Il y a deux ans, l’Australie émettait une demande d’information auprès des principaux constructeurs d’hélicoptères occidentaux. Dans le cadre du « Project Land 2097 Phase 4 », les forces armées australiennes prévoient d’acheter au moins seize hélicoptères de la « classe 4 tonnes » afin d’appuyer les forces spéciales du pays, aussi bien pour des opérations anti-terroriste en Australie que pour des opérations extérieures.
Alors qu’un appel d’offre était initialement prévu pour la fin 2019, les candidats ont finalement jusqu’au 11 juillet 2020 pour remettre leurs propositions. Et, pour l’heure, seuls deux constructeurs ont annoncé leur intention de concourir sur ce marché très spécifique : Bell et Airbus Helicopters. Mais d’autres constructeurs pourraient bien se tenir en embuscade. Pour le moment, les grandes lignes de l’appel d’offre semblent sourire au H145M d’Airbus Helicopters et au Bell 429, mais laissent suffisamment de place pour de nouveaux arrivants.
En effet, les forces spéciales australiennes cherchent à acquérir 16 à 18 exemplaires d’un hélicoptère de la classe des 4 tonnes, capable d’être déployé par lots de quatre à l’intérieur d’un avion-cargo C-17. L’hélicoptère doit être en mesure d’embarquer une petite escouade de forces spéciales et de les déployer rapidement, au sol ou par descente de cordes. Les missions secondaires de ces hélicoptères seront assez diversifiées, allant de la reconnaissance au transport logistique en passant par l’appui feu. L’installation d’armement lourd restera secondaire, mais sera évaluée par les forces australiennes. Le futur hélicoptère devrait aussi être capable d’interagir avec les NH90 de l’armée australienne, qui sont employés pour le moment pour le soutien aux forces spéciales.
Le H145M d’Airbus Helicopters sort le grand jeu
Très tôt après les annonces australiennes de l’automne 2018, Airbus Helicopters a indiqué vouloir présenter son H145M aux forces spéciales australiennes. Pesant à peine moins de quatre tonnes à pleine charge pour 1,8 tonnes à vide, le H145M dans sa dernière version est sans aucun doute l’hélicoptère le plus puissant de sa catégorie. Ses deux turbines Ariel 2E développent près de 900cv chacune, contre 600 à 750cv chez les principaux concurrents. Ces turbines plus puissantes consomment naturellement un peu plus, ce qui ne permet pas au H145M d’être le champion de l’autonomie, sans qu’il n’ait à rougir pour autant devant la concurrence. Toutefois, cette impressionnante puissance motrice lui permet d’emporter une charge utile bien supérieure à tous ses concurrents, soit un peu plus de 2 tonnes contre environ 1,5 tonnes pour le Bell 429 et le Leonardo AW109, et à peine une tonne pour les modèle pouvant être proposés par Boeing ou MD Helicopters.

Mieux encore, la puissance du H145M lui permet de déployer un groupe tactique et son équipement depuis des pistes situées en haute altitude, dans un environnement particulièrement chaud. Un argument qui devrait sans doute plaire aux militaires australiens. Enfin, grâce à son rotor anti-couple de type Fenestron, le H145M s’avère relativement silencieux et très sûr à l’usage, y compris en zone urbaine. Autant d’arguments qui ont déjà convaincu les forces spéciales allemandes, notamment.
Dans le cadre du Project Land 2097 Phase 4, en accord avec les règlementations locales, Airbus Helicopters s’est associé à une quinzaine d’industriels locaux, tels que Safran Australia, Qinetiq Australia, HeliMods, Toll Helicopters, Helicopter Logistics, Sigma Bravo et la branche australienne de Thales. Pour assurer une adaptation continue de l’hélicoptère aux besoins des opérationnels, Airbus Helicopters a également noué un partenariat avec l’université Deakin, près de Melbourne.
Outre ses partenaires locaux, Airbus Helicopters entend également jouer la carte de la communalité des équipements et des fournisseurs. Après tout, le groupe européen est l’un des principaux acteurs de NHIndustries, qui a livré les NH90 de l’armée australienne, mais est aussi le fabricant de l’hélicoptère d’attaque Tiger ARH, également exploité par les forces armées australiennes. Enfin, Airbus Helicopters propose également le H145M à l’armée en marge d’un second appel d’offre, le Project Land 4503, visant à remplacer les hélicoptères Tigre. Plutôt que l’achat de nouveaux hélicoptères d’attaque, Airbus Helicopters propose désormais une revalorisation des Tigre associée à l’acquisition de sept H145M dédiés à la reconnaissance armée.
Néanmoins, le constructeur européen a fait l’objet, ces dernières années, d’une mauvaise presse, en raison de problèmes techniques sur le Tigre justement et des difficultés de maintenance des MRH-90 Taipan, version locale du NH90. Si la plupart de ces problèmes sont aujourd’hui résolus ou en passe de l’être, le groupe européen souffre toujours d’un problème d’image, que la presse alimente régulièrement avec le soutien plus ou moins direct du principal concurrent d’Airbus Helicopters en Australie : Bell.
L’hélicoptériste Bell mène l’offensive
En 2018, alors que le projet australien venait d’être annoncé, des représentants de l’américain Bell en Australie avaient indiqué que la compagnie proposerait très certainement son Bell 407GT, variante militaire du Bell 407 civil. Cet appareil de 2,5 tonnes à pleine charge s’avèrera finalement un peu trop léger pour les requêtes australiennes, poussant Bell à mettre en avant son Model 429 Global Ranger plus récent et surtout plus lourd.

Avec une masse maximale d’environ 3,5 tonnes, pour une masse à vide de 2 tonnes, le Bell 429 dispose de deux turbines PW207 d’environ 730cv chacune, au décollage. Avec le plein interne de carburant, cette configuration lui confère une vitesse et un rayon d’action à pleine charge supérieurs au H145M, mais au prix d’une capacité d’emport en cabine au moins deux fois plus faible.
Aux forces spéciales australiennes de décider, donc, si elles préfères mettre en avant le rayon d’action ou la capacité d’emport. Mais Bell semble vouloir compter sur ses faibles coûts d’exploitation pour séduire Canberra. Et les arguments de l’Américain doivent être aujourd’hui pris très au sérieux, puisque le Bell 429 pourrait servir de base à pas moins de deux compétiteurs du Project Land 2097 Phase 4 ! En effet, cet hélicoptère a été sélectionné à la fois par Babcock et Hawker Pacific, qui proposent chacun une offre de service distincte autour du même appareil, même si Hawker Pacific ne semble pas encore avoir finalisé et détaillé son propre dossier de candidature. Dans tous les cas, il s’agit d’une bonne affaire pour Bell qui occupe très largement le terrain en Australie !

D’ailleurs, rien ne dit que Bell ne se trouvera pas embarqué à bord d’une troisième offre. En 2018, d’autres industriels avaient évoqué leur intérêt pour ce marché. Boeing avait ainsi évoqué une participation de son AH-6i Little Bird, tandis que MD Helicopters aurait proposé son MD-530G. Mais ces hélicoptères, tous deux dérivés du MD-500, ne pèse que 1,6 tonnes à pleine charge, et auront bien du mal à faire le poids face à Bell et Airbus Helicopters. Resterait alors Leonardo et son AW109 Trekker, assez comparable au Bell 429, mais aussi NorthStar Aviation et son 407MRH Lightning qui n’est rien d’autre qu’un dérivé armé du Bell 407 ! Tous ces industriels ayant jusqu’au 11 juillet pour présenter une offre encadrée par des partenaires australiens, tout est encore possible !
















