en Turquie. Dans le cadre d’un amendement à la National Defense Authorization Act de 2021 (une loi fédérale annuelle qui spécifie le budget et les postes de dépense du Département de la Défense américain), le Sénateur républicain John Thune a en effet proposé que les S-400 turcs soient achetés avec le budget de l’US Army, ce qui permettrait de normaliser les relations entre Ankara et Washington et de reprendre les livraisons d’avions de combat F-35 à destination de la Turquie.

Dans le même temps, le président du Comité pour les Relations Etrangères au Sénat, Jim Risch (également Sénateur républicain) a proposé au contraire de durcir considérablement la politique américaine vis-à-vis d’Ankara. Il demande en effet à ce que l’administration Trump mette en place des sanctions dans le cadre de la loi CAATSA, et ce sous trente jours après adoption définitive de la loi NDAA. Pour l’heure, il est peu probable que le Sénat adopte l’une ou l’autre de ces propositions, et encore moins probable que la Chambre des Représentants valide une telle décision, dans un sens ou dans l’autre. Cependant, les atermoiements de la classe politique américaine, au sein même du parti Républicain, montre l’étendue du malaise qui persiste entre les Etats-Unis et la Turquie, deux membres historiques de l’OTAN.

S400 Turquie livraison Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Un des véhicules formant le système S-400 lors de sa livraison en Turquie, en juillet 2019.

Des S-400 américains ?

Si la proposition du Sénateur Thune d’acheter les S-400 turcs peut sembler incongrue, il ne s’agirait cependant pas d’une première historique. En effet, dès le début de la Guerre Froide, les Etats-Unis se sont employés à obtenir des équipements de première ligne soviétique, et ce par des moyens plus ou moins détournés. Durant les années 1970 et 1980, le 4477th Test & Evaluation Squadron basé dans le Nevada a ainsi opéré de nombreux jets soviétiques (MiG-17, MiG-21, MiG-23) afin d’en connaître les possibilités tactiques et d’entrainer les pilotes américains à les contrer. Ces appareils, ainsi que de nombreux systèmes de missiles sol-air, ont été obtenus auprès de pays non alignés (Indonésie), de pays nouvellement alliés (Egypte) ou bien directement capturés chez l’ennemi par les forces américaines ou alliées (Israël notamment).

Plus récemment, il a été avéré que le Tonopah Test Range, dans le Nevada, a accueilli des systèmes de défense russes S-300PS, mais aussi des avions de supériorité aérienne Su-27 Flanker. Dans ce cadre, il n’y aurait donc rien de bien surprenant à ce que le Pentagone puisse chercher à se doter de quelques batteries de S-400. Les forces américaines seraient ainsi en mesure de connaître à la perfection le mode opératoire de ces systèmes de défense, et pourraient plus facilement développer des moyens de les contourner ou de les détruire. Pour le Sénateur Thune, il s’agirait d’une première raison suffisante pour justifier un tel rachat.

1080px Ukrainian Air Force Sukhoi Su 27P Flanker 29583343448 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
L’US Air Force aurait opéré ces dernières années plusieurs Su-27 obtenus auprès de l’Ukraine, notamment. La mise à disposition d’une batterie S-400 pourrait avoir un grand intérêt pour l’US Air Force, mais sans nécessiter pour autant l’achat coûteux de plusieurs systèmes que les USA ne pourront maintenir en activité, faute de soutien industriel.

Mais la principale raison d’une acquisition des S-400 turcs serait de calmer les tensions entre Ankara et Washington. Pour rappel, Ankara avait annoncé en 2017 vouloir acheter plusieurs systèmes russes S-400 pour un montant d’environ 2,5 milliards $, malgré les pressions américaines. En effet, la Turquie étant l’un des principaux clients du chasseur furtif américain F-35, Washington craignait qu’une utilisation du F-35 et du S-400 au sein d’un même réseau de défense intégré ne permette à la Russie d’obtenir des données classifiées sur la furtivité du F-35. Alors qu’Ankara et Moscou se rapprochaient de plus en plus, conduisant à une première livraison de S-400 il y a tout juste un an, l’administration Trump a donc décidé de sanctionner la Turquie en la privant de ses F-35, dont les six premiers exemplaires sont fabriqués mais toujours stockés aux USA.

De nouvelles sanctions à l’encontre d’Ankara ?

Entre temps, néanmoins, ce feuilleton rocambolesque a connu de nouveaux épisodes mouvementés, avec notamment des violentes oppositions entre troupes et milices turques d’un côté et russes de l’autre, dont les positions sont diamétralement opposées en Syrie et en Libye. Au point de pousser l’administration Trump a envisager la livraison en Turquie de batteries de défense sol-air Patriot, équivalent américain des systèmes S-300 et S-400 russes ! Le Président américain refusant de perdre la face dans un contexte diplomatique qui semble décidément dépasser ses compétences, la Maison Blanche se retrouve aujourd’hui partagée entre la nécessité d’imposer de lourdes sanctions envers Ankara et l’envie de soutenir inconditionnellement le président turc Recep Tayyip Erdogan.

F 35B Queen Elizabeth Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Jusqu’à présent, la Turquie n’avait commandé que des F-35A pour sa force aérienne. Cependant, Ankara souhaitait à terme disposer de F-35B à décollage vertical capables d’opérer à partir de son nouveau porte-aéronefs amphibies construit avec l’aide de l’Espagne.

Dans un tel contexte, rien d’étonnant à ce que le partir Républicain se retrouve partagé sur la question turque, qui avait déjà profondément irritée l’administration Obama en son temps. Pour le moment, l’hypothèse d’un rachat des S-400 turcs au prix fort paraît très peu probable, puisqu’elle reviendrait à créer un précédent qui verrait Moscou financer son industrie de défense directement par le biais des contribuables américains. Mais, à l’inverse, la proposition du Sénateur Risch d’imposer les lourdes sanctions prévues dans le cadre de la loi CAATSA poserait d’autres problèmes. En effet, la mobilisation de CAATSA à l’encontre de la Turquie pourrait avoir pour conséquences d’éloigner un peu plus Ankara de ses obligations dans le cadre de l’OTAN, que la Turquie n’hésite déjà pas à bafouer. Si le timing pourrait être idéal pour Washington, étant donné le refroidissement des relations entre la Turquie et la Russie, assimiler Ankara à un ennemi pourrait avoir de très graves conséquences sur le long terme, à la fois pour la Grèce, l’OTAN et l’Europe.

S-400 contre F-35

Dans l’état actuel des choses, il y a peu de chances que Washington opte pour l’une ou l’autre de ses options, chacune d’entre elle pouvant être considérée comme trop extrême, dans des styles bien différents. Au bout du compte, toutefois, ce sera aussi à Ankara de choisir quelle posture adoptée, sachant que l’arrêt des livraisons de F-35 prive la Turquie de son projet de porte-avions, particulièrement symbolique. Pour le moment, il est plus que probable que la Turquie cherche avant tout à jouer la montre, en attendant les résultats des prochaines élections présidentielles américaines. Si le blocage des livraisons des F-35 a été vu comme un geste fort de la part de l’administration Trump, il y a peu de chance qu’une majorité Démocrate s’avère plus clémente à l’égard de la Turquie d’Erdogan. En attendant de devoir choisir entre les S-400 et ses F-35, Ankara profite de la générosité américaine sur la question des Patriot, ainsi que de la très gênante passivité de Washington vis-à-vis de l’implication turque en Libye et en Méditerranée.

Corée du Sud : des Falcon 2000 et des Boeing 737 supplémentaires pour booster les capacités de surveillance électronique

Ces derniers jours, la DAPA (Defense Acquisition Program Administration) sud-coréenne a approuvé l’achat d’avions de surveillance additionnels auprès de fournisseurs étrangers, pour un total d’environ deux milliards $. Même si le type d’avions n’a pas été précisé, le plan d’acquisition porterait en toute logique sur l’achat de deux Boeing 737 Peace Eye supplémentaires, ainsi que de quatre Falcon 2000S produits par le Français Dassault Aviation.

En effet, l’armée de l’air sud-coréenne (Republic of Korea Air Force – ROKAF) opère déjà actuellement quatre Boeing 737 Peace Eye et deux Falcon 2000S en configuration « Baekdu », ce qui devrait faciliter la mise en service des six nouveaux avions prévus pour être livrés d’ici 2027. Loin d’être anodins, ces nouveaux achats devraient permettre à la ROKAF d’assurer une surveillance permanente de son espace aérien et de sa frontière avec la Corée du Nord avec des moyens électroniques modernisés. Mieux encore, une augmentation du parc d’avions de reconnaissance électronique devrait renforcer les capacités pouvant être mises en œuvre par la ROKAF à l’encontre de la Chine, qui augmente chaque année son activité militaire en Mer Jaune.

E 7 Peace Eye ROKAF Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
La ROKAF opère déjà quatre Boeing 737 Peace Eye. Les deux nouveaux appareils seront dotés d’un radar plus performant et d’une avionique modernisée, et devraient être très proches des exemplaires commandés par la Royal Air Force.

Pour le moment, la ROKAF dispose de quatre Boeing 737 Peace Eye, la variante sud-coréenne du E-7 Wedgetail développé durant les années 2000 pour l’Australie, avant d’être vendu en Turquie, en Corée et, plus récemment, au Royaume-Uni. Livrés entre 2011 et 2012, les quatre Peace Eye sont des appareils de type AWACS, ou AEW&C, destinés à la surveillance aérienne et maritime à très longue distance et au commandement des opérations aériennes. Néanmoins, avec seulement quatre appareils en service, la ROKAF n’est pas en mesure de maintenir en permanence un appareil en vol. En se dotant de deux nouveaux Peace Eye, la ROKAF pourra maintenir une alerte permanente et préserver le potentiel opérationnel de sa flotte. En cas de crise, elle devrait pouvoir opérer simultanément deux ou trois avions sur de courtes périodes.

Le radar MESA fournit par Northrop Grumman, et équipant les différentes variantes du E-7, dispose d’une portée de plusieurs centaines de kilomètres. Opérant à la frontière sud-coréenne, ou depuis les eaux internationales, les Peace Eye est ainsi en mesure de surveiller la quasi-totalité de l’espace aérien nord-coréen, mais aussi une partie des activités du Commandement de Théâtre Nord-Est de la République Populaire de Chine. Pour Séoul, une permanence opérationnelle de ses moyens AEW&C est jugée critique non seulement pour suivre l’activité aérienne de la Corée du Nord et de la Chine, mais aussi pour surveiller de près les essais nucléaires et les tirs de missiles balistiques effectués dans la région, principalement par Pyongyang.

Gfalcon2000 5 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
L’un des deux Falcon 2000S acheté en 2012 par la Corée du Sud et équipé d’une charge utile télé-opérée Baekdu. En théorie, les quatre futurs Baekdu pourraient être intégrés sur un autre modèle de Falcon, ou sur un avion concurrent, même s’il est probable que la ROKAF cherche à standardiser sa flotte autour d’un unique appareil.

Et c’est justement la recrudescence des tirs de missiles balistiques nord-coréens qui a motivé Séoul à commander quatre nouveaux avions-espions Baekdu, qui seront très probablement basés sur le Falcon 2000S, déjà en service dans la ROKAF. Lancé durant les années 1990, le programme Baekdu visait à développer une charge utile d’écoute électronique automatisée, capable d’intercepter les communications ennemies (COMINT) ainsi que les signaux électroniques (ELINT) liés aux activités militaires nord-coréennes, comme les radars, les systèmes de défense aérienne, les brouilleurs, les centres de commandement, etc. Regroupant COMINT et ELINT, Baekdu est donc un système d’écoute SIGINT particulièrement versatile, intégré à bord d’avions d’affaires qui patrouillent le long de la frontière avec la Corée du Nord. Au fil des années, Baekdu a été optimisé pour pouvoir suivre les essais militaires de la Corée du Nord, qu’il s’agisse des essais nucléaires souterrains ou des tirs balistiques.

Au milieu des années 1990, la ROKAF commande ainsi huit bimoteurs Hawker 800XP de l’américain Raytheon, qui seront équipés du système Baekdu de première génération et désignés RC-800 Peace Krypton (U-125 dans la dénomination américaine). Moins de dix ans plus tard, la ROKAF envisage d’acquérir des systèmes Baekdu plus avancés, toujours dans l’optique de pouvoir maintenir un ou deux appareils en vol en permanence. Pour réduire le nombre d’appareils impliqué tout en améliorant les capacités de reconnaissance, il est alors envisagé d’installer Baekdu sur un avion plus grand, disposant d’une plus grande autonome.  Capable d’embarquer une charge utile plus puissante, les Advanced Baekdu seront donc moins nombreux mais plus performants, et seront complétés par une flotte de drones RQ-4 Global Hawk. En 2010, l’américain Gulfstream et le canadien Bombardier sont pressentis pour fournir la nouvelle plateforme du Baekdu de nouvelle génération. Finalement, deux ans plus tard, c’est le français Dassault Aviation qui a été sélectionné afin de fournir deux Falcon 2000S servant de base au nouvel Advanced Baekdu, en remplacement d’une partie des RC-800 Peace Krypton.

content dam mae online articles 2014 12 global hawk 18 dec 2014 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
A terme, la ROKAF devrait disposer de six E-7 Peace Eye, de six Falcon 2000 Baekdu et de quatre drones RQ-4 Global Hawk, actuellement en cours de livraison. De quoi offrir des capacités de détection aérienne, maritime et terrestre particulièrement complètes.

Les nouveaux systèmes Advanced Baekdu, qui devraient être achetés pour un montant de 725 millions $, devraient venir remplacer les quatre derniers RC-800, a priori par autant de Falcon 2000S. Mis en service il y a quelques années à peine, l’Advanced Baekdu s’appuie sur des capteurs SIGINT de dernière génération, mais aussi sur un radar à ouverture synthétique latéral et des capteurs optroniques à longue portée. Avec six plateformes Baekdu basées sur un Falcon 2000 disposant d’une grande autonomie, la ROKAF devrait améliorer considérablement sa capacité de permanence aérienne, tout en disposant d’un outil capable d’être déployé pour des opérations maritimes à très longue distance, y compris face à une éventuelle menace chinoise.

Enfin, pour Séoul, l’accroissement des moyens AEW&C et SIGINT s’inscrit également dans une logique de maîtrise souveraine des capacités stratégiques. En clair, Séoul entend aujourd’hui maîtriser pleinement ses capacités de renseignement tactique et stratégique, afin de ne plus être dépendant des équipements déployés par l’US Air Force sur son territoire. En effet, après les retraits de troupe déjà engagés par l’Administration Obama, c’est désormais au tour de Donald Trump de menacer ses principaux alliés d’un retrait unilatéral des troupes américaines, et ce sans aucune diplomatie.

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Saab s’est associé au canadien Bombardier pour développer le GlobalEye capable de réaliser aussi bien des tâches AEW&C que des missions SIGINT ou de patrouille maritime. Si la France et l’Allemagne n’arrivent pas à collaborer pour développer un avion de patrouille maritime commun autour de l’Airbus A320, Dassault Aviation sera bien positionné pour proposer un appareil multirôle capable de concurrencer les avions de mission proposés par Saab ou Gulfstream notamment.

Quelles que soient les raisons qui poussent Séoul à acheter des 737 AEW&C et des Falcon 2000 SIGINT supplémentaires, nul doute que la nouvelle sera accueillie avec soulagement chez Boeing et Dassault Aviation. Depuis quelques années, ces deux entreprises souffrent en effet d’une crise des ventes de leurs avions civils, Boeing en raison de la fiabilité défaillante de son 737 MAX, et Dassault Aviation en raison de la crise structurelle du secteur des avions d’affaire. Avec la nouvelle crise mondiale qui frappe l’aviation civile ces derniers mois, la moindre commande, qui plus est de la part d’un client étatique, est donc vue comme une excellente nouvelle. Au-delà des enjeux économiques à court terme, Boeing entend en effet rester le leader sur le marché des avions AEW&C, sur lequel Airbus est complètement absent. Dassault, de son côté, peut miser sur sa double activité civile et militaire afin de mettre en avant des avions de mission, que ce soit en Corée du Sud, au Japon ou encore en France, avec le programme ARCHANGE. A plus long terme, alors qu’une collaboration avec l’Allemagne autour d’un Airbus A320 de patrouille maritime semble de plus en plus illusoire, nul doute que Dassault cherchera à proposer l’un ou l’autre de ses avions Falcon comme avion de patrouille maritime de prochaine génération.

PILUM: l’Agence Européenne de Défense lance son programme de canon électrique

Il était temps, pourrait-on dire… L’Agence Européenne de Défense a annoncé avoir sélectionné les partenaires qui participeront au programme PILUM, pour Projectiles for Increased Long-range effets Using Electro-Magnetics (un peu capilotracté comme acronyme), un programme visant à étudier et développer un prototype de canon électrique, ou Railgun, dans les deux années à venir. Le consortium européen ainsi créé, rassemble les français Nexter Systems, Nexter Munitions et Naval Group, le belge Von Karman Research Institute, l’allemand Diehl Defence, le polonais Explomet et l’italien ICAR. Il sera piloté par l’Institut Saint-Louis franco-allemand qui a déjà développé une première expertise dans le domaine, et sera financé par la commission européenne au travers du programme Preparatory Action on Defense Research ou PADR.

Les objectifs du programme sont dual, puisqu’il s’agit à la fois de concevoir un modèle numérique servant de base à la conception d’un démonstrateur, ainsi que de définir les capacités opérationnelles effectives d’un tel système, et ce que ce soit dans les domaines du combat terrestre, naval ou aéronaval, mais aussi pour venir à bout des systèmes de déni d’accès A2/AD qui se multiplient sur la planète. A ce titre, la présence de Naval Group et de Nexter marque non seulement l’intérêt (et donc la prise de conscience) de la France vis-à-vis de ce système d’arme, mais également l polyvalence attendue de ce canon, qui devra aussi bien être employé à partir de véhicules terrestres que de navires de combat.

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La Turquie développe son propre programme de canon électrique, déjà bien avancé.

Rappelons que le Railgun, ou canon électrique, est un système d’arme permettant de propulser des obus à 200 km, et potentiellement 400 km, grâce à un champs électromagnétique intense créé dans le tube, offrant au projectile une vitesse en sortie de bouche supérieure à Mach 7, et pouvant même atteindre Mach 10 selon les simulations. N’utilisant aucune poudre, les couts par tir sont considérablement réduits, alors que la portée affichée fait du Railgun une alternative aux couteux missiles tactiques, qu’ils soient anti-navires, anti-aériens ou de frappe à terre. En outre, le système est moins sensible que des systèmes conventionnels, le stock de poudre représentant une menace significative en cas d’impact de missile ou d’obus.

Pour autant, la conception et la mise en oeuvre des canons électriques fait face à de nombreuses difficultés, en premier lieu desquelles la nécessité de disposer d’une puissance électrique très importante pour pouvoir être mis en oeuvre. Or, disposer d’un tel générateur ne va pas de soi, même pour les navires de combat, bien qu’aujourd’hui la majorité des nouveaux programmes navals combattants ont pris en considération le besoin croissant en matière de production électrique à bord. Au cours de leur vie opérationnelle, les nouveaux bâtiments de combat pourront ainsi accueillir des armes à énergie dirigée comme les laser, des railgun, mais également des systèmes informatiques et de détection de plus en plus puissants, et donc gourmands en électricité. En outre, cette production énergétique, couplée à la production de plasma lors du tir, génère une très grande quantité de chaleur, rendant les systèmes particulièrement détectables aux systèmes infrarouges, et imposant des systèmes de refroidissement encore bien complexes à mettre au point aujourd’hui.

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La Chine teste depuis deux ans un prototype de Railgun à bord d’un LST modifié à cet effet

Il n’empêche, les bénéfices portées par le Railgun semblent bel et bien compenser ses difficultés et vulnérabilités, de nombreux pays s’étant engagés dans cette voie. La Chine semble avoir prit une certaine avance dans le domaine puisque son prototype de railgun est en test depuis deux ans maintenant à bord d’un navire d’assaut spécialement transformé à cet effet. Selon la communication chinoise, les premiers navires équipés de ces systèmes, des destroyers lourds Type 055, entreront en service en 2025. Cela a amené les Etats-Unis à redynamiser leur propre programme de Railgun, pourtant mis au ralenti en 2015 alors que le pays avait acquis auparavant une réelle avance technologique dans le domaine. D’autres pays, comme la Russie, le Japon, mais également la Turquie, développent leurs propres solutions, avec plus ou moins de succès.

L’annonce faite par l’AED, associée à un calendrier ambitieux, permet donc à l’Europe de se repositionner dans cette course technologique déterminante à moyen terme. Cela permet également à l’AED de se repositionner au centre de l’initiative européenne en matière de Défense, alors que certains remettaient en question son utilité il y a encore quelques mois. On remarquera également que l’Union européenne fait preuve d’une réelle détermination pour s’emparer de programmes stratégiques, comme en matière de défense anti-missiles, de guerre électronique, ou encore de corvettes.

Avec une nouvelle vente au Maroc, le Boeing AH-64 Apache confirme son statut de best-seller mondial

L’affaire durait depuis près d’un an déjà. En 2019, suite à l’achat de nouveaux F-16, le Royaume du Maroc avait annoncé son intention d’acquérir des hélicoptères de combat AH-64 Apache auprès de l’Américain Boeing. Depuis l’échec de la vente de Rafale français en 2006, et malgré l’acquisition d’une frégate FREMM française, Rabat semble désormais résolument tourné vers la coopération avec les Etats-Unis en matière de défense et d’achats d’armements. En Novembre dernier, Washington avait fort logiquement autorisé une vente de 36 hélicoptères Apache via la procédure Foreign Military Sales (FMS), qui garantit des prix bas et des livraisons rapides. Ne restait plus au Maroc qu’à confirmer leur achat et signer le contrat, ce qui est désormais chose faite.

En 2024, au moment des premières livraisons, le Maroc deviendra ainsi le 17e utilisateur de l’hélicoptère Apache. Entré en service en 1986, et continuellement mis à jour depuis, le AH-64 Apache est un hélicoptère de combat lourd réputé pour être coûteux et complexe à opérer. Pourtant, cet aéronef commercialisé par Boeing continue d’enchainer les contrats auprès de nouveaux clients comme de clients historiques, tout en intéressant toujours plus de prospects. Il faut dire que les dernières variantes de l’Apache offrent des capacités opérationnelles réellement inédites.

AH 64E APACHE GUARDIAN Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Le AH-64E Apache Guardian est la dernière variante du célèbre Apache. Il dispose d’un radar Longbow au-dessus du radar, d’une cellule adaptée à l’environnement marin et de la capacité à opérer des drones à distance

Pour le moment, le Maroc n’a acheté que 24 AH-64E Apache Guardian sur les 36 qui avaient été autorisés à l’exportation par le Pentagone. Le montant total du contrat n’a pas été dévoilé, mais il devrait sans doute avoisiner les 3 milliards $ et comprendre une partie des armements et des équipements logistiques nécessaires à la mise en œuvre de ce nouveau type d’hélicoptère. Pour le combat aéroterrestre, les nouveaux Apache Guardian devraient remplacer nombre pour nombre les SA342 Gazelle encore en service dans les Forces Royales Air marocaines. Et nul doute que la transition sera particulièrement impressionnante pour les pilotes marocains ! En effet, alors que la Gazelle pèse moins de 2 tonnes, l’Apache Guardian dispose d’une masse maximale de 10 tonnes, et peut embarquer autant d’armement que six Gazelle réunies !

Pour le Maroc, l’avantage opérationnel de l’Apache sera incontestable, d’autant plus que la région du Maghreb, dans son ensemble, recommence à acheter massivement des armes modernes. Pour Rabat, l’acquisition de vingt-quatre Apache, avec une option pour douze supplémentaires, pourrait ainsi être une réponse à l’achat de nouveaux hélicoptères de combat par Alger. Jusqu’à présent, les Gazelle marocaines ne faisaient en effet pas le point face aux hélicoptères russes mis en œuvre par le puissant voisin algérien. Mais au-delà de la rivalité éternelle entre Maroc et Algérie, les Apache Guardian répondent à une logique opérationnelle propre au contexte tactique marocain.

Depuis une décennie environ, Rabat fait ainsi face à une recrudescence d’actes terroristes, à la fois terrestres et maritimes. Sur sa frontière sud, et au-dessus du Sahara Occidental, le Maroc redoute tout particulièrement un débordement des insurrections qui se multiplient en ce moment dans la région du Sahel. Or, de par ses performances, son avionique et son armement, la dernière version de l’Apache s’avère parfaitement adaptée aussi bien au combat de haute intensité qu’au combat hybride. Autant de qualités qui ont su séduire le Maroc et de nombreux autres armées de par le monde.

Gazelle maroc Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
Au Maroc, les Apache remplaceront les vénérables Gazelle, désormais à bout de souffle. Si les SA342 Gazelle marocaines sont parmi les mieux armées au monde, elles restent bien légères face au redoutable Apache Guardian

Avec une masse maximale de plus de 10 tonnes, le Apache Guardian est sans conteste l’hélicoptère de combat occidental le plus lourd et le plus impressionnant –mais aussi le plus cher. Par comparaison, le Tigre européen pèse moins de 6 tonnes, le Bell AH-1Z utilisé par l’US Marines Corps pèse 8 tonnes, tandis que le A.129 italien (et le T.129 turc qui en est dérivé) se situe dans la classe des 4,5 tonnes à pleine charge. Cette masse impressionnante lui permet d’embarquer des protections balistiques, une grande quantité de carburant et une suite d’autoprotection complète. De quoi lui permettre d’opérer longtemps dans des zones particulièrement hostiles, tout en absorbant le feu adverse sans cesser de combattre. Mais, surtout, le Apache Guardian dispose d’une avionique et d’un armement particulièrement diversifiés.

Ainsi, outre les systèmes optroniques et le désignateur laser que l’on retrouve sur tous les modèles d’hélicoptères cités plus haut, le Apache dispose d’un radar APG-78 Longbow au-dessus du rotor. Capable de détecter des cibles à longue distance sans exposer le corps de l’hélicoptère lui-même, ce radar permet de guider simultanément plusieurs missiles à la fois contre des cibles terrestres mobiles et contre des cibles navales légères. Concernant l’armement de l’hélicoptère lui-même, il est également particulièrement impressionnant, ce qui en fait de loin l’hélicoptère le mieux armé de sa catégorie. Outre son canon de 30 mm, l’hélicoptère peut embarquer quatre missiles air-air Stinger, particulièrement efficace contre des drones, des avions légers ou des hélicoptères. En plus de cela, l’hélicoptère dispose de quatre points d’emports pouvant embarqués, chacun, quatre missiles air-sol Hellfire, ou un panier de roquettes de 70 mm. Chaque panier de roquettes pouvant embarquer 19 munitions à guidage laser de type APKWS, on imagine aisément la puissance de feu offert par cet hélicoptère.

Apache AH64 Actualités Défense | Australie | Construction d'Hélicoptères Militaires
En plus de son canon de 30 mm et de ses quatre points d’emports principaux, l’hélicoptère Apache peut embarquer quatre missiles air-air Stinger au bout de ses supports d’armement.

Pourtant, la véritable plus-value de l’Apache ne repose pas dans son armement. Après tout, le AH-1Z de Bell dispose d’un panel d’armement similaire, tout en coûtant bien moins cher que l’hélicoptère de Boeing. Au final, ce qui a séduit le Maroc, mais aussi le Qatar, la Corée du Sud, Taïwan, l’Indonésie et l’Inde, pour ne citer que les contrats les plus récents, c’est la cohérence tactique offerte par l’AH-64E Apache Guardian et, avant lui, l’AH-64D Apache Longbow. Son impressionnante capacité d’emport en armement s’accompagne ainsi d’une grande autonomie sur zone, ce qui lui offre le temps d’utiliser effectivement son armement. Outre sa capacité de frappe, son radar Longbow en fait également un outil de reconnaissance à longue portée particulièrement utile à la fois pour les opérations aéroterrestres mais également pour la préparation de raids aériens au profit des avions de combat.

Enfin, l’Apache Guardian est désormais proposé avec un système « manned-unmanned teaming », que le Maroc a été autorisé à acheter. Intégré au système d’arme de l’hélicoptère, ce système permet à un équipage d’Apache de piloter à distance différents modèles de drones et de recevoir leurs flux vidéos, mais aussi de prendre le contrôle de drones tactiques alliés opérant dans la région. Cette capacité, pour le moment unique au monde, décuple littéralement les capacités de reconnaissance de l’Apache, offrant à son équipage une connaissance de la situation tactique absolument inédite. Pour des forces armées appelées à opérer au-dessus de grandes étendues désertiques ou maritimes, une telle capacité peut justifier, à elle seule, le prix demandé par Boeing pour son hélicoptère de combat de luxe.