vendredi, décembre 5, 2025
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La Russie va commander « plusieurs douzaines » de bombardiers tactiques Su-34 modernisés

Selon un article publié par l’agence Tass, citant une source au ministère de la Défense russe, ce dernier s’apprête à commander un nouveau lot de « plusieurs douzaines » (48 selon des informations précédentes) de bombardiers tactiques Su-34, dans une version modernisée intégrant une électronique et des équipements développés au travers du programme experimental Sych.

Cette nouvelle commande, qui devrait être officialisée d’ici à l’été, viendra renforcer les quelque 130 Su-34 actuellement en service dans les forces aériennes russes, remplaçant probablement les bombardiers Su-24 les plus anciens.

Cette annonce n’est guère une surprise. En effet, elle était attendue depuis plusieurs mois, lorsque le planning de production de l’industrie aéronautique russe avait été modifié pour intégrer la production du nouveau Su-57 Felon, afin de maintenir la production de l’usine aéronautique NAPO de Novossibirsk, jusqu’à l’entame de la production du drone de combat Okhotnik-B, alors que les derniers Su-34 de la commande précédente seront livrés cette année.

Les bombardiers tactiques Su-34 remplacent les Su-34 au sein des forces aériennes russes
Les Su-34 devaient initialement remplacer les Su-24 en service dans les forces aériennes russes. Il semble désormais qu’ils évolueront parallèlement aux Su-24M modernisés pendant de nombreuses années

Le Su-34, qui effectua son premier vol en 1990, est un des rares représentants moderne de la famille autrefois florissante des bombardiers tactiques. Conçu sur la base structurelle du su-27, il est optimisé pour les missions d’attaque au sol ou d’interdiction navale, avec une très importante capacité d’emport de munitions de 12 tonnes pour un rayon d’action opérationnel de plus de 1000 km.

Au fil des modernisations, l’appareil s’est vu doté d’une avionique moderne, offrant aux deux membres d’équipage assis côte à côte une excellente vision de la situation tactique les entourant. En outre, l’appareil s’est vu doté de munitions de précision, et affiche désormais des performances qui n’ont rien à envier aux meilleurs chasseurs-bombardier occidentaux.

L’appareil aurait connu son baptême du feu en 2008 lors de l’intervention russe en Ossétie du Sud. Il a été depuis utilisé de façon intense en Syrie, assurant une part significative des frappes russes, et notamment des frappes de précision sur ce théâtre. Peu d’informations ont été communiquées concernant les modernisations attendues sur la nouvelle version du Su-34 dont ferait l’objet la nouvelle commande.

Précédemment, il était question de développer une version modernisée désignée Su-34M, ayant des objectifs comparables à la version modernisée du Su-30SM, à savoir une harmonisation de la maintenance et des capacités avec le Su-35s. Rien n’indique cependant que ce soit là l’axe retenu par Moscou.

Il est d’ailleurs question de moderniser les quelque 130 Su-34 déjà livrés à ce même standard, un moyen d’améliorer les performances des forces aériennes tout en simplifiant l’empreinte logistique des appareils, et en offrant un surcroit de travail pour l’Usine NAPO, qui assure déjà la modernisation des Su-24M des forces aériennes et aéronavales russes.

Su34 bombardement Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Avec une capacité d’emport d’armement déplus de 10 tonnes, pour 12 tonnes de carburant interne, le Su-34 offre des capacités de bombardement tactique sans comparaison dans l’arsenal russe

Il est intéressant de constater que, contrairement aux occidentaux qui n’ont de cesse que de réduire le nombre de modèles d’appareils en parc en étendant leurs capacités opérationnelles, et donc leurs couts, la Russie, dont on sait les moyens limités, continue de privilégier l’emploi d’appareils spécialisés, comme l’est le Su-34.

En effet, les Su-30SM et les Su-35s pourraient assurer les missions de frappe au sol, ils en ont les capacités. Pourtant, Moscou continue de commander des Su-34, optimisés pour ces missions, concomitamment aux Su-35s certes polyvalent, mais consacrés aux missions de supériorité aérienne. Cette décision est pourtant loin d’être dépourvue de sens.

En effet, s’il est relativement aisé d’équiper un chasseur polyvalent en fonction de la mission qu’il doit accomplir, il est beaucoup plus difficile de former des équipages très performants pour l’ensemble des missions.

Même en France, aujourd’hui, il existe des unités spécialisées pour la Défense aérienne, et des unités spécialisées dans l’attaque. Dès lors, le fait de disposer d’appareils spécialisés mis en œuvre par des équipages, eux aussi, spécialisés est loin d’être absurde, au contraire. En matière d’avions de combat, les limites de la polyvalence sont probablement à trouver davantage dans l’humain que dans la technologie…

Entre F15 et F35, Israël choisit les 2 !

Malgré un déficit public de l’ordre de 3,8% en 2019, les autorités militaires israéliennes ont annoncé deux nouvelles commandes d’avions de combat, pour équiper un nouvel escadron de F35i et un escadron de F15i, soit 25 appareils de chaque type, pour un montant dépassant les 3 Md$. Loin d’être une non-décision, l’Israelien Air Force considère que l’association des performances de ces deux appareils est la plus à même de répondre aux enjeux à venir dans la région.

C’est en 2010 qu’Israel passa une première commande de 19 F35i auprés des Etats-Unis, une version du F35A emportant certains équipements électroniques et armements d’origine israélienne. Une seconde commande de 14 appareils fut passée en en 2015, et les 17 derniers appareils pour atteindre l’objectif de 50 F35i en parc furent commandés en 2016. Aujourd’hui, l’IAF dispose de 20 F35i en ligne, et 7 nouveaux appareils seront livrés en 2020, permettant la mise en oeuvre du second escadron prévu.

F15i israel Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
L’importante autonomie et capacité d’emport du F15i représente un atout dont l’IAF ne veut pas se défaire

En 2018, face à l’augmentation des couts opérationnels autours de la mise en oeuvre des F35i, mais également des limitations de l’appareil en matière de capacité d’emport et de rayon d’action, l’IAF envisagea de commander, en lieu et place de 50 nouveaux F35i, un nombre équivalent d’une version modernisée du F15i, un appareil en service depuis la fin des années 70 dans ses unités, et dont les performances en matière d’allonge et de capacité d’emport correspondent exactement aux besoins israéliens pour mener des missions en profondeur, ou des frappes lourdes. Pendant deux années, les discussions allèrent bon train entre partisans du F35i, de sa furtivité et de ses capacités de détection et de fusion de données, et ceux qui privilégiaient la grande adaptabilité du F15i et sa non moins grande capacité d’emport de munitions et de carburant.

Il semble que les dernières évolutions politiques et opérationnelles au Moyen-Orient aient finalement facilité la prise de décision pour les autorités israéliennes. D’un coté, l’augmentation des tensions avec l’Iran nécessite effectivement un camion à bombe à long rayon d’action comme le F15i, capable en outre d’être profondément modifié et amélioré par l’industrie de défense israélienne. D’un autre coté, les missions opérationnelles et les exercices menés par l’IAF ont fini de convaincre Jerusalem de l’intérêt du F35i pour venir à bout des défenses anti-aériennes modernes comme les S-300 syriens et iraniens, mais également contre les S-400 russes et turcs.

Lanceurs du systeme S400 des forces de defense anti aeriennes russes Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les systèmes anti-aériens modernes comme le S-400 russe représente une menace très sérieuse pour l’IAF sur un théâtre aussi réduit que le Moyen-Orient

Surtout, l’IAF semble parier sur la complémentarité des deux appareils pour apporter, simultanément, une réponse à très forte valeur ajouté opérationnelle. Dans ce modèle, les F35i assureraient la détection, l’identification et la désignation des cibles, qu’elles soient terrestres, aériennes ou navales, alors que les F15i assureraient le transport des munitions et les frappes à distance de sécurité, de sorte à fournir une très importante puissance de feu.

Difficile de trouver à redire dans ce modèle. Chaque appareil est utilisé non seulement aux mieux de ses performances, mais également de son évolutivité. Ainsi, le F35i offre une capacité d’intégration des technologies israéliennes bien moindre que le F15i, notamment en matière de munition air-air ou air-sol. En effet, Lockheed n’autorise qu’un nombre limité d’accès au système du F35, restreignant dès lors les possibilités d’évolution domestique de l’appareil. En revanche, le système du F15 est beaucoup plus ouvert, permettant à l’industrie israélienne d’y intégrer toute sorte d’équipements de détection, de protection, de communication ainsi que de munitions. Il ne reste, dès lors, qu’à assurer la meilleure coopération possible entre les deux appareils pour profiter du meilleur des deux.

F 35I top Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Pour être furtif, le F35 doit n’emporter aucun armement ou réservoir supplémentaire sous la voilure,

Reste que le constat sur le F35 posé par Israel reste entier. L’appareil a certes des capacités uniques et matière de suppression des défenses anti-aériennes adverses, mais il a également de significatives limitations dès lors qu’il doit agir seul. Serait-ce ce constat qui amène l’US Air Force à augmenter son parc de F15 en commandant une flotte de F15EX, conçu comme le camion à bombe ultime ?

Airbus Helicopter place son H135 en Thaïlande et vise d’autres marchés en Asie

Partout dans le monde, les salons aéronautiques sont l’occasion d’annoncer des contrats majeurs et d’afficher face à la concurrence les listings impressionnants d’appareils vendus et livrés dans l’année. D’autres ventes, cependant, peuvent apparaître quasiment anecdotiques de par le volume concerné ou bien le montant du contrat. Ce qui ne les empêche pas forcément de revêtir une valeur stratégique, à la fois pour l’industriel vendeur et son pays d’origine. Et c’est justement le cas pour la vente de six hélicoptères légers Airbus Helicopters H135 vendus à la Thaïlande, et annoncée lors du Singapore Air Show la semaine dernière.

Ainsi, la Royal Thai Air Force (RTAF) a fait l’acquisition de six biturbines légers H135 qui seront exploités à partir de 2021 comme appareils d’entrainement, y compris pour la formation initiale des futurs pilotes militaires thaïlandais. Pour Airbus, il s’agit du onzième client militaire du H135, qui a cependant récemment échoué à convaincre l’US Navy, qui lui a préféré le monoturbine italien A.119 Koala.

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Contrairement à son grand frère H145 qui équipe l’US Army, le H135 n’a pas su séduire l’US Navy qui lui a préféré le A.119 monomoteur, plus économique pour des missions d’entrainement.

Localement, il s’agit surtout d’une occasion de renforcer les liens entre l’avionneur européen et les forces militaires thaïlandaises. D’ici l’année prochaine, la RTAF opèrera en effet une douzaine d’hélicoptères lourds H225M (Caracal dans les forces françaises) optimisés pour la recherche et le sauvetage au combat. Les forces aériennes et navales thaïlandaises mettent également en œuvre une dizaine de H145M et de UH-72 Lakota, la version fabriquée aux USA du H145M. Si les forces thaïlandaises sont historiquement équipées en hélicoptères américains, les achats récents portent le plus souvent sur des productions européennes –Airbus en tête– à l’exception notable de trois Sikorsky S-92 VIP et de la trentaine d’hélicoptères d’attaque ultralégers Boeing AH-6, sans équivalents sur le marché.

Dans ce contexte, la sécurisation du marché des appareils d’entrainement permet à Airbus de proposer une gamme de services étendus à l’ensemble des forces thaïlandaises, allant de l’entrainement au soutien opérationnel et logistique. Le but d’Airbus Helicopters est alors de créer un « écosystème hélicoptère » global permettant aux futurs pilotes et mécaniciens thaïlandais de maîtriser les produits Airbus de leur introduction dans l’armée jusqu’à la fin de leur carrière opérationnelle.

Une approche qui devrait permettre de diminuer encore les coûts de possessions unitaire en cas d’accroissement des flottes d’hélicoptères Airbus. L’hélicoptériste européen pourrait ainsi être bien positionné pour le futur renouvellement d’une partie des hélicoptères utilitaires Bell (modèles 206, 212, 412, 414, etc.) encore en service en Thaïlande, même si le Sikorsky S-70 Blakchawk ou encore les AW.139 et AW.149 de l’Italien Leonardo seront sans doute en embuscade sur ces futurs marchés.

airbus helicopters h135m light military helicopter france Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Airbus Helicopters propose des versions armées de son H135M, mais l’appareil séduit surtout les opérateurs militaires dans des missions de transport, de liaison et de reconnaissance légère.

Au-delà de la Thaïlande, l’enjeu pour Airbus Helicopters est aussi de faire monter en puissance ses succursales régionales afin d’être plus agressif sur le plan commercial, mais aussi de rationnaliser localement certains aspects de la logistique et du service client. Airbus propose ainsi de livrer des H225M supplémentaires à la Royal Malaysian Air Force pour le remplacement des Sikorsky S-61, arguant de l’argument économique d’une rationalisation de la flotte d’hélicoptères lourds autour de ce modèle. Face aux difficultés financières de la Malaisie, Airbus Helicopters pourrait d’ailleurs bien proposer une solution de leasing à court terme, basée sur des cellules d’occasion de la variante civile du H225.

Enfin, toujours dans le cadre du Singapore Air Show, Airbus Helicopters aurait également communiqué sur ses intentions renouvelées sur le marché indien, où les appels d’offres se multiplient. Les gardes côtes indiens sont ainsi à la recherche de 14 hélicoptères de sauvetage lourds, un domaine dans lequel le H225M excelle, malgré une rude concurrence du Sikorsky S-92. Deux autres contrats, bien plus ambitieux en terme de volumes, impliquent des partenariats de production sous licence dans le cadre du Make In India. Il s’agit du contrat Naval Utility Helicopter pour 111 appareils et du Naval Multirole Helicopter, pour 123 hélicoptères. Pour le premier, Airbus pourrait proposer une variante du H145M ou bien une production sous licence de l’indémodable H155 Panther/Dauphin, déjà largement vendu en Corée du Sud (et copié par l’industrie chinoise). Pour le second, c’est encore et toujours le H225M qui est proposé.

Dans le contexte actuel, il est cependant peu probable que tous ces appels d’offres arrivent à terme. Fort de ses succès régionaux, Airbus Helicopters continue cependant d’accroître ses investissements dans la région Asie-Pacifique. Ce qui devrait lui ouvrir la voie à de nouveaux contrats militaires dans les années à venir, notamment dans le cadre du renouvellement des importantes flottes vieillissantes d’appareils logistiques.

L’Europe serait incapable de faire face à la Russie sans les Etats-Unis, selon le Munich Security Report

Chaque année, à l’occasion de la conférence sur la sécurité de Munich, un rapport est publié pour mettre en exergue les points clés de la sécurité mondiale. Le rapport de cette année, comme toujours très riche, s’attarde notamment sur l’évaluation des moyens militaires dont disposerait effectivement les membres de l’OTAN si les Etats-Unis venaient à s’en retirer, dans le cas d’une agression militaire russe contre certains pays baltes et la Pologne. Et les conclusions attestent d’un écart flagrant entre les moyens disponibles en Europe et ceux jugés nécessaires par le commandement intégré de l’Alliance Atlantique.

Les forces terrestres sont, comme on pouvait s’y attendre, très exposées à ce déficit capacitaire. Ainsi, que les 33 brigades blindées ou mécanisées nécessaires pour défendre le théâtre d’opérations, les européens ne seraient capables d’en aligner que 26, alors que les 20 bataillons d’artillerie de 155mm mobilisables ne représentent que 60% des 36 bataillons requis. La plus importante faiblesse des forces terrestres européennes est, sans surprise, dans le domaine de la défense anti-aérienne. En effet, selon l’OTAN, elle ne disposera d’aucun bataillon de défense anti-aérienne, créant un déficit de 26 bataillons équipés de missiles à longue portée (PAtriot, Aster), et de 36 bataillons équipés de missiles à courte portée. En d’autres termes, les 26 brigades dont disposerait l’OTAN ne bénéficierait d’aucune défense anti-aérienne autre que les missiles épaulés comme le Stinger ou le Mistral.

Leopard 2 norvege Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Alors que l’Europe héberge 3 des meilleurs groupes industriels mondiaux en matière de chars de combat, elle ne dispose que de la moitié des chars lourds dont dispose les forces russes.

Le volet naval n’est guère mieux loti, avec seulement 16 des 32 destroyers anti-aériens, 6 des 10 destroyers à vocation anti-sous-marine, 3 des 5 sous-marins nucléaires d’attaque et 1 des 2 porte-avions nécessaires pour protéger la zone de la Baltique, de la Mer du Nord, et les zones périphériques. On notera que les corvettes, les sous-marins d’attaque à propulsion conventionnelle ou les navires d’assaut n’apparaissent pas dans le tableau présenté. Il est probable qu’il s’agissait de mettre en valeur les plus importantes lacunes, et que dans ces domaines, la dotation et la disponibilité des forces européennes reste satisfaisante. Enfin, concernant les forces aériennes, l’OTAN prévoit de ne disposer que de 264 des 580 avions de combat nécessaires et de 27 des 66 avions de patrouille maritime requis pour répondre aux besoins. En revanche, le nombre de drones de reconnaissance semble presque satisfaisant, avec 51 systèmes MALE ou HALE en parc sur les 66 requis. Là encore, les besoins en terme d’avions ravitailleur, de transport ou d’alerte aérienne avancée sont probablement couverts par les moyens effectivement requis pour le scénario traité.

Rafale Typhoon Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Même en matière de force aérienne, pourtant le point fort occidental, les forces armées européennes seraient sous-dimensionnées vis-à-vis des besoins de l’OTAN si les Etats-Unis venaient à se retirer.

Si les modes de calcul et les hypothèses d’un tel scénario sont naturellement discutables, d’autant qu’elles sont peu explicitées dans le rapport, les ordres de grandeurs restent, en revanche, parfaitement valables. En effet, dans le cas d’une attaque contre des membres de l’OTAN, surtout dans un cadre qui peut apparaitre limité, comme celui choisit dans le présent scénario (créer une continuité territoriale avec l’enclave de Kaliningrad en l’occurence), la majorité des gouvernements européens ne dépêcheront, dans le cadre de l’OTAN, qu’un nombre limité de forces, de sorte à maintenir une capacité défensive suffisante si le conflit devait s’étendre. Ceci explique probablement pourquoi aucun des systèmes anti-aériens à longue portée français, Italiens, allemands ou grecs n’est comptabilisé dans le présent modèle.

En outre, l’ensemble des forces européennes est conçu selon un format théorique optimisé au plus juste, de sorte à réduire les couts sur les budgets publiques. Or, les armées ne sont jamais en capacité de mobiliser effectivement plus de 20 à 25% de leurs effectifs théoriques sans un délais très conséquents. Ceci explique le nombre de sous-marins nucléaires limité 3 sur les 12 en service en France et en Grande-Bretagne, ou de l’unique porte-avions aligné sur les 5 navires de ce type présent en Europe.

La fregate de defense aerienne Forbin de la Marine Nationale issue du programme franco italien Horizon Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les Marines européennes disposent de prés d’une trentaine de destroyers et frégates spécialisées dans la lutte anti-aériennes, comme les 2 frégates Horizon de la Marine Nationale

Ce scénario, et plus globalement ce rapport, font écho aux déclarations du président allemand, Franck-Walter Steinmeier, en réponse à l’offre de son homologue français Emmanuel Macron concernant l’extension de la dissuasion française en Europe. Il jugeait en effet que l’Europe n’était, aujourd’hui, et encore pour longtemps, incapable d’assurer seule sa protection. Les valeurs présentées dans le rapport démontre qu’en effet, les forces armées européennes sont, en moyenne, sous-dimensionnées de 50% vis-à-vis des forces nécessaires pour assurer une posture de dissuasion conventionnelle efficace face à la Russie.

Cela démontre également qu’en cas de retrait américain de ses engagements vis-à-vis des Européens, la seule défense effective du continent reposerait sur les arsenaux nucléaires français et britanniques. Reste à savoir, cependant, si le fait de faire reposer la sécurité des européens sur les seuls arsenaux nucléaires ne constitue pas également une grande faiblesse, en éliminant toute capacité de riposte conventionnelle graduée efficace. En d’autres termes, si un tel scénario venait à arriver, l’Europe, et en particulier la France et la Grande-Bretagne, n’auraient que deux choix devant eux : abandonner à la Russie ses revendications territoriales, ou entrer dans une logique de destruction mutuelle assurée. Difficile dans ces conditions de convaincre l’Allemagne, ou la Pologne, de tourner le dos à le protection US, qui elle s’accompagne d’un important déploiement (potentiel) de forces conventionnelles.

Lanceur de missile Aster30 du systeme anti aerienne franco italien SAMPT Mamba Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les pays disposant de systèmes anti-aériens à longue portée, comme le SAMP/T Mamba français, les garderont probablement pour protéger le territoire national en cas de conflit majeur

Dès lors, si les autorités françaises veulent effectivement tenter de convaincre les européens, ou certains d’entre eux, de la pertinence d’une défense européenne autonome, elles devront, en amont, être en mesure de proposer une alternative à la protection américaine, et ce sur le plan conventionnel comme en matière de dissuasion. Et il faudra pour cela bien davantage que 200 chars Leclerc, un unique porte-avions et moins de 250 avions de combat …

Les catapultes électromagnétiques du nouveau porte-avions USS Gerald R. Ford enfin validées

Le 11 février dernier, l’industriel américain General Atomics annonçait avoir validé l’usage de ses catapultes électromagnétiques (EMALS – ElectroMagnetic Aircraft Launch System) ainsi que de sa nouvelle génération de brins d’arrêts (AAG – Advanced Arresting Gear) à bord du porte-avions USS Gerald R. Ford à la fin du mois de janvier. Pour ce faire, une campagne d’essais de compatibilité a été effectuée avec l’US Navy, qui a procédé à bord de l’USS Ford au catapultage et à l’appontage de l’ensemble de sa flotte actuelle d’avions embarqués.

Au large des côtes américaines, c’est donc une véritable petite armada qui s’est mise en marche vers le porte-avions CVN-78, composée d’avions de combat F/A-18E/F Super Hornet, d’avion de guerre électronique EA-18G Growler, d’avion de veille avancée E-2D Hawkeye, d’appareil de transport C-2A Greyhound ainsi que de petits biplaces d’entrainement T-45C Goshhawk. D’après les images diffusées par l’US Navy, les essais se sont effectués dans des configurations lourdes représentatives d’une utilisation au combat.

T 45C Goshhawk emals uss gerald ford Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
T-45 d’entrainement prêt pour un catapultage à bord du CVN-78. Avec l’arrivée des EMALS, ç’en sera définitivement terminé de l’ambiance brumeuse typique des ponts d’envol de porte-avions dotés de catapultes à vapeur.

Pour la direction des systèmes électromagnétiques de General Atomics, cette campagne en conditions réelles marque la fin des essais sont la direction de l’industriel, et constitue une des dernières étapes devant conduire à la mise en service opérationnel du porte-avions. Dans les mois qui viennent, l’US Navy devra ainsi valider l’ensemble de ses procédures sur le pont d’envol et procéder à plusieurs milliers de cycles appontage/catapultage afin de valider la pleine capacité opérationnelle du porte-avions.

Sur le plan technique, les systèmes EMALS et AAG constituent une véritable rupture qui justifie, à elle seule, la transition de la classe des porte-avions Nimitz à celle des Ford, basées sur une coque commune. Traditionnellement, les avions embarqués sont propulsés hors de la piste d’envol par le biais de catapultes à vapeur. Lors de l’appontage, un crochet suspendu sous leur ventre vient capturer un brin d’arrêt qui freine l’avion par le biais de systèmes hydrauliques complexes. Avec EMALS et AAG, General Atomics propose de remplacer la vapeur et l’hydraulique par des systèmes électromagnétiques. Moins encombrants, théoriquement plus résistants et plus faciles à entretenir, les dispositifs électromagnétiques permettent surtout des catapultages et des récupérations d’avion plus doux, moins brusques. Les accélérations et décélérations se font de manière plus progressive, même si les vitesses de sortie de catapultes et les distances d’arrêt à l’appontage sont les mêmes.

Super Hornet tanker USS Gearld Ford EMALS Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Super Hornet en configuration ravitailleur prêt au lancement sur l’USS Gerald Ford. Les essais conduits en janvier ont permis de valider le lancement de différents modèles d’avions avec différents types d’emports sous les ailes.

Pour les avions existants, cela devrait permettre de diminuer l’usure sur les cellules et de réduire la fatigue des équipages. Les futures conceptions d’aéronefs navals pourront également tenir compte de ces contraintes réduites, et voir leur cellule allégée par rapport aux avions actuels. Mais, surtout, la souplesse offerte par ces systèmes devrait permettre à l’avenir d’opérer des aéronefs beaucoup plus légers depuis des porte-avions lourds, ce que des catapultes à vapeur trop brusques ne permettent pas. A terme, les porte-avions équipés d’EMALS seront ainsi à même d’opérer différents types de drones de toutes tailles, dont les fameux « Loyal Wingmen » et autres « Remote Carriers » conceptualisés aussi bien aux États-Unis qu’en Europe et destinés à accompagner les avions de combat dans les raids à longue distance.

Déplaçant plus de 100000 tonnes, le CVN-78 Gerald Ford est le premier et seul bâtiment de guerre en service actif équipé de tels équipements. Et, comme bien souvent avec les ruptures technologiques, les EMALS et AAG ont connus –et connaissent vraisemblablement encore– leur lot de problèmes, notamment en matière de fiabilité. Avec les problèmes de radar et d’ascenseurs à munitions de l’USS Ford, ces soucis de fiabilité pourraient ainsi contribuer à retarder encore un peu la fin de la phase initiale d’essais opérationnels du bâtiment. Un deuxième porte-avions, le USS John F. Kennedy (CVN-79), a été lancé à la fin de l’année dernière, et la classe Ford devrait comprendre quatre bâtiments d’ici la fin de la décennie, avec l’USS Entreprise (CVN-80) et l’USS Doris Miller (CVN-81).

Un E2 C Hawkeye pret a etre catapulter sur le pont du Porte avions nucleaire francais Charles de Gaulle Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Le porte-avions Charles de Gaulle est équipé de deux catapultes à vapeur de 75m de fabrication américaine. Le ou les prochains porte-avions français pourraient emporter des catapultes EMALS de 90m similaire à celle de la class Ford américaine.

Néanmoins, dans les années à venir, les EMALS devraient se retrouver sur un nombre bien plus élevé de bâtiments, ailleurs que dans l’US Navy. Ainsi, n’ayant aucune expérience en matière de catapultes navales, la Chine a entrepris de développer et tester simultanément des technologies de catapultes à vapeur et électromagnétiques pour ses futurs classes porte-avions (les deux porte-avions chinois actuels utilisent un tremplin pour lancer leurs avions). A priori, la solution électromagnétique aurait été privilégiée : si elle est plus complexe à développer, elle est également moins encombrante et plus simple à intégrer, et permettra de réduire les contraintes mécaniques sur les avions catapultés et drones embarqués qui restent également à développer à partir de zéro.

Enfin, dans le dossier de renouvellement du porte-avions Charles De Gaulle, la France pourrait bien faire appel à des catapultes EMALS pour équiper son ou ses futurs porte-avions. Contrairement à la Chine, néanmoins, il ne serait pas ici question de développer localement une telle technologie mais d’acheter sur étagère des catapultes –et probablement des systèmes d’arrêt AAG– auprès de General Atomics. On notera aussi que l’industriel américain présente régulièrement ses solutions EMALS et AAG auprès de clients potentiels, notamment l’Inde mais aussi le Brésil ou encore le Japon, comme nous l’avions analysé au mois de décembre. Si l’Inde était longtemps perçue comme le seul client crédible après la France, les perspectives à court terme d’un porte-avions indien équipé de catapultes semblent désormais s’éloigner drastiquement.

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En théorie, l’architecture EMALS présente un volume restreint et permet de catapulter une large gamme d’appareils, permettant d’envisager l’intégration de catapultes sur des porte-aéronefs de petite dimension.

A moyen terme, les États-Unis, la Chine et la France pourraient bien être les seules nations dotées de porte-avions avec des catapultes EMALS, et d’ailleurs avec des catapultes tout court. De quoi offrir une souplesse opérationnelle qui viendrait, une fois encore, creuser l’écart opérationnel entre les aéronavales équipées de véritables porte-avions et celles dotées de porte-aéronefs munis de tremplins, comme l’Italie, l’Espagne, la Russie ou le Royaume-Uni.

La Russie alignera une force de 900 chars T14 et T90M d’ici 2027

Lors de la présentation officielle du char de combat de nouvelle génération T14 Armata, le 9 mais 2015 à l’occasion de la parade militaire pour la célébration des 70 ans de la victoire lors de la Grande Guerre Patriotique contre la nazisme, les autorités russes avaient annoncé que les forces nationales aligneraient 2000 chars « modernes » d’ici 2020. Dans un petit jeu du téléphone arabe, les traductions approximatives en plus, cette information fut interprétée en occident comme l’ambition d’aligner 2000 de ces chars de nouvelle génération à la fin de la décennie, ce qui paraissait pourtant hors de propos eu égard à la loi de programmation en cours qui prenait fin en 2018. Les autorités militaires russes faisaient en réalité référence à des versions modernisées de ses chars T72B3 et T80BV, respectivement les T72B3M et le T80BVM, et effectivement, fin 2020, le nombre de ces blindés modernisés en service dans les unités russes sera proche de 2000.

L’annonce faite cette semaine par le Ministère russe de La Défense concerne bien, cette fois, le T14 Armata, ainsi que la version modernisée du T90, le T90M. Selon les autorités russes, et en conformité avec la GPV 2019-2027, les forces russes aligneront, en 2027, 900 chars « réellement modernes », à savoir 500 T14 et 400 T90M, venant dès lors renforcer les 2000+ T72 et T80 modernisés déjà en service, ou qui seront livrés d’ici peu. Cette annonce apparait comme étant cohérente avec les ressources budgétaires planifiées, les ressources humaines disponibles et les besoins des forces armées russes.

T90M russe Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les 400 T90A en service dans les forces russes vont être porté au standard T90M, empruntant de nombreuses technologies au T14 Armata

Disposant d’une optronique et d’une électronique parfaitement moderne, le T90M est une version modernisée du T90A dont 400 exemplaires sont en service dans les forces russes. A ce titre, il s’agira pour l’immense majorité des unités de chars modernisés, bien qu’il semble que 15 à 20% de la nouvelle flotte soit composée de nouveaux blindés. Le T90M représente, en quelque sorte, une version « Armatisée » du blindé, par l’emploi du canon 2А82-1М de 125 mm et du système de visé Kalina, d’une part importante des systèmes optronique et de communication, et des systèmes de protection active Afghanit, tous développés pour le T14. Ainsi équipé, le T90M sera parfaitement à niveau des versions les plus évoluées des chars occidentaux, comme le Leopard 2A7, l’Abrams M1A2 ou le Leclerc MLU.

Le T14 Armata, dont les premiers exemplaires ont été livrés fin 2019 aux forces russes, est le premier représentant d’une nouvelle génération de chars de combat, très automatisés, et conçus pour opérer dans l’environnement de haute intensité du futur. La tourelle mettant en oeuvre le canon 2А82-1М est ainsi entièrement automatisée, et l’équipage de 3 membres est positionné dans une capsule de survie blindée séparée des munitions et du moteur, ceci augmentant grandement leurs chances de survie si le blindé venait à être percé. Son moteur de 1200 cv avec une option de super charge permettant de passer temporairement à 1500 cv offre un rapport puissance-poids de presque 30 cv par tonne, et le blindé dispose d’un nouveau blindage associant une protection passive et réactive haute performance, et le système de protection active Afghanit. Eu égard aux informations disponibles, et en admettant que le blindé aura solutionné les problèmes de fiabilité rencontrés lors des essais, le T14 Armata sera très probablement le char de combat le plus performant sur l’ensemble de la décennie 2020-2030, et peut-être même au delà, jusqu’à l’entrée en service du MGCS franco-allemand à partir de 2035.

Le T72B3M est aujourdhui le principal char de combat moderne utilise par les forces russes Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Le T72B3M est une version largement modernisée du T72B3 en service dans les forces russes.

La quantité de chars T14 prévus sur la GPV 2019-2027 offre une vision du format global de la force russe dans l’avenir. En effet, les 500 T14 vont permettre de mettre en place une ligne d’assemblage de 70 chars par an, soit une force cohérente de 2100 chars sur 30 années, auxquelles il conviendra d’ajouter les 400 T90M. En d’autres termes, la Russie prévoit de maintenir une force de 2500 chars de combat dans les décennies à venir, soit peu ou proue le nombre de chars lourds que l’OTAN peut espérer aligner en cas de conflit en 2040. En outre, les 900 T14 et T90 qui seront en parc en 2027 correspondent au nombre de chars modernes effectivement détenus par les pays européens à cette date.

En revanche, les forces russes continueront de disposer d’un rapport de force favorable du fait des 2000 T72 et T80 modernisés qui constitueront le corps de bataille de sa force, la ou les T14 et T90M constitueront les unités de rupture, soit plus de deux fois le nombre de chars de combat effectivement présents en Europe pour les 10 années à venir. A cela s’ajoute une artillerie mobile 6 fois plus dense, et une défense anti-aérienne plus de 20 fois plus importante, sans tenir compte du fait que les membres de l’alliance seraient, en cas de conflit en Europe, évidemment tentés de conserver une partie de leurs forces pour protéger leurs infrastructures et ressortissants. En d’autres termes, en l’absence d’un profond changement de format des forces armées de la part d’au moins une partie des pays européens, la Russie disposera d’un rapport de force très favorable en Europe en matière de force blindée pendant au moins les 20 prochaines années. Une performance remarquable pour un pays pourtant 4 fois moins peuplé et 12 fois moins riche que l’Union européenne.

L’hélicoptère russe Ka-52M Alligator pourrait recevoir des « missiles de croisière » légers

D’après la presse russe, citant des sources du complexes militaro-industriel, le programme de modernisation de l’hélicoptère de combat Ka-52 Alligator, le Ka-52M, pourrait comprendre l’intégration d’un « missile de croisière » air-sol pouvant porter jusqu’à 100km. L’information a de quoi surprendre, mais éclaire néanmoins sur les intentions de l’armée russe vis-à-vis de cette nouvelle variante du Ka-52, qui pourrait être commandée prochainement à près de 114 exemplaires à livrer d’ici la fin de la décennie.

A l’origine, le Kamov Ka-50 monoplace et le Ka-52 biplaces ont été imaginés à la fin de la Guerre Froide afin de succéder au mythique Mil Mi-24 Hind, et étaient présentés en concurrence avec le Mil Mi-28N Havoc. Au fil des années, les armées russes ont fini par ne pas opter pour un unique successeur : le Mi-24 a été modernisé en Mi-35 et les forces armées russes ont reçu à la fois le Mi-28N et le Ka-52 biplaces, dont 146 appareils furent commandés en 2011.

Ka52M Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Le Ka-52M devrait être doté de capteurs intégralement modernisés, d’une nouvelle suite de guerre électronique et de nouveaux armements air-sol et air-air, notamment des missiles à longue portée.

Si le Mi-28 reprend une architecture classique et une doctrine opérationnelle proche de celle du Mi-24, avec un blindage épais lui permettant de soutenir des combats rapprochés prolongés, la conception du Ka-52 est plus originale et rapproche son utilisation de celle d’un avion d’attaque. Ainsi, l’appareil est doté d’une configuration à double rotor lui offrant une excellente maniabilité malgré ses 10 tonnes en charge, d’un canon de 30mm dans l’axe, d’un radar de nez et de six points d’emport, contre quatre pour le Mi-28N. Moins blindé que le Mi-28N, le Ka-52 dispose cependant d’une suite de protection électronique bien plus étoffée. De quoi en faire un redoutable appareil de reconnaissance armée, de pénétration des lignes ennemies et de soutien aérien.

Comme le Havoc, l’hélicoptère de combat de Kamov a su démontrer ses qualités au combat, notamment en Syrie où il s’est fait une réputation de plateforme antichar stable et fiable. Suite à l’évaluation opérationnelle des deux appareils en Syrie, le Ministère de la Défense russe annonçait en juin dernier une commande d’une centaine de Mi-28NM, une version modernisée du Mi-28N dotée d’un radar de mât et de nouveaux missiles air-sol à longue portée, les Izd.305 (article 305), destinés à détruire des chars à plus de 25km. Parallèlement, la décision a été prise de développer une variante modernisée de l’Alligator, une commande d’environ 114 exemplaires étant attendue pour 2020.

izd.305 mi 28 Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les images floutées dévoilées par la télévision russe laissent entrevoir un Izd.305 assez compact, mais néanmoins plus massif qu’un missile anti-char conventionnel. Selon le profile de vol, la charge et le volume de l’autodirecteur, une portée supérieure à 60 ou 70km pourrait être atteinte, à condition qu’il s’agisse bien du même missile que celui destiné au Ka-52M

D’après des sources concordantes, ce futur Ka-52M devrait ainsi disposer d’un nouveau radar à antenne active AESA, d’un système optronique à longue distance amélioré ainsi que d’un cockpit modernisé et plus ergonomique. Enfin, il a été annoncé ces derniers jours que l’hélicoptère embarquerait un nouveau « missile de croisière » d’une portée de 100km, désigné ici encore Izd.305. Une situation déroutante qui contredit les informations dévoilées au sujet du Mi-28NM et que nous avions analysées l’année dernière.

En effet, des images (floutées) avaient révélées les premiers essais d’emport du Izd.305 sur Mi-28 Havoc, et le missile avait alors été présenté comme un vecteur antichar doté d’une portée de plus de 25km, également apte à la destruction de cibles fixes durcies. Concernant les annonces au sujet du Ka-52M, plusieurs hypothèses peuvent être envisagées :

  • Il est possible que le mini-missile de croisière prévu pour le Ka-52M diffère du Izd.305 déjà évoqué pour le Mi-28NM. A l’instar de ce qui était prévu avec le missile Hermes-A, aujourd’hui abandonné, il pourrait exister une version antichar de base portant à une vingtaine de kilomètres ainsi qu’une version plus grande dotée d’un second étage de propulsion permettant au missile d’atteindre les 100km de portée. Plus simplement, il se pourrait qu’une même enveloppe serve à créer deux variantes d’un même missile, la version longue portée troquant une partie de sa charge utile contre plus de carburant.
  • Enfin, il se pourrait qu’il s’agisse effectivement d’un même et unique missile Izd.305, mais dont la portée opérationnelle viendrait à varier selon l’usage. De fait, un missile tiré à basse altitude contre une cible manœuvrante  détectée par l’hélicoptère n’aura pas la même porté qu’un engin similaire tiré à haute altitude contre une cible fixe (désignée par des moyens extérieurs) avec une période non négligeable de vol en mode balistique. Cependant, entre un missile « dépassant les 25km » et un autre « allant jusqu’à 100km », il existe un delta particulièrement important, appelant à une grande prudence.
  • On peut alors imaginer une erreur de communication, dans un sens ou dans l’autre, voire un flou volontairement entretenu afin de garder secrètes les performances du ou des missiles. De fait, les images floutées semblent évoquer un missile assez volumineux qui pourrait sans doute atteindre les 100km en vol lobé étant donné la portée de missiles similaires, même si tout dépendra du volume accordé à la propulsion au sein de sa cellule.

Qu’il s’agisse d’un unique missile ou de deux variantes d’une même famille de missiles, les communications officielles depuis l’année dernière tendent cependant à éliminer l’hypothèse d’un développement parallèle de deux missiles radicalement différents.

kamov ka 52 Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
En théorie, le Ka-52 peut déjà embarqué des missiles lourds Kh-29, dont la portée varie de 10 à 30km selon la variante. La charge offensive du Kh-29 reste cependant particulièrement importante, et un missile d’un volume similaire avec une charge optimisée pour la lutte anti-char pourrait disposer d’une portée bien supérieure.

Quoi qu’il en soit, néanmoins, même une portée limitée à 25km reste particulièrement impressionnante pour un hélicoptère de combat. La référence occidentale en matière de missiles antichars, l’AGM-114 Hellfire, ne porte qu’à environ 8km. Le missile britannique Brimstone 2, proposé mais jusqu’à présent jamais intégré sur hélicoptère de combat, est évoqué comme ayant une portée d’environ 30km depuis un hélicoptère malgré sa compacité. Opérationnellement, un missile antichar de plus de 25km de portée permettrait aux hélicoptère russes d’opérer bien au-delà de la portée des systèmes de défense anti-aérienne à courte portée de l’OTAN. Pire encore, si une portée de 100km était confirmée, couplée aux capacités de vol tactique des hélicoptères de combat, cela permettrait aux Ka-52M de se confronter directement à un grand nombre de systèmes de défense sol-air de longue portée !

Ainsi, la Russie s’apprête à recevoir dans la décennie près de 200 hélicoptères de combat lourds modernisés, sans même parler des nouveaux Ka-52K navalisés destinés à ses deux futurs porte-hélicoptères. De plus, il y a fort à parier que les Ka-52M et Mi-28NM seront largement présents sur les marchés d’exportation, comme les versions précédentes. De quoi militer encore une fois pour la création de systèmes de défense anti-aérienne à moyenne portée occidentaux, mais aussi pour le renforcement des systèmes SHORAD (défense aérienne à courte portée), notamment à bord de véhicules mobiles pouvant se positionner dans l’axe d’approche des principales menaces héliportées.

Maquette de lIM SHORAD americain Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Le IM-SHORAD vendu par General Dynamics à l’US Army met en oeuvre des missiles Stinger et Hellfire, apte au tir anti-hélicoptère, ainsi qu’un canon de 30mm sur une base de véhicule Stryker. La bulle de protection offerte reste cependant bien faible par rapport aux équivalents russes, mais aussi face aux nouveaux missiles héliportés.

En France, la situation de la défense sol-air basse et médiane est d’autant plus regrettable que l’industrie locale dispose d’excellentes bases en la matière, avec notamment le missile léger Mistral 3 mais aussi l’hélicoptère de combat Tigre, particulièrement bien taillés pour la lutte anti-hélicoptère, mais commandé en trop peu d’exemplaires.

Qui est à la manoeuvre pour décrédibiliser Naval Group en Australie ?

Il y a 3 semaines, un rapport de l’agence nationale d’audit australienne, ou ANAO, l’équivalent de la Cours des comptes en France, rendait un rapport portant plusieurs remarques et interrogations concernant le programme de Naval Group pour la conception et la construction de 12 sous-marins Shortfin Barracuda. Ces rapport fut rapidement mis en scène par l’opposition travailliste comme un argument politique, obligeant le gouvernement conservateur à préciser les tenants et aboutissants du programme, et ce par deux reprises. Mais loin d’y avoir mis fin, il semble que désormais, une grande partie de la presse australienne, spécialisée ou non dans les questions de Défense, prennent fait et cause contre le programme actuel.

Il faut dire que le contrat SEA 1000 était, pour le groupe naval Kockums, un des derniers grands contrats pouvant sauver le groupe à moyen terme, du fait de la baisse sensible des commandes prévisionnelles nationales dans les deux décennies à venir. Kockums avait en effet conçu et fabriqué les 6 sous-marins de la classe Collins, entre 1990 et 2003. Ces navires de 3300 tonnes en plongée ont donné satisfaction à la Marine australienne, et jouissent à ce titre d’une excellente réputation dans le pays. Or, le groupe suédois a été écarté des 3 entreprises autorisées à concourir, car n’ayant plus conçu de sous-marins depuis 20 ans, et n’ayant jamais conçus de navire de la taille de la nouvelle classe du programme SEA 1000.

Collins sous marins australie Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les 6 sous-marins de la classe Collins ont été conçus par le Suédois Kockums et construits par les chantiers navals ASC à Adelaide.

Le fait est, et de manière systématique désormais, les articles traitant du programme SEA 1000, et notamment du rapport de l’ANAO, reviennent presque systématiquement sur 2 points. Le premier est un certain manque de sincérité du gouvernement actuel sur les délais et couts supplémentaires liés au programme, le second pour rappeler que Kockums est un partenaire fiable, qui serait probablement préférable au groupe français pour ce programme. Jamais il n’est fait référence à l’allemand TKMS ni au japonais Mitsubishi, les deux autres groupes qui participèrent à la compétition SEA 1000. Ce systèmatisme commence, dès lors, à interroger quand à savoir si, en substance, un groupe de pression proche de Kockums ne serait pas à la manoeuvre dans ce dossier.

Car, quoiqu’en dise le gouvernement australien aujourd’hui, l’avenir du contrat est loin d’être assuré. La raison en est simple : les élections législatives de 2022. En effet, la majorité actuelle est aujourd’hui au coude à coude dans les sondages d’opinion avec l’opposition de gauche, qui a fait de ce programme un argument de campagne. Or, le matraquage médiatique subi par l’opinion publique australienne concernant ce programme, en grande majorité avec un biais hostile vis-à-vis de la solution proposée par Naval Group, entraine son glissement sensible vers des positions négatives. Ainsi, sur les réseaux sociaux, bien peu de voix s’élèvent pour tenter de défendre le programme actuel, alors que le déferlement de positions hostiles est, lui, massif.

Shortfin Barracuda pumpjet Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Le pumpjet du Shortfin Barracuda permet au navire de maintenir une vitesse de patrouille silencieuse supérieure à 12 noeuds, un atout de taille dans la problématique australienne

Les deux communiqués du gouvernement Australien, pour tenter de contenir le mécontentement croissant, n’ont pas eu les effets escomptés. En effet, manquant de substance, et d’arguments objectifs et incontestables, ils ont rapidement été décrédibilisés par des éléments de langages habilement distillés dans quelques articles et repris par beaucoup de médias. C’est d’ailleurs ici qu’apparait le plus souvent de manière explicite Kockums comme une alternative forte à propos. Quand à la communication de Naval Group, elle reste très distanciée de la polémique actuelle, tant par tradition française que pour ne pas interférer avec la communication gouvernementale. Reste que la polémique, loin de se tasser comme l’espérait le gouvernement australien, ne cesse de rebondir, chaque rebond érodant un peu plus l’image du programme et du groupe français. Dans ces conditions, si l’opposition travailliste venait à remporter les élections de 2022, les risques seraient très importants pour la pérennité du programme.

Pourtant, Naval Group pourrait présenter les atouts de son offre et ses technologies, sans pour autant interférer avec la communication gouvernementale. Ainsi, le sous-marin Shortfin Barracuda est optimisé pour une vitesse de patrouille silencieuse supérieure à 12 noeuds, là ou les autres sous-marins, y compris suédois, sont optimisés pour des vitesses de l’ordre de 6 noeuds. Or, si cette vitesse convient en mer Baltique, qui ne fait que 1600 km de long pour 250 km dans sa plus grande largeur, elle devient beaucoup plus handicapante lorsqu’il s’agit de protéger les presque 30.000 km de cotes australiennes. Dans ce domaine, la vitesse est un atout stratégique, qui a pesé dans la décision finale. Naval Group aurait bien d’autres arguments à faire valoir, comme les opportunités industrielles qui se développent autour du programme, ou l’exécution exemplaire de nombreux programmes, et ce malgré de grandes difficultés politiques, technologiques et économiques. Toujours est-il que sans porter à la connaissance de l’opinion publique australienne ces informations différenciées, il semble désormais difficile de redorer le blason de Naval Group comme du Shortfin Barracuda en Australie pour en désactiver le potentiel politique et électoral à moyen terme.

En matière de dissuasion, l’Allemagne privilégie la protection US à un partenariat avec la France

Le 7 février 2020, à l’occasion d’un discours donné devant les stagiaires de l’Ecole de Guerre, le président français, Emmanuel Macron, a voulu ouvrir une opportunité de négociation au niveau européen en proposant d’entamer des discussion avec les partenaires européens qui le souhaitent, pour étendre la doctrine de dissuasion française à ces partenaires. Il semblait évident que cette ouverture d’adressait en priorité à Berlin, partenaire privilégié de la France en matière de projets de Défense depuis l’arrivé d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Mais visiblement, les autorités allemandes ont des ambitions toutes autres …

En effet, par la voix du président allemand Frank-Walter Steinmeier, Berlin a répondu au président français, d’une façon bien différente que celle espérée. A l’occasion de la conférence annuelle sur la Sécurité de Munich, ce dernier a en effet rappelé que toute initiative européenne ne devait en aucun cas venir altérer le lien transatlantique en matière de dissuasion, même si il convenait de profiter de l’offre française pour approfondir les discussions en matière de renforcement européen. En d’autres termes, pas question pour les autorités allemandes de se passer de la protection américaine, même si celle-ci s’accompagne des excès d’autorité dont Washington est désormais coutumière depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Selon lui, aucun pays, pas même l’Union européenne, ne sera en mesure d’assurer la sécurité de l’Allemagne avant longtemps. La ministre des armées allemandes, Annegret Kramp-Karrenbauer, a tenu le même discours, de façon très explicite, en précisant que la France ne proposait pas de passer la dissuasion sous commandement européen.

Annegret Kramp Karrenbauer Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre allemand de La Défense et ex dauphine de la chancelière A. Merkel, a clairement borné les axes de négociation de l’Allemagne, qui souhaite le passage de la dissuasion française sous contrôle européen.

Dans le même temps, Berlin a une nouvelle fois fait des annonces bien peu favorables à Paris, en indiquant être prêt à participer à une initiative européenne navale dans le Golfe persique, si tant est que la mesure devenait européenne. Or, pour l’heure, il s’agit d’une initiative française, rassemblant plusieurs autres pays, dont le Danemark et les Pays-bas, en vue de sécuriser le trafic commercial dans cette zone hautement sous tension. Les autorités allemandes ont d’ailleurs indiqué être en faveur de l’envoi de moyens de surveillance, et non de navires de guerre, de sorte à ne pas apparaitre comme belliqueux. Ces déclarations interviennent au lendemain de l’accord sous condition donné par le Bundestag en faveur de la poursuite de la première phase du programme SCAF, et qui s’accompagnait de mesures conservatoires fortes pouvant être perçues comme une réserve glissant vers une réelle défiance vis-à-vis de Paris.

En une semaine, ce sont donc trois annonces pour le moins défavorables tenues par le partenaire allemand de la France, avec des implications devant appeler à une plus grande prudence de la part de Paris. En effet, il apparait, du fait de la logique qui sous-tend ces déclarations, que Berlin vise avant tout à prendre l’ascendant global sur l’Europe en matière de Défense. Et pour cela, les autorités allemandes devront affaiblir l’image de la France sur la scène européenne, tout comme sa puissance technologique et militaire. Car si les allemands sont prêts à accepter une tutelle américaine, il n’en va visiblement pas de même d’une tutelle française, fut-elle limitée aux questions de dissuasion.

IST F18 Super Hornet Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les declarations en faveur de la dissuasion américaine faite par la ministre allemande de La Défense vont sans aucun doute redonner des couleurs à l’offre américaine de F-18 E/F Super Hornet pour remplacer les Tornado allemands, notamment ceux en charge des missions nucléaires pour l’OTAN.

La question est désormais de savoir comment Paris répondra à ces annonces. Pour le président Macron, le partenariat franco-allemand était au coeur du projet porté en matière de Défense pendant la campagne présidentielle. Mais force est de constater que la vision présidentielle diverge désormais des ambitions allemandes, beaucoup plus hégémoniques. Sachant que Berlin n’ignore pas que l’opinion publique française n’acceptera jamais un transfert de la dissuasion sous commandement européen, on peut s’interroger sur les motivations allemandes pour en faire un axe de négociation.

Peut-être s’agit il, on peut le penser, de créer une narration internationale suffisante pour justifier d’une rupture avec le traité de non prolifération, ou une porte-ouverte à Washington pour étendre davantage la coopération en matière de dissuasion. N’oublions pas, à ce titre, que nombreux sont ceux, dans la classe politique allemande, à estimer que Paris devrait également céder son siège de membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unis, nonobstant l’inconstitutionnalité de cette exigence.

Maquette du SCAF Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Les nombreuses divergences franco-allemandes en matière de vision de La Défense européenne devrait inviter les autorités françaises à plus de précaution concernant les impasses technologiques accordées à l’Allemagne dans le cadre des programmes SCAF et MGCS

Reste que les programmes franco-allemands actuels, comme le SCAF et le MGCS, reposent sur une intrication des bases industrielles et technologiques de Défense des deux pays. Or, si l’industrie allemande n’a pas encore les capacités suffisantes pour prétendre à l’autonomie, ce n’est pas le cas de la France, qui disposent de l’ensemble des compétences et savoir-faire pour mener à bien tous ses programmes de défense. Dès lors, pour l’Allemagne, il est possible de mener à bien ces projets, à terme ou en partie, sans perdre de compétences industrielles, et même en gagnant de nouvelles, ce qui n’est pas le cas de la France, qui va nécessaire devoir perdre des compétences, faute de contrats nationaux.

On peut dès lors s’interroger sur leur opportunité, dans le contexte politique actuel, ou tout au moins sur l’opportunité de les mener sans developper, concomitamment, des programmes complémentaires visant à garantir l’efficacité militaire et industrielle du pays, en autonomie, quelque soit la conclusion de ces programmes. Il ne s’agirait pas de subir, avec l’Allemagne, ce que la France avait réussi à éviter de la part des Etats-Unis après la seconde Guerre Mondiale …

L’Inde pourrait « reporter » la construction de son 3ème porte-avions

Depuis une dizaine d’années, la doctrine de la Marine Indienne prévoyait de disposer de 3 porte-avions à horizon 2030. Outre le Vikramaditya déjà en service, et le Vikrant en cours de construction, tous deux des navires équipés d’un tremplin, la Marine Indienne devait, au début des années 2020, entamer la construction du Vishal, un porte-avions plus lourd et équipé, cette fois, de catapultes, permettant de lancer des appareils avec un chargement de carburant et de munitions supérieur, et donc d’en augmenter les capacités opérationnelles.

Mais l’Inde fait également face, depuis 2 ans, à un ralentissement économique sensible, et plusieurs programmes militaires en ont déjà fait les frais. La Marine Indienne a été particulièrement touchée par la révision budgétaire, et le format de la flotte en 2030 a ainsi été revue à la baisse, passant de 200 navires prévus à seulement 175. Et le porte-avions Vishal risque fort de faire parti des programmes qui seront retardés, si pas simplement annulé. C’est du moins ce qui ressort d’une interview donnée par le Chef d’Etat-Major Indien, le General Bipin Rawat, dans laquelle il présente le programme Vishal comme n’étant pas « d’actualité » face aux besoins immédiats de la Marine Indienne.

INS Vikramaditya during trials Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
L’INS Vikramaditya lors de ses essais à la mer en 2015. Ce navire est un Retrofit du porte-aéronef Baku, de la classe Kiev, acquis auprés de la Russie après son déclassement en 1997.

La confiance dans l’utilité d’un nouveau porte-avions avait déjà été remise en question il y a quelques mois par l’opposition indienne, critiquant la vulnérabilité de ces navires face aux missiles balistiques anti-navires à longue portée dont disposerait la Chine, comme le DF-21D ou le DF-26. Au delà de cette vulnérabilité supposée, le porte-avions reste une arme de projection de forces, de sorte à amener une importante puissance de feu au plus prêt d’une zone de combat, lorsqu’aucune base aérienne n’est disponible à proximité.

Or, dans le cas de l’Inde, un pays très peu porté sur les opérations exterieures, l’utilisation du porte-avions serait avant tout concentré sur la protection des zones et des dispositifs navals. Le besoin, dans ce cas, en matière d’appareils plus lourdement armés est moindre, les avions étant pour l’essentiel équipés pour des missions défensives air-air. On comprend, dès lors, le manque d’empressement du chef d’Etat-Major pour investir dans le developpement d’un nouveau porte-avions, un programme de prés de 10 Md$ qui durera plus de 10 ans, alors que le besoin en matière de sous-marins d’attaque et de frégates est urgent et plus marqué.

Mig29Kub Indian navy Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
Mig-29 KUB Indien sur le pont de l’INS Vikramaditya

Reste que cette décision pourra avoir une influence significative sur le programme visant à acquérir 57 nouveaux avions de combat embarqués pour épauler les quelques quarante Mig 29 actuellement en service. En effet, si aujourd’hui le Rafale français et le F/A 18 E/F Super Hornet américain sont considérés comme les deux principaux compétiteurs, c’est avant tout lié aux capacités de ces deux appareils à soutenir un catapultage à partir d’un pont d’envol, tout en étant « capables » de décoller d’un tremplin. Si les deux avionneurs, Dassault et Boeing, ont effectué des simulations numériques pour valider cet usage, aucun des deux avions ne l’a démontré effectivement. En revanche, le Mig 29K, déjà en service, a été spécialement conçu à cet effet.

On comprend dès lors que si le Vishal venait à être effectivement reporté au delà de 2030, l’avionneur russe verrait sa position largement d’améliorer dans cette compétition. C’est d’autant plus vrais que le Mig-29K est sensiblement moins cher que ses homologues français et américains. Et même si l’avion russe a des performances moindres, notamment un rayon d’action plus limité, rien ne permet, pour l’heure, de clairement comparer les performances des 3 appareils avec un décollage sur tremplin, car Rafale comme Super Hornet devront, eux aussi, sensiblement limiter leur emport de carburant et de munitions. En outre, le Mig29K étant un bi-reacteur, il serait naturellement privilégié face au Tejas de facture locale qui, même s’il a démontré ses capacités à opérer d’un tremplin, reste un mono-reacteur, une caractéristique handicapante pour l’aviation embarquée.

INS Kalvari sent to the dock for setting afloat to Naval Dockyard Mumbai Contrats et Appels d'offre Défense | Actualités Défense | Aviation d'entrainement et d'attaque
La Marine Indienne a un besoin urgent de sous-marins d’attaque modernes capables de contenir la flotte Pakistanaise et chinoise.

De fait, avec le report du Vishal, la Marine Indienne risque donc de privilégier l’acquisition d’une quarantaine de Mig-29K, pour constituer la chasse embarquée du Vikrant, plutôt que de maintenir son appel d’offres pour 57 avions de combat mixtes. En procédant ainsi, elle pourrait économiser de 3 à 4 Md$, lui permettant de financer davantage de frégates, destroyers ou sous-marins. L’offre faite il y a 5 jours par la Russie pour entamer la livraison de nouveaux Mig-29K dès 2021 prend, dès lors, beaucoup de sens.