La classe de destroyer chinois Type 052D est, à elle seule, un symbole des nouvelles ambitions de Pékin en matière de suprématie navale. Long de 157m pour une jauge à 7000 tonnes dans sa version initiale , les Luyan-III tels qu’identités par l’OTAN, mettent en effet en oeuvre une panoplie de détecteurs et de systèmes d’arme qui n’ont rien à envier aux meilleures unités navales de combat de surface occidentales. Ainsi, le bâtiment emporte un radar Type 346 à antennes actives AESA pour l’engagement des cibles aériennes et le controle des missiles anti-aérienne HHQ-9, dont la portée pourrait atteindre les 400 km et qui aurait des performances au système AEGIS américain qui équipe les croiseurs Ticonderoga et les destroyer A. Burke. A cela s’ajoute un radar UHF Type 518 pour la détection à longue portée, plus efficace notamment contre les avions furtifs en raison de phénomènes de résonance, un sonar d’étrave, un sonar tracté à profondeur variable, un canon de 100 mm, in CIWS et 64 missiles contenus dans autant de silos verticaux.
Sur les 32 destroyers Type 052D prévus, 28 ont d’ores-et déjà été lancés, et 14 sont en service. C’est justement à partir de la 14eme unité, le Zibo, que le destroyer a été modifié, pour répondre aux évolutions de la situation tactique à laquelle les bâtiments pourront être confrontés. La principale modification porte sur l’allongement de la coque, passant de 157 à 161m, et ce afin d’augmenter la taille du hangar aviation qui, jusqu’ici, ne pouvait recevoir qu’un hélicoptère moyen de type Z-9, une version locale du Dauphin français. En 2019, la Marine Chinoise a commencé à percevoir les premiers hélicoptères Z-20, proche de Sea Hawk américain, plus lourds et plus performants que le Z-9, raison pour laquelle les destroyers Type 052D ont vu leur hangar allongé, entrainant l’allongement de 4 mètre de la coque.
Mais les photos de la nouvelle classe de destroyer chinois, identifié désormais comme Type 052DL, font également apparaitre un nouveau radar, en lieu et place du radar Type 518 équipant les 13 premières unités. Pour l’heure, on ne peut qu’observer sa nouvelle antenne, et se baser sur les quelques bribes de commentaires que l’Armée Populaire de Libération a laissé filtrer à ce sujet. Ainsi, ce nouveau radar, dont la nomenclature n’est pas connue à ce jour, serait issu des nombreux essais effectués à terre concernant des radars visant à détecter des avions furtifs comme le F22 et le F35. Et en effet, l’antenne ressemble beaucoup à celle de radars terrestres comme le JY-27A, un radar VHF de dernière génération mis en oeuvre par l’APL. En outre, la presse chinoise indique qu’il serait en mesure de détecter un F35 à 120 km de distance, ce qui constituerait une menace considérable pour les avions furtifs alliés, conçus justement pour pouvoir s’approcher à proximité des cibles sans être détectés, et ne laisser ainsi que des délais très courts à l’adversaire pour réagir face au feu.
Mais la communication chinoise va plus loin, en précisant que le nouveau radar embarqué, présenté comme beaucoup plus performant que ses homologues occidentaux ou russes, serait en mesure de guider des missiles pour intercepter les appareils furtifs à longue distance. Or, jusqu’à présent, il était admis que les radars VHF, s’ils permettaient effectivement de contrer en partie l’efficacité de la furtivité passive des aéronefs, n’avaient pas une précision suffisante pour guider efficacement des interceptions. S’agit-il d’un bluff ou de la réalité, cela reste impossible à déterminer aujourd’hui. De plus en plus de systèmes, en Chine comme en Russie, intègrent des radars basse fréquence dans la chaine de détection anti-aérienne, et son présentés comme des systèmes capables de contrer les avions furtifs. A contrario, les pays mettant en oeuvre ce type d’appareils, dont les Etats-Unis, le Japon ou Israel, semblent convaincus de l’efficacité de cette furtivité, et il faut reconnaitre que, pour l’heure, rien ne vient démentir objectivement ces certitudes.
Un destroyer Type 052D. Remarquez l’antenne du radar UHF Type 518 à l’arrière de la cheminée
Reste que le nouveau destroyer chinois semble, plus que jamais, paré pour le combat, notamment contre les forces occidentales. Mais même si le Type 52DL est parfaitement moderne, il n’en représente pas moins une classe en fin de production pour les chantiers navals chinois, qui livreront la dernière unité d’ici 5 ans. Pour l’heure, aucune information n’a filtré concernant un éventuel remplaçant. Il est possible, et même probable, que l’accent soit mis, dans les années à venir, sur la production de destroyers lourds Type 055, qui font office de croiseurs dans la Marine chinoise. Mais, à l’instar de la nouvelle frégate 054B dont la construction à semble-t-il commencée, et qui prend la suite des frégates anti-sous-marine Type 054A, il est parfaitement possible qu’une nouvelle classe de destroyer de 7000 à 8000 tonnes face son apparition lorsque la production des Type 052D prendra fin.
En effet, contrairement à l’US Navy, la Marine chinoise a défini son modèle de flotte de surface combattante autour de 4 grandes familles : les corvettes de 1500 tonnes, les frégates de 4500 tonnes, les destroyers de 7500 tonnes et les destroyers lourds de 10.000 tonnes. Comme il est très improbable, eu égard aux ambitions chinoises annoncées comme des investissements consentis par Pékin pour moderniser son outil productif, que la production navale militaire ne cesse ou soit limitée, on peut dès lors s’attendre à voir apparaitre, dans les 10 années à venir, un nouveau destroyer de 7500 tonnes chinois qui, à l’instar des frégates Type 054B, aura pour objectif de surclasser toutes les productions équivalentes dans le monde. Cela représentera, à n’en point douter, une menace des plus sérieuses pour les marines ainsi que pour les industries navales militaires occidentales, qui dépendent beaucoup de l’exportation pour leur équilibre budgétaire.
Comme Berlin, Madrid aura donc résisté aux sirènes américaines du F35A, en annonçant l’entame officielle de négociations avec Airbus DS pour l’acquisition de 20 chasseurs Eurofighter Typhoon pour remplacer les EF-18 Hornet de l’escadron 46 basé aux Canaries. Les nouveaux appareils viendront renforcer les quelque 70 Typhoon déjà en service dans l’Armée de l’Air Espagnole. Comme pour la Luftwaffe, les Typhoon espagnols seront de la tranche IV et offriront des capacités opérationnelles largement étendues, aussi bien pour les missions air-air qu’air-sol ou air-surface, mettant en oeuvre notamment le nouveau Radar AESA développé conjointement par l’espagnol Indra et l’allemand Hensoldt. Les nouveaux appareils sont attendus entre 2025 et 2030 par l’Armée de l’Air espagnole, qui devra encore remplacer 50 EF18 si elle veut conserver son format actuel.
Même si Madrid n’a pas statué sur le remplacement de ses Harrier Matador, qui ne pourront être remplacés que par des F35B si la Marine Espagnole souhaite conserver une force aéronavale embarquée, cette annonce montre la détermination des partenaires du programme SCAF à soutenir leur propre industrie de Défense, et à préserver, autant que faire se peu, une souveraineté industrielle et technologique en matière d’avions de combat.
le contrat portant sur la vente de 28 typhoon au Koweit fait l’objet d’une enquête pour corruption de la part des autorités du pays
Le ciel semble d’éclaircir pour le chasseur européen, qui jusqu’il y a peu, envisageait la fermeture de la chaine d’assemblage du Typhoon d’ici 2024. Outre les probables commandes Allemandes (90 appareils) et espagnoles (20 appareils), le Qatar a commandé en 2017 24 appareils, et l’Italie a annoncé, il y a quelques semaines, négocier avec Le Caire la vente de 24 appareils supplémentaires, même si la position de Rome vis-à-vis de la Turquie semble désormais menacer potentiellement ces discussions.
Enfin, la levée de l’embargo britannique sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite pourrait remettre sur ses rails le protocole d’accord signé en 2018 entre les deux pays portant sur la vente de 48 nouveaux appareils. En revanche, ni l’Italie, ni le Royaume-uni ne semblent prêts à commander de nouveaux Typhoon, lui préférant le F35 américain. On peut d’ailleurs s’interroger sur le rôle du programme Tempest rassemblant ces deux pays, dont l’industrie Défense apparait de plus en plus intriquée avec celle outre-atlantique.
Selon le site d’état globaltimes.cn, citant des sources diplomatiques, Pékin aurait signifié à Washington son refus de participer aux négociations américano-russes sur la réduction des armes nucléaires en parc. Au contraire, la Chine va déployer des efforts inédits et colossaux pour combler son retard en matière d’armes stratégiques vis-à-vis des Etats-Unis.
Il faut dire que, à ce sujet, la narrative chinoise est particulièrement aisée. Avec moins de 500 têtes nucléaires en service, Pékin, comme Paris, ne joue aujourd’hui pas dans la même cours que Washington ou Moscou, qui en aligne presque 6000 chacun. En outre, la Chine ne dispose pas des mêmes relais que les Etats-Unis pour potentiellement déployer des armes balistiques ou des systèmes anti-missiles à proximité des frontières de ses adversaires potentiels. Pourtant, et bien davantage que le système russe 9M29 Novator, ce furent les positions chinoises qui, dans l’ombre, incitèrent les Etats-Unis à se retirer du traité INF qui lui interdisait, ainsi qu’à la Russie, la possession et le déploiement d’armes nucléaires d’une portée allant de 500 à 2500 km.
Le Système 9M729 Novator mis en cause par Washington pour la sortie du traité INF
En effet, contrairement à Washington et Moscou, Pékin avait parfaitement le droit de developper des armes de moyenne portée, et ne s’en priva pas, développant des missiles comme le DF21 et le DF26, à qui l’on prête, notamment, la capacité de frapper des grandes unités navales. Ces systèmes représentent donc, pour les Etats-Unis, une arme de première frappe capable de neutraliser l’ensemble des forces alliées présentes dans le Pacifique occidental, et ce dans des délais très courts. Sans équivalent, les autorités américaines auraient, dès lors, du recourir à des secondes frappes stratégiques utilisant ses sous-marins nucléaires et ses bombardiers stratégiques, dans des délais permettant à Pékin de mettre en oeuvre des parades, qu’elles soient militaires ou diplomatiques. De fait, pour Washington, le déploiement de systèmes aux performances et à une distance comparables à ceux mis en oeuvre par la Chine, représente l’unique alternative envisageable pour protéger ses alliés régionaux, comme le Japon, la Corée du Sud, ou encore Singapour.
A l’inverse, les capacités stratégiques chinoises sont très inférieures à celles des Etats-Unis. C’est la raison pour laquelle le pays s’est engagé dans un très ambitieux programme, doté de 480 Md$ sur 10 ans, et 1,200 Md$ sur 30 ans, afin de lui permettre de disposer d’une puissance stratégique similaire à celle des Etats-Unis, et par voix de conséquence, de la Russie, d’ici 2050, date fixée par le président Xi Jinping pour faire de la Chine la première puissance militaire et économique mondiale (2049 marquant le centenaire de la création de la république populaire de Chine).
Présenté lors de la parade de 2019 marquant les 70 ans de la RPC, le missile chinois DF17 est doté d’un planeur hypersonique de rentré atmosphérique
De toute évidence, le monde est donc en passe de connaitre une nouvelle course aux armements nucléaires. En effet, il est probable que les Etats-Unis considèreront le stock d’ogives chinoises et russes comme appartenant au même bloc, entrainant mécaniquement l’augmentation de son propre nombre d’ogives, de sorte à disposer de la parité. Mais pour Pékin, et peut-être pour Moscou, cette augmentation sera perçue comme une menace individuelle, le tout créant un cercle vicieux dont il sera très difficile de sortir à court ou moyen terme, d’autant que cela entrainera une très probable réaction de l’Inde, et par transitivité, du Pakistan. Il en résultera, de façon probable, une situation inédite sur la planète qui n’a jamais connu une telle dynamique diffusée vers un si grand nombre d’acteurs stratégiques.
Par la voix de son ministre de La Défense, et vice premier ministre, la Lettonie a fait savoir qu’elle était prête à accueillir une partie des 9500 militaires américains dont le retrait d’Allemagne a été annoncé par le président Trump il y a quelques semaines, et ce quelques jours seulement après que le président polonais Andrzej Duda fit de même lors de sa visite officielle à Washington pour rencontrer le président Trump. A la différence de son homologue polonais, toutefois, Artis Pabriks, le ministre Letton, y a mis les formes pour ne pas froisser son allié allemand, en précisant que cette offre n’était fait que si la décision de retrait des forces américaines d’Allemagne était avérée, dans ce le but de maintenir une forte présence américaine en Europe.
Pour donner du poids à son offre, Artis Pabriks a ajouté que la Lettonie était prête à mettre la main au porte-feuille pour investir dans des infrastructures afin d’accueillir les effectifs US, à l’instar des 2 Md€ promis par le président Duda pour sortir de terre le fameux « Fort Trump » en Pologne, ces investissements venant s’ajouter aux nombreuses acquisitions polonaises en matière d’armement américain comme le F35, l’HIMARS ou le Patriot PAC-3. Il est évidement plus difficile à la Lettonie de s’aligner sur les presque 15 Md$ d’équipements américains commandés par la Pologne, mais comme elle, Riga semble faire montre d’un tropisme outre-atlantique lorsqu’il s’agit de renforcer ses forces armées.
La Pologne a commandé en 2019 32 avions F35 pour 5 Md$ aux Etats-Unis, un contrat parmi d’autres passé par Varsovie auprés de l’industrie de défense américaine ces dernières années
Cette annonce, venant d’un petit état balte qui n’a pas pour coutume de défrayer la chronique par des déclarations fracassantes, porte de nombreux enseignements, en particulier pour les européens. En effet, pour les pays Baltes, encore plus que pour Varsovie, la présence de troupes américaines est perçue comme la seule garantie efficace de protection face à la Russie. Non pas que les forces américaines soient particulièrement efficaces vis-à-vis des 1500 hommes des armées canadiennes, italiennes, espagnoles et slovaques formant le bataillon de protection déployé par l’OTAN dans le pays. Ces forces n’ont en effet qu’un format minimum et symbolique si Moscou venait à décider de mener une offensive pour reprendre les Etats baltes. En revanche, si des forces américaines venaient à être engagées, cela pousserait probablement Washington à intervenir massivement pour protéger le pays.
Et en effet, Riga ne propose ni à l’OTAN, ni à l’Europe, ni à ses alliés européens, de déployer des forces permanentes sur son sol, mais uniquement aux Etats-Unis. On comprend, dès lors, que dans l’esprit des dirigeant lettons, aucun pays européens, ni alliances de pays européens, n’est aujourd’hui en mesure de dissuader la Russie d’une action militaire dans les pays Baltes. Ce sentiment est largement partagé dans les pays de l’Est de l’Europe, qui s’en remettent intégralement à l’OTAN, et surtout aux Etats-Unis, pour assurer leur protection, et qui tous voient d’un bon oeil le déploiement de forces US, telle une assurance vie pour leur intégrité territoriale
L’US Army a déployé dans les Pays Baltes une Brigade Stryker dans le cadre des mesures de réassurances de l’OTAN
Pourtant, la France et le Royaume-Unis disposent, ensemble, d’une force de dissuasion forte de 8 sous-marins nucléaires lanceur d’engin, et de deux escadrons de frappe nucléaire, épaulés si besoin par des aéronefs de l’aeronautique navale française sur le porte-avions Charles de Gaulle. Et contrairement aux armes nucléaires à double clés de l’OTAN, ces forces mettent en oeuvre des missiles sophistiqués capables de passer les défenses anti-aériennes et anti-missiles de l’adversaire, là ou un aéronef, quelqu’il soit, équipés des bombes nucléaires gravitationnelles B61 de l’OTAN, n’a pour ainsi dire aucune chance de pénétrer le rideau défensif russe.
Mais ces deux puissances nucléaires, par ailleurs les deux forces armées les plus puissamment équipées et entrainées du continent, ont des forces conventionnelles extrêmement réduites. Ainsi, la France n’aligne qu’un peu plus de 200 chars de combat, dans 3 régiments cuirassiers, et 250 avions de chasse. La Grande-Bretagne, elle, ne dispose que de 160 chars Challenger 2, et seulement 170 avions de combat. Même l’Allemagne, avec pourtant une population de plus de 83 millions d’habitants, ne dispose que de 300 chars Leopard 2 et 200 avions de combat. Ces trois pays, représentant l’épine dorsale sécuritaire du vieux contient, ne parviennent pas à aligner, ensemble, un quart des chars et la moitié des avions de combat dont dispose la Russie, dont le PIB est pourtant 6 fois inférieur. A titre de comparaison, dans les années 70, les forces européennes représentaient prés de 70% des forces conventionnelles de l’OTAN. Aujourd’hui, alors que de nombreux pays européens ont rejoint l’alliance, elles de représentent pas 50% de ces forces.
L’Armée de l’Air française met en oeuvre deux escadrons stratégiques équipés de Rafale B et de missiles de croisière supersoniques ASMPA transportant une charge nucléaire
Et c’est sans le moindre doute dans ces chiffres qu’il faut rechercher les motifs de la Lettonie pour tenter d’attirer des forces US sur son sol. Il ne s’agit, malheureusement, ni d’un calcul politique (comme en Pologne), pas plus d’un calcul économique (comme en Allemagne), mais d’un calcul sécuritaire sans appel : trois fois plus peuplée et 11 fois plus riche, l’Europe est aujourd’hui incapable, seule, de neutraliser la menace que représente les forces armées russes à ses frontières. On peut argumenter sans fin, et sans plus d’arguments probants, sur le fait que la Russie veuille ou ne veuille pas attaquer l’Europe. Mais on ne peut nier l’existence de ces forces armées, et du rapport de force qu’elles entrainent. De fait, la position lettone, qui ne manquera pas de déclencher certains commentaires acerbes, est d’une implacable logique.
En 2015, après des années d’hésitations et de tractations infructueuses, l’Inde décide d’acheter en urgence 36 avions de combat Rafale afin de remplacer les MiG-21 et MiG-27 vieillissants de l’IAF. Les premiers Rafale indiens ont officiellement été réceptionnés par l’Indian Air Force à l’automne 2019 lors d’une cérémonie s’étant déroulée à Bordeaux-Mérignac, en présence du ministre de la défense Indien, Rajnath Singh. Cependant, les huit Rafale biplaces de la commande indienne restent initialement basés en France, où ils servent à compléter la formation des pilotes indiens. L’un des Rafale DH est également dédié aux tests d’intégration et aux essais en vol des équipements développés spécifiquement pour les variantes indiennes.
La totalité des huit Rafale DH biplaces est déjà sortie d’usine, ainsi que quelques monoplaces EH. Les premiers DH devraient être livrés en Inde dans les jours qui viennent
A la fin du mois de Mars 2020, la totalité des huit Rafale DH a donc été livrée en France, où ils volent avec des pilotes indiens et des instructeurs français. Les premiers Rafale EH monoplaces sont également observés à cette date, de sorte que près d’une douzaine de Rafale indiens sont aujourd’hui réceptionnés ou en essais dans le Sud de la France. Pour autant, aucun de ces avions n’a officiellement été livré sur le territoire indien. A l’origine, les premiers avions devaient pourtant être convoyés dès le mois de mai, avant que la pandémie de coronavirus ne vienne bouleverser ces plans.
Au cours du printemps, toutefois, plusieurs dizaines de militaires chinois et indiens ont été tués dans l’Himalaya suite à des conflits frontaliers. Si la situation reste sous contrôle tant militaire que diplomatique, elle a entrainé une débauche d’actions symboliques de part et d’autre de la frontière, avec des déploiements de force impressionnants. En Inde, les annoncent très médiatisées autour des commandes de matériel militaire ont autant servi à mettre la pression sur Pékin qu’à rassurer la population indienne sur l’action gouvernementale. A peine un an après les derniers échanges de tirs meurtriers avec le Pakistan, également dans la même région de l’Himalaya, New Delhi se retrouve une nouvelle fois face à ses contradictions. Coincé entre une volonté affichée de moderniser les forces armées et une incapacité structurelle à conduire rapidement les programmes d’acquisition, le Ministère de la Défense indien doit alors absolument réagir rapidement et solliciter l’aide de ses principaux alliés et soutiens internationaux.
Dans la stratégie déclaratoire qui l’oppose à la Chine, l’Inde devrait avant toute chose accélérer les livraisons de Rafale cette année. Dans les deux ou trois prochaines années, l’IAF devrait aussi recevoir les 12 Su-30 et 21 MiG-29 commandés auprès de la Russie. A moyen terme, toutefois, l’Inde n’aura pas d’autre choix que de procéder à de larges commandes d’avions russes et occidentaux si elle souhaite moderniser sa force aérienne.
Si l’administration américaine a tardé à réagir aux sollicitations indiennes, Moscou et Paris semblent toutefois avoir fait preuve d’une grande réactivité. Dans le cas français, les premières annoncent évoquaient une accélération du processus de livraison. Au lieu de quatre Rafale, ce sont désormais six chasseurs qui pourraient arriver en Inde dès la fin du mois. Les vols avec escales n’étant plus toujours pas possibles pour ce convoyage en raison du Covid-19, les autorités indiennes et Dassault Aviation ont reçu un fort soutien de l’Armée de l’Air française. Cette dernière va mettre à disposition des ravitailleurs A330 MRTT et sa base d’Al Dhafra aux Emirats Arabes Unis afin de permettre une livraison rapide jusqu’à la base indienne d’Ambala, au Nord de l’Inde.
En matière d’aide française, ce vol de convoyage pourrait ne représenter que la partie émergée de l’iceberg. En effet, d’après les sources de Livefist, la livraison des six Rafale DH permettra non seulement de rattraper les retards de livraisons accumulés depuis le début de la pandémie, mais devrait également permettre à l’IAF de disposer d’une première capacité opérationnelle avec plusieurs mois d’avance. A l’origine, les Rafale biplace livrés en Inde devaient continuer à servir à des fins de formation et de transformation des pilotes et des escadrons. Une partie des équipements de préparation de mission ainsi que les armements principaux des Rafale n’étaient pas attendus avant le mois d’octobre.
Des missiles METEOR, ici sous le fuselage d’un Rafale français, auraient été livrés en Inde en avance de phase. D’après certaines rumeurs non confirmées, la France avait déjà procédé à une livraison anticipée de missiles MICA pour les Mirage 2000 indiens modernisés, juste avant la crise ayant opposé l’Inde au Pakistan l’année dernière
Or, aux dernières nouvelles, il semblerait que la France ait accepté de livrer en Inde des missiles initialement prévus pour l’Armée de l’Air française. Et ces derniers seraient même déjà en Inde, attendant leurs avions porteurs. Il s’agirait, plus précisément :
De missiles de croisière SCALP : furtif, le SCALP est capable de frapper des cibles terrestres durcies à plus de 500 km. En configuration opérationnelle, le Rafale embarque généralement un ou deux missiles, même s’il peut théoriquement en emporter trois simultanément. Une variante navale à plus long rayon d’action est également proposée par MBDA et Naval Group dans le cadre du programme de sous-marin indien P75i.
De missiles air-air à très longue portée METEOR : développé à l’échelle européenne, le METEOR est le missile air-air occidental disposant de la plus longue portée opérationnelle. En théorie, il dépasse largement tous les armements air-air déployés dans la région par le Pakistan ou la Chine, expliquant que sa livraison soit particulièrement attendue en Inde.
Les pilotes indiens ayant déjà été formés en France à l’emploi de ces deux armements, et étant généralement des vétérans de l’Indian Air Force, il est tout à fait possible qu’un demi-escadron de Rafale soit activé à proximité du Cachemire- Ladakh dès le mois d’Août, avec plusieurs mois d’avance sur le calendrier officiel. De manière général, les pressions subies par l’Inde de la part du Pakistan et de la Chine semble avoir poussé l’IAF à accélérer bon nombre de procédures, notamment la qualification des pilotes de Rafale pour le ravitaillement en vol.
Le Rafale C101, destiné aux essais en vol, est ici équipé de nacelles pour leurres remorqués X-Guard, sélectionnés par la force aérienne indienne. Comme souvent, les tensions actuelles au Nord de l’Inde ont relancer les rumeurs d’une nouvelle commande de Rafale, cette fois-ci pour 44 appareils dont huit à livrer rapidement. Cette photo a été publiée par Garance, sur le forum Check-Six, tous droits réservés.
Dans le ciel de l’ancienne région du Jammu and Kashmir, qui comprend désormais le Ladakh, les pilotes indiens pourraient dès cet été arpenter le ciel à bord de Rafale particulièrement bien armés. Avec des METEOR et des SCALP sous les ailes, les Rafale DH et les premiers Rafale EH seront en mesure de frapper en les bases chinoises et pakistanaises sans même quitter l’espace aérien indien. Mieux encore, quelques jours seulement après qu’une image de Rafale équipé de nouvelles armes lourdes AASM-1000 ait circulé sur Internet, ce qui avait donné lieu à un article dédié, c’est maintenant au tour d’une nouvelle configuration de se dévoiler sur des forums spécialisés. Sur une photographie d’excellente qualité, on distingue en effet des leurres remorqués X-Guard de l’israélien Rafael sous les ailes d’un Rafale d’essais. Conçus pour attirer des missiles adverses loin de l’avion porteur, les X-Guard ont été intégrés sous le Point 3 de voilure du Rafale, un point d’emport jusqu’à présent inutilisé, même s’il est théoriquement capable d’emporter un missile air-air de type MICA.
Lundi dernier, le Département d’Etat américain a annoncé avoir autorisé l’exportation de 7,5 milliards $ de matériel militaire à plusieurs pays dans le monde, dont Israël, la Lituanie, l’Argentine et l’Indonésie. La France était également concernée par cette annonce, puisque le gouvernement américain autorise officiellement la Marine Nationale à acquérir, dans le cadre d’une procédure FMS (Foreign Military Sales), trois avions-radars E-2D Advanced Hawkeye.
Avec les équipements associés, le montant du contrat pourrait s’élever à 2 milliards $ (le double de ce qui avait été annoncé précédemment), soit le prix de deux destroyers ou d’une flottille entière d’avions de combat Rafale M. Malgré le prix très élevé d’une telle vente, l’acquisition de nouveaux Hawkeye est jugée stratégique par le Ministère des Armées français.
E-2C français réalisant un touch and go sur le porte-avions américain USS Stennis. Alors que les Britanniques ont adopté un hélicoptère comme nouvel appareil de guet aérien, la France conserve une capacité opérationnelle très proche de celle de l’US Navy
Des E-2D Advanced Hawkeye trop coûteux ?
Avant toute chose, cependant, il convient de relativiser le montant de la facture présentée par le US State Department. Le principe des accords FMS est d’autoriser à l’échelle politique l’exportation de « packages » d’armements par le biais des forces armées américaines. Concrètement, le gouvernement américain –par l’intermédiaire de l’US Navy– achèterait directement les trois E-2D Hawkeye auprès de l’industriel Northrop Grumman, avant de les revendre à la France dans le cadre d’un contrat de gouvernement à gouvernement. Mais dans les faits, les autorisations d’exportation publiées cette semaine ne correspondent pas forcément au contrat final.
Ainsi, les 2 milliards $ portent sur l’exportation de trois avions de guet aérien (AEW&C) avec leurs radars, de dix moteurs, de quatre systèmes de guerre électronique, de cinq systèmes de transferts de données Liaison 16, d’équipements de soutien, de pièces détachées, mais également sur un important volet de formation et d’entrainement, à la fois aux USA et en France. D’une part, l’ampleur des activités couvertes par cette autorisation de vente justifie le prix assez élevé demandé par le gouvernement américain. D’autre part, rien n’obligera la Marine Nationale à adopter l’intégralité de ce package. L’autorisation FMS permet simplement aux industriels de vendre tout ce qui est listé, mais sans contraindre le client à accepter la totalité de l’offre. Ainsi, certains pays préfèrent acheter leurs équipements d’entretien et leurs formations d’entrainement sur des contrats annexes, tandis que d’autres forces aériennes préfères des solutions complètes couvrant plusieurs années d’exploitation du matériel.
La plupart des modifications du E-2D portent sur son radar et son avionique. Les appareils les plus récents sont cependant livrés avec une perche de ravitaillement en vol, clairement visible au dessus du cockpit, et permettant de doubler l’autonomie sur zone.
Enfin, il faut bien voir qu’une petite flotte d’avions coûte toujours plus cher, toutes choses égales par ailleurs, puisqu’il y a un certain nombre de frais fixes liés aux infrastructures d’entrainement et d’entretien qui ne varient pas en fonction du format de la flotte. Ainsi, si la France pourrait payer 2 milliards $ pour trois avions, le Japon pourrait se voir offrir pas moins de neuf E-2D Advanced Hawkeye pour seulement 3,1 milliards $, tout simplement parce que ce type d’appareil est déjà en service au Japon, avec les infrastructures déjà en place.
Des multiplicateurs de forces indispensables aux opérations de la Marine Nationale
Quelle que soit les options qui seront levées par la Marine Nationale, cependant, la facture sera de toute manière élevée. Mais la défense française ne pourra échapper à cet investissement si elle compte rester crédible. En effet, les trois E-2C Hawkeye actuellement en service à bord du porte-avions Charles De Gaulle offre à la Marine Nationale une capacité opérationnelle unique en Europe, et surpassée dans le monde uniquement par l’US Navy. Dépourvus d’armement, les Hawkeye sont équipés d’une large antenne radar qui leur permet de détecter des cibles aériennes et navales à de très longues distances. Les opérateurs radar installés dans la cabine du Hawkeye peuvent alors coordonner l’action des avions de chasse du porte-avions. Véritables postes de commandement volants, les Hawkeye permettent de démultiplier l’intérêt opérationnel d’un porte-avions. Ce sont eux qui offrent à l’aéronavale embarquée la capacité de défendre la flotte à grande distance, mais également de frapper des cibles adverses dans la profondeur. Dépourvus d’avions de ce type, les porte-aéronefs espagnols, italiens ou britanniques restent dépendants des E-3 AWACS basés à terre, ou bien sont contraints de limiter la portée de leurs raids et de leur défense aérienne, contrairement aux porte-avions français et américains.
E-2C prêt au catapultage sur porte-avions français Charles de Gaulle. Les nouveaux Advanced Hawkeye serviront à la fois sur le porte-avions nucléaire actuel et sur le ou les nouveaux porte-avions français.
Pour autant, les trois E-2C actuellement opérés par la France commencent à se faire vieux. Livrés en 2000, leur moyenne d’âge est désormais bien plus élevée que celle des chasseurs embarqués, et leur petit nombre a imposé d’en faire un usage intensif. Ayant bien mérités leur retraite, ils devraient être remplacés vers 2026 ou 2027 par les trois nouveaux E-2D Advanced Hawkeye. Si cette dernière variante du Hawkeye conserve la silhouette générale des E-2C, il s’agit en réalité d’appareils considérablement plus modernes. Leur nouveau radar AN/APY-9 a au moins deux générations d’avance sur les radars actuellement en service. Il combine balayage mécanique et balayage électronique en bandes UHF. Ce nouveau radar offre ainsi une plus grande portée, une plus grande précision, un suivi continu et une plus grande puissance d’émission. De quoi en faire un capteur redoutable à très longue portée, y compris face à des cibles furtives.
L’Advanced Hawkeye dispose également de communications satellites, d’un nouveau cockpit tout-écran, de moteurs plus puissants et d’une capacité de ravitaillement en vol. Cette dernière capacité devrait particulièrement intéresser la Marine Nationale, notamment à bord de son ou ses prochains porte-avions. En effet, l’Advanced Hawkeye devra probablement opérer au-delà de 2050, et appuiera alors les opérations du futur chasseur NGF Naval, développé dans le cadre du programme SCAF. Plus gros que le Rafale, ce chasseur devrait disposer d’une plus grande autonomie, permettant un rythme opérationnel plus soutenu et imposant aux Hawkeye de rester en l’air plus longtemps, via le ravitaillement en vol notamment. Enfin, les Advanced Hawkeye de l’US Navy ont déjà démontré leur capacité d’engagement coopératif, en désignant des cibles à des missiles tirés à partir de navires de surface ou des avions de combat. Une capacité sur laquelle travaille également la Marine Nationale.
Quel format pour la flotte de Hawkeye français ?
Si l’annonce du Département d’Etat reste une bonne nouvelle pour la Marine Nationale, on peut cependant s’interroger sur le format de trois Hawkeye seulement. Il y a plus de dix ans, la Marine Nationale avait très sérieusement songé à acquérir un quatrième E-2C Hawkeye afin de disposer d’un minimum de redondance en cas d’accident sur l’un des trois appareils en service. De plus, un quatrième avion aurait offert un meilleur dimensionnement au groupe aérien en cas d’achat d’un second porte-avions. Enfin, cet achat était considéré comme une bonne affaire, sachant encore une fois que la plupart des frais fixes étaient déjà pris en charge avec les trois premiers appareils.
Deux E-2D Advanced Hawkeye volant en patrouille. Avec seulement trois appareils, la Marine Nationale ne peut se permettre aucune perte, que ce soit par accident ou au combat. Un quatrième avion serait donc plus que bienvenu, même si la France ne conserve qu’un seul porte-avions
Aujourd’hui, plus que jamais, les mêmes questions se posent. L’incendie du sous-marin Perle a ainsi rappelé les conséquences dramatiques que peut avoir un accident sur une flotte au format réduit à sa plus simple expression. Et dans les prochains jours, la décision sur le remplacement du Charles de Gaulle par un ou deux porte-avions devrait également être actée, toujours en gardant en tête la question de la résilience des outils stratégiques. Autant d’arguments qui militent pour un format minimal à quatre Advanced Hawkeye plutôt que trois. Reste que, pour au moins une décennie encore, le Charles de Gaulle restera le seul porte-avions français, et que trois Advanced Hawkeye suffiront à remplir les missions demandées. Si la Marine devait revenir à un format de deux porte-avions, il sera peut-être encore temps d’acheter des Hawkeye supplémentaires, pour peu que ce modèle soit encore disponible sur le marché à ce moment-là.
Moderniser les E-2C : une idée séduisante mais peu réaliste
En attendant, on peut imaginer que la France ne mette pas tout de suite au placard sa flotte de E-2C vieillissante. Même après livraison des Advanced Hawkeye, les anciens Hawkeye pourraient peut-être continuer à remplir certaines missions d’entraînement. On pense notamment au troisième Hawkeye de la flotte française, livré à la Marine Nationale en 2004 directement au standard Hawkeye 2000, et qui pourrait probablement voir sa vie opérationnelle prolongée d’une dizaine d’années avec une ultime refonte. L’US Naval Reserve ayant par le passé réutilisé des Hawkeye déclassés pour réaliser des missions anti-drogue à partir de bases à terre, on peut imaginer que tout ou partie des E-2C français pourrait être recycler dans de nouveaux usages, par exemple pour surveiller le centre spatial de Kourou ou lutter contre la piraterie en Afrique.
E-2C américain au standard Hawkeye 2000 lors du Salon Euronaval 2018. Les trois appareils français ont été récemment modernisés à ce standard, et pourraient sans doute connaître une seconde carrière à partir de bases terrestres, sans les contraintes mécaniques liées aux opérations sur porte-avions. Mais une telle opération pourrait être particulièrement coûteuse, surtout si des drones ou des avions d’observation civils peuvent réaliser les mêmes missions pour bien moins cher.
Dans les faits, toutefois, il est probable que ces appareils soient tout simplement retirés du service afin d’éviter la contrainte d’une double chaîne logistique et d’une double qualification pour les pilotes, sans même parler du coût d’une dernière refonte des appareils. Si le Hawkeye dispose d’une conception robuste, il s’agit probablement de l’un des appareils militaires les plus intensément utilisé, notamment à bord des porte-avions de l’US Navy et de la Marine Nationale. Ainsi, une durée de vie opérationnelle de 25 ou 30 ans est déjà plus que vénérable pour ce mini-AWACS des mers.
Entre la crise sanitaire et économique liée au virus Covid19, et les crises sécuritaires qui secouent le Moyen-Orient, la Méditerranée, l’Asie et l’Europe de l’Est, les sujets de préoccupation ne manquent pas pour les responsables politiques français en charge de la défense, des finances publiques et de l’industrie. Mais alors que ces dossiers sont gérées aujourd’hui de façon isolée, une vision globale permettrait d’envisager des solutions répondant à l’ensemble des besoins et des exigences contextuelles.
Renforcer les armées françaises, un besoin impérieux
Bien que la Loi de Programmation Militaire 2019-2025 ait incontestablement permis de juguler l’hémorragie capacitaire qui touchait les armées françaises depuis plus de 20 ans, elle n’a pas, ni ne permettra pas, de répondre aux besoins réels des armées en matière de format et d’équipement dans la décennie à venir. Pour l’heure, cette LPM reste fixée sur les objectifs quantitatifs et qualitatifs définis par le Livre Blanc de 2013, alors que la situation internationale était toute autre, avec, par exemple, une force blindée lourde limitée à 200 chars de combat, une force aérienne n’alignant que 185 chasseurs, et une flotte ne disposant que de 15 frégates et de 6 sous-marins d’attaque, alors que le format global des armées s’établit, lui, autour de 205.000 militaires.
L’Armée de Terre ne disposera que de 200 chars Leclerc modernisée répartis dans deux brigades « lourdes » pour le combat de haute intensité
Or, il apparaît, aujourd’hui, que les besoins à court et moyen terme en matière de combat de haute intensité excèdent très largement les moyens disponibles. Sans entrer dans une analyse détaillée, on peut aisément conclure qu’il manque aux armées françaises :
2 brigades lourdes (blindées) à l’Armée de Terre
9 frégates, 6 sous-marins d’attaque, 16 corvettes et un porte-avions à la Marine nationale
120 avions de combat, 200 drones de combat et 6 escadrons de défense aérienne à l’Armée de l’Air
Soit un total de 35.000 hommes, auxquels s’ajouteraient une vingtaine de programme de défense à lancer, relancer ou accélérer, de sorte à disposer, en 2030, des forces nécessaires et suffisantes pour faire face et neutraliser les menaces prévisibles, qu’elles viennent de Turquie, de Russie ou de Chine, et ce avec ou sans le soutien des États-Unis.
Préserver le tissu industriel aéronautique français
La semaine dernière, médias et politiques se sont émus de l’annonce faite par Airbus concernant un plan de réduction des effectifs de 15.000 postes dans le monde, dont 5000 en France. Mais il ne s’agit là que de l’arbre cachant la forêt, car dans le même temps, ce sont 40 à 50.000 emplois de sous-traitants du groupe aéronautique européen en France, mais aussi de Dassault aviation, Thales ou Safran, qui sont menacés à court terme par l’effondrement des commandes et de l’activité industrielle aéronautique civile en Europe et dans le Monde, menaçant à leurs tours 50.000 emplois de sous-traitants et les emplois induits par cette activité industrielle. En outre, la perte de ces emplois, liée bien souvent à la probable disparition des entreprises les employant, ne pourra être reconstituer une fois l’activité industrielle aéronautique civile repartie d’ici 3 à 5 ans, car les grands groupes industriels chercheront des approvisionnements alternatifs là où ils sont disponibles. En d’autres termes, ces emplois perdus le seront à jamais, avec très peu de chance de pouvoir reconstituer le tissu industriel aéronautique national qui fut développé patiemment pendant plus de 50 ans.
Airbus à déjà réduit de 50% ses commandes vers ses sous-traitants en France pour faire face aux conséquences de la baisse de l’activité liée au virus Covid19.
Un Plan de Renforcement des Armées pour traiter ces deux sujets conjointement
Une fois posée le sujet de cette manière, une solution potentielle apparaît naturellement : lancer un Plan de Renforcement des Armées permettant aux industriels touchés par la crise Covid19 de préserver l’activité et les emplois dans cette phase de transition, tout en accélérant et étendant les investissements en matière de Défense, afin d’atteindre, en 2030, le format nécessaire et suffisant pour assurer la sécurité de la France et des français face aux menaces prévisibles qui se dessinent.
Pour cela, nous pouvons définir une liste de 20 programmes venant s’insérer entre les programmes en cours, comme les véhicules blindés EBRC et VBMR, les hélicoptères NH90, les avions A400M et A330 MRTT, ou encore les frégates FDI, Pétroliers ravitailleurs et sous-marins nucléaires d’attaque, et les programmes à long terme, représentés par les programmes franco-allemands SCAF et MGCS, le programme de sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération, ou le programme de porte-avions devant prendre la suite du Charles de Gaulle à horizon 2040.
Les programmes FCAS ou MGCS ne débuteront leur phase industrielle qu’au delà de 2030
10 programmes à application industrielle rapide
Pour préserver les emplois liés à l’industrie aéronautique française, il convient de lancer des programmes à court termes, soit entre 1 et 2 années, de sorte à permettre aux entreprises de ce tissus industriel d’adapter leurs outils productifs sans menacer leur pérennité ni les emplois qui en découlent.
Extension du programme Rafale de 200 appareils (en plus de 150 déjà livrés) à un rythme de 20 par an pendant 10 ans
Extension du programme FDI de 5 à 8 frégates à livrer jusqu’en 2026
Accélération et extension du programme Eurodrone, pour disposer de 8 systèmes pour l’Armée de l’Air en métropole ou Opex et 6 pour l’outre-mer, ainsi que 6 pour la Marine Nationale d’ici 2030.
Ces programmes ne nécessitant pas ou peu de R&D, ils peuvent rapidement être mis en œuvre au niveau industriel de sorte à absorber le déficit d’activité de la branche aéronautique civile.
Le VBCI-2 de Nexter emporte une tourelle proche de celle équipant l’EBRC, avec une puissance de feu largement supérieur au VBCI employé par les forces françaises
5 programmes à R&D limitée
Ces programmes nécessitent une phase de recherche et de développement relativement courte, de 2 à 3 années, avant de pouvoir passer en production industrielle. Ils permettent d’étendre les performances des armées et comblent des lacunes opérationnelles importantes.
Nouvelle commande de chars Leclerc modernisés, pour 455 unités, destinés à équiper les 4 nouveaux régiments cuirassiers de la nouvelle division lourde, ainsi que les 3 régiments cuirassiers existants. Les 200 Leclerc modernisés basculeraient dans la Garde Nationale une fois la conversion effective.
Commande de 240 VBMR-SHORAD de défense anti-aérienne rapprochée, 15 par brigade de l’Armée de Terre, 12 par escadron de Défense aérienne de l’Armée de l’Air, 2 par base outre-mer, navale et aéronavale et 6 pour instruction.
Commande de 250 EBRC avancés en version chasseur de char équipés d’un canon anti-char (120mm) et de missiles antichar à longue portée
Design et commande de 6 FDI-A (allongée), disposant de 48 silos verticaux, d’un canon de 127 mm et d’un SHORAD pour 5500 tonnes, dont 2 en version de défense aérienne avec missiles Aster30, Aster block1NT et Aster15 ou MICA 2 en bi ou quadpack.
Nouvelle commande de 90 hélicoptères d’attaque Tigre pour compléter le format de 8 RHC à raison de 18 appareils par régiments et 15 appareils consacrés à l’instruction.
Une FDI allongée permettrait de placer 48 silos verticaux et un canon de 127 mm sur la plage avant, et un système CIWS sur le roof arrière, augmentant sensiblement la puissance de feu de la frégate, notamment pour les missions de haute intensité.
5 programmes de moyen terme
Ces 5 derniers programmes requièrent une R&D de 5 à 6 années, et viennent conclure le PRA pour compléter les capacités opérationnelles des Armées en 2030, dans l’attente de l’entrée en service des programmes majeurs de nouvelle génération, comme le SCAF, le MGCS ou le Porte-avions de nouvelle génération.
Drone de combat furtif dérivé du Neuron, commandé à 200 exemplaires, conçus pour compléter les Rafale dans les missions de haute intensité, soit en agissant en tant que Loyal Wingman, soit pour effectuer les missions nécessitants un aéronef furtif, comme la suppression des défenses ou le renseignement électronique. Les aéronefs devront avoir un prix unitaire comparable ou inférieur à celui d’un chasseur léger, être ravitaillé en vol, et contrôlé à partir d’un Rafale à raison de 1 drone par Rafale monoplace, et 3 drones par Rafale biplace.
Hélicoptère de manœuvre rapide dérivé du programme Racer, commandé à 260 exemplaires pour l’Armée de terre, la Marine nationale et l’Armée de l’Air, pour les missions d’assaut longue distance, d’assaut aéronaval et de SAR, ainsi que pour équiper les bases aériennes outre-mer.
Avion de patrouille maritime de nouvelle génération, commandé à 28 exemplaires déployés en métropole et sur certaine base outre-mer (Nouvelle Calédonie, Réunion ..)
Corvettes de souveraineté et de lutte anti-sous-marine, commandées à 20 exemplaires, dont 10 destinées à l’Outre-mer, 4 à la façade Atlantique, 2 à la façade Manche et 4 à la façade Méditerranéenne. Bâtiments de 2ndrang disposant de capacités antinavires à longue portée, d’une capacité d’autodéfense englobante contre les menaces aériennes, et d’une capacité anti-sous-marine côtière, ainsi que d’un hangar pour hélicoptère moyen (HIL) et drone.
Sous-marins d’attaque à propulsion anaérobie, dérivés du concept SMX31, commandés à 6 exemplaires, dont 4 en méditerranée et 2 en Atlantique notamment pour sécuriser les mouvements des SNLE. Ces navires permettront également de libérer les SNA des missions locales pour exploiter au mieux leurs vitesses et rayon d’action.
Le SMX31 est une étude de Naval Group pour la conception d’un sous-marin d’attaque AIP de nouvelle génération offrant des performances et des capacités inédites
Quels couts pour l’État ?
Même si la nécessité de ces programmes prête peu à débat, il semble difficile de pouvoir financer, dans les conditions actuelles, les quelques 100 Md€ d’investissement industriel qu’ils représentent, ainsi que les 35 Md€ pour l’augmentation des effectifs, et les 15 Md€ d’investissement en matière d’infrastructures pour accueillir ces équipements et personnels, représentant un investissement supplémentaire de calcul de 15 Md€ par an pendant 10 ans.
Pour y parvenir, il est indispensable de se concentrer non pas uniquement sur les surcouts pour l’État, mais sur les recettes et économies budgétaires que ces programmes entraineraient. Ainsi, lorsque l’État investi 1 m€ dans l’industrie de Défense, il finance sur une année 10 emplois industriels, 7,5 emplois de sous-traitants, et 5 emplois induits. Chaque emploi, quand à lui, rapporte à l’État 54.000 € par an, entre les impôts et taxes payés par les salariés et les employeurs, les cotisations sociales payées qui diminuent les déficits sociaux compensés sur le budget de l’État, et les économies réalisées par l’État en matière de prestations sociales, comme le chômage, la formation, etc.. De fait, lorsque l’État investit 1 m€ dans l’industrie de Défense, de par sa très faible exposition aux importations et délocalisations, il génère un solde budgétaire de 1,215 m€, répartis sur 5 années.
Par sa très faible exposition aux importations et aux délocalisations, l’industrie française de Défense est aujourd’hui celle qui offre la meilleure efficacité budgétaire et sociale pour l’investissement d’Etat
Pour les postes de militaires, le solde budgétaire n’est que de 50%, soit un chiffre comparable à ceux de la fonction publique, avec 12 emplois créés par million d’euro, dont 10 dans les armées. Pour les investissements en matière d’infrastructures, le retour budgétaire s’établi à 100% avec 25 emplois générés par million d’euro investis.
En appliquant ces données, issues de la doctrine Défense à Valorisation Positive, au PRA, il apparaît que le solde budgétaire annuel s’élève à 12,15 Md€ + 1,5 Md€+ 1,75 Md€ = 15,4 Md€ pour une dépense de 15 Md€, soit un solde annuel positif de 400 m€ pour les finances publiques. En matière d’emplois, il permettra de sécuriser et créer 297.500 emplois, y compris les 100.000 emplois menacés par l’activité civile.
En outre, lorsque l’industrie aéronautique civile retrouvera des couleurs, les grands groupes industriels pourront à nouveau faire appel au tissu national, qui n’aura ni perdu ses savoir-faire ni ses capacités productives. S’en suivra alors un doublement des effectifs, afin de maintenir l’activité Défense sur le long terme, tout en reprenant l’activité industrielle civile, générant 100.000 nouveaux emplois et 5 Md€ de recettes et économies budgétaires au budget de l’État. Si l’activité industrielle civile revient à la normale au bout de 5 ans, le PRA aura donc couté à l’État 150 Md€, aura contribué à créer 300.000 emplois et à en préserver 100.000, et aura rapporter 175 Md€ aux caisses de l’État, pour un solde positif de 25 Md€.
Conclusion
Que ce soit du point de vue budgétaire, social, sécuritaire ou industriel, le Plan de Renforcement des Armées présente un bilan positif dans tous les domaines. Il complète parfaitement la LPM 2019-2025 et anticipe la suivante, en offrant aux forces armées les moyens indispensables à l’exécution de ses missions actuelles et à venir. Reste que dans les conditions actuelles de déficits publics et d’une dette souveraine qui tangentera les 120% du PIB fin 2020, un financement traditionnel n’est pas envisageable. Pour y parvenir, l’État devra se tourner vers des modes de financement non décomptés dans la dette publique, tout au moins pour les volets industriels, recherche et développement, et infrastructures.
Ces financements seront naturellement plus chers que le prix de la dette souveraine, la France empruntant aujourd’hui à taux négatifs sur 10 ans. Mais une telle comparaison, souvent mise en avant par les autorités, n’a guère de sens, puisque le financement par ce canal est inaccessible. Ceci dit, avec des taux d’intérêts raisonnables de l’ordre de 0,75% par an, les surcouts pour l’Etat ne dépasseraient pas les 400 m€ par an sur 10 ans, soit le solde budgétaire annuel dégagé par le PRA chaque année, hors reprise de l’activité industrielle aéronautique civile, et hors accroissement des exportations. Dans la mesure où ces modes de financement existent et sont disponibles, il ne manque désormais guère que le volontarisme politique pour le mettre en œuvre.
Il y a quatre jours, les rencontres pour l’innovation de défense étaient organisées dans le Morbihan, sous l’impulsion du Député Jean-Michel Jacques, vice-président de la Commission Défense. L’occasion pour le groupe Turgis & Gaillard de présenter le KRAKEN, une embarcation d’assaut pour les forces spéciales dotée d’un nouveau concept dit de « flottabilité variable ».
Le groupe Turgis & Gaillard
Le groupe Turgis & Gaillard a été fondé en 2011 et compte déjà près de 250 employés répartis dans toute la France, notamment dans le Morbihan à travers le site de Navale et Industrie Lorientaise. En quelques années, le groupe a su se développer dans tous les secteurs de la défense, que ce soit dans le maintien en condition opérationnel, la maintenance de sites industriels ou encore la fourniture d’équipements. Aujourd’hui, Turgis & Gaillard est implanté en Inde et innove également dans l’industrie civile, avec ses navires solaires SunWave.
Les innovations introduites sur le KRAKEN proviennent en grande partie de la R&D menée dans la branche SunWave du groupe Turgis & Gaillard. SunWave livre déjà des navires électro-solaires, et innove énormément en matière d’architecture navale.
Mais pour le public passionné d’aéronautique et de questions de défense, Turgis & Gaillard est surtout connu pour certains projets menés par sa division de recherche et développement AA’ROK. Le plus emblématique, et celui qui a peut-être le plus intéressé les états-majors français, est le SSA-1101 Gerfaut, présenté dans ce long dossier publié en 2013. Cette solution originale consistait à doter un avion de transport C-130 Hercules d’une capacité de tir de bombes guidées GBU-12 ou AASM. Modulaire, le Gerfaut pouvait s’intégrer sur les points d’emport actuels du Hercules et ne demandait pas de modification lourde. A peu de frais, le SSA-1101 aurait donc permis aux Hercules de l’Armée de l’Air, déjà exploités en missions ISR (Renseignement, Surveillance, Reconnaissance) au profit des forces spéciales, de disposer d’une capacité d’appui feu immédiate.
Longuement explorée, la solution ne sera finalement pas adoptée, l’Armée de l’Air préférant intégrer des munitions à ses drones Reaper, déjà validés pour un tel usage et également opérés couramment pour des missions ISR. De son côté, le Commandement des Opérations Spéciales a obtenu l’acquisition de deux C-130J pouvant être armés de munitions légères AGM-176 Griffin, à l’instar des Hercules exploités par les forces spéciales américaines (ironiquement, on notera qu’aujourd’hui l’intégration de Griffin dans les C-130J français n’est plus évoquée).
L’échec du SSA-1101 Gerfaut (pour le moment) n’a cependant pas découragé le bureau d’étude AA’ROK, qui a continué de présenter des solutions innovantes et inventives, aussi bien militaires que civiles. Lors du Salon SOFINS 2017, Turgis & Gaillard ont ainsi présenté le projet SSA-1108 MIGALe, un système de missile à lancement vertical capable d’offrir des capacités d’appui-feu à n’importe quel véhicule SCORPION, même en l’absence d’artillerie dédiée. Enfin, rattachée au bureau d’études AA’ROK, la marque SunWave a développé une gamme entière de navires électrique et/ou solaires pour la plaisance ou le transport de passagers.
KRAKEN : propulsion électrique et flottabilité variable
Et ce sont justement les travaux de R&D menés dans le cadre des projets SunWave qui ont permis, entre autre, de réaliser le projet KRAKEN récemment dévoilé. Cette embarcation d’assaut d’une longueur de 10m reprend le format d’un RHIB conventionnel, permettant d’être embarquée à bord de frégates ou de corvettes mettant en œuvre des commandos. Mais contrairement à un semi-rigide de type Zodiac, le KRAKEN propose une configuration radicalement nouvelle, pour des performances jugées « révolutionnaires ». Le KRAKEN est en effet une embarcation à fond plat, similaire à un petit chaland de débarquement, mais doté de deux gros pods à géométrie variable ressemblant à des hydrofoils. Désignés SAHC (Submarine Adaptativ Hull Concept) par ses concepteurs, cette technologie repose sur des nacelles qui adaptent automatiquement leur déploiement à la vitesse du KRAKEN. Elles intègrent également des ballasts afin de contrôler avec précision la stabilité de l’embarcation. L’ensemble de ces innovations permettent, au final, d’optimiser la gestion énergétique du bateau en fonction des paramètres de navigation.
Long d’environ 10m, le KRAKEN peut être mis en oeuvre par le biais des bossoirs prévus pour les embarcations ECUME. La configuration originale du KRAKEN est autorisée par la propulsion électrique, qui libère complètement les concepteurs navals des contraintes traditionnelles liées à l’intégration de la propulsion.
Lors des phases de croisière, les nacelles SAHC sont placées sous l’eau, offrant une grande stabilité à l’embarcation tout en lui permettant d’atteindre une vitesse impressionnante de 50 nœuds, soit 90 km/h. A grande vitesse, la coque du KRAKEN n’est alors plus en contact avec l’eau, supprimant sa résistance et améliorant la vitesse et la consommation énergétique. Pour les opérations par hauts fonds ou pour permettre le débarquement sur une plage, les nacelles SAHC se redressent pour ne pas gêner les manœuvres d’accostage. Comme sur un chaland de débarquement, la proue de l’embarcation peut s’abaisser pour servir de rampe de chargement et de déchargement pour les troupes et leur équipement.
Mieux encore, le KRAKEN est équipé de plusieurs rangées de roues motorisées facilitant ses déplacements sur une plage, par exemple pour camoufler l’embarcation à terre. Pour la navigation, les deux propulseurs du bateau sont installés dans les nacelles lattérales et fonctionnent à l’électricité. Roues et propulseurs sont alimentés par un jeu de batteries de haute capacité. Pour les opérations à longue distance, la coque du KRAKEN embarque un petit réservoir de carburant et un Range Extender, dérivé d’un APU d’avion. Cette turbine permet de recharger rapidement les batteries lors des phases de transit, par exemple, tandis que les phases de navigation littorales s’effectuent sur batterie, pour une furtivité maximale. Grâce à cette propulsion hybride et à l’excellente gestion énergétique offerte par la flottabilité variable, l’embarcation dispose d’une autonomie maximale de 450 km.
En jouant sur le remplissage des ballasts, l’envergure de déploiement des nacelles et la puissance des moteurs, le concept SAHC permet d’adapter le tirant d’eau, la stabilité et la vitesse du KRAKEN pour lui permettre d’évoluer aussi bien par mer formée qu’à proximité immédiate d’une plage
La combinaison de ces deux technologies offre au KRAKEN plusieurs caractéristiques particulièrement intéressantes pour les militaires, et notamment les forces spéciales :
Le mode de propulsion électrique assure une grande furtivité à l’ensemble, puisque ces moteurs sont silencieux, ne rayonnent que très peu dans l’infrarouge et ne dégagent aucune odeur de gaz d’échappement.
Une capacité amphibie calquée sur les chalands de débarquement, permettant une mise en œuvre des commandos bien plus souple et rapide qu’avec une embarcation de type ECUME.
KRAKEN : premier d’une lignée de navires à flottabilité variable ?
Tel quel, le KRAKEN peut donc servir pour des missions d’assaut, pour du contre-terrorisme maritime, des opérations de renseignement, d’appui-feu littoral ou d’interception. Mais le concept de navire électrique à flottabilité variable pourrait sans aucun doute trouver d’autres applications. Sachant que Turgis & Gaillard risque –une nouvelle fois– de se heurter au conservatisme des forces armées, qui viennent de percevoir leurs embarcations ECUME, il pourrait être intéressant de généraliser le concept à d’autres usages. Outre la gamme civile SunWave, naturellement, la flottabilité variable couplée à la propulsion électrique pourrait ainsi trouver des applications logistiques dans certaines zones isolées, notamment pour le ravitaillement des îles Éparses ou pour apporter de l’aide humanitaire dans la zone Antilles-Guyane. Contrairement aux BATRAL qu’ils remplacent, les B2M de la Classe d’Entrecasteaux ne disposent plus de capacité amphibie, mais pourraient mettre en œuvre une petite embarcation logistique de type KRAKEN, à la fois polyvalente et écologique, capable de ravitailler les îles ou apporter des secours sans perturber les délicats écosystèmes tropicaux.
La proue du KRAKEN dispose d’une rampe pour permettre un déchargement rapide de la douzaine de commandos embarqués, avec bien plus de simplicité que ce qui se fait aujourd’hui avec les RHIB. Les roues alimentées par des moteurs électriques permettent de sortir rapidement l’embarcation de l’eau pour la camoufler sur la plage par exemple.
A terme, une solution de ce type pourrait également servir de base au développement de drones de surface polyvalents, optionnellement pilotés et capables de mener différentes missions de surveillance, d’intervention ou de récupération, sur toutes les plages de vitesse. Couplé à des panneaux solaires (déjà utilisés sur les SunWave), de tels USV (Unmanned Surface Vehicles) auraient une autonomie virtuellement illimitée.
L’étonnante excellence française en matière de technologies amphibies
La France entretient un rapport ambigu avec le combat amphibie. Contrairement à d’autres pays, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, les forces armées françaises n’ont pas de réelle force amphibie, ni même de corps naval spécifiquement dédié à cet usage. Certaines unités militaires, notamment dans les forces spéciales, se sont spécialisées dans les interventions littorales, mais les opérations de débarquement sont réalisées en France par des troupes de l’Armée de Terre transportées et déployées par des porte-hélicoptères amphibies de la Marine Nationale. Il n’y a donc pas de réelle spécialité amphibie dans la Marine Nationale, et donc peu de soutiens institutionnels et politiques pour cette branche quand vient l’heure des arbitrages budgétaires.
Pour autant, la France a su se doter en quelques années d’une batellerie (ou flottille amphibie) unique en son genre. Plutôt que de doter ses nouveaux porte-hélicoptères d’hydroglisseurs LCAC d’origine américaine, la Marine Nationale s’intéresse très tôt au projet Landing Catamaran développé par la société CNIM, par la suite renommé EDA-R. Présentant des performances similaires à un LCAC, pour une fraction seulement du prix d’achat et d’exploitation, le EDA-R repose déjà sur une configuration variable, puisqu’il opère comme un catamaran pour les transits, mais se transforme en navire à fond plat pour les débarquement sur la plage.
L’EDA-R employé par la Marine Nationale dispose de deux coques catamaran et d’une plateforme de chargement centrale disposée sur vérins hydrauliques. En phase de transit, la plateforme est remontée pour permettre à l’EDA-R d’atteindre de grandes vitesses. Pour l’accostage ou pour rentrer à bord du PHA, la plateforme est abaissée (ici sur l’image), permettant au catamaran de devenir un chaland à fond plat.
A bien des égards, le KRAKEN de Turgis & Gaillard se positionne sur le même créneau : une solution technique originale et novatrice qui permet de démultiplier les performances opérationnelles sans coûter plus cher ni modifier les contraintes logistiques liées à l’exploitation des navires. A l’époque, le démonstrateur de la CNIM avait été positivement évalué par la Marine Nationale, qui a fini par en équiper tous ses BPC, devenus PHA (porte-hélicoptères amphibies). Devant les performances promises par le KRAKEN, et son champ d’application potentiel qui dépasse largement celui de l’ECUME, on ne peut qu’espérer qu’un démonstrateur soit également financé, évalué et validé. Avec l’arrivée des nouvelles frégates FDI mais aussi de futures corvettes, la Marine Nationale pourrait faire un bon usage de ce type d’embarcations performantes, furtives et versatiles.
Ce lundi 6 juillet, le US State Department a annoncé avoir approuvé 7,5 milliards $ de ventes d’armement dans le cadre des Foreign Military Sales (FMS). Ces autorisations politiques d’exportation autorisent à présent les Etats concernés à procéder à leurs achats, ce qui veut donc dire que toutes les autorisations FMS ne donneront pas forcément lieu à des contrats de vente définitifs.
Pour l’heure, le Département d’Etat américain a donc autorisé la vente de carburant aéronautique en Israël, de six hélicoptères Black Hawk en Lituanie, de véhicules blindés de transport d’infanterie en Argentine ainsi que de trois avions de guet aérien E-2D Hawkeye pour la Marine Nationale française, en remplacement des actuels E-2C. Cependant, l’autorisation de vente la plus surprenante concerne l’Indonésie, qui est désormais autorisée à acheter huit aéronefs convertibles Bell-Boeing MV-22 Osprey Block-C. Jusqu’à présente, cet appareil unique en son genre mais particulièrement coûteux n’avait trouvé preneur qu’auprès du Japon, ce qui interroge sur la capacité pour Jakarta de financer un tel achat évalué à 2 milliards $.
Pour l’heure, seul le Japon a acheté quelques MV-22 pour sa force d’assaut amphibie. Si le Osprey est commandé par l’Indonésie, il sera employé pour de très nombreuses tâches.
V-22 Osprey : un aéronef qui peine à s’exporter
Le V-22 Osprey est un aéronef convertible de type « tilt-rotor », conçu pour répondre aux besoins de l’ensemble des forces armées américaines. Capable de décoller à la manière d’un hélicoptère, il voit ses rotors basculer vers l’avant lors des vols de croisière, ce qui lui confère la vitesse et le rayon d’action d’un avion de transport, tout en conservant la souplesse d’emploi d’un hélicoptère, notamment dans des zones dépourvues d’infrastructures aéroportuaires. Au fil des années, le Osprey a été sélectionné par les Marines, par l’US Air Force et, plus récemment, par l’US Navy, tantôt afin de remplacer des hélicoptères lourds ou des avions de transport. Seule l’US Army a refusé d’employer le Osprey, même si elle commence à s’intéresser aux tilt-rotors de seconde génération, notamment à travers le V-280 Valor.
A l’exportation, toutefois, l’appareil peine à trouver son marché. Si Israël a longtemps évoqué son intérêt pour l’aéronef, notamment pour réaliser des missions de sauvetage à très longue distance, aucune commande n’a pour le moment été signée. Seul le Japon s’est doté d’un petit nombre d’appareil afin de développer son nouveau corps des Marines, sur le modèles de l’US Marines Corps. Ce manque de succès international s’explique avant toutes choses par le prix du Osprey, qui coûte aussi cher à l’achat qu’un avion de combat, et est particulièrement complexe à entretenir, surtout par rapport à un hélicoptère de manœuvre conventionnel.
Le V-22 Osprey en configuration décollage/atterrissage. Si l’empreinte logistique d’un tel engin est nécessairement plus grande que pour un hélicoptère, le V-22 dispose tout de même d’une souplesse d’emploi hors d’atteinte d’un avion de transport tactique.
Pour les opérateurs actuels, ce surcoût est largement justifié, puisqu’un unique Osprey est capable de réaliser des opérations à grande distance qui auraient nécessiter de recourir à une multitude d’avions et d’hélicoptères de types différents, avec leurs équipages associés. Cependant, la plupart des pays n’ont pas les mêmes besoins que les Américains en matière de combat à très longue distance. Pour la plupart des opérateurs potentiels, un avion de transport à turbopropulseurs suffit largement pour des opérations de transport logistique dans des zones pacifiées, tandis que les opérations de combat sont généralement menées à courte distance par des hélicoptères classiques.
L’aéronef idéal pour l’Indonésie
Mais de tous les clients potentiels du Osprey, l’Indonésie est sans doute celui qui pourrait le mieux tirer profit des caractéristiques du V-22, à la fois pour des raisons géographiques et militaires.
Très vaste archipel comprenant plus de 13000 îles, le territoire indonésien se répartit entre deux continents et deux océans, de part et d’autre de l’équateur. Cette configuration géographique rend le pays extrêmement sensible aux catastrophes naturelles : séismes, tsunamis, volcans, inondations tempêtes, etc. Or, ces dernières ont généralement tendance à endommager les infrastructures portuaires et aéroportuaires, impliquant une utilisation plus intensive des hélicoptères pour apporter de l’aide humanitaire. Malheureusement, les hélicoptères ne disposent pas de l’autonomie ni de la vitesse suffisante pour couvrir l’ensemble de l’archipel à partir de leurs bases d’opérations.
La famille Puma/Super Puma/Caracal forme pour le moment le coeur de la flotte d’hélicoptères lourds indonésiens. Si l’option MV-22 Osprey était écartée, l’Indonésie se dirigerait probablement vers des achats de H225M Caracal et de AW101 Merlin supplémentaires.
Le-V-22 Osprey, s’il s’avère plus cher à l’achat et à l’emploi qu’un hélicoptère lourd, permettra cependant de déployer des secours plus facilement et plus rapidement sur l’ensemble du pays, comme il a déjà pu le faire par le passé dans la région. Son utilisation sera donc plutôt comparable à celle d’un avion de transport de type CASA ou Hercules, mais capable de se poser n’importe où, même sans infrastructure adaptée.
Au-delà des tâches logistiques et humanitaires, les Osprey pourraient également répondre à de réels besoins militaires. Depuis des années, le gouvernement de Jakarta est en effet en lutte contre divers groupes terroristes, notamment Jemaah Islamiyah, qui arrive à trouver refuge dans certaines zones isolées du territoire indonésien. L’utilisation du Osprey permettrait de déloger certaines cellules terroristes en déployant des armes lourdes et des forces spéciales à grande distance, à grande vitesse et avec une discrétion maximale. D’un point de vue défensif, le Osprey permettrait également d’intervenir rapidement en cas d’attaque terroriste, y compris en milieu urbain ou maritime. De quoi réellement faire du Osprey l’aéronef idéal pour l’Indonésie !
Le Bell V280 Valor participe à la competition FLRAA pour remplacer les UH60 Black Hawk. En cas de victoire, il pourrait très largement s’exporter, notamment auprès des pays intéressés par les caractéristiques du V-22 Osprey mais refroidis par la facture d’un tel achat.
Si Jakarta refuse de céder aux pressions de Washington et décide d’acheter des avions de combat russes et français au détriment des F-16V et éventuels F-35, l’achat de MV-22 Osprey pourrait être vu comme un lot de consolation pour l’industrie aéronautique américaine. Et si l’Indonésie réussi, sur le plan diplomatique, à acheter simultanément des Su-35S et des chasseurs américains, il est possible que l’achat de V-22 Osprey soit reporté et que l’Indonésie opte, à plus long terme, pour le V-280 Valor ou le SB-1 Defiant, a priori bien moins chers que le Osprey. Etant donné la crise économique actuelle, les plans d’investissement dans la défense semblent de toute manière modifier afin de mettre en avant l’industrie locale, ce qui laisse à penser que les Osprey ne seront pas une priorité, quoi qu’il en soit.
A moins, bien évidemment, que l’Indonésie n’accepte de sceller une alliance plus poussée avec Washington, qui encourage l’Indonésie à s’équiper des mêmes aéronefs que l’USAF. En cas de conflit majeur dans la région, cela faciliterait en effet le déploiement de renforts américains sur le sol indonésien. Reste à convaincre Jakarta de renoncer à son statut historique de pays non-aligné.
A partir de 2013, la France est rapidement devenue un des principaux fournisseurs d’arme de l’Egypte. En quelques années, Paris a vendu au Caire deux porte-hélicoptères de type Mistral, une frégate FREMM, quatre corvettes Gowind (dont trois fabriquées sur place) ainsi que vingt-quatre avions de combat Rafale, le tout assorti d’options pour deux corvettes et douze Rafale supplémentaires.
2019: le divorce entre la France et l’Egypte
Mais, depuis près de deux ans, les relations entre la France et l’Egypte sont au plus mal et les ventes d’armes, essentielles à l’industrie de défense françaises, ont été stoppées d’un coup. Deux raisons sont régulièrement évoquées pour expliquer le revirement égyptien :
D’autre part, le pouvoir égyptien n’aurait pas du tout apprécié les commentaires du Président français Emmanuel Macron tenus, au Caire, à propos des droits de l’homme.
Après avoir acheté une FREMM française initialement destinée à la Marine Nationale, l’Egypte a passé commande pour deux FREMM construites pour la Marina Militare. Si ces deux navires devraient bien être livrés en Egypte, Le Caire pourrait bien faire à nouveau appel au français Naval Group pour ses futurs bâtiments de combat.
En conséquences, l’Egypte a logiquement changé son fusil d’épaule et s’est retournée vers l’Allemagne mais surtout vers l’Italie, dont le catalogue industriel est relativement similaire à celui proposé par l’industrie française. Au mois de février, la presse italienne a ainsi évoqué la volonté égyptienne d’acheter rapidement deux FREMM en Italie, prélevées sur les navires en assemblage final pour la Marina Militare, tandis que l’Egypte confirmait son intention d’acheter des hélicoptères italiens plutôt que des NH90 proposés par la France. Au-delà, la liste des courses du Caire s’avère impressionnante, comme nous l’avions évoqué dans un article dédié :
Quatre frégates neuves pour compléter les trois FREMM achetés en France et en Italie,
Une vingtaine de patrouilleurs hauturiers,
Deux escadrons d’avions de combat Eurofighter Typhoon,
Des avions d’entrainement et d’attaque légère M-346 Master,
Un satellite d’observation.
Pour Paris, ce revirement égyptien a été vécu comme une humiliation doublé d’un avertissement diplomatique particulièrement clair. En ces temps de crise économique et de concurrence mondialisée sur le marché de l’armement, les pays fournisseurs d’armes ne maîtrisent plus le jeu diplomatique, mais sont au contraire obligés de s’aligner sur les positionnements de leurs clients s’ils souhaitent poursuivre les partenariats commerciaux. Et, ironiquement, il semble que ce soit désormais à l’Italie d’en payer le prix, à cause de la Turquie.
Même si la realpolitik renvoie l’Egypte vers la France pour ses achats d’armements, de nombreux contrats ont déjà échappés à Paris, dont la fourniture de deux FREMM supplémentaires et d’hélicoptères militaires.
La Turquie redistribue les cartes
Depuis plus d’un an, les positions turques dans la guerre civile libyenne se font de plus en plus insistantes. Pour Ankara, une victoire militaire du GNA (Gouvernement d’Accord National), basé à Tripoli, permettrait à la Turquie de se lancer dans un gigantesque projet gazier en Méditerranée, tout en plantant une épine dans le pied au projet de gazoduc EastMed soutenu par la Grèce, Chypre, Israël, l’Italie et l’Egypte. L’Egypte, de son côté, soutien en Libye le LNA du Maréchal Haftar, qui cherche à renverser le GNA avec l’aide de l’Egypte, donc, mais également des Emirats Arabes Unis et de la Russie.
Quel rapport avec la France et l’Italie ? Et bien Rome est aujourd’hui un des principaux fournisseurs d’armements en Turquie, juste derrière l’américain Lockheed Martin, comme le rappelle Michel Cabirol. Si l’Egypte pourrait rapidement devenir la première importatrice d’armements italiens, Le Caire ne semble pas spécialement apprécier la relative passivité de Rome sur la question de l’engagement turc en Libye. Logiquement, l’Italie semble aujourd’hui chercher à préserver ses liens économiques privilégiés avec la Turquie, tout en évitant de se mettre à dos l’un ou l’autre des belligérants du conflit libyen afin de conserver la possibilité de servir d’arbitre neutre sur ce conflit. De plus, la compagnie pétrolière italienne ENI a de gros intérêts en Libye, notamment dans la région de la tripolitaine âprement défendue par la Turquie face aux forces du maréchal Haftar.
L’exploitation d’hydrocarbures en Méditerranée est au coeur de l’engagement turc en Libye, mais aussi des pressions portées à l’encontre de la Grèce et de Chypre, vivement soutenues par la France
La France, à l’inverse, joue désormais un jeu politique et diplomatique bien mieux aligné avec la posture du Caire. Pour l’heure, Paris refuse toute implication directe dans la guerre civile libyenne, même si un soutien indirect aux forces aériennes égyptiennes ou émiratis pourrait bien avoir facilité la destruction de sites de défense aérienne turcs ces derniers jours. Mais l’insistance française pour faire respecter l’embargo sur les livraisons d’armes en Libye a conduit la Marine Nationale française à s’opposer directement à la marine turque. Ces tensions entre Paris et Ankara ont, depuis un peu plus d’un an déjà, considérablement rapproché les positions diplomatiques de la France avec celles de la Grèce et de Chypre, ce qui pourrait toujours se traduire par la commande de frégates FDI de la part d’Athènes.
Mais la passivité de Rome comme le volontarisme de Paris face à Ankara semble désormais avoir également permis de rabibocher la France et l’Egypte, au moins sur les questions militaires. D’après l’article de La Tribune, Le Caire serait prêt à reconsidérer les options françaises pour au moins certains de ses achats d’armements, tout en écartant l’Italie de certains marchés. Concrètement, les deux premières FREMM italiennes, pratiquement prêtes à la livraison, devraient bien être achetées par l’Egypte. Par contre, l’Egypte aurait stoppé les négociations portant sur l’achat d’Eurofighter Typhoon, de patrouilleurs et d’avions d’entrainement, alors même que les contacts auraient été repris en France.
Le Caire continue son réarmement
Alors que l’Egypte envisage de plus en plus sérieusement la possibilité d’un affrontement direct avec les forces turques, ses besoins en armements sont pourtant toujours bien présents. Concernant les avions de combat, plutôt que des Typhoon, Le Caire pourrait probablement acquérir des Su-35 supplémentaires, ainsi que 12 à 24 Rafale du français Dassault Aviation. Après tout, les missiles METEOR proposés par l’Italie avec la vente d’Eurofighter restent toujours interdits de vente en Egypte, si bien que le Typhoon n’a aucun avantage comparitif sur le Rafale (également compatible avec le METEOR).
La FDI / Belharra est proposées à la Grèce, qui fait fasse à une menace turque croissante. Néanmoins, l’Egypte pourrait faire un très bon usage de ce type de navires, qui s’inscrit parfaitement entre sa petite flotte de corvettes Gowind et les FREMM achetées en France et en Italie
Dans le secteur naval, la levée d’option pour deux corvettes Gowind à construire en France pourrait avoir lieu d’ici un an ou deux, après la fin des réparations sur une corvette défectueuse. L’Egypte pourrait également vouloir intégrer des armements défensifs sur ses deux porte-hélicoptères. Il pourrait notamment s’agir de missiles anti-aériens Mistral 3, ou bien d’artillerie de 40 mm de type RAPIFire Naval. Mais, surtout, on peut aussi imaginer un retour de la France pour la fourniture des grands navires de combat. Si l’option pour quatre FREMM italiennes neuves ne devait pas être levée, la France pourrait sans aucun doute proposer à l’Egypte sa frégate FDI, qu’elle met déjà en avant en Grèce afin de contrer, ici aussi, les menaces navales, aériennes et sous-marines turques.
Reste que, une fois encore, rien n’est joué. D’une part, l’industrie italienne pourrait encore avoir une carte à jouer, notamment si Le Caire veut faire miroiter quelques contrats pour pousser Rome à adopter une politique étrangère plus ferme vis-à-vis de la Turquie. L’Italie pourrait ainsi placer des avions d’entrainement, que la France ne propose pas, mais également concourir pour la fourniture de navires de patrouille. D’autre part, il convient de voir si la reprise de dialogue entre Paris et Le Caire va se confirmer. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le nouveau gouvernement français n’a toujours pas été dévoilé. Or, on sait que Jean-Yves Le Drian, ministre des affaires étrangères et ancien ministre de la défense, joue un rôle considérable dans le maintien des bonnes relations franco-égyptiennes.
Mise à jour: Le remaniement ministériel en France a confirmé que Jean-Yves Le Drian maintient son poste actuel de Ministre des Affaires Etrangères, ce qui devrait permettre de maintenir une continuité sur le dossier égyptien.